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De fureur et de bruit

La sensibilité du monde occidental est bien curieuse. Voilà plus de deux ans qu’il lui indiffère de voir, pêle-mêle, parmi les documents quotidiens de la guerre syrienne publiés sur la Toile, des hommes décapités à la scie électrique, des enfants dépecés par les obus, des familles entières liquidées à l’arme blanche. Plus de cent mille morts recensés et nul ne semblait en avoir cure. Le haut-le-cœur est venu brusquement, au spectacle des gazés de la Ghouta. On croyait pourtant que la vue du sang faisait partie des phobies archaïques de l’humanité. L’humanité aura changé de phobies. Que cinquante à cent personnes meurent au quotidien, éventrées, écartelées, démembrées, mais en divers lieux du pays, est admis. Que plusieurs dizaines meurent au même lieu et au même moment, de manière moins « conventionnelle », et le sang au ponant ne fait qu’un tour. L’usage des armes chimiques est certes horrifiant, mais pourquoi la destruction massive occasionnée par l’aviation larguant des barils d’explosifs et des bombes au phosphore, les enlèvements, les tortures, les exécutions sommaires ne le serait-elle pas tout autant ?
Toujours est-il qu’au nom de cette hiérarchie entre les morts acceptables et celles qui ne le sont pas, nous voilà, semble-t-il, au seuil d’une guerre régionale. Derrière le panache blanc des États-Unis, certaines puissances ont décidé de donner une leçon au régime syrien. Même vous et moi connaissons le moment, les lieux et les modalités de cette attaque. Les Russes ont rangé leurs vaisseaux (la Syrie est assez grande pour se débrouiller toute seule avec les mystérieuses livraisons qu’elle aura reçues ces derniers jours). L’armée syrienne a évacué ses quartiers généraux. On a caché le président. Ce qu’il reste de la flotte aérienne sera probablement hébergé en Iran. Avec leur émotivité de bluettes, les Bourses ont chuté comme on a ses vapeurs, aux premiers bruits de bottes. Puis elles se sont ressaisies. Les choses sont peut-être moins graves, dans l’immédiat, qu’il n’y paraît. On n’a pas envie de croire au malheur.
Pourtant, le malheur est au Liban une denrée qui se vend bien, et en tout cas qui fait vendre. Les trois attentats qui ont récemment endeuillé le pays ont fait les choux gras des télévisions qui n’ont rien trouvé de mieux qu’engager des voyants et des pythies aux heures de grande écoute. Profitant de la vulnérabilité des gens, on a vendu en une émission plus de shampooings et lessives qu’il n’en faudrait pour laver les cerveaux crédules, scotchés devant leurs écrans, attendant, hébétés, de recevoir la becquée d’un sinistre annoncé au coin de leur rue. Mais sur la probabilité d’un conflit régional, personne n’a rien vu venir. C’est ainsi. À ne jamais rien voir au-delà, l’un de son clocher, l’autre de son minaret et l’un et l’autre du coin de sa rue, nous sommes devenus le maillon le plus faible du Moyen-Orient. Pour faire face au pire, les Israéliens ont équipé leurs populations de masques à gaz. Les Libanais ont bien quelques mouchoirs. Il les sortiront en temps voulu.
La sensibilité du monde occidental est bien curieuse. Voilà plus de deux ans qu’il lui indiffère de voir, pêle-mêle, parmi les documents quotidiens de la guerre syrienne publiés sur la Toile, des hommes décapités à la scie électrique, des enfants dépecés par les obus, des familles entières liquidées à l’arme blanche. Plus de cent mille morts recensés et nul ne semblait en...
commentaires (9)

les mouchoirs du 8 mars devraient déjà être mouillés de larmes amères. Bravo Fifi, quelle plume ! Eric Bessone

Bessone Eric

11 h 06, le 29 août 2013

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Commentaires (9)

  • les mouchoirs du 8 mars devraient déjà être mouillés de larmes amères. Bravo Fifi, quelle plume ! Eric Bessone

    Bessone Eric

    11 h 06, le 29 août 2013

  • Apres lecture des faits dans cet article par ailleurs excellent et bien cible, ce qui me desole particulierement, c'est le contenu du 3ieme et dernier paragraphe qui illustre clairement et sans detrour, ce qu'est devenu le libanais d'aujourdhui.

    Cadige William

    10 h 44, le 29 août 2013

  • CORRECTION ! MERCI : "OU ENCORE, yâ Rabbéhhh haïdaSSouréhhh" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 14, le 29 août 2013

  • 2 - C'EST QUE LE GAZAGE DE LA GHOUTA POURRAIT ÊTRE LE SIGNE DE PLUS GRANDS GAZAGES À VENIR ET QUI EMPORTERAIENT BIEN PLUS QUE CE QUE LES CONFLITS DES DEUX ANNÉES ET DEMIE ONT FAIT DE VICTIMES JUSQU'AUJOURD'HUI. 1 - SURTOUT L'USAGE PROBABLE EN DEHORS DES FRONTIÈRES. BUT : DÉSARMER LE CHIMIQUE DE LEURS MAINS ! ___ LES NOMBRES ONT ÉTÉ INTENTIONELLEMENT RENVERSÉS !

    SAKR LOUBNAN

    09 h 50, le 29 août 2013

  • GENIALE TU ES FIFI!!!!! TOUJOURS, ET DANS LE FOND ET DANS LA FORME! QUELLE SAGESSE ET QUELLE MATURITE DANS LE STYLE ET LA PENSEE ET, SURTOUT, QUELLE ELEGANCE DANS L'AME! BRAVO!

    Michele Aoun

    09 h 41, le 29 août 2013

  • Yâ ilâhi haïdal Soûry ou, yâ iléééhé haïdass Soûréh en dialecte libanais pur jus : C'est le cri d'épouvante qui s'élève parmi eux, chaque fois que la menace d'un déferlement syrien se précise à nouveau ! C'est à se demander quels bääSSyriens ils avaient bien pu fréquenter. Tout ceci n’est que tout à fait compréhensible et humain, après tout le mal que cette sorte de Syriens ont fait aux Libanais Sains ; et certainement pas aux autres Libanais "Malsains" qui eux avaient par contre entièrement Collaboré ! Pour ce qui est d'une éventuelle réconciliation avec la Syrie, il faut y adhérer même si, ce faisant, on se sépare de quelques bons amis. Et pour que le débat reste un tant soit peu objectif, l'objection selon laquelle une réconciliation avec sœur-syrie achèverait de rendre illusoire tout renforcement du Grand- Liban est hélas, il faut l’admettre, tout à fait irréfutable ! Mais, même sans cette réconciliation, il faut admettre que cette indépendance est d'ores et déjà écornée. Les atteintes à celle-ci, c'est lors des événements précédents de leur "propre" histoire que les Libanais les avaient déjà consolidé. Et ils avaient choisi de ne point les éliminer, se condamnant du même coup à des coopérations ou à des alliances dures avec cette "sœur Malade" désormais indispensables : La réconciliation avec elle ne les rendra ni plus ni moins aisés à éviter…. Oh Miséréré pour cette "fertile" contrée !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    09 h 36, le 29 août 2013

  • excellent! bravo!

    Amalia Baka

    07 h 04, le 29 août 2013

  • C'est bien ça : le pays lâché aux voyants et aux voyous. Dans tous les cas, il faudrait réserver les mouchoirs aux grandes figures du 8 Mars -préséance aux ténors divins du parti divin, bien sûr- pour qu'ils essuient leurs larmes les plus intenses, en apprenant qu'il s'avère bien que les voitures piégées destinées à faire les sots Libanais s'entretuer, sont l'ouvre des renseignements syriens. Ils mériteraient de verser des larmes encore plus amères pour leur fidélité aux fréros assassins.

    Halim Abou Chacra

    04 h 40, le 29 août 2013

  • Bien dit! Arnaud de la Batelière

    02 h 32, le 29 août 2013

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