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Liban - Liban

Barrage de Janna : la polémique s’envenime entre l’Environnement et l’Énergie

Mohammad Kabbani à « L'Orient-Le Jour » : « Ce barrage est un crime. »

Le ministre de l’Environnement, Mohammad Machnouk, a demandé à deux reprises l’arrêt des travaux sur le site de Janna en attendant l’étude d’impact environnemental... Photo Ibrahim Tawil

Depuis le début des travaux sur le barrage dit de Janna, dans la zone de Nahr Ibrahim à Jbeil, la polémique autour de ce projet ne fait que s'envenimer.


Les écologistes ont été les premiers à réagir à cette nouvelle, évoquant un très grand nombre d'arguments environnementaux, techniques, économiques ou encore culturels qui devraient empêcher la construction de ce barrage à cet endroit (voir L'Orient-Le Jour du 17 avril, article intitulé « Le cri d'alarme du LEM » ). Le même jour de la publication de ce communiqué, la surprise venait du ministère de l'Environnement : le ministre Mohammad Machnouk envoyait une lettre à son homologue de l'Énergie, Arthur Nazarian, lui demandant d'interrompre les travaux sans délai, étant donné qu'aucune étude d'impact environnemental ne lui a été communiquée. Sachant que deux grands rapports, l'un publié par un bureau allemand et l'autre par un bureau français, ont émis des doutes sur la capacité de stockage d'un tel barrage, en raison de la nature karstique du sol.


Le ministère de l'Énergie n'a pas tardé à rétorquer à la lettre de l'Environnement. Dans un communiqué daté de mardi dernier, le ministère affirme n'avoir « pas reçu officiellement la lettre du ministre de l'Environnement ». Il affirme par ailleurs que « les études préparatoires pour ce projet avaient été commencées en 2005, et qu'une étude d'impact environnemental a été effectuée en 2006, répondant à tous les critères qui étaient en vigueur en ce temps-là, c'est-à-dire avant la parution du décret 8633 », en 2012, qui réglemente de telles études. Il souligne également que l'appel d'offres et l'adjudication avaient tous les deux eu lieu en mars et avril 2012, « c'est-à-dire avant l'adoption dudit décret ».
Et le ministère d'ajouter : « Il faut préciser que les études évoquées dans la lettre (du ministre Machnouk) avaient alors été examinées avec minutie. D'autres études techniques avaient été effectuées pour répondre aux points soulevés, menées par des bureaux de consultants mondiaux, et elles réfutent les arguments techniques sur la possibilité de fuites importantes du barrage vers la grotte de Jeita, des hypothèses sur lesquelles s'étaient basées des études comme celle de BGR (NDLR : l'Institut fédéral allemand des géosciences et des ressources naturelles, dans une étude sur la protection de la grotte de Jeita). »


Hier, le ministre de l'Environnement a rappelé une nouvelle fois le ministère de l'Énergie à l'ordre, demandant l'arrêt des travaux le temps de présenter une étude d'impact environnemental. Il a fait remarquer que la lettre qu'il a envoyée en date du 22 avril a bien été enregistrée au ministère de l'Énergie sous le numéro de 438/w, en date du 23 avril.
« Les lois (notamment le code de l'environnement datant de 2002) qui stipulent la nécessité des études d'impact précèdent le début du projet de Janna d'au moins trois ans, et le ministère de l'Énergie aurait dû les soumettre au ministère de l'Environnement en vertu du décret 8633 », poursuit M. Machnouk. Il rappelle également que de telles études avaient été exigées par son ministère concernant le projet de Janna, le 9 juillet puis le 18 novembre 2013. Sans résultat.
Et de conclure : « Le ministère de l'Environnement souhaite que l'étude d'impact environnemental lui soit soumise pour qu'elle soit examinée par les personnes compétentes. En attendant, nous vous demandons de donner vos directives afin que les travaux soient interrompus sur le terrain. »

 

(Voir notre dossier : L’aridité galopante au Liban, un phénomène irréversible ?)

 

Le projet le plus onéreux jamais conçu
Aucun des deux ministres n'était joignable hier pour tirer cette polémique au clair. Mais un avis bien tranché nous a été donné par le président de la commission parlementaire de l'Énergie, des Transports et des Travaux publics, le député Mohammad Kabbani. Ce député, qui suit le dossier depuis très longtemps, a « donné raison à 100 % au ministre de l'Environnement ». Il dit avoir lui-même envoyé des lettres dans la même veine aux présidents de la République, du Parlement et du Conseil des ministres il y a un an et demi de cela, exigeant le gel du projet.


Alors que dans son communiqué, le ministère de l'Énergie prétend que le barrage de Janna « devra stocker 95 millions de mètres cubes d'eau potable (NDLR : durant le pic saisonnier d'alimentation en eau) dont 65 millions seront acheminés vers Beyrouth », M. Kabbani avance des chiffres autrement plus modestes. « Le rapport de BGR a montré que le sol à cet endroit est bien trop perméable, dit-il. Au lieu des trente millions de mètres cubes (NDLR : de manière constante) qu'on nous a promis, l'étude montre que le barrage pourra stocker au plus 7 à 8 millions, ce qui en fera le projet le plus onéreux jamais conçu. Face aux doutes émis, un bureau français de renommée internationale, SAFEGE, a été consulté sur la question. Il a confirmé les hypothèses du bureau allemand. »
Mais pour lui, le vrai scandale est financier. « Des projets d'envergure nationale tels les barrages, selon les lois libanaises, devraient être financés soit par les caisses de l'État, soit par des dons étrangers, dit-il. Comment se fait-il qu'on ait demandé à l'Office des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban de s'acquitter de ce budget considérable? » Il confirme par ailleurs « qu'aucune étude d'impact environnemental n'a été effectuée, toute déclaration en ce sens est erronée ».
« Ce barrage est non moins qu'un crime », conclut-il.

 

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