Et si, question angélique, on s’ôtait le spectre de la guerre civile de la tête ? Si on laissait la génération vierge, née dans les années 90, vivre comme si tout cela n’avait jamais existé ? Si nous laissions nos enfants grandir sans l’obligation historique de haïr, ou pour le moins rejeter d’autres enfants de confession différente ? Si nous nous immunisions avec notre descendance contre ce poison endémique du communautarisme, seul responsable de tous nos malheurs, de notre fragilité sécuritaire, politique et économique ? Mais non, malades nous-mêmes, gangrenés par notre passé, nous croyons nous protéger en portant au pouvoir une classe politique perverse aux pratiques mafieuses et à la rhétorique abjecte. Il est temps de constater que non seulement cela ne protège personne, mais au contraire met tout le monde en danger.
Pire, comment élever nos jeunes dans ce climat délétère, comment leur transmettre quelque valeur quand le mauvais exemple est donné par ceux-là mêmes à qui nous, leurs parents, avons confié la destinée du pays ? Qu’ont fait à ce jour les Parlements qui se succèdent depuis que nous avons un semblant de paix ? Quelles lois, quelles réformes, quel progrès, quel exemple de coexistence, de justice et de tolérance nous ont-ils apporté ? Quel changement pour les femmes, pour les homosexuels, pour les plus fragiles de notre société déjà pas bien solide ? Quelles initiatives pour l’emploi ? Quelle gestion rationnelle de l’accueil des réfugiés syriens ? Nous n’avons assisté, en matière d’exercice du pouvoir, qu’à des déclarations hargneuses à l’encontre des adversaires politiques, et dans un langage fleuri qui aurait fait rougir la pire racaille des milices de 1975. Le vocabulaire est, en ce sens, le seul domaine où l’on puisse constater une évolution.
Quand les premiers dictateurs du printemps arabe sont tombés, nous avions ressenti une sorte d’envie en songeant que nous n’avions pas de nom à mettre sur notre mal-être. Nos épouvantails ne s’appellent ni Moubarak, ni Ben Ali, ni Kadhafi. Ils sont juste diffus, partagés entre plusieurs pôles. Mais s’ils tiennent, c’est grâce à notre complaisance.
Même la génération vierge, née dans les années 90 Fifi et avec tout ce lavage de cerveau ne croit plus ni à la caste politique ni à la paix dans ce pays . Antoine Sabbagha
13 h 22, le 20 juin 2013