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À La Une - Société

Des élèves de première se mobilisent contre la peine capitale, avec l’AJEM

La Journée mondiale contre la peine de mort est l’occasion de rappeler que des peines capitales sont encore prononcées au Liban. Cinquante-quatre condamnés attendent leur exécution, même si la dernière pendaison remonte à janvier 2004.

Le fondateur de l’AJEM, le père Hady Aya, explique aux élèves de première pourquoi il faut abolir la peine de mort.  Photos Anne-Marie el-Hage

« Arrêtons le crime, pas la vie. » C’est sur ce thème que l’Association justice et miséricorde (AJEM) et son fondateur, le père Hady Aya, se sont mobilisés hier pour l’abolition de la peine de mort au Liban. « Je refuse que soit prononcée la peine de mort en mon nom. Comme le peuple libanais refuse que la peine de mort soit prononcée en son nom. » Car la peine capitale est prononcée « au nom du peuple libanais », explique l’homme qui œuvre depuis des années au service des prisonniers.


C’est avec la participation de trois classes d’élèves de première du Collège du Sacré-Cœur de Gemmayzé que l’association célèbre ainsi la 11e Journée mondiale contre la peine de mort. Pour sensibiliser les élèves, mais aussi les passants, elle a installé des cordes, symbole de pendaison, sur les murs des Souks de Beyrouth, au cœur de la capitale. Et invité ces adolescents à défaire les nœuds de pendus, « ces armes du crime », pour signifier leur refus de la peine de mort. « Une initiative pacifiste, sans violence », insiste le père Aya. « Car on ne peut faire justice par le crime », martèle-t-il.

La peine de mort ne décourage pas la criminalité
Le religieux est formel : « La peine de mort est un crime ; un crime organisé, perpétré par un pays, son État et sa justice. » « Un État malade, insiste-t-il, qui exprime ainsi son échec à défendre les droits de l’homme. » Aucun mot n’est d’ailleurs assez fort pour qualifier « ce crime », dont le père Hady Aya condamne « la violence », voire « la barbarie ». « Le meurtre ne peut être envisagé par une personne sage, mais par un ignorant qui a perdu son humanité », renchérit-il, invitant à libérer les juges de « l’obligation de prononcer la peine capitale sur base des textes de lois ».
Le prêtre appelle les législateurs libanais à trouver d’autres modalités pour sanctionner le crime. « La peine de mort ne décourage pas la criminalité, affirme-t-il. Et son abolition n’encourage pas la criminalité. Cela a été démontré. » Mais hormis les élèves, nombreux au rendez-vous, aucun parlementaire n’a jugé bon de se déplacer pour l’occasion, ni même le moindre représentant officiel. C’est dire l’importance qu’ils accordent à l’événement. « Ils se déclarent tous contre la peine capitale. Mais ils ne l’ont toujours pas abolie », regrette-t-il.


Même si un moratoire de fait est en vigueur au Liban et que la dernière exécution remonte à janvier 2004, « des peines capitales sont prononcées tous les jours », affirme un militant de l’AJEM, Ziyad Achour. « En effet, 54 détenus attendent aujourd’hui leur exécution. Leur jugement est définitif. » À l’heure où 140 pays ont déjà aboli la peine de mort, le Liban est à la traîne.

Les pour et les contre
Abolissons la peine de mort! L’appel du père Aya est aussitôt repris par les élèves enthousiastes, qui brandissent des écriteaux invitant les autorités à abolir la peine capitale, slogans à l’appui. « Le peuple demande l’abolition de la peine de mort », crient-ils à tue-tête. Au cœur des petits groupes qui se forment, quelques voix discordantes s’élèvent toutefois en faveur de la peine de mort. « Il faut sanctionner le crime et tuer le criminel », affirme Maria. « Qu’est-ce qui empêcherait un criminel de commettre des crimes si ce n’est la peine de mort ? » demande Rudy.


Les arguments et contre-arguments fusent. « Tuer un criminel ne rendra pas la victime », lance Dana en réponse à ses camarades. Mais son argument est aussitôt démoli par d’autres adolescents qui insistent sur la nécessité de « faire souffrir », voire de « torturer » un criminel, jusqu’à ce que mort s’ensuive, comme par nécessité de venger la victime. « Qu’est-ce qui empêcherait un criminel de récidiver si on abolit la peine capitale ? » demande un autre élève. Un troisième garçon s’enflamme : « Moi, si on touche à ma famille, je suis capable de tuer. » Mais certains persistent, comme Ahmad, imperturbable : « On n’a pas le droit d’ôter la vie à quelqu’un. »


Au sein de ce groupe d’élèves, le débat sur la peine capitale est désormais ouvert. Chacun a le droit d’avoir son avis. Mais cette première session de sensibilisation n’a pas manqué de faire réfléchir cette poignée de jeunes. « Nous cherchons à sensibiliser nos élèves sur le crime, sur la justice et la résolution des conflits, souligne leur professeur d’histoire et de civisme, Atef Eid. L’objectif étant de les aider à réfléchir de manière positive. »


C’est au niveau de l’ensemble de la jeunesse du pays que le débat doit être désormais engagé. Comme l’a si bien dit le père Aya, « la vie humaine est sacrée ». Il est donc inadmissible que les Libanais continuent, au nom de la justice, « d’applaudir les pendaisons ».

 

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