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Liban - Focus

Le plan des décharges : retour à l’ancien système ?

Alors que la course à la solution de la crise se poursuit, une source bien informée (et anonyme) donne sa vision de ce qui a conduit à l'échec des différentes tentatives de règlement.

Des déchets empilés à La Quarantaine à perte de vue. Photo Sami Ayad

Même si le nouveau plan de sortie de crise du gouvernement, fondé sur la réouverture de décharges anciennes (ou la réhabilitation de dépotoirs pour y jeter les déchets) n'est pas pour l'instant certifié, force est de constater que les propositions du gouvernement sentent le réchauffé, avec des noms de sites qui sont tous très familiers aux oreilles des Libanais : Naamé, Bourj Hammoud, Srar, etc.
Certains redoutent que les échecs successifs des autorités n'aient eu pour conséquence immédiate (sinon pour cause initiale) de redorer le blason des acteurs du système qui a régné durant 18 ans, c'est-à-dire la compagnie Sukleen et le Conseil du développement et de la reconstruction, et qui est dénigré depuis juillet (voir par ailleurs le texte portant sur la réunion de la commission parlementaire des Finances) sans que des comptes ne soient (encore) demandés à personne.

« Avec les décharges qui seront aménagées pour recevoir les déchets et les appels d'offres qui ont été annulés en août dernier quelques heures seulement après l'ouverture des plis, à qui fera-t-on appel pour assurer les services ? À la compagnie qui a monopolisé la collecte et le traitement durant toutes ces années », souligne une source proche du dossier. « Et le pire, poursuit-elle, c'est de revenir à un plan fondé sur l'enfouissement de plus de 80 % des déchets, et pour une période illimitée, avec un coût de détérioration écologique estimé à plus de 140 millions de dollars par an, selon des chiffres de 2014. »

 

(Lire aussi : 608 millions de dollars dépensés pour rien, selon Samy Gemayel)


Revenant sur cet épisode encore très obscur de la crise, celui des appels d'offres, cette personne qui tient à l'anonymat évoque les pressions exercées sur tous ceux qui y ont travaillé, parlant même d'un « sabotage ». Pour rappel, le plan proposé par le gouvernement dès 2014, qui visait à remplacer la décharge de Naamé, avait divisé le Liban en six régions devant être gérées par des compagnies privées, qui devaient elles-mêmes proposer des sites de décharges. Toujours selon cette source, les retards dus aux différentes complications administratives et politiques ont repoussé l'échéance des appels d'offres jusqu'au-delà du fatidique 17 juillet 2015, qui marqua le début de la crise qui devait inonder les rues de déchets. En d'autres termes, « les appels d'offres et l'annonce de l'identité des compagnies qui les ont remportés pour les différentes régions n'ont pas eu lieu dans des circonstances normales ».

Et de poursuivre : « Les prix annoncés ont soulevé un tollé parce qu'ils incluaient le balayage, alors que, analysés comme il le fallait, ils s'avèrent nettement moins chers que ceux que payait l'État jusque-là, surtout que l'enfouissement allait se réduire à un volume de 25 à 40 % des déchets, avec une diminution progressive. »
Selon cette source, l'annulation de ces appels d'offres moins de 24 heures après leur annonce « n'était pas due à la pression de la rue, comme on aurait pu le croire, mais au mécontentement d'un grand leader qui, dit-on, aurait préféré une autre compagnie que celle qui a remporté l'appel d'offres pour cette région ».
Rappelons que la société civile avait dénoncé un processus qui aurait « livré la gestion des déchets du pays à six Sukleen au lieu d'une » et que sa revendication principale était de donner aux municipalités le rôle qui devait leur revenir. D'ailleurs, qui peut juger de ce qu'aurait été l'action de ces opérateurs qui avaient leurs propres « connections politiques » ? N'est-ce pas le mécontentement politique sur les « parts » qui a condamné ces appels d'offres à l'échec ?


L'exportation... dès octobre
Que ces appels d'offres aient été « sabotés » ou pas, et même si la source précitée pense qu'il serait possible d'en profiter dans l'avenir immédiat, il n'est pas question d'y revenir et d'accorder une moyenne de six mois à de nouveaux opérateurs, affirme un ministre interrogé. Pour Raja Noujaim, militant et coordinateur de la Campagne contre le plan gouvernemental de gestion des déchets, bien que « nombre d'opérateurs (pas tous) ayant participé à ces appels d'offres aient des capacités réelles sur le terrain, ces appels d'offres ont été effectués sur base d'un cahier des charges caduque et ne pouvaient donc être que caduques, donc inaptes à être considérés comme une base de solution ». Le militant s'insurge également contre « l'insistance des autorités à vouloir revenir incessamment sur une solution fondée sur les décharges et un enfouissement total ».


(Lire aussi : Vers des décharges par régions ?)


La Campagne contre le plan gouvernemental de gestion des déchets propose actuellement un plan de sortie de crise pour le règlement de la question des déchets accumulés (estimés à 150 000 à 200 000 tonnes) par des « opérateurs spécialisés ». Un plan fondé sur un tri professionnel de ces déchets empilés, avec traitement par catégorie d'ordures, contraire aux débats se déroulant actuellement en commission ministérielle.
Quoi qu'il en soit, le « sabotage » dont parle la source précitée à propos des appels d'offres ne s'est pas arrêté là, suivant ses observations. « Ce qui a fait échouer le premier plan du ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb, c'est qu'il se fondait sur trois grandes décharges et l'enfouissement de plus de 90 % des ordures, toujours selon cette source. Peut-être que l'intention à la base était de rassurer le public en le confortant dans ses convictions – futur rôle des municipalités, système de tri à venir, etc. – mais l'option de l'exportation pointait déjà à l'horizon. Des compagnies intéressées par la lucrative exportation rôdaient déjà autour du gouvernement en octobre, alors que la décision d'exporter les déchets n'a été annoncée que le 21 décembre. »

Elle poursuit son analyse : « Je pense que Chinook devait être la seule compagnie retenue et quelle comptait charger un peu moins de 180 dollars la tonne (pour le transport seulement). Mais sous la pression, les autorités ont inclus d'autres compagnies, dont la néerlandaise Howa. Le prix plus bas que celle-ci a proposé a obligé Chinook à baisser le sien. Mais elle a été évincée par la nécessité d'assurer une garantie bancaire à temps. »
Chinook est donc restée seule à bord jusqu'à l'accusation de fraude par un responsable russe et l'annonce de son incapacité à produire une autorisation en règle de ce pays, supposé être la destination des déchets. Une accusation de fraude qui n'a encore entraîné aucune enquête sérieuse, rappelons-le.
Quoi qu'il en soit, c'est le retour aux grandes décharges, donc à une option centralisée, derrière laquelle pointe une autre « solution durable », celle des incinérateurs pour l'achat desquels le CDR (toujours lui) a déjà lancé un appel d'offres. Nouvelle polémique en perspective...

 

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Même si le nouveau plan de sortie de crise du gouvernement, fondé sur la réouverture de décharges anciennes (ou la réhabilitation de dépotoirs pour y jeter les déchets) n'est pas pour l'instant certifié, force est de constater que les propositions du gouvernement sentent le réchauffé, avec des noms de sites qui sont tous très familiers aux oreilles des Libanais : Naamé, Bourj...

commentaires (4)

Tant que le pays n'est pas stable politiquement, sécuritairement et économiquement a cause de l'absence d'un Président de la République, aucun gouvernement n'en fera rien car justement de grands leaders pourrons se permettre d'entraver tout nouveau projet, qui ne sied pas a leurs intérêts, puisque toutes decisions prise sous les circonstances actuelles sont illégales et anti-constitutionnelles. Avec une vie politique stable, c'est au parlement de decider et la, c'est plus difficile d'y mettre son pif.

Pierre Hadjigeorgiou

12 h 41, le 02 mars 2016

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Commentaires (4)

  • Tant que le pays n'est pas stable politiquement, sécuritairement et économiquement a cause de l'absence d'un Président de la République, aucun gouvernement n'en fera rien car justement de grands leaders pourrons se permettre d'entraver tout nouveau projet, qui ne sied pas a leurs intérêts, puisque toutes decisions prise sous les circonstances actuelles sont illégales et anti-constitutionnelles. Avec une vie politique stable, c'est au parlement de decider et la, c'est plus difficile d'y mettre son pif.

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 41, le 02 mars 2016

  • Si l'ancien système fossilisé ...par le temps perdu ...pour exporter les problèmes du nouveau système qui a foiré ....l'addition au final pour le citoyen risque d'être sévère...!

    M.V.

    12 h 08, le 02 mars 2016

  • On se demande, avec de telles qualifications de: CORRUPTION INCAPACITE TOTALE J'MENFOUTISME la liste est longue... comment tous ces beaux Messieurs ont encore l'indécence de se montrer partout en public, et même voyager dans de nombreux pays pour représenter le Liban, ce pauvre pays qu'ils sont en train de laisser être détruit de par leur propre faute ? Irène Saïd

    Irene Said

    11 h 26, le 02 mars 2016

  • "Analysis Paralysis"... Best way to look you're doing something about a topic... while actually doing your best to gain time to find ways for more corruption & incompetence...

    Hanna Philipe

    10 h 05, le 02 mars 2016

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