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Liban - Éclairage

En dépit de l’unité de façade, pas de trêve dans les polémiques

Alors que l'armée libanaise est en train d'enregistrer une victoire sur les takfiristes à Ersal, après avoir réussi à repousser les combattants hors de la bourgade vers le jurd, les milieux politiques se demandent quel sera l'impact de ce développement sur le plan interne. Derrière l'entente de façade et la surenchère verbale, chacun refait ses calculs à la lumière de la nouvelle donne. Certes, le sang des martyrs de l'armée n'a pas encore séché alors que des militaires sont encore entre les mains des takfiristes, et un accord n'a pas encore été trouvé, mais les camps politiques cherchent déjà à deviner « l'après-Ersal ».

Les milieux du 8 Mars ont ainsi suivi attentivement la conférence donnée la veille par Saad Hariri à partir de Djeddah. Leur lecture est qu'il y a certes de bons éléments, mais il y a aussi des indices qui montrent que l'après-Ersal ne sera pas l'occasion de surmonter les divergences pour aboutir à une entente qui devrait soulager le Liban. Certes, Saad Hariri a clairement soutenu l'armée, mais il n'a pas pour autant clairement désavoué les députés membres du bloc du Futur qui ne cessent de discréditer cette dernière et de pousser les extrémistes à la prendre pour cible.
De plus, en mettant au même plan l'intervention du Hezbollah en Syrie (qualifiée de crime) et l'attaque des takfiristes contre l'armée, Saad Hariri maintient, selon le 8 Mars, sa campagne contre le Hezbollah, tout en alimentant le climat confessionnel et communautaire. Cette position est d'autant plus étrange qu'en réalité, l'armée libanaise à Ersal et le Hezbollah dans le Qalamoun combattent le même ennemi qui, lui, ne respecte ni frontières ni États.

Selon le 8 Mars, les propos de Saad Hariri auraient été justifiés avant la prise de Mossoul par Daech (l'EIIL) et la création du califat islamique sur une vaste superficie en Irak et en Syrie, sans parler de sa volonté de s'étendre au Liban et en Jordanie. À ce sujet, il est d'ailleurs curieux de voir comment ce groupe – qui est en train de devenir la plus puissante formation de l'opposition syrienne et peut-être de l'ensemble de la mouvance salafiste – était attendu en Jordanie, et c'est finalement au Liban qu'il a choisi de s'étendre. Le 14 Mars dira, bien sûr, que c'est à cause de l'intervention du Hezbollah en Syrie, mais d'autres analystes estiment qu'il a dû considérer que le Liban est plus fragile et plus facile à déstabiliser. À moins que des pressions régionales et autres n'aient été exercées sur le groupe pour qu'il laisse pour l'instant la Jordanie tranquille...

Toujours est-il qu'après avoir longtemps nié l'existence de ces groupes islamistes, pour ensuite considérer qu'ils ne peuvent pas avoir pignon sur rue au Liban (le chef des Forces libanaises avait déclaré cela après la prise de Mossoul et l'exode des chrétiens d'Irak), la percée de Daech au Liban n'est plus un point de vue, mais une réalité. Or le 8 Mars rappelle que toute personne qui a un minimum de connaissances militaires peut comprendre que lorsque vous combattez un ennemi et que vous cherchez à le repousser au-delà de votre frontière, et que, de l'autre côté, une autre force le combat et l'affaiblit, cette force sert votre stratégie et votre objectif. Ne serait-ce que pour cette raison, Saad Hariri aurait dû, aux yeux du 8 Mars, ne pas placer la participation du Hezbollah aux combats dans le Qalamoun contre Daech et ses compagnes au même plan que l'attaque de ces groupes contre l'armée à Ersal.

Selon ses sources, le 8 Mars avait pensé que l'heure est suffisamment grave pour justifier une pause dans la polémique interne et au niveau des pressions exercées sur le Hezbollah. Mais aussi bien les déclarations des figures du courant du Futur et du 14 Mars que la conférence de presse de Saad Hariri montrent le contraire.
Pour le 8 Mars, ces déclarations indiquent que l'Arabie saoudite continue son bras de fer avec l'Iran et le Hezbollah qu'elle considère comme son prolongement au Liban. Elle continue aussi à vouloir faire chuter le régime syrien et à briser l'axe dit de la résistance, en dépit du dernier discours du roi Abdallah donnant la priorité à la lutte contre le terrorisme takfiriste.

Certains milieux proches du 8 Mars estiment aussi à cet égard que la soudaine médiation du Rassemblement des ulémas musulmans (qui regroupe, entre autres, cheikh Salem Raféi, proche des groupes islamistes qui se sont battus contre l'armée à Tripoli) vise essentiellement à protéger les combattants à Ersal. Lorsqu'on sait que ce rassemblement est proche des milieux religieux en Arabie et au Qatar, on comprend mieux le contenu de sa médiation, qui vise en gros à accorder une possibilité de sortie aux combattants vers la frontière syrienne. Mais en même temps, toujours selon les milieux du 8 Mars, les combattants demandent, par la voix des médiateurs, que l'armée ne se déploie pas dans la ville de Ersal, sous prétexte que la population serait divisée à son sujet. Ce qui signifierait que les combattants continueraient à faire la loi dans la ville à partir des collines et des grottes où ils se seraient réfugiés.

Sous prétexte de médiation, il s'agirait donc de maintenir Ersal sous l'influence des combattants qui ont besoin de ce poumon que représente la ville pour eux, tout en portant un coup à la crédibilité de l'armée en lui interdisant d'une manière ou d'une autre de se déployer dans la ville. Il ne s'agirait donc pas d'un règlement de fond, mais dans la forme, tout en maintenant les ingrédients d'un conflit futur...Pour cette raison, le 8 Mars, qui ne compte pas intervenir ni sur le terrain ni dans le débat, suit attentivement les développements, conscient qu'il doit faire preuve de la plus grande vigilance...

 

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Alors que l'armée libanaise est en train d'enregistrer une victoire sur les takfiristes à Ersal, après avoir réussi à repousser les combattants hors de la bourgade vers le jurd, les milieux politiques se demandent quel sera l'impact de ce développement sur le plan interne. Derrière l'entente de façade et la surenchère verbale, chacun refait ses calculs à la lumière de la nouvelle...

commentaires (6)

"... tout en portant un coup à la crédibilité de l'armée en lui interdisant d'une manière ou d'une autre de se déployer dans la ville." Et lorsque le Hizbollah interdisait a cette meme armee l'accés non pas a une ville perdue on ne sait trop où, mais plutot l'accés au Sud en entier, pas de probleme là quant a la credibilite de ladite armee? Il a fallu que Israel nous foute une raclee memorable (et, cerise sur le gateau, on a egalement du payer plus de 10 billions de degats a part la raclee!) il a donc fallu que le Hizbollah soit mis a la porte de ce Sud pour que notre Armee y ait a nouveau accés! Les memoires sont tres courtes, pour le moins qu'on puisse dire.

Fady Challita

16 h 36, le 08 août 2014

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Commentaires (6)

  • "... tout en portant un coup à la crédibilité de l'armée en lui interdisant d'une manière ou d'une autre de se déployer dans la ville." Et lorsque le Hizbollah interdisait a cette meme armee l'accés non pas a une ville perdue on ne sait trop où, mais plutot l'accés au Sud en entier, pas de probleme là quant a la credibilite de ladite armee? Il a fallu que Israel nous foute une raclee memorable (et, cerise sur le gateau, on a egalement du payer plus de 10 billions de degats a part la raclee!) il a donc fallu que le Hizbollah soit mis a la porte de ce Sud pour que notre Armee y ait a nouveau accés! Les memoires sont tres courtes, pour le moins qu'on puisse dire.

    Fady Challita

    16 h 36, le 08 août 2014

  • La crédibilité de l'armée devra être une ligne rouge interdit de dépasser.

    Sabbagha Antoine

    12 h 14, le 08 août 2014

  • Scarlett Haddad est prisonnière d'une logique explicative partisane qui n'intègre pas celle du double ennemi(cf MO n°22 d'avril 2014)

    Beauchard Jacques

    08 h 56, le 08 août 2014

  • DU BARATIN HUITISTE ! DE GRACE, MADAME, NE PRENEZ PAS LES LECTEURS POUR DES IMBÉCILES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 38, le 08 août 2014

  • Il ne reste plus à dire qu'une chose : que le 8 Mars et le 14 Mars aillent au diable. Avec leurs députés médiocres, sots et irresponsables qui "discréritent l'armée" ou en font un instrument pour leurs viles surenchères; avec leurs polémiques, leurs sources et tout ce qui les concerne. C'est une classe politique on ne peut plus décadente, médiocre, dégoûtante. Que l'armée, seule institution qui inspire totale confiance aux citoyens et qui, avec ses nobles martyrs, paie le prix le plus élevé pour la sauvegarde du Liban, se déploie à Ersal et partout où elle juge qu'elle doit le faire, sans tenir compte de cette classe politique de ......

    Halim Abou Chacra

    06 h 31, le 08 août 2014

  • "Certes, Saad Hariri a clairement soutenu l'armée, mais il n'a pas pour autant clairement désavoué les députés membres du bloc du Futur qui ne cessent de discréditer cette dernière et de pousser les extrémistes à la prendre pour cible." Mais Madame vous vous rendez compte de ce que vous dites? vous vous etes relus au moins? "À moins que des pressions régionales et autres n'aient été exercées sur le groupe pour qu'il laisse pour l'instant la Jordanie tranquille..." encore des accusations...analyse du n'importe quoi !!

    Bery tus

    03 h 05, le 08 août 2014

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