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Économie - Palestine

À Hébron, le keffieh « Made in Palestine » résiste au péril jaune

Photo AFP

La concurrence chinoise a bien failli avoir sa peau il y a une dizaine d'années mais aujourd'hui le keffieh a retrouvé une nouvelle jeunesse, il se décline dans toutes les couleurs et est même devenu un accessoire à la mode à travers le monde. Le flair d'une famille d'Hébron, la ville de Cisjordanie occupée où l'affrontement avec les colons israéliens est le plus tendu, y est pour beaucoup. En 1961, Yasser Hirbawi qui faisait jusque-là venir de Syrie et de Jordanie des keffiehs pour les vendre, décide de lancer sa propre production. À l'époque, deux ouvriers fabriquent sur deux métiers à tisser le fameux foulard blanc strié de noir. Aujourd'hui, ses fils sont à la tête d'une entreprise qui emploie 15 personnes et exporte des keffiehs fièrement estampillés « Made in Palestine ». Chaque année, ils en vendent 30 000, dont « 2 à 3 % en Palestine », selon Jouda Hirbawi, qui gère l'usine avec son frère. Le reste est exporté jusqu'en Italie, en France, en Allemagne et ailleurs, notamment grâce aux commandes sur Internet. Paradoxalement, rappelle Abdelaziz al-Karaki, 61 ans dont 46 passés dans l'atelier Hirbawi, ce sont les Anglais qui ont popularisé le keffieh, sous leur mandat au début du XXe siècle : « ils ont décrété que tous ceux qui portaient le foulard bédouin étaient des opposants et du coup, tout le monde s'est mis à le porter. »

Avec Arafat à l'Onu ou à la Maison-Blanche
Puis il y a eu Yasser Arafat, leader palestinien et icône de la cause, qui ne se séparait jamais de son keffieh. À la tribune de l'Onu, sur la pelouse de la Maison-Blanche, sur tous les clichés emblématiques du conflit israélo-palestinien, le célèbre foulard est présent grâce à lui. « Arafat offrait des keffiehs à ses visiteurs de marque et aujourd'hui encore des keffiehs qui sortent de notre usine sont offerts par son successeur Mahmoud Abbas », affirme Jouda Hirbawi dans le vacarme assourdissant des métiers à tisser désormais mécanisés. Son atelier revient de loin. Au début des années 2000, l'usine a dû fermer, laminée par la concurrence des keffiehs chinois vendus deux fois moins chers – c'est encore le cas aujourd'hui. Les Chinois « ont littéralement inondé le marché », se souvient M. Hirbawi. « Face à leurs prix, on ne fait pas le poids », dit-il à l'AFP. L'usine familiale qui avait traversé des conflits, les intifadas et les aléas quotidiens de la vie dans les territoires occupés a alors baissé le rideau. Mais les frères Hirbawi ont mis à profit les cinq années de fermeture pour revenir avec une nouvelle stratégie. « On ne pourra jamais doubler les Chinois sur les prix, donc on a décidé de tout miser sur la qualité », explique Jouda Hirbawi, chef d'entreprise qui importe toutes ses matières premières, faute de production palestinienne de fil à coudre notamment.

Revisiter la tenue folklorique
En plus de la qualité, il a fallu adapter le keffieh à la demande internationale et « revisiter la tenue folklorique », dit-il. Sur les métiers à tisser, les traditionnelles bobines blanches et noires – et rouges pour le keffieh jordanien – côtoient désormais des camaïeux de rose, de vert ou de marron. Bleu cyan ou pétrole, gris perle ou jaune citron, toutes les couleurs y passent. Et le keffieh se porte aussi en tunique, découpé en sac à bandoulière ou en pochettes. Car le foulard aux motifs symétriques a fait des émules : des chorégraphies traditionnelles à la télévision officielle jusqu'aux clips de rap avec des stars américaines, en passant par les candidats palestiniens sur les plateaux d'émissions telles que Star Academy ou Arab Idol, toutes les stars le portent. « C'est le symbole de la Palestine », martèle Abou Fahmi al-Kisswani, un Palestinien de Jérusalem qui arbore un keffieh autour du cou.


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