Entre Samir Kantar et les Israéliens, c'était une guerre des volontés. Pendant trente ans, les geôliers israéliens ont tenté de briser la forte personnalité du jeune « Fedaï » originaire de Abey. Ils ont tout essayé, la cellule individuelle et l'isolement total, les tortures morales et parfois physiques, les humiliations et les opérations de séduction, mais Samir n'a jamais cédé et sa foi dans la résistance n'a jamais faibli. Ayant participé à une opération de commando à l'âge de 17 ans, il a été capturé par les Israéliens qui avaient décidé de ne jamais le relâcher. À ce moment-là, il n'y avait pas encore le Hezbollah et le jeune homme à peine sorti de l'adolescence avait choisi de lutter dans le cadre des organisations palestiniennes. Il avait participé à l'opération en croyant qu'il n'en sortirait pas vivant. Le sort en a voulu autrement. Après trente ans de détention, il a été libéré dans le cadre d'une opération d'échange de prisonniers entre les Israéliens et le Hezbollah. Mais au lieu de saisir au vol ce répit pour commencer une nouvelle vie, il n'a jamais modifié ses convictions et il a repris son parcours, cette fois sous la bannière du Hezbollah, dont il avait appris la naissance alors qu'il était en prison.
Il a ainsi pu suivre, même de loin, l'évolution de ce parti et ses succès successifs dans la lutte pour la libération du Liban. Samir Kantar ne croyait pas que le Hezbollah mènerait des négociations pour obtenir sa libération dans le cadre d'une opération d'échange. D'une part, il ne les connaît pas et il appartient à une autre époque de la lutte contre les Israéliens et, d'autre part, les Israéliens avaient juré de le laisser mourir en prison. Mais en 2008 (il avait déjà 47 ans), l'échange a lieu et Samir Kantar a retrouvé la liberté. Il aurait pu se contenter d'apprendre à apprécier les joies de la vie, lui qui en a si peu profité. Mais il a préféré rester dans la résistance, aux côtés du Hezbollah qui le considère comme une légende vivante. C'est donc tout naturellement à lui qu'a été confiée la mission de préparer le terrain à la naissance d'une résistance dans le Golan pour mettre un terme au rêve israélien d'une zone tampon dans ce secteur, à l'image de la ceinture de sécurité qui existait au Sud-Liban entre 1978 et 2000. Une telle perspective fait peur aux Israéliens qui ont fini par avoir la peau du résistant par conviction et par vocation. Au-delà de la douleur de perdre une personnalité aussi rare, ceux qui ont connu et aimé Samir Kantar considèrent que le sort qui lui a été réservé est un couronnement naturel et attendu pour une vie consacrée à la lutte contre l'occupation israélienne.
L'aviation israélienne a donc ciblé Samir Kantar dans l'appartement où il résidait à Jaramana dans la banlieue de Damas. En principe, l'aviation israélienne n'a pas le droit de se rapprocher des régions autour de Damas sans une autorisation de l'aviation russe qui contrôle pratiquement le ciel syrien. Mais les Israéliens se sont empressés de dire que leurs avions n'ont pas violé l'espace aérien syrien et qu'ils ont envoyé sur l'immeuble en question des obus à partir de la zone de Deir el-Achaër, un territoire libanais dans la Békaa-Ouest qui constitue une sorte de doigt pointé vers la Syrie. Pour l'instant, les circonstances du bombardement israélien contre l'immeuble de Jaramana où se trouvait Samir Kantar font l'objet d'un examen sérieux de la part du Hezbollah qui a annoncé, immédiatement après l'attentat, qu'il ne le laissera pas passer sans réagir.
Mais c'est lui qui choisira le moment et le lieu de la riposte, sachant que depuis l'assassinat par les Israéliens de Jihad Imad Moghniyé dans le Golan en janvier 2015 et la riposte du Hezbollah dans le secteur des fermes de Chebaa, le parti a fixé de nouvelles règles pour l'affrontement. En réagissant à Chebaa pour un raid qui a eu lieu au Golan, le Hezbollah a voulu montrer que désormais, toutes les scènes sont ouvertes et il peut choisir de riposter dans le lieu de son choix et de sa convenance. Aux Israéliens qui ont déclaré après l'attentat que le compte est désormais réglé, le Hezbollah a répondu en disant qu'il ne le sera que lorsqu'il aura répondu à l'agression israélienne. Pour lui, c'est aujourd'hui une question de crédibilité, mais comme il l'a fait pour venger Jihad Moghniyé, il décidera d'une opération dans un lieu précis qui ne devrait pas mettre en danger le statu quo le long de la frontière libano-israélienne.
Il est aussi clair qu'en dépit de son engagement dans la guerre en Syrie, le Hezbollah continue à donner la priorité au combat contre Israël. Tout ce qui a été dit sur le fait qu'en intervenant en Syrie, l'armée russe aurait demandé au Hezbollah de conclure une sorte de trêve tacite avec les Israéliens est donc faux. Les Russes ont des contacts avec toutes les parties concernées pour permettre à leurs avions de combat de voler librement dans le ciel syrien, mais ils n'ont imposé aucune trêve, ni conclu des accords qui empêchent le Hezbollah d'agir s'il le juge nécessaire. Or dans le cas précis de l'assassinat de Samir Kantar, ce sont les Israéliens qui ont attaqué et le Hezbollah se contentera de riposter dans une opération qu'il voudra précise et ciblée pour faire comprendre aux Israéliens qu'ils ne peuvent pas changer les règles de la confrontation lorsqu'ils le souhaitent. Les milieux proches du Hezbollah sont catégoriques sur la décision du parti de riposter. Mais ils restent très discrets sur la forme et le lieu de cette riposte...
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LS
20 h 43, le 22 décembre 2015