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Moyen Orient et Monde - Reportage

Entre guerre et paix, un week-end de Pâques à Damas

Mahmoud (au centre), le derviche tourneur syrien blessé dans les attentats de Paris, lors de son spectacle pour la délégation française. Photo S.H.

Passer le week-end pascal en Syrie, en solidarité avec les chrétiens de ce pays qui y luttent pour leur survie, tel a été le projet de l'association SOS Chrétiens d'Orient, aidée par l'association syrienne al-Karma, présidée par Hala Chaoui. Cinq députés français du parti Les Républicains ont été séduits par l'idée, et c'est donc une délégation d'une vingtaine de personnes, dont des chercheurs, des spécialistes de la communication, des journalistes et des personnalités soucieuses de lancer des projets sociaux en Syrie, qui a pris vendredi le chemin de Damas à partir de l'aéroport de Beyrouth, à bord d'un bus relativement poussif...

À peine franchie la frontière libanaise, le groupe, mené par Thierry Mariani (chef de La Droite populaire qui compte 38 députés à l'Assemblée nationale française sous la bannière Les Républicains) et comprenant notamment les députés Virginie Boyer, Denis Jacquat, Michel Voisin et Nicolas Dhuicq, a enfin pu descendre du bus pour monter à bord de voitures et de vans plus fiables escortés par des motards et des véhicules de la police syrienne. Ils sont immédiatement devenus ce que les Damascènes appelleront tout au long de ces 48 heures avec beaucoup de sympathie « la délégation française » en visite à Damas. La nuit est déjà tombée et une certaine angoisse étreint les visiteurs sur cette longue route presque déserte, où les habitations sont rares. Les quatre checkpoints de l'armée, qualifiés de très stricts par les passants, saluent avec respect la délégation qui finit par atteindre les faubourgs de Damas, où la circulation se fait plus dense et où la vie semble se normaliser, sur fond d'affiches électorales. La première visite est consacrée à l'église Saint-Ananie, où saint Paul s'est converti au christianisme.

Dans ce quartier chrétien de Damas, en ce vendredi saint pour les catholiques, la foule est nombreuse, émue et recueillie. Les habitants sont heureux de voir la délégation et veulent raconter à ses membres leur émotion de voir leur pays déchiré par la guerre, leur détermination à défendre leurs croyances à n'importe quel prix et l'espoir revenu depuis l'annonce de la trêve. Les habitants racontent que ce quartier était particulièrement visé par les obus des rebelles, mais que depuis trois semaines, c'est le calme total. Même le vrombissement des avions ne vient plus briser le silence épais de la nuit. Les Damascènes veulent croire que c'est la fin de la guerre, mais il y a beaucoup de questions dans leurs regards et dans leurs silences. Dans tous les lieux visités par « la délégation », ils chercheront à l'aborder en toute simplicité et avec des sourires qui dissimulent mal des larmes à peine contenues. À Damas, chaque famille a désormais sa tragédie, sa douleur et en même temps sa force.

Blandine Verrier, représentante de SOS Chrétiens d'Orient à Damas depuis près de deux mois, a appris à aimer les habitants de la ville qui le lui rendent bien. Cette jeune femme dynamique et souriante est toujours par monts et par vaux pour aider la population, et en particulier les chrétiens, à rester dans leur pays. Elle connaît désormais mieux que les chauffeurs de taxi la route entre Damas et Maaloula en passant par Kara, et elle a parfaitement assimilé le rituel dans les maisons, avec le café ou le thé, suivi par les fruits puis par d'énormes tranches de gâteau... Elle a choisi de venir en volontaire à Damas parce qu'elle se sent concernée par la cause des chrétiens d'Orient et elle assure que les Français sont « aussi sensibles à cette cause, même si le système politique et une partie importante des médias préfèrent l'ignorer »... La délégation française est d'ailleurs assez critique envers la politique française sur la Syrie. Le député Thierry Mariani le dira clairement au cours de la rencontre organisée entre les membres de la délégation et les étudiants de l'Université de Damas. Fondée en 1923, cette université se veut un phare culturel dans la région et surtout un havre de laïcité, « cette laïcité arabe », selon l'idée lancée par le président syrien Bachar el-Assad et reprise par les intellectuels qui évoluent dans son orbite, qui se veut un mélange de société civile qui respecte les particularités confessionnelles et ethniques et préserve la spiritualité religieuse au lieu de chercher à la gommer.


(Lire aussi : "Notre cauchemar, c'est de ne plus pouvoir parler de présence chrétienne en Irak et en Syrie")

 

Préserver « une Syrie multiple »
Au début de la rencontre, l'atmosphère est un peu guindée, mais les députés français sauront mettre à l'aise les étudiants et les encourager à s'exprimer en toute liberté. Qu'ils soient étudiants en économie, en droit ou en génie, ils veulent tous participer à la reconstruction de leur pays, chacun dans son domaine. Mais ils ne cachent pas leur incompréhension de la position officielle de la France « qui classe les Syriens en bons et méchants, selon des enjeux politiques, alors qu'il y a avant tout une population qui souffre et des jeunes qui craignent de perdre leur avenir ». Thierry Mariani leur dira que, hélas, dans toutes les guerres, la première victime est la vérité, et la seconde, les jeunes. Mais ils ne doivent pas perdre confiance dans l'avenir. Les étudiants ont parlé de leur volonté de préserver une Syrie multiple, où les femmes jouent un rôle important dans la société, mais ils ne se sentent pas soutenus par les médias occidentaux « réducteurs et injustes ». Les députés français ont répondu que leur visite à Damas en ce week-end pascal est justement un message de solidarité, ajoutant que l'opinion publique française est en train de changer à l'égard du conflit syrien. Mais c'est surtout la jeune Hala qui a suscité l'émotion au sein de la délégation en exprimant son souhait de voir un jour « son Lycée (français) » à Alep rouvrir ses portes et les étagères des bibliothèques se remplir de nouveau d'ouvrages français. Elle a dit aussi qu'elle rêvait que les programmes d'échanges entre les étudiants français et syriens reprennent pour que les jeunes de Syrie ne se sentent plus aussi abandonnés.

Le débat terminé, les jeunes sont spontanément venus parler avec les membres de la délégation, sans agressivité ni amertume, mais en cherchant plutôt à comprendre l'attitude du gouvernement français. Les députés ont affirmé que la population française « n'est pas forcément d'accord avec la politique de son gouvernement sur la Syrie ». Ils ont aussi encouragé les jeunes à agir en leur rappelant qu'ils sont l'avenir de la Syrie et que leur pays sera ce qu'ils en feront. « Vous avez le droit de choisir seuls votre destin, ont dit les Français aux jeunes Syriens. Votre pays doit redevenir celui où chacun vit en harmonie avec les autres et en attendant que nos relations redeviennent normales, sachez que vous avez en France beaucoup d'amis. »


(Lire aussi : « Tu es un chrétien de Lattaquié et tu critiques la Russie ? »)

 

Choc un peu rude...
C'est par cette phrase que la rencontre à l'Université de Damas s'est terminée... Le cap a été mis ensuite vers le plus vieux café de Damas, al-Nafoura, où la délégation a eu droit à un spectacle de derviches tourneurs d'une rare élégance. Mahmoud, la star des derviches, s'est déjà produit au Louvre et, comme il l'a confié lui-même aux Français, il a échappé aux bombardements de Damas, mais a été blessé lors des attaques de Paris le 13 novembre dernier. Son bras est déformé, mais cela n'enlève rien à sa grâce naturelle et à l'harmonie de ses mouvements lorsque, sur les prières soufies, il entre pratiquement en transe, le visage éclairé d'une incroyable extase. La délégation française a aussi assisté à un spectacle musical exquis à l'opéra de Damas, où un chœur formé de 14 jeunes gens et de 12 jeunes filles a raconté la Route de la soie par des chansons folkloriques en chinois, japonais, hindou, kazakh, indonésien, arménien, syriaque, araméen et arabe, avant d'entamer un mélange de chants religieux chrétiens et musulmans, arrachant des larmes d'émotion aux présents.

Pour les organisateurs du voyage, Hala Chaoui et les membres fondateurs d'al-Karma dont deux députés, un chrétien d'Alep et un ismaélite, il s'agissait de montrer à la délégation que la Syrie reste un pays de culture et d'ouverture et que les années noires de la guerre n'ont pas réussi à détruire le tissu social syrien. La délégation a enfin assisté à la remise du trophée de la Fidélité au club hippique de Damas. Après le raffinement du concert à l'opéra, le choc est un peu rude, car ce spectacle destiné à rendre hommage à l'armée syrienne s'est déroulé sur un mode qui rappelle un peu les jours glorieux du Baas. La Syrie a beau changer, certaines choses restent les mêmes, ou ont du mal à s'effacer, mais ce n'est pas la volonté qui manque.

Les Syriens rencontrés au cours de ce périple ont tous exprimé leur souhait de préserver la diversité dans leur pays, estimant qu'elle est la meilleure arme contre Daech et ses semblables. S'ils critiquent certains aspects du régime syrien, ils expliquent que l'alternative a été un échec et qu'aujourd'hui, la priorité est à la stabilité et à la préservation d'un mode de vie syrien, dans une société multiculturelle. Ils ne sont pas heureux, mais ils sont pleins d'espoir, surtout depuis la trêve et les perspectives de la reconstruction qui, en dépit d'une possible corruption, devrait profiter à tout le monde, riches et pauvres. Le mot de la fin, c'est le patriarche Grégoire Laham qui le dira en célébrant la messe de Pâques : La paix est la plus grande des patries.

 

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commentaires (4)

Uuuuuuuft ! Chîîî tïïïîîîlé ktîîîr !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 37, le 29 mars 2016

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Commentaires (4)

  • Uuuuuuuft ! Chîîî tïïïîîîlé ktîîîr !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 37, le 29 mars 2016

  • on est loin de la paix .... Une pause , simplement

    FAKHOURI

    14 h 45, le 29 mars 2016

  • Les 1ères victimes d'une guerre du complot sont - la vérité - la jeunesse Merci d'exister Scarlett pour nous rapporter ces paroles de vérité qui , blessent encore certaines victimes collatérales de ces comploteurs . Le régime légitime du héros Bashar semble avoir enfin mangé son pain noir . Les comploteurs bactérifiés vont commencer le leur .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 14, le 29 mars 2016

  • la politique...une syrie soit disant laique avec comme prin cipal allie la republique islamiste d iran pays tout sauf laique....

    HABIBI FRANCAIS

    04 h 50, le 29 mars 2016

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