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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Les psychoses, la schizophrénie et la psychothérapie institutionnelle (suite)

Depuis l'origine, l'histoire de la psychiatrie est liée à « l'appareil de contrôle social de l'État » et des autres institutions.

Dans l'article précédent, nous avons fait un passage « obligé » par l'outrage fait à la psychiatrie par les pouvoirs en place en URSS dans les années staliniennes et post-staliniennes. L'utilisation de la classification psychiatrique, particulièrement la schizophrénie comme moyen pour interner les dissidents, au-delà de l'horreur subie par ces derniers, témoigne de la faiblesse scientifique des concepts psychiatriques. La « fiabilité » et la « validité » des concepts restent liées à l'idéologie, l'influence socioculturelle et la subjectivité de l'examinateur.
Si comme on le voit, le collectif est opposé au subjectif afin de contraindre le sujet à la soumission, si le « nous » est opposé au « il » ou au « je » pour stigmatiser les positions subjectives extrêmes et leur opposer une politique de ségrégation, la seule réponse possible est la révolte. Qui sera elle-même sanctionnée comme étant pathologique.
Par contre, quand le « nous » émerge comme étant le droit d'un groupe, contre la volonté destructrice d'un individu, l'individu s'y plie sans opposer une grande résistance.

Cette phrase de Freud tirée de Totem et tabou indique bien le rapport entre la violence de l'individu, la communauté à laquelle il appartient et le Droit. Si les lois et les règles de la communauté sont légitimes et non seulement légales, l'individu s'y plie sans problème. Sinon, il peut recourir à la violence qui reste comme son seul droit. Si contre cette violence, l'institution oppose seulement la loi ou la règle, l'individu pousse encore plus loin la violence, dans une surenchère, une spirale qui aboutira à l'hôpital psychiatrique ou à la prison.

À ce sujet, Maud Mannoni raconte l'histoire d'un jeune adolescent, Paul, élève à Bonneuil qui était d'une violence extrême. Systématiquement, il visitait les poulaillers des maisons voisines, égorgeait les poules, les lapins, s'attaquait aux chiens et aux chats qu'il torturait avant de les tuer. Les voisins finirent par se plaindre, menaçant Maud Mannoni de faire une action en justice pour les déloger de Bonneuil. La situation était d'une gravité sans précédent car le voisinage a un rôle fondamental pour la survie de l'École. Perçue comme une maison de fous, l'École pouvait faire peur et entraîner des réactions en chaîne qui peuvent aller de la ségrégation, à la persécution et à la dénonciation. La folie étant généralement perçue comme dangereuse, jusqu'à nos jours. Comme en témoigne la condamnation à 18 mois de prison du psychiatre Lekhraj Gujadhur pour « homicide involontaire ». Le meurtre commis le 14 décembre dernier par un schizophrène dont il avait la charge lui est donc attribué. Cette dérive idéologique indique le point où nous en sommes encore aujourd'hui de la soi-disant dangerosité des schizophrènes.

L'École expérimentale de Bonneuil avait donc tout intérêt à résoudre le problème très grave du jeune Paul. Connaissant l'ingéniosité des Anglais, Maud Mannoni décide de l'envoyer en Angleterre, dans une école normale. Vu le danger, le directeur refuse d'admettre le jeune Paul. À moins que l'école ne lui envoie un rapport médical certifiant qu'il est en bonne santé mentale, couverture nécessaire pour son administration. Le rapport est établi par le médecin de l'école. Le risque de découvrir la supercherie était grand pour tout le monde mais cela valait la peine.

Le lendemain de son arrivée dans cette école privée anglaise, Paul tabasse un élève de 6 ans. Les élèves de sa classe se réunissent pour mettre au point une réponse. Ils décident de ne pas en parler au directeur mais de le rosser eux-mêmes pour lui apprendre qu'en Angleterre on ne tabasse pas un plus petit que soi. Ce qui fut fait. Le lendemain, Paul est guéri. Il ne montra plus aucune agressivité, ni envers ses camarades ni envers les animaux comme il le faisait à Bonneuil.

Si ses camarades avaient décidé de le dénoncer à la direction de l'école, il est probable que rien n'aurait changé. Paul détestait le pouvoir mais dans sa provocation et dans la surenchère permanente qu'il lui opposait, il cherchait des limites. Limites qu'il s'ingéniait à dépasser dans une course folle qui n'avait jamais de fin. Cette fois-ci, les limites lui ont été imposées par ses pairs, des camarades de son âge. Il a accepté ce qu'ils ont érigé comme règle parce que cette règle était une réponse juste à son méfait, et qu'elle était le fruit de leurs discussions. Nous manquons très souvent de ce genre de réponse car nous nous appuyons vite sur le contenu de la loi. Nous verrons la prochaine fois ce qu'il en est de ladite « dangerosité des malades mentaux ».

 

 

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MAITRES ET SUJETS !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 41, le 29 décembre 2016

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Commentaires (2)

  • MAITRES ET SUJETS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 41, le 29 décembre 2016

  • LES ETATS PSEUDO MOUMANA3ISTES EN SONT ENTIEREMENT FRAPPES PAR CES AFFECTIONS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 30, le 29 décembre 2016

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