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À bon entendeur

Un malheur n’arrive jamais seul, et c’est ce que constate probablement aujourd’hui ce lourdaud de colosse américain, qui s’est pris les pattes dans les oreilles, celles-ci s’avérant beaucoup trop grandes.

Les déboires de l’Oncle Sam avaient commencé avec les fracassantes révélations du transfuge de l’Agence de sécurité nationale Edward Snowden, lesquelles dépassaient en gravité – et en ravages – les fameuses fuites WikiLeaks. Atterrés, les Américains – et avec eux l’humanité entière – découvraient alors l’inimaginable ampleur de la toile d’araignée patiemment tissée autour du globe terrestre et servant à intercepter et analyser tous les jours des dizaines de millions de communications, téléphoniques ou autres, dont celles de quelque 35 dirigeants étrangers.

Premiers à protester bruyamment contre ces indélicates intrusions, les poids lourds d’Amérique centrale et du Sud : le Brésil, et ce Mexique qui ne cesse de se plaindre du mauvais tour que lui a joué la nature en le plaçant si loin de Dieu et si près des États-Unis. Après les voisins, ce sont maintenant les proches, amis, mieux encore des alliés aussi précieux que l’Allemagne et la France, qui s’estiment trahis, qui se répandent en cris d’indignation et reproches.

Tardif réveil, commenteront les cyniques. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale a discrètement opéré, partout où il le jugeait bon, le réseau d’espionnage électronique Echelon, mis en place par l’Amérique et le Royaume-Uni et qu’ont rallié peu après le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Et si nombre de démocrates et de libéraux américains se sont révoltés contre les atteintes à leur vie privée que recelait le Patriot Act adopté au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre 2001, leurs aînés n’ont pas oublié les abus du FBI, du temps où il était dirigé par un Edgar J. Hoover dont la puissance occulte faisait trembler même la Maison-Blanche.

C’est dire que quand elles en ont les moyens matériels les puissances, grandes ou petites, ne se privent pas d’espionner un peu tout le monde. Même (et surtout ?) les amis, et cela à des fins non plus seulement politiques mais aussi bassement économiques. Les fantastiques progrès technologiques des dernières années – satellites voyeurs, caméras de surveillance, GPS et jusqu’à ces véritables mouchards embarqués que sont votre puce de téléphone mobile et votre carte de crédit – n’ont fait que leur simplifier la tâche. Le crime et le terrorisme s’en portent-ils vraiment plus mal ? Et si c’est bien le cas, un tel succès n’est-il pas trop cher payé du droit des gens à l’intimité dans leur vie privée ? Tel est le dilemme que s’efforce de trancher en ce moment une administration américaine prise la main dans le sac. Et qui se dit ouverte à tout débat, en vue d’un juste compromis entre ces deux impératifs.

Espionné à outrance par plus d’une partie – triste privilège que lui vaut le concentré de tensions régionales qu’il recèle sur son minuscule territoire – notre pays ne risque pas trop, pour autant, d’être consulté en la matière. Piètre consolation, il représente néanmoins un véritable cas d’étude, absolument unique en son genre. Comme la plupart des pays, le nôtre est ainsi doté de plus d’une officine de renseignements qui entrent souvent en émulation, sinon en rivalité. Dans la pratique cependant, et à la différence de tous les autres pays, chacune des agences libanaises est généralement perçue comme l’œil – et l’oreille ! – sécuritaires de l’une ou l’autre des forces politico-confessionnelles en présence. Et si toutes ces oreilles étatiques sont loin de chômer, elles ne détiennent pas pour autant le monopole des écoutes : il y a plus performant encore sur le marché, et c’est cette incroyable hérésie de réseau de télécommunications privé du Hezbollah, installé par les bons soins de l’Iran, au prétexte de résistance à Israël.

Reste le plus intolérable. Le Liban est le seul pays au monde où le ministère de tutelle, contrôlé par des alliés de la milice, dénie systématiquement à une agence de renseignements bien précise l’accès à certaines données téléphoniques. Celles-ci aideraient pourtant à localiser ou arrêter des auteurs d’attentats terroristes recherchés par la justice, tant internationale que locale.

Le prétexte d’une aussi indigne protection prodiguée au crime est cette fois le respect de la vie privée des gens, dont le ministre Sehnaoui se prétend le vertueux, le vigilant gardien.

Et la vie tout court, alors ?

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Un malheur n’arrive jamais seul, et c’est ce que constate probablement aujourd’hui ce lourdaud de colosse américain, qui s’est pris les pattes dans les oreilles, celles-ci s’avérant beaucoup trop grandes.Les déboires de l’Oncle Sam avaient commencé avec les fracassantes révélations du transfuge de l’Agence de sécurité nationale Edward Snowden, lesquelles dépassaient en...