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Liban - Liban

Réformes électorales : les autorités libanaises traînent des pieds à la veille des élections

Une meilleure participation de toutes les catégories sociales au futur scrutin législatif et une plus grande transparence de l'opération électorale, tels étaient les thèmes discutés hier par la société civile au siège du Parlement.

Le quota féminin n'a pas encore été consacré par la loi, la baisse de l'âge électoral non plus. Le vote des expatriés est au centre d'une grande confusion. Le financement des campagnes électorales reste opaque, la performance des médias souvent lacunaire. Les handicapés trouvent toujours autant de difficultés à atteindre les centres de vote et les bulletins électoraux pré-imprimés restent inexistants. Et, surtout, la nouvelle loi électorale demeure une vue de l'esprit, alors que l'incertitude continue d'entourer le sort des élections législatives prévues pour cet automne. Qu'est-ce qui a réellement changé depuis 2009 ? C'est la question que se sont posée plusieurs acteurs de la société civile (et un député) lors d'une conférence intitulée « Élections législatives : challenges et opportunités », qui s'est tenue au siège du Parlement à l'invitation de la Fondation Friedrich Ebert et des ambassades de France et d'Allemagne, sous le patronage du président du Parlement Nabih Berry, représenté par le député Robert Ghanem. L'inauguration a eu lieu en présence des ambassadeurs de France Patrice Paoli et d'Allemagne Christian Clages.


De ce débat se dégage un constat clair : malgré certaines avancées, le Liban se trouve aujourd'hui, comme à son habitude, très peu préparé à faire face à l'échéance qui pointe à l'horizon. Quant aux Libanais, ils ont peu de chances de constater de réels changements dans leur représentation à l'hémicycle. Mais la campagne pour les réformes se poursuit : n'a-t-elle pas débuté dans les années 90 dans un climat encore bien plus hostile qu'aujourd'hui ?


Tout d'abord la loi. Le député Ghassan Moukheiber s'est dit convaincu que seul un système électoral basé sur la proportionnelle, allié aux autres réformes à mettre en place, pourra faire du Liban une véritable démocratie. Le système proportionnel, selon lui, encouragera l'électeur à voter car il sentira que son vote aura un impact. Il rappelle que cette proposition était incluse dans une proposition de loi qu'il a présentée au Parlement. Il a par ailleurs précisé, en réponse à une question, que la commission parlementaire pour l'élaboration d'une loi électorale travaille dans l'indifférence générale.


Tout comme M. Moukheiber, Yara Nassar, directrice exécutive de l'Association libanaise pour la démocratie des élections (LADE), a évoqué les catégories de la population privées de vote et de candidature ou éprouvant des difficultés à faire entendre leur voix : les femmes (l'idée d'un quota dans les candidatures n'a pas encore été retenue), les 18-21 ans, les militaires, les handicapés et autres personnes à besoins spéciaux, les détenus non jugés, les malades dans les hôpitaux, les expatriés... Mme Nassar a déploré que les associations ainsi que les autres acteurs de la société civile ne soient pas assez entendus au cours des débats sur la loi électorale qui ont lieu au Parlement. Elle a fait état d'un sondage effectué par la LADE, non encore publié, qui montre qu'une majorité de Libanais (plus ou moins nette selon les questions posées) appuie le système proportionnel (avec des circonscriptions différentes), l'abaissement de l'âge de vote, le quota féminin et l'adoption d'une nouvelle loi par le Parlement (93 %).


L'idée d'un quota féminin (au niveau des candidatures) continue de faire l'objet de multiples résistances, non seulement au Parlement mais au sein des partis politiques eux-mêmes, comme il ressort des deux premières interventions. Or, dans d'autres pays, la mesure a fait ses preuves. C'est ce qu'a indiqué Herta Däubler-Gmelin, ancienne ministre allemande de la Justice, qui faisait partie des rares femmes élues dans son pays dans les années 70, un nombre qui a décuplé depuis. Elle a défendu l'idée de donner un coup de pouce à des candidates qui ont souvent moins facilement accès aux financements et aux médias. Mais, a-t-elle poursuivi, la présence de femmes dans les sphères de pouvoir fait une réelle différence, étant donné qu'elles ont souvent un sens pratique plus développé que leurs pairs masculins.


Autre question qui a suscité débat au cours de la conférence : le vote des expatriés. Bien que leur nombre soit estimé à près d'un million (à ne pas confondre avec les émigrés), moins de dix mille se sont enregistrés dans les ambassades depuis que la possibilité leur a été ouverte. Yara Nassar a dénoncé un manque d'engagement de la part des ministères et des partis. Ghassan Moukheiber a déploré « l'hypocrisie » qui entoure cette question. Un représentant du ministère de l'Intérieur a précisé que sur les dix mille inscrits, seuls quelque 2 400 pourront voter... parce que selon l'interprétation de la loi, il faut qu'il y ait 200 inscrits originaires de la même circonscription pour qu'un bureau de vote soit ouvert dans un pays ! De son côté, Jérémy Cauchard, de l'ambassade de France, a exposé l'expérience de son pays en matière de vote des expatriés, avec ses réussites et ses difficultés, et qui se trouve aux antipodes de l'expérience libanaise.

 

« Se contenter de petites avancées »...
S'il est si crucial d'instaurer des réformes électorales, c'est bien pour assurer davantage de transparence au scrutin. Une transparence quasi absente aujourd'hui, comme il se dégage des interventions de la seconde session de la conférence. Tout en n'occultant pas les quelques efforts effectués durant le dernier scrutin de 2009 (résultats le jour même, commission de supervision...), l'ancien député Misbah el-Ahdab a rappelé que de nombreuses lacunes d'ordre politique demeurent : le fait que la formation de gouvernements ne reflète pas le résultat des urnes, que les hommes politiques donnent l'impression d'attendre un feu vert de l'étranger avant d'organiser les élections, que le financement des campagnes électorales (entre autres la vente et l'achat de voix) reste opaque...


Lokman Slim, directeur de Hayya Bina, a appelé à ne pas confondre entre les réformes qui ne doivent plus faire l'objet d'un débat (quota, bulletins pré-imprimés...) et la grande réforme qui doit au contraire être au centre du débat, celle du système électoral à choisir pour le pays (la proportionnelle n'est pas nécessairement une panacée, a-t-il dit). Cet éternel militant a avoué être devenu « pragmatique » par la force des choses. « Tant que des milices continuent de partager le pouvoir avec l'État, il ne faut pas se leurrer, a-t-il dit. On ne peut que se contenter de petites avancées considérées comme des précédents. »


Ayman Mhanna, directeur exécutif de la Fondation Samir Kassir, a insisté sur le refus de la société civile d'une nouvelle prorogation du mandat de la Chambre des députés. Il a déploré les retards dans certaines mesures comme celle de la création de la nouvelle commission d'observation des élections, alors que le scrutin approche. Il a également dénoncé le flou qui entoure les notions de publicité électorale et de quota d'apparition dans les médias, de diffamation, d'utilisation des sites Internet et des médias sociaux (qui ne sont régis par aucune loi), etc.


Pour sa part, Elsa Fennet, de la délégation de l'Union européenne (UE), a annoncé que des observateurs européens seront probablement présents aux prochaines élections. Richard Chambers, du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), a estimé de son côté que certaines réformes peuvent d'ores et déjà être mises en place quel que soit le système électoral, notamment les bulletins pré-imprimés, à condition d'être accompagnées d'une campagne de sensibilisation.

 

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