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Liban - Déchets ménagers

L’exportation des ordures, une option, mais pas une solution miracle...

L'exportation des ordures devrait être sérieusement débattue cette semaine par les autorités. Il ne s'agirait pas cependant d'une solution miracle, selon un expert interrogé.

Alors que les montagnes de déchets continuent de s'empiler un peu partout au Liban, l'option de l'exportation des déchets a été sérieusement mise sur le tapis la semaine dernière. Elle devrait faire l'objet d'un débat et de contacts supplémentaires cette semaine. AFP PHOTO / ANWAR AMRO

Suite à l'abandon de plusieurs autres options et à l'impossibilité de déterminer des sites de décharges, en raison des refus exprimés dans les régions, et alors que les montagnes de déchets continuent de s'empiler un peu partout, l'option de l'exportation des déchets a été sérieusement mise sur le tapis la semaine dernière. Elle devrait faire l'objet d'un débat et de contacts supplémentaires cette semaine.

Le ministre de la Justice Achraf Rifi s'est mis hier de la partie. En marge d'une visite à l'hôpital gouvernemental de Tripoli, M. Rifi s'est dit « favorable à l'option de l'exportation, qui est selon moi la meilleure, et qui trouve de plus en plus de soutien ». Il a estimé que l'exportation « permettrait de protéger l'environnement ». Et d'ajouter : « Certains pays sont prêts à importer des déchets pour leurs usines, évidemment suivant des critères précis, afin de les traiter dans des lieux équipés des dernières technologies, moyennant un coût de transport. Nous espérons cependant, si nous retenons cette option, que les mafias et les profiteurs, en d'autres termes ceux qui se partagent le gâteau, seront maintenus loin de ce projet. Nous devons traiter avec des pays et des compagnies respectables, sans l'intervention de l'esprit mafieux. » « Et même si l'option de l'exportation des déchets représente un fardeau économique, elle restera rentable du fait de la protection de l'environnement et de l'eau, et du fait de la résolution des conflits entre les Libanais », a-t-il conclu.

L'exportation avait été, rappelons-le, proposée en Conseil des ministres par le ministre du Tourisme Michel Pharaon, puis relayée par le ministre de l'Économie Alain Hakim, celui-ci ayant déclaré aux médias avoir contacté l'ambassade d'Allemagne pour discuter de la possibilité d'une collaboration à ce niveau. L'ambassade d'Allemagne a publié hier un communiqué à ce propos, pour « éclaircir les informations parues dans les médias faisant état d'une intention de l'Allemagne de discuter d'une solution au problème des déchets au Liban ».
Dans son texte, l'ambassade précise avoir été contactée par deux personnalités libanaises officielles dans la seconde moitié de la semaine dernière, qui ont demandé des informations sur le traitement des déchets dans les usines en Allemagne. « L'ambassade a fourni des informations de base au téléphone, ainsi que les adresses électroniques de personnes à contacter auprès de la partie responsable du traitement des déchets en Allemagne, notamment le représentant du syndicat des établissements chargés du traitement et de l'incinération des déchets, poursuit le communiqué. Dans ce sens-là, l'ambassade a donc joué un rôle de médiateur et de facilitateur entre des officiels libanais et le secteur privé allemand qui est le seul à gérer ce dossier. » L'ambassade précise que « ce sera aux autorités libanaises compétentes d'engager des discussions à ce sujet avec le secteur privé allemand » et de « prendre les décisions qui s'imposent ».

 

(Lire aussi : Déchets ménagers : pourquoi on en est arrivé là)

 

Des « centres de tri » dans tous les cas
L'option de l'exportation n'est cependant pas aussi évidente qu'elle en a l'air, comme le pense Naji Kodeih, expert environnemental. « L'exportation des déchets est une affaire compliquée, qui nécessite des procédures administratives et l'obtention de permis, explique-t-il à L'Orient-le Jour. Elle est d'ailleurs régie par la convention de Bâle sur le tranport des déchets dangereux. Car même s'il s'agit de déchets ménagers, ils pourraient comporter une part de déchets considérés comme dangereux. »
L'expert rappelle que plusieurs étapes sont nécessaires en prévision d'un transport maritime des déchets. « Ces ordures doivent être triées, puis enveloppées, dit-il. Il est nécessaire donc d'établir des centres de tri. Ensuite, le pays importateur doit envoyer ses propres experts pour identifier et caractériser les déchets. Personne n'importe des ordures en n'ayant pas la moindre idée de leur nature. Ce processus durera au moins un mois à mon avis. »
Ces déchets seront en principe exportés pour être incinérés. La composition des déchets du Liban – en moyenne à 60 % organiques – et leur longue exposition au soleil et à la décomposition en font-ils des matières intéressantes pour le processus d'incinération ? « Avant l'incinération, les déchets sont triés dans les pays qui les importent, ce qui signifie que tous les déchets ne sont pas éligibles pour cette technique, répond Naji Kodeih. Les ordures qui ont passé tant de temps dans les rues doivent donc être asséchées avant d'être transportées, c'est la moindre des choses. »
À ce stade, l'expert s'insurge contre ce qu'il considère comme des choix résultant d'une vision courte. « Même dans le cas de l'exportation, nos officiels auront besoin de construire des centres de tri et de traitement, lance-t-il. Or c'est exactement ce à quoi aspire la société civile depuis l'éclatement de cette crise, et même avant ! Mais la motivation est différente : nous plaidons depuis longtemps pour ces centres en vue d'un traitement environnemental local, alors que les autorités ne peuvent l'envisager que pour exporter les déchets. Pourquoi se donner tout ce mal rien que pour envoyer ses ordures ailleurs ? » La seule réponse à cette question, selon lui, est que « la classe dirigeante ne cherche que les options qui génèrent des possibilités de gains pour les uns et les autres, sans réfléchir en termes d'intérêt public ». Et de conclure : « S'ils avaient cherché à établir des centres de tri au lieu d'essayer d'imposer des dépotoirs sauvages aux différentes régions, nous n'en serions pas là. »

 

(Lire aussi : L'Association libanaise pour la transparence prône une « culture du recyclage »)

 

Appel d'offres : Riad el-Assaad se présente pour Beyrouth

La crise des déchets se poursuit, mais l'appel d'offres pour les sociétés supposées prendre en charge les six zones du plan national de gestion des déchets reste d'actualité. Le 7 août est la date de la prochaine ouverture des plis. Seule Beyrouth ne bénéficiait toujours pas d'offre, la raison principale étant une clause du cahier des charges qui enjoint à l'entrepreneur de débrouiller le site de décharge, une mission quasi impossible dans la capitale.
Sur sa page Facebook et dans un entretien accordé hier à la chaîne al-Jadeed, l'entrepreneur Riad el-Assaad a annoncé qu'il se présentait pour Beyrouth, surtout pour encourager d'autres à le faire aussi. Il affirme qu'il propose d'adopter la technique du RDF (Refuse Derived Fuel : combustible dérivé des déchets), qui consiste à traiter tout genre de déchets de manière à les transformer en combustible pouvant être utilisé dans les cimenteries, pour produire de l'énergie ou pour les exporter. Cette technique permet, selon lui, de n'avoir comme résidus que 10 % de déchets inertes (ne produisant ni liquides ni gaz), d'où le fait qu'une décharge n'est même plus nécessaire. Il confirme avoir envisagé un partenariat avec le député Walid Joumblatt, ou plutôt ses fils, pour la construction d'une telle usine à la cimenterie de Sibline, ce qui, selon lui, aurait réglé le problème auquel fait face Beyrouth aujourd'hui. Mais Walid Joumblatt, rebuté par les polémiques, aurait préféré se retirer. Riad el-Assaad présente actuellement son dossier au nom de sa compagnie, South for Construction.
Sur sa page Facebook, il relate une rencontre avec le PDG d'Averda, Maïssara Succar, en présence d'hommes politiques, au cours de laquelle ce dernier aurait même refusé d'entendre parler de sa suggestion. Au cours de son intervention télévisée, Riad el-Assaad parle d'une « caisse noire » de Sukleen, « alimentée par les deux milliards et demi de dollars générés durant toutes ces années », et déplore « qu'on n'ait pas demandé des comptes à cette compagnie pour les entorses au contrat initial qu'elle a signé avec l'État ».

 

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Suite à l'abandon de plusieurs autres options et à l'impossibilité de déterminer des sites de décharges, en raison des refus exprimés dans les régions, et alors que les montagnes de déchets continuent de s'empiler un peu partout, l'option de l'exportation des déchets a été sérieusement mise sur le tapis la semaine dernière. Elle devrait faire l'objet d'un débat et de contacts...

commentaires (3)

Je me souviens de la rue principale de Jounieh des années 1930-40, quand un vieux balayeur muni d'un balai fait de tiges de genêt (bellan), venait tous les matins avec une brouette, débarrasser la rue des détritus de la veille. C'était cent fois plus propre qu'avec les camions modernes et leur bataillon d'éboueurs gantés.

Un Libanais

17 h 28, le 03 août 2015

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Commentaires (3)

  • Je me souviens de la rue principale de Jounieh des années 1930-40, quand un vieux balayeur muni d'un balai fait de tiges de genêt (bellan), venait tous les matins avec une brouette, débarrasser la rue des détritus de la veille. C'était cent fois plus propre qu'avec les camions modernes et leur bataillon d'éboueurs gantés.

    Un Libanais

    17 h 28, le 03 août 2015

  • LES ORDURES... AUX ORDURIERS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 07, le 03 août 2015

  • ..."que la classe dirigeante ne cherche que les options qui génèrent des possibilités de gains pour les uns et les autres, SANS REFLECHIR EN TERMES D'INTERET PUBLIC"... c'est là le problème général de notre pays qui concerne tous les dirigeants, responsables etc., de tous les partis 14 et 18 mars, y-compris le Hezbollah qui, malgré ses affirmations, n'est pas plus efficace que les autres dans aucun domaine ! Et, en plus il fait aussi partie de ce gouvernement qu'il ne cesse de critiquer...quel culot ! Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 22, le 03 août 2015

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