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Liban - Liban

Peine de mort : on ne peut pas tuer parce qu’on a échoué à faire régner l’ordre, affirme Najjar

Le Liban se dirige lentement et sûrement vers l'abolition de la peine capitale.

Les intervenants à la conférence sur l’abolition de la peine de mort (de gauche à droite : Mme Greve, M. Mayor, M. Jreige, M. Najjar, M. Khachan).

« Sous la voûte de l'ordre des avocats, nous portons un seul et même message : le respect de l'homme. »
C'est par ces mots que le président de l'ordre des avocats, Georges Jreij, a inauguré hier la conférence sur l'abolition de la peine de mort, organisée en collaboration avec la Commission internationale pour l'abolition de la peine capitale, dont plusieurs membres se trouvent actuellement au Liban.
« Il n'y a aucune corrélation entre l'application de la peine de mort et la baisse du taux de criminalité », a rappelé le bâtonnier, en évoquant le projet de loi portant sur l'abolition de la peine de mort, présenté par l'ancien ministre de la Justice, Chakib Cortbaoui.
« Le droit à la vie est prioritaire sur tout autre droit », a-t-il dit, avant de saluer la mémoire des quatre juges assassinés à Saïda, assassinés « le jour même où nous parlons de l'abolition de la sentence de mort ».
Rappelant que l'abolition de la peine capitale est devenue une philosophie planétaire, il a déclaré : « La justice alimentée par la vengeance n'est pas une justice. La justice de la mort n'en est pas une non plus (..) ; c'est bel et bien un acte de vengeance consacré par un tribunal. Autrement dit, un crime habillé décemment. »

 

(Lire aussi : Federico Mayor : Le droit à la vie, la tolérance, la paix et le développement constituent un même combat)

 

La valeur de la vie
Ancien directeur général de l'Unesco et ancien ministre espagnol de l'Éducation et des Sciences, Federico Mayor, qui préside la commission, évoque le sacro-saint droit à la vie avec sa sensibilité de grand féministe. C'est la femme, avant l'homme, qui connaît le mieux la valeur de la vie, assure le diplomate, qui n'oublie pas de citer l'ancien dirigeant d'Afrique du Sud Nelson Mandela. « La culture de la paix ne deviendra réalité que lorsque les femmes seront plus majoritairement impliquées dans la prise de décision », dit-il.
Les idéaux de justice, de liberté et d'égalité couplée à la solidarité : telle est la formule qui nous rapproche le plus de notre humanisme, dit-il en substance.
« Nous pouvons toujours inventer l'avenir. On ne peut changer le passé qui est déjà écrit. Mais nous pouvons édifier et écrire le futur », ajoute-t-il.
Toutefois, estime M. Mayor, l'écriture de l'avenir est l'affaire de tous, de l'ensemble des catégories sociales, y compris les femmes, et « non l'œuvre exclusive de quelques-uns, comme c'était le cas dans le passé », souligne-t-il.
« Le monde a changé, reprend l'ancien ministre. Nous sommes en train d'acquérir une conscience globale. Par conséquent, la responsabilité est devenue globale également. »
Vice-présidente de la Cour de Bergen et ancienne juge à la Cour européenne des droits de l'homme, Anne Sophie Greve a plaidé en faveur de « la sanctuarisation de la vie humaine, que reconnaît toutes les religions abrahamiques ». Abondant dans le même sens que M. Mayor, elle insiste sur la responsabilité individuelle de chaque membre de la société pour amorcer les changements.
« Nous ne pouvons nous dissimuler derrière la loi. Lorsque la société encourage la peine de mort, nous sommes en train d'agir collectivement », dit-elle, avant de rappeler qu'on ne saurait remédier à la violence par plus de violence, sans risquer de tomber dans le cercle vicieux.
« Nous devons nous élever ensemble, en tant qu'une seule et même race, la race humaine, pour conforter, pas à pas, la dignité humaine, en direction de l'abolition de la peine capitale », conclut la juge.

 

Morsi XIV
Docteur en droit, fondateur de la première faculté de droit en Palestine et ancien ministre de la Justice, Ali Kachan a dénoncé les tentatives de substitution d'une dictature à une autre. Citant les exemples de la Tunisie, sous Mohammad Ghannouchi, et de l'Égypte, sous Mohammad Morsi, « Morsi XIV en référence à Louis XIV », dit M. Kachan, il dénonce les contradictions apparues sous les mandats des deux personnages.
Aussi bien Ghannouchi que Morsi avaient stigmatisé et critiqué les régimes qui les avaient précédés, les qualifiant de « criminels » et dénonçant à cor et à cri la peine de mort pratiquée à l'époque. Or, dit-il, une fois au pouvoir, ils ont réinstitué la peine capitale « alléguant des raisons sécuritaires et des raisons d'État ».
Même chose en Libye, dit-il, où les milices ont reproduit les mêmes pratiques que Mouammar Kadhafi qui assassinait au nom de la protection de « l'ordre public, un terme extrêmement malléable », dit-il.
L'intervenant ne va pas par quatre chemins pour le dire : « La peine capitale est un crime, sauf qu'il est commis sous couverture officielle. »
Et de conclure en démentant les idées reçues en islam sur une corrélation quelconque entre religion et peine de mort, « un terme qui ne figure aucunement dans le Coran », dit-il. « Au contraire, souligne M. Kachan, se référant au texte sacré, Dieu a privilégié l'amnistie à la sanction. »

 

Hommage à Cortbaoui
L'ancien ministre, Ibrahim Najjar, a tenu à saluer d'emblée « le courage » de l'ancien ministre de la Justice, Chakib Cortbaoui, qui se trouvait parmi l'audience, applaudissant au fait qu'il « avait catégoriquement refusé de signer une décision de peine de mort ».
Évoquant le climat et le nouvel état d'esprit des législateurs libanais qui, dit-il, rechignent de plus en plus à l'idée de la peine capitale, M. Najjar a assuré que les députés sont désormais prêts à l'abolition.
« Depuis 2008, nous témoignons d'une série de propositions et de projets de loi (...) qui prouvent que le Liban est de plus en plus désireux de rejoindre le cortège des pays civilisés », dit-il.
En dépit des réticences, il y a assurément une volonté claire chez toutes les communautés confondues, ainsi qu'au sein de l'ensemble de l'échiquier politique, d'aller dans cette direction, ajoute l'ancien ministre.
Et de lancer, sur un ton formel : « Nous refusons d'appliquer la peine de mort parce que nous avons peur du terrorisme ; nous refusons d'appliquer la peine de mort pour des raisons d'équilibre confessionnel, ou pour des accusations d'homosexualité. En clair : la peine de mort est un crime prémédité. »
Pour l'ancien ministre, l'abolition de la peine capitale n'est pas un objectif en soi : c'est une partie d'un ensemble de réformes qui constituent le fondement d'une culture globale, celle qui prône la paix, l'entente et les droits de l'homme.


Selon lui, la classe politique ne saurait remédier à ses échecs en recourant à la peine de mort.
« Nous ne pouvons pas tuer en appliquant la sentence capitale, parce que nous avons failli à éradiquer le terrorisme, ou à mettre un terme à la (vente et l'usage) de la drogue ou encore parce que nous avons échoué à trouver les bonnes règles constitutionnelles. » Pour l'ancien ministre, la solution pour remédier à « nos échecs » est une : l'édification d'un État de droit avec toutes les composantes qui lui sont afférentes.
Autant d'arguments qui n'ont pas totalement convaincu l'ancien bâtonnier, Michel Lyan, qui a contesté certains propos avancés par M. Najjar, affichant franchement son opposition à l'abolition de la peine de mort, avant de s'en prendre aux réfugiés syriens et aux étrangers en général. Federico Mayor se dépêche alors de réagir en rappelant à M. Lyan – qui avait déjà quitté la salle – le principe de solidarité humaine, soulignant que les Syriens n'ont pas choisi leur statut de réfugiés qui leur a été imposé par un funeste sort.

 

 

Pour mémoire
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