Rechercher
Rechercher

À La Une - En dents de scie

Dans le placard ou sous le lit

Quarante-sixième semaine de 2013.
Il n’y a pas de mode d’emploi pour les cocus. Cela se saurait. Il y a (mal)heureusement cent et une manières de gérer ses cornes, ou pire encore : de gérer ce laps de temps horriblement lourd où l’on n’est pas encore officiellement ce trompé glorieux et/ou pathétique, mais juste un être humain boursouflé de soupçons et férocement miné de jalousies polymorphes.
À ce moment-là, c’est le choix des (l)armes. On peut se mettre à genoux devant l’autre, lui promettre d’accrocher des étoiles autour de son cou, des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas, essayer de lui prouver que si l’amour n’est plus le ciment du couple, il reste la raison, l’intérêt commun, les impératifs stratégiques, peu importe. On peut, au contraire, sortir les crocs, jouer au toreros de salon ou aux Gary Cooper de la banlieue sud, multiplier les menaces et les effets de manches, aller au-delà du seuil tolérable de démagogie et asséner qu’il est déplorable que Netanyahu soit devenu le porte-parole de certains pays arabes. On peut aussi alterner les deux options. Sauf qu’un chef de miliciens et de mercenaires, du moins en public, ne montre pas de larmes. Même quand il s’agit du Grand
Satan en personne.
Alors Hassan Nasrallah a étalé ses armes. Et on a beau être l’un des politiques les plus smart du Liban, on n’en reste pas moins homme. Fondamentalement inquiet, fondamentalement jaloux. Tellement souffrant, parce que blessé quatre fois, même sans avoir lu Roland Barthes : il souffre quatre fois parce qu’il est jaloux, parce qu’il se reproche de l’être, parce qu’il craint que sa jalousie ne blesse l’autre et parce qu’il se laisse assujettir à une banalité ; il souffre d’être exclu, d’être agressif, d’être fou et d’être commun. Il souffre donc parce qu’il est justement trop smart pour ne pas savoir que sur l’échelle des priorités des ayatollahs de Téhéran, le Hezbollah n’est pas à la première place, pour ne pas savoir que l’urgence jouissive du nucléaire passe avant ce concept fumeux et sentimental de résistance, pour ne pas savoir que l’Iran est exsangue des sanctions internationales, pour ne pas savoir que Bachar el-Assad n’est qu’une marchandise comme les autres et pour ne pas savoir enfin, surtout, que les Iraniens, tous les Iraniens, se tamponnent littéralement des chiites non iraniens, qu’ils considèrent comme des coreligionnaires de deuxième zone.
Magnifique ou pas, lorsque le cocu n’a plus d’autre alternative que de s’autopersuader que préliminaires ne signifient pas nécessairement adultère et que de se transformer en marchand de sable et d’opium pour convaincre ses masses que tout va et ira bien dans le meilleur des mondes, c’est que ce cocu est au bout du rouleau.
Pathétique certes, mais dangereux.

P.S. : tout aussi pathétique et encore plus dangereux était, cette semaine, Mohammad Raad. Parce que c’est à l’ADN même du Liban que le chef du bloc parlementaire du Hezb veut toucher. En allant en guerre d’une petite phrase innocemment larguée au milieu d’un flot de menaces contre la nightlife en général et les boîtes de nuit libanaises en particulier, ce brave monsieur n’a pas hésité à annoncer clairement sa volonté de génétiquement modifier le Liban pour que ce pays s’harmonise davantage avec le concept de résistance, oubliant à quel point ces boîtes de nuit sont effectivement infiniment plus légitimes que l’arsenal de son parti. Oubliant aussi que si la nature et la culture de ce Liban pour l’instant indivisible et indivisé le gênent à ce point, il n’a qu’à le quitter. Un exil volontaire culturel et idéologique à Téhéran ou Riyad de M. Raad lui serait dans ce cas-là extrêmement bénéfique. Et aux Libanais aussi.
Quarante-sixième semaine de 2013.Il n’y a pas de mode d’emploi pour les cocus. Cela se saurait. Il y a (mal)heureusement cent et une manières de gérer ses cornes, ou pire encore : de gérer ce laps de temps horriblement lourd où l’on n’est pas encore officiellement ce trompé glorieux et/ou pathétique, mais juste un être humain boursouflé de soupçons et férocement miné de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut