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Nos Lecteurs ont la Parole - Sagi SINNO

Mais où est donc Ornicar ?

Accolades, embrassades. Sourires, fous rires. Plaisanteries, cravates fleuries. Les barrières sont levées. La glace se brise. Les normes sociales se fracassent. Les cœurs s'ouvrent. Les tabous tombent. L'amour se libère.
Acte I : En ce début 2016, le Liban est un immense Woodstock-69. Tout commença lorsque l'ancien Premier ministre Saad Hariri – supposé être l'allié du chef des Forces libanaises Samir Geagea au sein du 14 Mars – évoqua un mélange de raison d'État, de force majeure et d'intérêt social impérieux – dont il refusa pourtant de dévoiler le secret au commun des mortels – et décida de coordonner, en vue d'une candidature à la présidence de la République, une alliance avec une figure du camp opposé – le député Sleiman Frangié – qui est, par ailleurs, l'allié intime du tyran de Damas et le farouche adversaire de Samir Geagea. Fastoche ! L'allié de mon ennemi = l'adversaire de mon allié = mon allié. La transitivité est intacte. Le syllogisme est parfait.
Acte II : « Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?! » Le Hakim n'est pas très content. À son tour, il décida de coordonner une alliance avec l'autre figure chrétienne du camp opposé – le député Michel Aoun –, qui est à la fois son adversaire historique, l'adversaire de son allié du 14 Mars – S. Hariri – et l'allié de son farouche adversaire – S. Frangié –, candidat de Hariri. Coup de théâtre ! Dans un remake du 22 septembre 1988, le chef des Forces libanaises choisit de soutenir le général Aoun en faisant table rase des 14 février 1989 et 31 janvier 1990 qui l'avaient pourtant rapidement suivi. Mais peu importe. Même si l'image semble un peu brouillée, la symétrie avec le jeu de Hariri n'en est pas moins parfaite sur l'échiquier du Hakim, et ce qui compte par-dessus tout, c'est de rendre coup pour coup. Dorénavant, ce superaccord supraconstitutionnel doit être encensé à longueur de journée, y compris par des maîtres chanteurs qui font leur pèlerinage au lieu même où il avait été, dans une mise en scène tout juste sortie de Broadway, officialisé. Toute critique est également prohibée, sous peine que son auteur ne se voit allumer par les brûlots très indignés, l'accusant automatiquement du délit du mauvais œil, de trahir l'unité chrétienne ou, paradoxalement, de faire preuve de communautarisme exécrable.
Acte III : Sauf que non, non et non ! Le président de la Chambre des députés, Nabih Berry, n'est pas très content. Il coordonne alors, entre autres, avec l'ex-allié – S. Hariri – du nouvel allié – S. Geagea – de l'allié – M. Aoun – de son principal allié – le Hezbollah –, et ce afin de saboter les effets de l'accord de Meerab et de barrer la route de Baabda à l'allié de son allié. Personne ne l'obligera à voter contre ses convictions : ni ses adversaires ni ses alliés ! Fin de non-recevoir. Circulez, il n'y a rien à voir ! Qu'en est-il du député Walid Joumblatt ? Pour favoriser la candidature du beik de Zghorta qui est son ex-adversaire/nouvel allié du 8 Mars, le beik de Moukhtara avait coordonné, plutôt étroitement, avec son ex-néoallié de feu 14 Mars, cheikh Saad Hariri. Mais une fois que Meerab fut jumelée, de facto, avec Versailles, suite à la signature du traité de paix historique du 27 Nivôse an I de la Sainte-Réconciliation révolutionnaire (correspondant au 18 janvier 2016) précité, Moukhtara dut amèrement abandonner sa coordination avec Koraytem et Bnachii, puis adoucir cet après-goût acerbe en revenant à la candidature Hélou.
Acte IV : Les Kataëb, non plus, ne sont pas contents. Fidèles à eux-mêmes, ils boudent leurs deux alliés du 14 Mars. Ils refusent de voter pour un candidat du 8 Mars même si, apparemment, ils s'activeraient pour voir s'il y aurait une possibilité de coordination avec l'autre camp, mais directement à la source, à savoir : le Hezbollah. Quant à certains députés chrétiens indépendants au sein du 14 Mars, leurs coordinations avec leurs alliés (Saad Hariri, d'une part/ Samir Geagea, d'autre part) sont restées tout aussi indépendantes l'une de l'autre. Efficace.
Acte V : Entre en scène Ornicar, citoyen libanais, sympathisant du mouvement souverainiste du 14 Mars dans son ensemble, mais n'appartenant à aucun des partis politiques l'ayant récupéré. Il est complètement perdu entre toutes ces conjonctions de coordination. Il en devient littéralement la somme. Il aurait préféré qu'elles ne soient que grammaticales, mais elles sont très politiciennes. Plongé dans ce casse-tête, il a le sentiment d'attendre Godot. On lui dit d'être content, mais il n'y arrive pas. Il se cherche dans ce festival offenbachien, mais il n'aime pas ce qu'il trouve. Des valses à mille temps, mais entre ego démesurés. Des victoires, mais à la Pyrrhus. Des paix, mais à l'odeur de guerre. Des réconciliations entre meilleurs ennemis, enceintes de conflits entre les pires amis. Un pardon longtemps attendu, mais mû par un désir de vengeance parallèle. Des pages noires enfin tournées, annonçant des chapitres encore plus sombres. Des brèches du pont d'un navire enfin colmatées, mais par le bois prélevé de sa coque. De très belles formules, mais précédées d'un « ci-gît ». Une musique formidable, mais de requiem. Des maquillages très réussis, mais faits au corps national, avant l'adieu final. Ornicar ne peut s'empêcher de remarquer, surtout, que si la conjoncture actuelle est favorable aux conjonctions de coordination, elles finissent toutes, néanmoins, par fusionner en une seule conjonction de subordination au Hezbollah. En effet, le parti-guide de l'Etat et de la société se fait attendre. Il choisit un candidat sans le choisir, et renonce à l'autre sans y renoncer. Il faut l'excuser, il n'a pas que cela à faire. Sans la moindre similitude avec le « Sieg ! Heil ! », il répète à sa caste supérieur de « gens les plus honorables », campagne après campagne, bataille après bataille, pays après pays : « On vous promet la victoire ! » Serait-il temps, comme semble l'indiquer la surenchère suicidaire des deux principaux partis du 14 Mars, de capituler devant lui dans une telle reddition inconditionnelle ?
« Non, Ornicar ! Mieux vaut jamais que tard ! » Retrouvant ses esprits et son kitsch solennel dans un deus ex machina aussi dramatique qu'irréaliste, Ornicar répète à tue-tête cette rime qui s'obstine, avec la longue liste des martyrs du 14 Mars déferlant en arrière-plan, à lui tarauder l'esprit.
Rideau.

Sagi SINNO

Accolades, embrassades. Sourires, fous rires. Plaisanteries, cravates fleuries. Les barrières sont levées. La glace se brise. Les normes sociales se fracassent. Les cœurs s'ouvrent. Les tabous tombent. L'amour se libère.Acte I : En ce début 2016, le Liban est un immense Woodstock-69. Tout commença lorsque l'ancien Premier ministre Saad Hariri – supposé être l'allié du chef des Forces...

commentaires (4)

O rage ...O desespoir....c'est le moment de le dire...nous assitons a une comedie ????et la fin ???

Soeur Yvette

16 h 33, le 07 février 2016

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Commentaires (4)

  • O rage ...O desespoir....c'est le moment de le dire...nous assitons a une comedie ????et la fin ???

    Soeur Yvette

    16 h 33, le 07 février 2016

  • Malgré la médiocrité de l’argumentaire du peu de leurs amis sé(yy)ides pour les défendre, il semblerait que peu nombreux sont ceux qui, dans cette Campagne montagnarde Crevassée, font preuve à l’égard de cette foultitude de zaïîîîms d’une véritable animosité et moins encore d’acharnement ! Au contraire, même dans le camp de leurs adversaires de toujours, les Libanais(h), c’est l’indulgence qui prévaut, voire la comPassion. Sans doute parce que, indépendamment d’un bilan éminemment contestable, ces bêtes zaïîîîms n’ont jamais cessé de susciter chez ces Niais libanais(h) des sentiments chaleureux ! Notamment en raison de leur "entregent!", de leur si "rigolarde" familiarité et leur éclectique propension à flatter tout autant le cul des chèvres, les esthètes que les intellectuels ; tous indigènes ; du libanîsme, les reîtres de leurs amis Arabes ou Perses que les sinistrés de la "lutte? prolétaire?".... Ordurière ! Ces derniers, exclusivement en campagne électorale bien sûr. Petits minous politiques dégingandés qu’aucune chute, jamais, ne dissuada de remonter à dos d’âne ou de mulet.... éhhh, éhhh libanais(h), ils étouffent tout un chacun sous une chaleureuse cordialité qu’ils n’ont même pas besoin de feindre tant feinte elle parait ! Dès lors, si, à un moment, quelqu’un devait se limiter à souligner l’indécence de leurs accommodements avec l’éthique quand ils devaient en être les parangons, il n’y aurait pas, semble-t-il, matière à une indignation démesurée. Mahééék ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 20, le 06 février 2016

  • "Non, Ornicar ! Mieux vaut jamais que tard ! Retrouvant ses esprits et son kitsch solennel dans un deus ex machina aussi dramatique qu'irréaliste, Ornicar répète à tue-tête cette rime qui s'obstine, avec la longue liste des martyrs du 14 Mars déferlant en arrière-plan, à lui tarauder l'esprit." ! Mais non, Sajîï, ne soyons si naïfs ! Ça ne lui effleure même pas "l'esprit?" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 34, le 06 février 2016

  • Ornicar ou orni.... CORNES ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 28, le 06 février 2016

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