Pour des raisons géologiques, écologiques, culturelles et économiques, la construction du barrage de Janna (Nahr Ibrahim, Kesrouan) devrait s'interrompre immédiatement. C'est ce message qu'a transmis hier le Mouvement écologique libanais (LEM, rassemblement d'une soixantaine d'ONG), dans un communiqué adressé aux présidents de la République, du Conseil des ministres et du Parlement, afin de les convaincre de mettre un terme aux travaux de construction de ce barrage, qui viennent de commencer dans la verte vallée de Nahr Ibrahim, selon des témoins.
Les raisons purement géologiques qui devraient décourager la poursuite des travaux sont nombreuses, selon le LEM. Le texte cite une étude sur la protection de la grotte de Jeita effectuée par l'Institut fédéral des géosciences et des ressources naturelles allemand (BGR), en collaboration avec le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) : l'étude constate que la planification du barrage n'a pas pris en compte de nombreux facteurs géologiques et hydrogéologiques qui font de ce site un endroit improbable pour supporter une telle infrastructure. Parmi ces facteurs, la présence de plus d'une faille géologique active (d'où le risque élevé de tremblements de terre qui pourraient causer un éventuel effondrement du barrage), la nature du sol calcaire dont la friabilité est accentuée par certaines conditions propres au lieu, ainsi qu'une variabilité dans l'épaisseur du basalte.
Tout cela conduira à une accentuation du phénomène de fuites qui, toujours selon cette étude, variera de 35 à 52 %, ce qui pourrait diminuer la capacité de stockage du barrage des 30 millions de mètres cubes prévus à 8 millions. De plus, ces fuites pourraient affecter « de manière directe et négative » la source de Jeita.
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Une autre étude citée dans le communiqué, d'un bureau de consultants français celle-là, Safege, estime que le site proposé n'est pas convenable pour la construction d'un barrage « en raison de sa nature géologique et hydrogéologique complexe et des nombreuses failles qui le traversent ».
D'un point de vue environnemental, le LEM dénonce le fait que « la construction d'un barrage aussi important mènera le plus probablement à l'assèchement de tout le fleuve, en en faisant un cours tari et en anéantissant toute la biodiversité qui le caractérise ». Le texte rappelle que « la vallée de Nahr Ibrahim a été classée site naturel en vertu de la décision N°1/34 du ministère de l'Environnement, en date du 14 janvier 1997 ». Le LEM souligne que le site est un habitat naturel pour de nombreuses espèces végétales et animales menacées.
La vallée de Nahr Ibrahim, c'est aussi une histoire qui s'étend sur plus de 5 000 ans et le théâtre de la légende d'Adonis et d'Aphrodite, souligne le communiqué. « Le ministère de la Culture a même proposé la candidature de la vallée pour la liste du patrimoine mondial de l'Unesco », ajoute-t-il.
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Enfin, même d'un point de vue économique, ce projet sera loin de tenir ses promesses, selon le LEM. « Ce barrage s'élèvera à 160 mètres de hauteur et aura une profondeur de 80 mètres sous terre, affirme le rassemblement. Son coût est estimé à plus de 700 millions de dollars, sachant que le coût du drainage de l'eau vers Beyrouth s'élèvera à plus de 200 millions de dollars, sans compter celui de l'acheminement de l'eau vers les régions plus en hauteur. La rentabilité du barrage sera donc très basse si l'on prend en compte le niveau élevé de fuites à prévoir. D'un autre côté, la perte d'un site touristique tel que Nahr Ibrahim (en raison de l'asséchement plus que probable du fleuve), qui accueille des milliers de visiteurs chaque année et qui fait vivre de nombreux habitants, notamment les propriétaires de petites institutions touristiques, sera inestimable. »
Le LEM demande non seulement aux responsables mais aussi aux citoyens « de soutenir sa revendication afin de préserver le paradis terrestre de Nahr Ibrahim pour les générations futures ».
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commentaires (2)
TADMIR JANNET NAHR IBRAHIM ? CE N'EST QU'UN GRAND ÉGOüT À CIEL OUVERT... SI ON BÂTIT UN BARRAGE ET LE BARRAGE CÈDE, EH BIEN, CE SERA L'HERCULE QUI VA NETTOYER LES ÉCURIES NAHRIBRAHIMIENNE !!!
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 58, le 16 avril 2014