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À La Une - En dents de scie

Les (dé)possédés

Trente-septième semaine de 2013.
En 2012, selon la Banque mondiale, il y avait en Syrie 22,4 millions d’habitants. Dont 74 % de sunnites, 16 % de chiites (11 % de alaouites et 3 % de druzes) et 10 % de chrétiens. Plus ou moins scientifiquement (puisque aucun sondage digne de foi, si tant est qu’il a été fait, ne peut être pris en compte), en se basant sur le bon sens et une logique a minima, 90 % des sunnites, 10 % des chiites et 50 % des chrétiens de Syrie sont contre Bachar el-Assad. En faisant des calculs basés sur cette irremplaçable règle de trois, 16 396 800 Syriens donneraient tout pour en finir avec ce régime. C’est-à-dire, exactement, 73,2 % de la population.
73,2 % des Syriens viennent de vivre dix jours épouvantables. Dix jours au cours desquels, toutes appartenances socioculturelles et géographiques confondues, ces femmes et ces hommes, à bout de tout et surtout de nerfs, ont espéré comme des damnés. Pas nécessairement une frappe franco-américaine, non. Mais un quelque chose de symboliquement fort, de clair, de net, d’indiscutable. Un quelque chose qui expliquerait au dictateur-criminel de guerre et apprenti nazi que l’impunité n’est pas éternelle et que les lignes rouges ne sont pas seulement des pirouettes orales dans la bouche d’un successeur de Roosevelt. Un quelque chose qui, tout bêtement, redonnerait un petit peu de foi à un peuple-Sisyphe. Un quelque chose somme toute assez insignifiant concrètement : il n’était pas question de déloger Bachar el-Assad, mais gigantesque psychologiquement et émotionnellement. Un quelque chose, en somme, d’inestimable.
73,2 % des Syriens, aujourd’hui, ressemblent à ce gosse à qui on a promis jour après jour son cadeau de Noël rêvé, et qui voit le paquet au ruban doré partir en fumée pratiquement au moment même où il s’apprêtait, la salive aux lèvres et les yeux brillants de plaisir et de reconnaissance et de promesses de bonheur, à l’ouvrir. La cruauté, réfléchie ou pas, de la communauté internationale a rarement atteint un pareil degré de raffinement.
73,2 % des Syriens, aujourd’hui, regardent Barack Obama les poings serrés. C’est tellement facile, tellement acquis, tellement prévisible de détester cette Amerika plus kafkaïenne que jamais. D’ailleurs, ils le haïssent. Et se haïssent idem : ils savent qu’ils n’ont que lui comme horizon. Comme espoir de ciel bleu. 73,2 % des Syriens, aujourd’hui, regardent Vladimir Poutine les yeux béa(n)ts. Faites confiance à Assad, a demandé, le plus sérieusement du monde et sans ciller, le tsarévitch de pacotille, grand ami des animaux (sauvages) devant l’Éternel. S’ils n’étaient pas en train d’enterrer leurs morts à tour de bras et de se battre à tous les niveaux pour continuer à (sur)vivre, ces 73,2 % des Syriens seraient partis d’un vaste, d’un interminable, d’un très contagieux éclat de rire. Du calibre de celui qu’ils auraient pu avoir à l’annonce par leur lider maximo de la signature par Damas de la Convention sur les armes chimiques. Kafkaïen.
À ces 73,2 % des Syriens, les Libanais auraient volontiers fait écho. Eux aussi, eux surtout, ont sursauté lorsqu’ils ont lu ou entendu ce Faites confiance à Assad. Quatre mots tellement inouïs que c’est finalement sa propre intelligence qu’a giflée cette semaine, en public, Vladimir Poutine. Dommage : Saad Hariri avait déjà publié sa tribune-éditorial en une d’al-Mostaqbal ; un texte pour une fois d’une sincérité confondante, pour une fois sans langue de bois, et qui s’en prend frontalement à la lâcheté des baladins du monde occidental, à leur cynisme, à leurs dédits ; un texte d’une infinie beauté, parce que totalement stérile, vain et désespéré.
73,2 % des Syriens à qui il a fallu tout ce sang, toutes ces larmes, toute cette barbarie pour comprendre ce que les Libanais, même ceux qui défendent le gang sous prétexte qu’il les protège de la minorité takfiriste, ont enduré, pendant des décennies, des Assad père puis fils.
Cela n’implique pas, loin de là, qu’il s’agit d’un seul peuple dans deux États, mais cela rapproche furieusement. Cela glue pour des années et des années. Cela peut être porteur de beaucoup de promesses de paix et de synergie une fois que la Syrie en aura terminé avec les Assad. N’en déplaise à Hassan Nasrallah et à sa meute du 8 Mars.

P.-S. : si seulement Béchir Gemayel (et d’autres...) avaient été en vie en ce 14 septembre 2013.
Trente-septième semaine de 2013.En 2012, selon la Banque mondiale, il y avait en Syrie 22,4 millions d’habitants. Dont 74 % de sunnites, 16 % de chiites (11 % de alaouites et 3 % de druzes) et 10 % de chrétiens. Plus ou moins scientifiquement (puisque aucun sondage digne de foi, si tant est qu’il a été fait, ne peut être pris en compte), en se basant sur le bon sens et une logique a...

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