Dans un contexte de grogne sociale, de rationnement électrique et de coupures à répétition, le Liban n’aurait-il pas intérêt à se tourner vers les énergies renouvelables pour compenser de graves déficiences en matière production énergétique ?
Car le pays du Cèdre ne manque pas de ressources naturelles, encore faut-il les exploiter. Le Liban est ainsi doté d’un potentiel éolien et hydraulique estimé respectivement à 1 500 et 600 mégawatts.
Rappelons qu’il s’était engagé en 2009, lors du sommet de Copenhague, à produire 12 % de son énergie à partir de sources dites « vertes ».
Outre l’aspect environnemental, l’enjeu est d’autant plus important que le Liban importe la quasi-totalité de ses besoins énergétiques et croule sous le poids d’une facture pétrolière qui n’en finit pas de grimper. En 2010, cette dernière s’était effectivement élevé à 3,74 milliards de dollars, tandis qu’elle a culminé à 5,26 milliards de dollars en 2011, selon les chiffres du ministère.
Ainsi la question se pose de savoir pourquoi le pays ne profite-t-il pas de ces atouts naturels pour combler les lacunes en production énergétique et dans le même temps réduire sa dépendance vis-à vis des pays exportateurs de pétrole.
Pour Pierre Khoury, directeur du LCEC (le Centre libanais pour la conservation de l’énergie), l’utilisation des ressources renouvelables a pour unique objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre. « Les énergies renouvelables ne doivent pas servir à réduire la différence entre l’offre et la demande d’électricité, a-t-il indiqué à L’Orient-Le Jour. Il est important de souligner que la capacité de production de l’Électricité du Liban (EDL) oscille entre 1 500 et 1 800 mégawatts alors que les besoins locaux seraient de minimum 2 200 à 2 400 mégawatts. »
Si le gouvernement ne parvient pas à construire des centrales traditionnelles, il ne parviendra pas à exploiter les énergies renouvelables qui nécessitent des investissements beaucoup trop importants. « À titre d’exemple, la production d’1MW d’énergie dite traditionnelle coûte 1 milliard de dollars tandis que la production d’1MW d’énergie issue de l’éolien en coûterait le double et le quadruple pour l’énergie solaire », a expliqué Pierre Khoury.
La solution aux déficiences énergétiques réside ainsi pour le gouvernement dans son « plan national pour le secteur de l’électricité » approuvé en juin 2010. Ce dernier prévoit la production de 280 mégawatts supplémentaires via des barges importées de Turquie et la construction de nouvelles centrales pouvant produire 700 mégawatts.
Quant à l’objectif d’atteindre les 12 % d’énergies renouvelables d’ici à 2020, Pierre Khoury juge le défi difficile mais pas impossible. « Les énergies renouvelables deviennent tout de même de plus en plus intéressantes du point de vue de leur faisabilité financière », indique-t-il.
D’autant que les investisseurs privés ont répondu présent à l’appel des 12 % d’énergies renouvelables d’ici à 2020. C’est le cas d’Albert Khoury, directeur général de Hawa Akkar, une compagnie privée de production d’énergie éolienne. « Nous avons élaboré un projet de production d’énergie éolienne d’une capacité de 60 gigawatts dès 2008, explique l’entrepreneur. Ce qui nous a encouragés à nous lancer dans ce business a été l’engagement du Liban à Copenhague en 2009. Le gouvernement avait clairement affirmé son engagement de produire 12 % d’énergies renouvelables d’ici à 2020, poursuit-il. Nous avons alors flairé un potentiel énorme et nous sommes aujourd’hui prêts à financer la totalité du projet via des fonds privés. »
Des centaines d’emplois à la clef, des fonds aux municipalités dans une région marginalisée et une solution écologique au problème d’électricité au Liban, le succès semblerait a priori garanti. A priori. Car Albert Khoury, comme les autres investisseurs libanais souhaitant se lancer sur ce marché, s’est heurté à la contradiction de la loi 462 qui ne permet pas à ces derniers de construire des centrales d’énergies renouvelables.
« Notre projet est prêt, insiste Albert Khoury. Mais nous ne pouvons pas lancer notre activité car le gouvernement nous l’interdit ! Un comble, alors qu’il a besoin de nous pour atteindre les 12 % ! » « Le monopole de la production d’électricité appartient à EDL », répond de son côté Pierre Khoury. « Mais pourquoi importer de l’énergie de Syrie, faire travailler des investisseurs étrangers alors que nous, Libanais, proposons une solution qui pourrait participer à la relance économique ? », s’insurge Albert Khoury.
La loi 462 a été améliorée en 2002 permettant aux investisseurs privés de se lancer à condition d’avoir l’autorisation de l’ERA (l’autorité de régulation pour l’électricité). Seulement voilà, à ce jour, l’ERA n’a toujours pas été créée au grand dam d’Albert Khoury et de ses pairs. Le ministère aurait de nouveau présenté des améliorations à la loi 462 au Conseil des ministres... Énergies renouvelables ou pas, les pneus comme la facture énergétique libanaise risquent bien de continuer à flamber... et ce au moins jusqu’à 2014.
Car le pays du Cèdre ne manque pas de ressources naturelles, encore faut-il les exploiter. Le Liban est ainsi doté d’un potentiel...
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