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À La Une - Éclairage

La (très) grande déprime des diplomates israéliens

Les salaires du millier d’employés du ministère des Affaires étrangères n’ont pas été augmentés depuis 12 ans ; le malaise porte aussi sur la perte de prestige de la carrière et le comportement de Netanyahu.

Mal payés, de plus en plus privés de pouvoir et d’influence sur la politique étrangère, les diplomates israéliens n’hésitent plus à descendre dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol.


Quelque deux cents d’entre eux ont ainsi manifesté mardi à Jérusalem, exigeant des augmentations de salaires gelés depuis des années, mais aussi, et peut-être surtout, que le ministère des Affaires étrangères retrouve son lustre d’antan. « Les diplomates en poste dans de nombreux pays n’arrivent plus à finir le mois, explique Yaïr Frommer, président du syndicat des employés de ce ministère. Nous en sommes arrivés au point où un tiers des effectifs a préféré quitter le ministère depuis 10 ans. » Le ministère compte 1 100 salariés, dont 350 diplomates en poste à l’étranger. « Rien n’est fait pour les conjoints qui perdent tous leurs droits, notamment la retraite, si bien que les diplomates préfèrent rester en Israël et vivre avec deux salaires », affirme ce syndicaliste. Les salaires du millier d’employés du ministère des Affaires étrangères n’ont pas été augmentés depuis 12 ans.


Le malaise porte aussi sur la perte de prestige de la carrière. « Pas moins de quatre ministères se sont vu, pour des raisons politiciennes, octroyer des prérogatives et des budgets qui relevaient auparavant des Affaires étrangères, sans compter le fait que nous n’avons plus de ministre à plein temps », déplore un diplomate qui souhaite conserver l’anonymat. Il faisait allusion au fait que le Premier ministre Benjamin Netanyahu est formellement chef de la diplomatie en attendant un éventuel retour d’Avigdor Lieberman, pour qui le portefeuille est réservé. Ce dernier pourrait reprendre les commandes dans les prochaines semaines à condition d’être blanchi dans un procès pour fraude et abus de confiance.


Benjamin Netanyahu a également taillé sur mesure pour Youval Steinitz, un de ses proches, le ministère des Relations internationales, des Affaires stratégiques et des Renseignements, tandis que la ministre de la Justice Tzipi Livni a été chargée des négociations avec les Palestiniens, qui relevaient déjà du domaine réservé du chef du gouvernement. Sans oublier les émissaires spéciaux du Premier ministre. Le directeur du Conseil de sécurité nationale Yaakov Amidror mène régulièrement des missions diplomatiques dans le monde, et l’avocat personnel du Premier ministre, Yitzhak Molcho, chaperonne Mme Livni dans les discussions avec le secrétaire d’État américain John Kerry.


Les discussions avec la Turquie échappent également aux Affaires étrangères. Elles sont gérées par Joseph Ciechanover, un conseiller de M. Netanyahu, alors que les négociations avec des pays africains pour l’expulsion d’immigrés clandestins érythréens ont été confiées à Hagaï Hadass, un autre homme de confiance du Premier ministre. Pour couronner le tout, Benjamin Netanyahu projette de créer une « direction nationale de la communication », censée expliquer et justifier la politique d’Israël, notamment à l’étranger. « La plupart de ces missions devraient être du ressort de professionnels de la diplomatie. Nous sommes réduits à la portion congrue », déplore le diplomate qui parle d’un « sentiment d’humiliation ». « Plus personne à l’étranger ne sait qui parle au nom de qui, cela nous rappelle la cacophonie de l’Europe à Bruxelles », poursuit-il.


Un embarrassant cafouillage à propos d’un communiqué conciliant sur le processus de paix avec les Palestiniens qui devait être publié hier à l’issue d’une visite de M. Netanyahu en Pologne est venu à point nommé illustrer « l’amateurisme ambiant », selon le diplomate. Le Premier ministre a dû ordonner au dernier moment le retrait de ce communiqué. « Voilà ce qui arrive lorsqu’on fait de la diplomatie sans diplomate », a-t-il déploré.
La fronde est telle que le syndicaliste Yaïr Frommer menace le gouvernement d’intensifier l’épreuve de force. « Si nous n’obtenons pas satisfaction, nous allons durcir les “sanctions” et n’assurerons plus les services aux Israéliens à l’étranger », prévient-il. D’ores et déjà, les diplomates refusent d’aider à l’organisation des voyages des ministres.
Le Shin Beth, le service de sécurité intérieure, et l’armée se sont ainsi substitués aux diplomates pour le voyage cette semaine de M. Netanyahu en Pologne. « Le fait que des services de sécurité brisent notre mouvement est un très mauvais signe pour la démocratie », souligne M. Frommer.

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