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À La Une - Éclairage

Allô, c’est Obama ! Les détails du coup de fil à Rohani qui a changé la donne...

Pour l'Iran, le respect de l'échéance présidentielle syrienne est plus important que Bachar

Barack Obama dans le bureau ovale. Pete Souza/AFP/Getty Images

Parmi les développements surprenants des dernières semaines, le coup de fil entre le président américain Barack Obama et le président iranien cheikh Hassan Rohani reste le plus spectaculaire. Ses retombées sur la situation régionale et internationale ne sont d’ailleurs pas négligeables, même si les interprétations restent divergentes, certains, notamment au Liban, considérant qu’il s’agit d’une démarche formelle qui ne sera pas suivie d’effets concrets, alors que pour d’autres, il s’agit au contraire d’un virage de fond. C’est en tout cas l’avis d’une source iranienne bien informée qui raconte les détails de cette conversation qui changera peut-être le cours de la situation dans la région.

 

Selon cette source, les Américains avaient tenté à plusieurs reprises, avant le voyage du nouveau président iranien à New York, de provoquer une rencontre entre les deux parties, mais les Iraniens s’y étaient opposés, ne voulant pas d’une rencontre formelle que les Américains auraient pu exploiter à leur avantage. Mais avec l’annonce du voyage de cheikh Rohani à New York, ils ont décidé de faire un forcing. Ainsi, 5 minutes après l’entrée de Rohani dans sa suite à l’hôtel, le téléphone sonne et on l’informe que la Maison-Blanche est à l’autre bout du fil et demande une rencontre entre les deux présidents américain et iranien. Cheikh Rohani répond qu’il n’y voit pas d’inconvénient, à condition que les dossiers soient bien préparés et qu’il ne s’agisse pas d’un entretien de pure forme, sachant qu’avant son départ de Téhéran, la porte-parole de la présidence avait annoncé qu’il n’y aurait pas de rencontre avec Obama. À l’autre bout du fil, les interlocuteurs n’ont alors pas donné suite à cette initiative.

Pour éviter une tentative d’être pris de court par une poignée de main soigneusement filmée et médiatisée par la presse américaine, il décide de ne pas se rendre au déjeuner traditionnel donné aux Nations unies en l’honneur des chefs d’État participant à l’Assemblée générale de l’ONU. Mais les Américains n’avaient pas dit leur dernier mot.

Pendant toute la durée du séjour de Rohani à New York, la Maison-Blanche avait multiplié les messages adressés au président iranien et ils se résumaient ainsi : “Vous dites être ouvert et pourtant, vous refusez de nous parler. Comment pouvez-vous justifier cela ?” L’argument a porté, et cheikh Rohani a accepté l’idée d’un entretien au téléphone.

 

C’est ainsi qu’alors qu’il se rendait de l’hôtel vers l’aéroport, le portable de l’ambassadeur d’Iran aux Nations unies a sonné. Obama était en ligne. Le Dr Rohani (qui est diplômé de l’Université de Glasgow en Grande-Bretagne) a pris la communication et l’échange entre les deux hommes a eu lieu en anglais, sauf les quelques formules de politesse prononcées en persan par le président américain, qui s’est aussi excusé des embouteillages new-yorkais.

 

La conversation a évidemment porté sur le dossier nucléaire iranien, et Obama a reconnu le droit de l’Iran à l’utilisation pacifique du nucléaire. Rohani a répondu : cela fait des années que nous le répétons, mais vous ne voulez pas nous croire. Et Obama a repris : cette fois, j’ai entendu la fatwa (c’est le mot qu’il a utilisé, précise la source iranienne) du guide Khamenei dans laquelle il a interdit l’arme nucléaire.

 

Rohani a encore affirmé : si vous êtes sérieux, choisissez une personne en qui vous avez confiance et chargez-la de ce dossier pour que nous puissions en discuter en profondeur. Personnellement, j’ai confié cette mission au Dr Mohammad Jawad Zarif. Obama a alors annoncé qu’il chargeait de son côté John Kerry de ce dossier. Selon la source iranienne informée, l’équation suivante a été ainsi adoptée : l’Iran fait preuve d’une grande transparence et fournit des garanties sur l’aspect strictement pacifique de son programme nucléaire.

 

En contrepartie, les États-Unis, et avec eux la communauté internationale, décident la levée des sanctions économiques. En même temps, les Iraniens ont bien fait savoir qu’ils ne veulent pas des négociations de pure forme, mais aboutir à des résultats concrets et clore définitivement le dossier du nucléaire iranien. La source précitée ajoute que le président américain a émis le souhait que tous les dossiers en suspens entre les deux pays soient traités simultanément, mais Rohani a refusé, déclarant qu’il faut commencer par le nucléaire et voir le sérieux avec lequel il est abordé. Si les parties concernées jugent leurs attitudes respectives satisfaisantes, on ouvrira alors les autres dossiers.

 

(Lire aussi : Téhéran prêt à « apaiser les inquiétudes de l’Occident »)


C’est donc dans cet esprit et avec cette équation en tête que le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Jawad Zarif a participé à la réunion des 5+1 qui s’est tenue pour la première fois à New York, au niveau des ministres des Affaires étrangères. Une poignée de main chaleureuse a même été échangée avec le secrétaire d’État John Kerry, et les deux hommes ont eu un entretien de 40 minutes, au cours duquel le représentant de l’Iran a exigé la fixation d’un délai pour les négociations, celui-ci ne devant pas dépasser un an...

Preuve de la volonté de faire vite, une nouvelle réunion des 5+1 avec l’Iran a été fixée au 15 octobre à Genève. La source iranienne précitée se déclare d’ailleurs optimiste en se basant sur le changement qui s’est opéré dans l’attitude des États-Unis, assurant que les Iraniens n’ont pas modifié d’un iota leur position au sujet du nucléaire et dans les autres dossiers d’ailleurs.

 

 

(Lire aussi : Rohani : Les policiers doivent être tolérants pour le voile)

 

 

La source reconnaît que le rapprochement irano- américain ne plaît pas à tout le monde en Iran, notamment aux gardiens de la révolution. D’autant que tout a été très vite et que l’opinion publique n’y était pas préparée. Mais le guide suprême l’ayatollah Khamenei a tranché ce sujet devant les commandants des gardiens de la révolution et il a été très clair dans son appui à la démarche d’ouverture du président Hassan Rohani. Il faut rappeler que Khamenei a traduit de l’arabe au persan un ouvrage célèbre intitulé La souplesse héroïque.


Cette souplesse ira-t-elle jusqu’à lâcher le président syrien Bachar el-Assad, comme le réclament les États-Unis ? La source iranienne précise à cet égard que pour la République islamique, les intérêts ne sont pas plus importants que les principes. C’est dans ce contexte qu’il faut placer l’appui au régime syrien. Elle ajoute que ce n’est pas tant la personne de Bachar el-Assad qui compte que le respect des échéances présidentielles et celui de la volonté du peuple syrien.

La source rapporte ainsi que les Américains ont demandé aux Iraniens de faire pression sur Bachar el-Assad pour qu’il ne se présente pas à la prochaine élection présidentielle au printemps 2014. Et les Iraniens ont répondu : comment pouvez-vous faire une telle demande et prétendre respecter la démocratie ? Laissez-le se présenter, et si le peuple ne veut pas de lui, il échouera. Mais les Américains, poursuit la source iranienne, ont répliqué : « Selon nos sondages, s’il se présente aujourd’hui, il remporte l’élection. » Les Iraniens ont insisté sur l’importance d’organiser des élections libres et équitables, et les Américains ont demandé comment le faire alors que Bachar est encore là. La source précise que les Iraniens ont rejeté cet argument, se demandant comment la communauté internationale peut être si faible au point de ne pas pouvoir assurer des élections libres sous sa supervision en Syrie...

 

Ce qu’il faut faire, selon l’Iran, c’est permettre aux Syriens de se prononcer en toute liberté lors de l’élection présidentielle. Mais auparavant, il faut aussi initier un dialogue syro-syrien dans le cadre de la conférence de Genève II. À ce sujet, la source iranienne précise que l’Iran n’a, jusqu’à présent, reçu aucune invitation officielle à cette conférence (en principe, c’est l’ONU, et avec l’approbation des 5 pays membres permanents du Conseil de sécurité, qui doit adresser les invitations), et, en tout cas, il refuse que des conditions soient posées à sa participation, comme la reconnaissance de Genève I, à laquelle il n’était pas présent...

 

 

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