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Un secteur secoué par les attentats terroristes de septembre
Par MISSIR JOELLE, le 30 novembre 2001 à 00h00
La loi de juin 2001, visant à réorganiser le secteur de l’assurance, n’a pas contribué à consolider et à assainir le marché. Le rebond réel du secteur et son ampleur seront fonction de l’évolution de la situation géopolitique et de la réussite de la politique de relance engagée de concert par les assureurs et l’État. Pour le secteur de l’assurance, le sinistre du 11 septembre 2001, qui a pris la forme d’épouvantables attentats à New York et Washington, est exceptionnel, tant par sa nature que par son ampleur, ce qui explique la difficulté de la profession à quantifier son impact financier réel. Les estimations s’échelonnent entre 50 et 100 milliards de dollars de protections et de couvertures. Une ampleur qui ne devrait pas rester sans conséquence sur le marché mondial des assurances. «Une des conséquences majeures des attentats est la forte diminution des capacités pour le secteur de la réassurance et une forte hausse de la demande d’assurances (assurance décès notamment), souligne Édward Traboulsi, directeur de la compagnie d’assurances Alpina. Il y aura certainement un grand bouleversement dans le secteur. Les compagnies d’assurances doivent trouver de nouvelles voies de rentabilité, celle-ci n’étant plus assurée ni par les marchés financiers ni par les techniques d’assurances de base». Fayçal Malak, membre du conseil d’administration de Medgulf, estime qu’«il faut laisser faire le temps pour constater l’impact du 11 septembre. Les assureurs dépendent du marché international à travers les réassureurs. Certains éprouvent de grandes difficultés aujourd’hui et font état d’arrêt de payement». La capacité des réassureurs étant en jeu, leurs budgets se voient considérablement alourdis. «Les augmentations de tarifs promises sont significatives car les conséquences vont amener les réassureurs à durcir considérablement les conditions de souscription. Il est alors probable que les assureurs soient contraints de répercuter ces hausses sur les primes», souligne Assaad Merza, PDG de Capital Insurance & Reinsurance Company. De son côté, Fady Shammas, directeur général de Arabia Insurance Company, précise que «le secteur va rebondir en raison des anticipations d’augmentations tarifaires. Au cours des prochains mois, une révision à la hausse du coût de la catastrophe est attendue. La somme des pertes publiées par chacun des réassureurs est énorme, et certainement une forte progression des primes de l’ordre de 30 à 40 % marquera l’année 2002». En effet, tous les professionnels du secteur mettent l’accent sur l’augmentation des taux de primes et le manque de visibilité actuel amène à privilégier les assureurs solides financièrement et bénéficiant d’une bonne vision. Les défis des assureurs «Nul besoin d’être un grand spécialiste pour diagnostiquer que le marché libanais est très malade, avoue Rizk el-Khoury, directeur général de Cumberland. Pour sa part, et cela depuis 1999, Cumberland a adopté une politique d’expansion assez prudente. Compte tenu de la situation économique des entreprises et des particuliers, tous les produits de la société sont constamment adaptés aux besoins de chacun, même ceux qui ont un faible revenu. Aussi, Cumberland tente d’offrir des services complémentaires aux polices d’assurances classiques. Et pour ses clients, la société reste très transparente et respecte toutes les clauses stipulées dans les contrats». Regagner la confiance des clients, retrouver une image inspirant confiance et efficacité sont autant de facteurs qui régissent les ambitions des dirigeants des compagnies d’assurances. Dans le passé, les sociétés sans véritable compétence ont vendu un peu n’importe quoi et n’ont pas été jusqu’au bout de leurs engagements ; ce qui a fait perdre toute confiance au client. «Malheureusement, les nombreuses faillites ressenties ces dernières années ont terni l’image des compagnies d’assurances. De même, les abus en matière d’assurances médicales étaient assez importants», affirme Fady Shammas. Un autre point de vue est souligné par Rizk el-Khoury : «Les courtiers touchent des commissions exorbitantes et pourtant, ils n’ont aucune responsabilité en cas de sinistres, ils sont considérés comme de simples intermédiaires. Il faut prévoir un cadre légal qui réglemente la profession, pour ne pas instaurer une image d’inefficacité dans le secteur». Il faut donc former à nouveau les Libanais au concept de l’assurance. «Les dépenses des clients dans les pays arabes sont minimes face à celles des pays comme le Japon, la Suisse ou l’Angleterre, souligne M. Shammas. Pour l’année 1999, les primes versées par individu pour l’assurance non-vie aux États-Unis sont de 1 475 $ et de 1 446 $ pour l’assurance-vie, alors qu’au Liban, elles sont de 9 993 $ et 18 $ respectivement. Notre mission est d’améliorer la perception du secteur. Cette action doit s’appliquer de concert avec le rôle de l’ACAL et du ministère de l’Économie». Restructuration en place L’État travaille actuellement à faire appliquer un certain nombre de réglementations. Après la date échéance du 28 juin 2001, le ministère de l’Économie aurait dû retirer les licences d’exploitation des compagnies d’assurances qui n’auraient pas légalisé leur situation. Comme le précise Anthony el-Fadl, directeur de North Assurance, «à partir de cette date et conformément aux dispositions de la loi du 27 mai 1999, les compagnies d’assurances devraient disposer de fonds propres pour un minimum de 1,5 million de dollars si elles souhaitent se maintenir uniquement dans les secteurs traditionnels non-vie de l’assurance. Le montant minimal de capitaux propres exigés par la loi pourrait atteindre 3,3 millions de dollars pour les compagnies opérant dans les six branches de l’assurance au Liban. Les exigences de capitalisation minimales sont de 800 000 dollars pour l’assurance-vie, l’assurance générale et l’assurance crédit, de 233 000 dollars pour l’assurance générale et l’assurance crédit, de 233 000 dollars pour l’assurance incendie et marine et de 500 000 dollars pour l’assurance agricole». Par ailleurs, la loi impose aux compagnies libanaises un réajustement de leurs réserves techniques et le respect d’une marge de solvabilité fixée à un taux minimum de 10 % des primes contractées. La loi sur les réserves financières appelée à assainir le secteur n’a pas encore donné lieu à la création d’un organisme de contrôle chargé de s’assurer de l’application. Actuellement, les compagnies d’assurances versent une taxe de 11 %, à laquelle s’ajoute une taxe municipale. Fady Shammas indique que «ni les mutuelles ni les sociétés étrangères qui n’ont pas à proprement parler de présence au Liban mais qui y vendent leurs produits ne s’acquittent des 11 % de taxe, ce qui est illogique». «Avec l’application de la TVA, indique Nakhlé Eddé, directeur général de la Byblos Insurance Company, les sociétés d’assurances vont être indirectement touchées, ce qui va alourdir le poids des coûts d’exploitation des sociétés et augmenter la facture de l’assuré». De son côté, Édward Traboulsi conclut que «les pièces de rechange des voitures et la main-d’œuvre, sujettes à la TVA, vont certainement se répercuter sur les primes des polices d’assurances. Et il reste à voir si la TVA ne sera pas aussi imposée aux compagnies d’assurances».
La loi de juin 2001, visant à réorganiser le secteur de l’assurance, n’a pas contribué à consolider et à assainir le marché. Le rebond réel du secteur et son ampleur seront fonction de l’évolution de la situation géopolitique et de la réussite de la politique de relance engagée de concert par les assureurs et l’État. Pour le secteur de l’assurance, le sinistre du 11 septembre 2001, qui a pris la forme d’épouvantables attentats à New York et Washington, est exceptionnel, tant par sa nature que par son ampleur, ce qui explique la difficulté de la profession à quantifier son impact financier réel. Les estimations s’échelonnent entre 50 et 100 milliards de dollars de protections et de couvertures. Une ampleur qui ne devrait pas rester sans conséquence sur le marché mondial des assurances. «Une des...