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Liban - Soldats otages

« Le gouvernement doit libérer nos enfants, sinon qu’il démissionne »

Les familles ont menacé, hier, à l'occasion du second anniversaire du rapt des soldats, de recourir à nouveau à la rue.

Des proches des militaires otages rassemblés le 31 juillet 2016, place Riad el-Solh à Beyrouth, afin de commémorer les deux ans du rapt de leurs enfants. Ils réclament au gouvernement de libérer les soldats des mains du groupe État islamique. Photo Rania Raad Tawk

Les familles des neuf militaires pris en otage par les jihadistes du groupe État islamique en août 2014, lors des affrontements avec l'armée dans le jurd de Ersal, ont célébré dimanche dans la plus grande tristesse la seconde année de leur captivité à travers une cérémonie et un sit-in organisés devant les tentes dressées face au Grand Sérail, place Riad el-Solh, dans le centre-ville de Beyrouth.

À midi, plusieurs membres des familles, des activistes et des notables des localités dont sont originaires les soldats ont pris la parole sous un soleil de plomb et devant une assistance assez timide où aucune présence officielle n'était remarquée, afin de rappeler au gouvernement qu'il doit assurer la libération des otages. Les intervenants ont par ailleurs mis en garde les responsables contre une éventuelle mise en veilleuse de ce « dossier humanitaire urgent ».

« L'armée ne doit pas célébrer sa fête (le 1er août) alors que ses enfants sont en captivité. Quel père accepterait de faire la fête au moment où son fils est captif et humilié ? », a lancé Hussein Youssef, porte-parole des familles des otages, dans un entretien à L'Orient-Le Jour avant le début de la cérémonie. Il a par la suite appelé le gouvernement à démissionner s'il ne pouvait pas obtenir la libération des militaires. « Le gouvernement doit trouver le moyen de libérer nos enfants, sinon qu'il démissionne, c'est sa responsabilité de protéger ses citoyens et ses soldats », a-t-il dit. « Il n'est plus permis de répondre aux familles : il n'y a rien pour le moment ou rien de neuf. Vous devez aux familles des informations concernant leurs proches », a-t-il ajouté. « Accepteriez-vous que vos enfants soient emprisonnés et humiliés et que leurs petits et leurs mamans les pleurent nuit et jour ? Pouvez-vous célébrer votre fête alors que vos fils sont en captivité et humiliés ? » a-t-il lancé à l'adresse du commandant en chef de l'armée, Jean Kahwagi, et des officiers supérieurs.

(Pour mémoire : « Aujourd'hui, je regrette les temps où nous recevions des menaces des ravisseurs... »)

« Il se peut que nous bloquions des routes, car le gouvernement ne nous donne aucun espoir, nous allons probablement recourir à l'escalade », a pour sa part confié Alaa, la sœur du militaire otage Hussein Ammar, à L'OLJ. « Je n'ai plus de larmes pour pleurer, et l'ambiance à la maison est morose, ma mère est presque tout le temps en colère, mon frère lui manque énormément et elle a peur pour lui, elle ne sait pas s'il est toujours en vie. Nous avons besoin de la moindre information qui puisse nous réchauffer le cœur », dit-elle.

Souffrances partagées

« Certains politiciens disent dans les salons en ville que nous finirons par oublier nos enfants, nous leur répondons : jamais ! Nous ne baisserons jamais les bras et nous allons tout faire pour vous obliger à suivre ce dossier comme il le faut : nous allons bloquer des routes à nouveau s'il le faut, et vous priver du sommeil dont vous nous avez privés depuis deux ans déjà », lance de son côté Nizam Mghayt, frère d'Ibrahim, un des neuf militaires retenu en otages.

Ghinwa, épouse du soldat Mohammad Hussein Youssef, a exprimé sa colère envers le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk : « Il estime que ce n'est pas grave si mon mari est égorgé, car il sera considéré comme un martyr, lâche-t-elle avec amertume. Dans ce cas, je lui dis que mon fils deviendra un terroriste qui ira venger son père... » Elle a par ailleurs fait assumer la responsabilité de l'absence de toute forme de communication avec les ravisseurs au même ministre « suite à l'opération d'envergure qu'il avait menée à la prison de Roumieh contre les islamistes ».

Des dizaines de proches se sont rassemblés depuis 9 heures devant les tentes dressées depuis deux ans en attendant le retour des militaires restants (seize d'entre eux, pris en otage par le Front Fateh el-Cham (ex-Front al-Nosra), avaient été libérés le 1er décembre 2015). Quatre militaires avaient malheureusement été tués auparavant par leurs ravisseurs. Les parents de détenus, les larmes aux yeux, ont essayé de dessiner tant bien que mal un sourire de courtoisie à l'approche des journalistes et des photographes. Plusieurs mères de disparus dans les prisons syriennes sont venues apporter leur soutien aux mères des militaires. Côte à côte, elles se consolent comme elles peuvent en tenant fermement près de leur cœur leurs portraits, seul souvenir qui leur reste de leurs proches.

(Dossier : Qui sont les militaires libanais otages ou ex-otages des jihadistes?)

Le père de Samir Kassab, photographe libanais kidnappé à Alep en Syrie le 15 octobre 2013 et porté disparu depuis, est venu en compagnie de son autre fils exprimer sa solidarité avec les familles des otages. « Je partage leur souffrance et je viens demander à l'État d'assumer ses responsabilités envers ses soldats et envers mon fils », a dit Antoine Kassab à L'OLJ.

Un peu plus tard, le Premier ministre, Tammam Salam, promettait aux familles que le gouvernement fera tout pour assurer leur libération. « À l'occasion de la fête de l'Armée, nous saluons nos fils militaires pris en otage par les groupes terroristes et nous assurons à leurs proches que l'État libanais ne ménagera pas ses efforts afin de mettre un terme à cette tragédie, comme il l'a fait avec la libération des autres militaires », a assuré M. Salam, dans un communiqué de presse.

« Que quelqu'un nous réponde... »

Vers 13 heures, le rassemblement a pris fin. Quelques proches des militaires sont restés dans leurs tentes, place Riad el-Solh.

Le sort de ces neuf militaires toujours aux mains de l'EI est plus que jamais incertain, aucune information sur leur situation n'ayant filtré depuis près d'un an et demi. Leurs proches craignent surtout qu'ils soient déjà morts, mais n'importe quelle information reste actuellement la bienvenue. « Qu'ils soient morts ou vivants, dites-le nous ! Que quelqu'un nous réponde au moins ! » s'est lamentée une des mères éplorées. « Nous ne voulons plus demander à quiconque de nos enfants et supporter l'humiliation de l'attente. C'est notre droit de savoir et c'est notre droit de faire tout ce qu'on peut pour aboutir à la libération de nos enfants, des soldats pris en otage en défendant les frontières », a repris Hussein Youssef qui est resté digne face à la douleur.

« Nous sommes là aujourd'hui pour dire à notre gouvernement : n'oubliez pas Mohammad, Ibrahim, Hussein, Abdel Rahim, Ali M., Seif, Moustapha, Khaled et Ali, et tous les autres disparus à un moment de la guerre du Liban. Leurs parents ont le droit de savoir quel sort leur a été réservé », explique un activiste brandissant à la main une photomontage regroupant les portraits des neuf soldats sous le drapeau libanais.


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