Dans le contexte des problèmes politiques, des menaces d’effondrement économique et des revendications sociales qui secouent le pays depuis le 17 octobre, un drame est venu rappeler brutalement combien la détérioration de la situation socio-économique affecte les plus démunis. À Ersal, un village frontalier de la Békaa-Nord, un tailleur de pierre, Naji Fliti (40 ans) père de deux enfants, a été retrouvé pendu, dimanche, près de son domicile. Il était au chômage depuis plusieurs mois. « Il s’est donné la mort à cause de la détérioration de sa situation économique », a déclaré son oncle Mahmoud Fliti à notre correspondante Sarah Abdallah. Le malheureux travaillait en tant que journalier dans les entreprises de la région, une situation précaire qui ne lui assurait aucune protection sociale. Et de fait, quand les entreprises qui l’employaient ont fermé leurs portes en raison du marasme économique, il s’est brusquement retrouvé au chômage. Il avait deux épouses, dont l’une atteinte d’un cancer, et était père d’une fille de 7 ans et d’un garçon de 2 ans. Cette véritable descente aux enfers a débouché sur le drame de dimanche dernier.
Selon Mahmoud Fliti, Naji s’était endetté auprès de son entourage, mais aussi auprès de l’épicerie du village, et était incapable d’éponger ses dettes, quelque 700 000 livres (un peu moins de 500 dollars si l’on tient compte du taux de change officiel). « La situation de Naji a empiré ces quatre derniers mois », a précisé l’oncle de la victime. Pour ce père de famille qui souffrait en silence, l’insupportable s’est produit dimanche matin, quand sa fille lui a demandé 1 000 livres pour acheter une man’ ouché (galette de thym) à l’école. Profondément humilié, le malheureux a attendu le départ de sa fille pour accomplir son geste désespéré.
(Lire aussi : Irresponsabilité criminelle, l’édito de Michel TOUMA)
Un « martyr de la révolution et de la crise économique »
Le drame du suicide de Naji Fliti est un indicateur d’une sombre réalité qui touche une vaste communauté de ce village frontalier, oublié du développement. En effet, Ersal compte 250 scieries de pierre, dont 90 % ont fermé leurs portes dernièrement. Leurs employés ont par conséquent été renvoyés. De ce fait, de nombreuses personnes à Ersal sont dans une situation précaire, selon Mahmoud Fliti. « Naji était en souffrance, mais il avait beaucoup de dignité. Nous considérons qu’il est un martyr de la révolution et de la crise économique », a confié Younès Hussein Fliti, moukhtar de Ersal, à notre correspondante Sarah Abdallah. « Ersal est victime d’une injustice socio-économique majeure. Le village compte beaucoup plus de réfugiés syriens que d’habitants. C’est une région délaissée », a-t-il ajouté. Quelque 65 000 réfugiés syriens sont aujourd’hui installés à Ersal, soit plus du double des 30 000 habitants du village selon des chiffres fournis en juillet dernier à L’Orient-Le Jour par le président du conseil municipal de la localité, Bassel Houjeiry. Le cas de Naji est loin d’être unique, et ce genre de drames se répète dernièrement. En février dernier, un autre père de famille, Georges Zreik, s’était immolé par le feu devant le collège de ses deux enfants à Bkeftine, dans le Koura (Liban-Nord), car il ne pouvait plus payer leurs frais de scolarité. Depuis dimanche, de nombreux internautes rendent hommage à ces deux hommes, victimes de la crise économique, sur les réseaux sociaux. En septembre dernier, Georges K., la cinquantaine, père de deux enfants âgés de 13 et 9 ans, avait également tenté de mettre fin à ses jours en s’immolant par le feu devant le Palais de justice de Beyrouth, après avoir perdu un procès qui devait lui permettre de récupérer une somme d’argent.
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commentaires (5)
sa fille lui a demandé 1 000 livres pour acheter une man’ ouché (galette de thym) à l’école. Profondément humilié, le malheureux a attendu le départ de sa fille pour accomplir son geste désespéré. c'est une tres grande erreur de la part des medias de dire cela car en fait meme si cela fait " vendre " en montrant des drames aussi horrible, IL FAUT PENSER A CETTE JEUNE FILLE QUI PORTERA DANS SA TETE ET SON CORP LA RESPONSABILITE DE LA MORT DE SON PERE PRESENTE COMME CELA DANS LES MEDIAS UN PEU DE CIVILITE FERAIT MIEUX QUE DE MONTRER UNE FAUSSE RESPONSABILITE . LE GOUVERNEMENT EST RESPONSABLE DE NE PAS AVOIR FAIT UN MINIMUM A CHAQUE CITOYEN ET PAS SA FAMILLE
LA VERITE
18 h 01, le 03 décembre 2019