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À La Une - Eclairage

La démocratie : rêve ou cauchemar ?

On ne le répétera peut-être jamais assez : la nature a horreur du vide ! À chaque fois qu’un régime autoritaire s’effondre, qu’un dictateur tombe, un nouveau système est appelé à voir le jour. Et à chaque fois, les espoirs d’édifier un système étatique démocratique pouvant satisfaire les revendications et les aspirations de peuples bien longtemps réprimés renaissent.
Seul le monde arabe semble jusqu’à présent échapper à cette marche de l’histoire.
Alors que les révoltes populaires entamées en Tunisie il y a deux ans, en passant par l’Égypte, le Yémen, le Bahreïn et la Syrie, ont donné l’impression de voir éclore un printemps arabe, le rêve s’est finalement transformé en cauchemar.
Étouffée au Bahreïn, transformée en guerre civile en Syrie, la révolution s’est métamorphosée en hiver islamiste en Tunisie et en Égypte.
Une situation qui rappelle la fameuse exception arabe où le Moyen-Orient était considéré comme imperméable à la notion de démocratie. Faut-il tomber dans les préjugés ou glisser sur les méandres des théories de complots ? Ou bien faut-il tout simplement rechercher les causes des échecs de ces tentatives avortées de démocratie naissante pour mieux les comprendre ?

 


Une question de culture, pas d’élections
Mis à part les situations où l’aspiration populaire au changement s’est transformée en lutte armée, d’autres pays ont néanmoins connu un processus démocratique plus ou moins hésitant, parfois même complètement saboté.
En Tunisie, par exemple, la disparition du régime de Ben Ali a ouvert la voie à la violence salafiste, mais surtout à des négociations sans fin entre les laïcs, d’une part, et les islamistes qui ont gagné les élections, d’autre part, portant sur une nouvelle Constitution démocratique censée clore définitivement la période précédente.
En Égypte, les Frères musulmans ont été évincés du pouvoir après avoir, eux aussi, raflé la majorité lors du premier scrutin démocratique post-Moubarak.


Dans les deux cas, on remarque de la part des nouvelles autorités au pouvoir un comportement autoritaire qui n’a rien à voir avec les principes démocratiques : le désir d’imposer l’idéologie de la majorité au nom de la légitimité des urnes.
Or la démocratie n’est pas uniquement le produit d’élections libres et transparentes. Elle est une culture où le respect des valeurs et des droits fondamentaux est essentiel. Comme on l’affirme souvent, la démocratie est un processus en évolution perpétuelle. L’Europe n’oubliera jamais l’arrivée au pouvoir du nazisme en Allemagne à travers les urnes. Pour parer à une telle éventualité, les pays occidentaux ont mis en place des juridictions constitutionnelles censées protéger les valeurs démocratiques contre toute velléité de la part de certains groupes de saboter les valeurs universelles dont sont issus les droits humains.

Le joug de l’histoire
Or les peuples des pays arabes ont longtemps vécu sous le joug des dictatures, sans oublier l’influence grandissante des idéologies islamistes radicales issues de sociétés conservatrices et archaïques.
Depuis leur indépendance, les États du Proche-Orient ont été dirigés par des dictateurs ou par des partis uniques. Ces dirigeants ont usé de leur prestige et de leur puissance pour exterminer toute forme de contestation.
Ayant généralement participé activement à la libération de leur patrie, les leaders de ces pays se sont érigés en demi-dieux inamovibles : toute opposition a été considérée comme une traîtrise aux pères de l’indépendance, une collaboration avec les ennemis extérieurs de la nation, avec les puissances coloniales ou impérialistes, ou avec, plus tard, l’islam radical.
Jour après jour, année après année, ils ont pu pérenniser leur autorité en anéantissant les opposants et en instaurant un climat de peur et de terreur, créant une société civile atone, pauvre et désœuvrée dont le seul but est la survie.
Vient par la suite l’entrée en scène des associations islamistes financées essentiellement par les pays du Golfe. Ces groupes ont profité de la seule brèche dans le système – les mosquées – pour s’infiltrer et s’imposer. À travers le travail social et humanitaire, ils ont pu s’implanter dans une société déjà déstabilisée, proposant comme alternative au pouvoir tyrannique et corrompu une idéologie religieuse radicale et conservatrice.
Dans l’un et l’autre cas, des générations entières ont vu le jour et vécu sous l’influence d’idéologies – nationaliste et religieuse – concurrentes, fondées sur la pensée unique.


Une caricature très expressive a circulé l’année dernière, montrant un citoyen arabe face à un militaire lui disant que tout est interdit, puis le même personnage face à un religieux lui déclarant que tout est haram.
En fin de compte, les révoltes arabes ont été beaucoup plus une réaction contre l’injustice sociale et la répression qu’un élan vers plus de démocratie, malgré l’organisation d’élections libres.
Aujourd’hui, les nouveaux acteurs politiques peinent à bâtir ensemble un pays sur des bases démocratiques. En effet, en Tunisie, aucune partie ne veut faire de concessions. Les négociations semblent s’éterniser, alors que chaque protagoniste campe sur ses positions, ne pensant qu’à son propre intérêt.
Situation identique en Égypte, où les Frères musulmans ont dépensé toute leur énergie pour s’accaparer le pouvoir, reléguant les problèmes socio-économiques dans lesquels se noie le pays aux calendres grecques.

 


L’exemple européen
En Europe, après la chute de l’Union soviétique, les pays de l’Est ont profité du soutien fort des Occidentaux pour entrer de plain-pied dans la démocratie. Grâce notamment à l’aide matérielle et financière nécessaire, les populations de l’Europe de l’Est ont vite franchi le pas, ayant devant eux un but, un espoir.
Une chance que n’ont pas actuellement les peuples arabes, les Européens étant peu enclins à s’investir sur la rive sud de la Méditerranée.


Il revient donc à l’ONU de soutenir les peuples du Proche-Orient, non seulement à travers l’organisation et la surveillance des élections, mais en initiant des programmes éducatifs et de développement durable pouvant aboutir à une vraie culture de la démocratie.

 

 

Tribune

Faire mieux entendre les voix de la démocratie, de Ban Ki-moon

 

Pour mémoire

Une « troisième voie » arabe, par Daoud Kuttab

 

L’islam et le printemps, par Michel Rocard

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