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À La Une - Liban

Un site romain « démantelé » à la pelleteuse au centre-ville de Beyrouth

La société civile dénonce « la destruction d’un site archéologique », le ministre de la Culture parle de « réintégration de l’archéologie dans un projet de construction ».

La scène observée hier par des militants de la société civile : une pelleteuse déplaçant des pierres antiques sur ce site du centre-ville. Photo Hasan Shaaban

Des militants de la société civile ont dénoncé hier des travaux de destruction d’un site romain au centre-ville, connu sous le nom de District S. Un de ces militants, Raja Noujaim, a décrit la scène à L’Orient-Le Jour, évoquant « une grande pelleteuse qui déplace des pierres datant de milliers d’années ». Selon lui, « ce site était beaucoup plus grand et comportait bien plus de vestiges (de l’époque hellénistique, romaine ou même byzantine), qui ont été détruits par pelleteuse il y a quelques années, pour ouvrir la voie au grand chantier de construction à cet endroit ». Selon ses informations, l’archéologue responsable des fouilles « a inspecté la parcelle restante et a conseillé de la garder intacte et en place ».

 

Que s’est-il passé hier pour que cette dernière parcelle soit démantelée ainsi ? Gaby Layoun, ministre de la Culture, reconnaît avoir signé une décision dans ce sens, mais affirme qu’il ne s’agit pas du tout d’une destruction d’un site, mais d’une « réintégration de l’archéologie dans un projet nouveau de construction ». « Cette affaire n’est pas nouvelle, explique-t-il. Il y a effectivement un projet de construction à cet endroit. Mais cela fait des années que le site est étudié sous la supervision de l’archéologue Mountaha Saghieh Beydoun. Il comporte des fondations d’habitations romaines. Notre décision oblige les promoteurs à déplacer les pierres de manière à pouvoir les replacer ailleurs et les intégrer dans un endroit visible de leur projet de construction, de manière à donner une idée du tissu urbain romain de l’époque. Ils ont signé un engagement chez le notaire. Ce sera, d’après nous, une initiative exemplaire. »

 

Le ministre explique qu’il y a quatre façons de préserver les sites archéologiques : exproprier le terrain pour les protéger, les démanteler puis les réintégrer in situ, les démanteler et les réintégrer dans un projet, ou les enlever totalement. Ce cas appartiendrait donc à la troisième catégorie, selon lui. Interrogé sur les observations des militants de la société civile, M. Layoun a estimé « qu’il est normal qu’il y ait une pelleteuse du fait que le site est assez grand ». Mais il a ajouté que « les travaux consistent actuellement à nettoyer autour du site, car selon les informations dont je dispose, le démantèlement n’a pas encore commencé puisque la décision a été signée aujourd’hui (hier) ». Sur le timing, il a précisé que « c’est tout simplement le moment après la fin des études sur le site ». Interrogé sur la destruction du reste du site il y a quelques années, le ministre a évoqué « un accident de chantier, une pelleteuse ayant heurté un peu trop violemment un mur antique ».

 


Ces arguments ne convainquent pas du tout Raja Noujaim. « Nous avons vu les pierres enlevées avec une pelleteuse sans même être numérotées, dit-il. Veut-on nous faire croire qu’elles vont être réintégrées à un site reconstitué ailleurs ? Ce genre d’engagement n’a jamais été respecté dans le passé au Liban. De plus, au nom de quoi enferme-t-on les vestiges archéologiques, qui sont des propriétés publiques, dans des propriétés privées qui ne seront pas accessibles ? »


Sur la destruction du reste du site dans le passé, Raja Noujaim souligne qu’il ne « s’agissait pas du tout d’un accident de chantier, mais d’une destruction systématique qui a duré des heures ». Il a assuré que le mouvement de protestation se poursuivrait.

Malmené pour une photo
La journée d’hier a également été entachée d’un événement d’un autre type. Ayant été informé de la destruction du site, Habib Battah, journaliste et blogueur, a accouru pour prendre une photo avec son téléphone portable, ce qui lui a valu, selon son récit, d’être agressé sur le chantier par quatre hommes qu’il n’a pas pu identifier.


« À mon arrivée, plusieurs hommes sur le chantier m’ont interdit d’y entrer et de prendre une photo », raconte-t-il. Le jeune homme arrive tant bien que mal à se frayer un chemin jusqu’aux ruines. « J’ai vu un mur antique et des pierres éparpillées, et j’ai décidé de les prendre en photo, dit-il. Quatre hommes, qui avaient l’air de cadres plutôt que d’ouvriers, m’ont barré la route en me sommant d’effacer la photo. J’ai revendiqué le droit de photographier ce qui est une partie de mon histoire. Ils n’ont rien voulu entendre et m’ont malmené dans tous les sens jusqu’à me retirer le téléphone des mains et effacer la photo. Je ne sais pas comment je suis sorti de là, c’était un moment difficile. »


Habib Battah affirme ne pas vouloir porter plainte parce qu’il n’a pas confiance dans la justice et a peur de ne pas pouvoir prouver l’agression, faute de témoins. Interrogé sur cette agression par L’Orient-Le Jour, M. Layoun a assuré qu’il allait s’en informer et que, dans ce cas, le journaliste « doit porter plainte ».

 

 

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