« Arrêtons le crime, pas la vie. » C’est sur ce thème que l’Association justice et miséricorde (AJEM) et son fondateur, le père Hady Aya, se sont mobilisés hier pour l’abolition de la peine de mort au Liban. « Je refuse que soit prononcée la peine de mort en mon nom. Comme le peuple libanais refuse que la peine de mort soit prononcée en son nom. » Car la peine capitale est prononcée « au nom du peuple libanais », explique l’homme qui œuvre depuis des années au service des prisonniers.
C’est avec la participation de trois classes d’élèves de première du Collège du Sacré-Cœur de Gemmayzé que l’association célèbre ainsi la 11e Journée mondiale contre la peine de mort. Pour sensibiliser les élèves, mais aussi les passants, elle a installé des cordes, symbole de pendaison, sur les murs des Souks de Beyrouth, au cœur de la capitale. Et invité ces adolescents à défaire les nœuds de pendus, « ces armes du crime », pour signifier leur refus de la peine de mort. « Une initiative pacifiste, sans violence », insiste le père Aya. « Car on ne peut faire justice par le crime », martèle-t-il.
La peine de mort ne décourage pas la criminalité
Le religieux est formel : « La peine de mort est un crime ; un crime organisé, perpétré par un pays, son État et sa justice. » « Un État malade, insiste-t-il, qui exprime ainsi son échec à défendre les droits de l’homme. » Aucun mot n’est d’ailleurs assez fort pour qualifier « ce crime », dont le père Hady Aya condamne « la violence », voire « la barbarie ». « Le meurtre ne peut être envisagé par une personne sage, mais par un ignorant qui a perdu son humanité », renchérit-il, invitant à libérer les juges de « l’obligation de prononcer la peine capitale sur base des textes de lois ».
Le prêtre appelle les législateurs libanais à trouver d’autres modalités pour sanctionner le crime. « La peine de mort ne décourage pas la criminalité, affirme-t-il. Et son abolition n’encourage pas la criminalité. Cela a été démontré. » Mais hormis les élèves, nombreux au rendez-vous, aucun parlementaire n’a jugé bon de se déplacer pour l’occasion, ni même le moindre représentant officiel. C’est dire l’importance qu’ils accordent à l’événement. « Ils se déclarent tous contre la peine capitale. Mais ils ne l’ont toujours pas abolie », regrette-t-il.
Même si un moratoire de fait est en vigueur au Liban et que la dernière exécution remonte à janvier 2004, « des peines capitales sont prononcées tous les jours », affirme un militant de l’AJEM, Ziyad Achour. « En effet, 54 détenus attendent aujourd’hui leur exécution. Leur jugement est définitif. » À l’heure où 140 pays ont déjà aboli la peine de mort, le Liban est à la traîne.
Les pour et les contre
Abolissons la peine de mort! L’appel du père Aya est aussitôt repris par les élèves enthousiastes, qui brandissent des écriteaux invitant les autorités à abolir la peine capitale, slogans à l’appui. « Le peuple demande l’abolition de la peine de mort », crient-ils à tue-tête. Au cœur des petits groupes qui se forment, quelques voix discordantes s’élèvent toutefois en faveur de la peine de mort. « Il faut sanctionner le crime et tuer le criminel », affirme Maria. « Qu’est-ce qui empêcherait un criminel de commettre des crimes si ce n’est la peine de mort ? » demande Rudy.
Les arguments et contre-arguments fusent. « Tuer un criminel ne rendra pas la victime », lance Dana en réponse à ses camarades. Mais son argument est aussitôt démoli par d’autres adolescents qui insistent sur la nécessité de « faire souffrir », voire de « torturer » un criminel, jusqu’à ce que mort s’ensuive, comme par nécessité de venger la victime. « Qu’est-ce qui empêcherait un criminel de récidiver si on abolit la peine capitale ? » demande un autre élève. Un troisième garçon s’enflamme : « Moi, si on touche à ma famille, je suis capable de tuer. » Mais certains persistent, comme Ahmad, imperturbable : « On n’a pas le droit d’ôter la vie à quelqu’un. »
Au sein de ce groupe d’élèves, le débat sur la peine capitale est désormais ouvert. Chacun a le droit d’avoir son avis. Mais cette première session de sensibilisation n’a pas manqué de faire réfléchir cette poignée de jeunes. « Nous cherchons à sensibiliser nos élèves sur le crime, sur la justice et la résolution des conflits, souligne leur professeur d’histoire et de civisme, Atef Eid. L’objectif étant de les aider à réfléchir de manière positive. »
C’est au niveau de l’ensemble de la jeunesse du pays que le débat doit être désormais engagé. Comme l’a si bien dit le père Aya, « la vie humaine est sacrée ». Il est donc inadmissible que les Libanais continuent, au nom de la justice, « d’applaudir les pendaisons ».
Pour mémoire
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