Étonnamment, nul ne semble s’émouvoir de cette situation pourtant glauque, à l’abri de laquelle un homme peut battre sa femme à mort et des villageois émasculer le compagnon de leur parente et le laisser exsangue au milieu d’une place. Deux faits divers récents qui en disent long sur l’avancée de l’obscurantisme dans une société qui évolue dans le mauvais sens. Qui fait la loi ? Le plus fort. Le mâle dans le cas de Roula Yacoub. La tribu dans le cas de Rabih el-Ahmad. La force a de nombreux visages, tantôt physique, c’est le plus évident, tantôt politique quand on a des relations qui vous assurent l’impunité, tantôt militaire, et cela nous en avons l’habitude.
Sous un tel règne, les plus faibles n’ont pas une foule de choix. Se taire et se résigner, ou constituer une force à leur tour et barrer la voie à ces abus. Or, depuis quelques années, c’est la première option qui prévaut. On subit sans rien dire. Ou alors on pousse quelques cris de révolte et de dégoût sur les réseaux sociaux, vite remplacés par des statuts nombrilistes et des publicités incongrues. Tout semble vain, d’ailleurs, dans ce climat déliquescent. Mieux, ces tragédies sociales, voire privées, tombent souvent à point nommé pour détourner l’opinion des grands dossiers publics.
Il n’y a qu’à voir la délectation avec laquelle certains médias sauvages, que l’on reçoit dans nos boîtes e-mail par exemple, s’adressent au lecteur sur le ton de la confidence et publient, plutôt que des informations, de véritables voyances. Bien malin qui saura d’où ils tiennent leurs sources. Leur rôle est clairement d’entretenir l’angoisse et la méfiance, d’accentuer le sectarisme et les replis communautaires, de faire monter la peur et le stress de sorte à anticiper un état de guerre qui visiblement arrangerait les affaires de plus d’un.
On nous manipule gentiment, en douce, l’air de ne toucher à rien. En ne faisant pas justice, l’État nous établit juges des défaillances de notre société, et ce faisant, nous occupe avec des hochets pathétiques. Il n’y aura pas de solution sans un retour aux valeurs, loin des préjugés identitaires, sexistes et autres. Or l’éducation recule faute de moyens et les mentalités rétrécissent au même rythme. À plusieurs périodes de leur histoire récente, les Libanais ont rêvé d’avoir un dictateur capable de mettre de l’ordre dans leur écurie. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’un tyran, ne serait-ce que pour l’abattre et croire ainsi nos problèmes résolus.
ET VACANTES LES BOITES CRANIENNES !
11 h 08, le 18 juillet 2013