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Liban - Témoignage

« À Mossoul, ils ont exécuté un homme juste parce qu’il avait mis tomates et concombres dans le même sac »

Hanna*, 37 ans, raconte les exactions de l'État islamique dans sa ville et sa fuite au Liban...

Transterra Media / AFP

Père de trois petites filles, Hanna est un des milliers de réfugiés chrétiens au Liban ayant fui l'Irak. Accompagné de ses enfants, son épouse ainsi que sa mère, il a pu échapper aux menaces de l'État Islamique (EI). Un mois après l'offensive des islamistes contre Mossoul où la famille résidait, ils habitent désormais un appartement minuscule à Bourj Hamoud, quartier qui reçoit de plus en plus de rescapés provenant d'Irak. Hésitant au début, non seulement par peur des représailles mais aussi pour ne pas ouvrir à nouveau des plaies loin d'être encore cicatrisées, il a surmonté ces difficultés pour partager un témoignage pour le moins émouvant, où il explique en détail les événements qu'il a vécus ces derniers deux mois, commençant par l'invasion de sa ville jusqu'à son séjour au Liban.

« Je suis mécanicien à la base et propriétaire d'un garage à Mossoul situé à quinze minutes à pied de ma maison », explique-t-il. L'expression de son visage s'aggrave, il soupire puis continue : « Tout a commencé le 9 juin. L'EI, aidé par le parti Baas, débute son offensive contre la ville de Mossoul. Celle-ci se compose en majorité de sunnites, avec des minorités chiites et chrétiennes », témoigne Hanna. Selon ce dernier, « la cité était pourtant gardée par des centaines de milliers de soldats du régime. Nous nous sommes enfuis pour nous éloigner des combats, certains que l'on était que les miliciens, qui n'étaient que quelques centaines, seraient vaincus facilement par notre armée », ajoute-t-il. « Aucun de nous (civils) n'a même envisagé la possibilité de combattre pour défendre nos maisons. Nous avions une confiance totale en nos soldats », précise-t-il encore.

De fait, et même si les chiffres avancés par Hanna semblent exagérés, la différence en nombre entre les deux belligérants était complètement asymétrique. Comment alors des centaines de mercenaires ont pu vaincre une armée nationale qui comptait plus de vingt fois son effectif ?
À cette question, Hanna répond furieux : « Comment ? Pourquoi ? C'est simple : Les trois commandants de l'armée qui dirigeaient les forces de Mossoul ont fui vers Erbil, où ils se sont livrés aux autorités kurdes. Ils ont été ensuite rapatriés à Bagdad où ils ont rejoint les dirigeants de l'EI. Sur le terrain, les soldats ont abandonné leurs armes, se sont débarrassés de leurs uniformes et se sont rendus aux islamistes en les suppliant de leur accorder leur clémence. Plusieurs soldats racontent d'ailleurs qu'ils n'ont tiré aucun coup de feu. Mossoul n'a pas été envahie, elle a été livrée », raconte l'homme âgé de trente-sept ans.

 

(Repère : Chrétiens d'Orient, un état des lieux)

 

Grâce aux Kurdes – ou à cause d'eux...
« Dix jours après le début de l'offensive, un ami proche m'appelle pour me rassurer, m'expliquant que la ville est désormais sûre. Il me raconte que les nouveaux occupants ne sont pas un danger pour les habitants, quelle que soit leur confession », continue d'expliquer Hana. « Ainsi, le 20 juin, je retourne dans ma maison, à mon garage, à ma vie normale, et je constate avec stupéfaction que Mossoul s'est transformée en un paradis sur terre. » Hanna développe cette idée : « Nous avions accès a l'électricité, l'eau courante, les infrastructures étaient totalement fonctionnelles, l'inflation avait disparu. En d'autres termes, la vie était beaucoup plus agréable », commente-t-il encore. « Les occupants assuraient que leurs "frères chrétiens" n'étaient pas en danger, et qu'ils étaient libres de vivre en paix dans leurs maisons. Les nouvelles autorités avaient même vidé la prison de Badouch, sans recevoir aucune opposition », poursuit le jeune homme avec un sourire timide. Qui disparait aussitôt : « Les sunnites de la ville, après avoir été influencés par les conditions et les promesses exaucées des nouveaux dirigeants, ont décidé de rejoindre les forces de l'EI. Dès lors, des centaines de jeunes Irakiens ont intégré les forces de l'EI, qui commençaient alors à s'opposer aux chiites, les chassant de leurs maisons sans leur donner beaucoup de choix », témoigne Hanna. Effrayé par ces nouveaux événements, il raconte qu'il a décidé alors de renouveler les passeports de sa famille, craignant que les menaces concernent bientôt les chrétiens. La peur était plus que justifiée puisque le 26 juin 2014, « les milices se sont dirigé vers al-Hamdaniya, une ville qui compte cinquante mille chrétiens ».

L'offensive, qui dure dix jours et qui se fait aux armes lourdes, se termine par la défaite de l'EI suite a l'intervention de l’armée kurde. C'est cette défaite, qui a coûté des centaines d'hommes aux islamistes, qui a engendré cette haine envers les chrétiens. « Le 15 juillet, un ami me téléphone pour m'avertir qu'on avait inscrit cette phrase sur mon garage : "Propriété de l'État Islamique", ainsi que la lettre "N" en arabe encerclée de rouge ; avec même la serrure remplacée. Le soir, les mêmes mots s'affichaient sur le mur de ma maison. Il était temps de ranger nos affaires et quitter notre demeure. » Malgré le fait qu'il s'apprêtait à quitter à l'aube le lendemain, il était déjà en retard : à deux heures du matin, il a été réveillé par des insultes visant les chrétiens, et de jeunes Irakiens, qui avaient intégré les forces de l'EI, ont frappé à sa porte, l'obligeant à évacuer les lieux.

Hanna et sa famille sont montés en voiture direction al-Hamdaniya afin de réserver des billets d'avion pour Beyrouth le plus tôt possible. Mais avant d'y arriver, ils furent pillés par un point de contrôle des milices, qui ont même arraché les boucles d'oreilles de ses jeunes filles, causant ainsi plusieurs blessures et traumatismes psychologiques aux enfants, qui en souffrent jusqu'à aujourd'hui. Après plusieurs supplices, les soldats acceptent de les laisser partir, sans même les habits d'enfants qu'ils avaient éparpilles sur la route.

 

(Témoignage : A Mossoul, les jihadistes s'emparent même des boucles d'oreilles des fillettes chrétiennes...)

 

Tomates et concombres
Les vagues de réfugiés qui ont suivi racontent que les mosquées diffusaient après la prière de l'aube l'annonce suivante : « Les chrétiens nasaristes sont soumis à quatre choix : quitter la ville les mains vides, se convertir a l'islam, verser une amende ou mourir. » Selon lui, aucun chrétien n'a accepté de se convertir, sauf cinq patients alités dans un hôpital de la ville et qui ont été menacés par les islamistes. Hanna décrit les militaires de l'EI, encore impressionné même à des milliers de kilomètres : « Ils possèdent des armes, des véhicules, des équipements tellement modernes que je n'avais jamais vu de ma vie. Ils ont même réquisitionné la moitié des blindés abandonnés par l'armée du régime ; l'autre moitié a été brûlée : une sorte de propagande contre les vaincus. » lls sont de même très organisés et travaillent selon une hiérarchie extrêmement précise, mais leurs actes étaient « purement barbares : ils ont exécuté un jeune homme qui portait dans un même sac des tomates et des concombres, prétextant une référence sexuelle inadmissible. De nouvelles lois absurdes ont été édictées : les mannequins dans les magasins de vêtements devaient être couverts d'une burqa ; regarder les matchs de foot à la télé était puni par dix coups de fouet ; avoir une coupe de cheveux stylée et dans le vent était puni par la mort », raconte Hanna, ne sachant pas s'il doit en rire ou en pleurer.
Nous non plus...

*Le prénom du témoin a été changé par mesure de sécurité.

 

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Père de trois petites filles, Hanna est un des milliers de réfugiés chrétiens au Liban ayant fui l'Irak. Accompagné de ses enfants, son épouse ainsi que sa mère, il a pu échapper aux menaces de l'État Islamique (EI). Un mois après l'offensive des islamistes contre Mossoul où la famille résidait, ils habitent désormais un appartement minuscule à Bourj Hamoud, quartier qui reçoit de...

commentaires (3)

ils ne coupent pas la main de celui qui la met dans le sac...mais... ils coupent la main de celui qui le tient...! c'est beau les nouveaux adeptes de cette nouvelle version ...d'une religion pleine d'amour et de tolérance...

M.V.

11 h 43, le 02 août 2014

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • ils ne coupent pas la main de celui qui la met dans le sac...mais... ils coupent la main de celui qui le tient...! c'est beau les nouveaux adeptes de cette nouvelle version ...d'une religion pleine d'amour et de tolérance...

    M.V.

    11 h 43, le 02 août 2014

  • "Et à la frontière Per(s)cée d'ici, ils ont exécuté un Libanao-syrien juste parce qu’il avait mis une Patate bääSSyrienne sis sœur-syrie et une autre Patate pro- bääSSyrenne d'ici.... dans le même bête sac de pommes de terre indigènes sis ces deux pseudo-pays." !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 03, le 02 août 2014

  • Et les tomates qui, coupés, donnent parfois l'impression qu'il y a une croix dedans, quand seront-ils interdits par ces hallucinés, ces bêtes sauvages, ces nouvelles ordures de l'humanité ?

    Halim Abou Chacra

    05 h 53, le 02 août 2014

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