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Campus - Concours

Le Goncourt/Choix de l’Orient : les étudiants sont toujours gagnants !

La proclamation du prix est prévue aujourd'hui à 15h au Salon du livre de Beyrouth. Elle sera suivie par un débat sur le livre primé faisant intervenir auteurs, étudiants et public en présence de Paule Constant, membre de l'Académie des Goncourt.

À l’Université Paris-Sorbonne d’Abou Dhabi, seize étudiants de différentes filières dont la littérature, l’archéologie, l’histoire de l’art et l’économie font cette année partie du jury.

Au moment où la région arabe est plus que jamais morcelée, où les ponts entre les différentes communautés sont fragilisés, où dans certains discours l'Orient et l'Occident sont opposés, des centaines d'étudiants, au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Palestine, en Égypte, aux Émirats arabes unis, en Irak, en Iran, au Soudan, au Yémen et à Djibouti, se mobilisent autour d'un événement annuel qui les réunit : le prix Goncourt/Choix de l'Orient. Un concours littéraire lancé par le Bureau Moyen-Orient de l'AUF et l'Institut français du Liban en 2012 afin de faire découvrir la littérature française contemporaine aux universitaires dans le monde arabe et de leur donner le goût de la lecture critique.
Dans trente universités de la région, les étudiants participants plongent dans les univers des romans sélectionnés par l'Académie des Goncourt. Ils les analysent, les interprètent, les commentent et les critiquent. Et après de longs et multiples débats, parfois très animés, chacun des 37 jurys étudiants choisit son ouvrage préféré en vue de la sélection finale prévue aujourd'hui au Salon du livre de Beyrouth, lors d'une délibération à huis clos, en présence de la romancière libanaise Salma Kojok, présidente du grand jury.

Découvertes et nouvelles passerelles
Il y a à peine quatre ans, Dima Assaad, 21 ans, ne parlait pas un mot de français. Aujourd'hui, elle est étudiante en 3e année de lettres modernes à l'Université Paris-Sorbonne à Abou Dhabi. La jeune fille, qui se décrit comme une « lectrice avide depuis l'enfance », estime que « la littérature est une source d'éducation morale non moins précieuse ou légitime qu'une autre dans la vie réelle ». Participant au Choix de l'Orient pour la troisième fois, elle se réjouit d'avoir découvert la littérature francophone contemporaine grâce à cet événement. Une expérience, « bien différente de la lecture solitaire », qui lui a donné l'occasion d'échanger avec les autres participants d'origines, de disciples et d'âges différents, qui, malgré leurs différences, ont pu trouver de nombreux points communs et de multiples « terrains d'entente » grâce aux « passionnantes discussions qu'ils ont eues ensemble » dans le cadre du concours. Et d'ajouter : « Cela m'a donné l'idée de créer à l'université un club littéraire afin d'encourager la lecture active et critique, et de donner le goût de la lecture aux étudiants qui ne l'ont pas. »
À l'Université de Sanaa (Yémen), Abir Assaad compare la littérature au dessin. « La littérature nous permet de tracer avec les mots de magnifiques tableaux. » Pour la jeune étudiante en langue française, il est plus important de « trouver le plaisir de lire » que de convaincre les autres participants de sa sélection et d'imposer son choix. Et d'affirmer : « Ce concours est d'une grande utilité. La lecture qu'il exige a élargi notre vocabulaire et enrichi notre langue et notre culture. »
Fier de la participation de l'Irak au Choix de l'Orient, Zeid Khaldoun Abd Oun, 27 ans, se dit « fasciné par la littérature française » et ravi de découvrir des ouvrages et des auteurs contemporains. Le jeune mastérant en lettres à l'Université al-Mustansirya à Bagdad confie avoir baigné dans la littérature depuis son jeune âge. « Mon grand-père est un grand écrivain. Il a à son actif une prolifique production littéraire. C'est lui qui m'a poussé à explorer ce monde magique. » Un univers « miroir de la société et de la vie de l'homme », comme le souligne son collègue Laith Karim Choukit qui insiste sur le rôle de la littérature dans la libération des peuples, le refus des régimes tyranniques et l'évolution des sociétés.
Même ravissement en Égypte. Mahmoud Mohammad Abdessalam et Ahmad Ali el-Chahid, tous les deux étudiants à la faculté de langues et de traduction de l'Université al-Azhar, participent pour la première fois au Choix de l'Orient. Dans leurs témoignages reviennent souvent les expressions « grand défi », « plaisir de la lecture », « riches apprentissages » et « découvertes ».

Pour certains, c'est un acte de survie
Pour les étudiants syriens, la participation à ce concours est un acte de défi. « Le Choix de l'Orient leur permet de s'évader un peu, d'oublier ce qui les entoure, de s'échapper à un quotidien douloureux. Le temps de lire un roman, ils voyagent dans le temps et plongent dans un monde fictif, loin de certaines réalités... », précise Hala Sabbagh, responsable du Centre numérique francophone de Damas. Abir Chamass est l'une de ces étudiants. Pour la jeune mastérante à l'Université de Damas, la lecture ne s'arrête pas une fois la dernière page du roman tournée. La « touchante description » de la guerre en Afrique réalisée par Gaël Faye dans son roman Petit pays a poussé la jeune lectrice à effectuer des recherches en ligne pour en savoir plus sur les conflits qui bouleversent le continent noir. L'enthousiaste participante de 22 ans, qui confie apprécier l'aspect fédérateur du concours, ajoute : « Ce prix m'a encouragée à écrire. Qui sait ? Je pourrais y participer un jour en tant qu'auteure. »
Qu'ils enseignent à l'Université arabe de Beyrouth, l'Université islamique du Liban, l'Université Jinan, l'UL, l'Usek, l'USJ, Balamand, ou dans les autres établissements universitaires participants de la région, les professeurs sont unanimes quant à l'importance de cette manifestation. « Participer au Choix de l'Orient apprend aux étudiants à porter sur les livres un jugement critique qui soit l'expression de leurs préférences personnelles, tout en tenant compte d'autres critères moins subjectifs comme le prix décerné, le public visé ou encore le fait que leur choix sera celui de la collectivité à laquelle ils appartiennent. Tout en leur permettant de découvrir des livres qui constituent l'actualité littéraire du moment, cette expérience aide également les étudiants à défendre publiquement leur point de vue et à écouter celui de leurs camarades. La rédaction de comptes rendus leur donne enfin l'occasion de pratiquer une forme d'écriture différente de celle des exercices scolaires auxquels ils sont habitués », avance Vital Rambaud, directeur du département d'études françaises à l'Université Paris-Sorbonne d'Abou Dhabi.
À l'Université de Téhéran, Zeinab Rezvantalab trouve dans ce concours « l'occasion de faire connaître aux étudiants des écrivains contemporains qui ne font souvent pas partie de la liste d'écrivains classiques qu'ils étudient dans les cours ». La professeure adjointe qui considère que « la littérature offre (aux lecteurs) une nouvelle vision, et (leur) ouvre une nouvelle fenêtre sur le monde », incite ses étudiants à lire en leur faisant voir le lien entre la lecture et le développement personnel. « Plus vous lisez de livres, mieux vous comprenez la vie », leur répète-t-elle. Pour le professeur irakien Khaled Sadek Hussein, chef du département de français à l'Université al-Mustansirya, « les étudiants apprennent dans les romans à refuser la violence, à s'indigner face à la guerre, à s'insurger contre l'injustice, l'irrespect de la femme, le racisme, la torture et le refus de l'autre... ».

Bouffée d'oxygène et souffle libérateur
Malgré la guerre qui ravage le pays, l'Université de Sanaa a pris part au Choix de l'Orient. Le professeur adjoint Hussein Ahmad el-Ward souligne l'importance de cet événement, non seulement pour les étudiants, mais aussi pour les facultés et les enseignants-chercheurs participants. « Ce concours nous permet de suivre le développement des courants littéraires francophones et de découvrir les talents de nos confrères, précise-t-il. Et grâce à ce prix, notre bibliothèque s'est enrichie de 16 ouvrages de littérature francophone. » À plus de 5 500 kilomètres de Sanaa, Oussama Nabil, directeur du département de français à l'Université d'al-Azhar, précise : « Dans un contexte culturel mondialement difficile, le Choix de l'Orient permet aux établissements participants de bénéficier d'une précieuse ouverture sur les autres universités. » Et de conclure en évoquant le rôle de la littérature dans la construction d'un monde meilleur : « La littérature, particulièrement la littérature française et francophone, représente l'un des meilleurs moyens pour la compréhension de l'autre. »

Au moment où la région arabe est plus que jamais morcelée, où les ponts entre les différentes communautés sont fragilisés, où dans certains discours l'Orient et l'Occident sont opposés, des centaines d'étudiants, au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Palestine, en Égypte, aux Émirats arabes unis, en Irak, en Iran, au Soudan, au Yémen et à Djibouti, se mobilisent autour d'un...

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