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Culture - Musique

Le jazz tentaculaire de Makram Aboul Hosn : huit musiciens, un seul cœur

La formation jazz libanaise mêle instrumentation atypique, improvisation libre et alchimie scénique pour créer une musique vivante, organique et profondément humaine, à l’image de la pieuvre qui l’inspire.

Le jazz tentaculaire de Makram Aboul Hosn : huit musiciens, un seul cœur

L'octet de Makram Aboul Hosn lors de son spectacle du 25 avril au Metro al-Madina. Photo Emmanuel Saad

Sur la scène du Metro al-Madina, la configuration du Makram Aboul Hosn Octet peut surprendre. Au centre, le contrebassiste et leader Makram Aboul Hosn fait face au public, flanqué de Charbel Sawma à la basse électrique. À gauche de ce dernier, son jumeau Abdo s’active à la batterie, tout comme Pavlo Wardini, placé à ses côtés. Deux batteurs, deux bassistes : de prime abord, la disposition semble redondante.

Mais à gauche de la scène, le terrain est plus familier. Les vétérans du saxophone, Tom Hornig et Nidal Abou Samra, forment avec Joe Khoury une solide section de cuivres. Plus jeune, Christelle Njeim apporte une touche inattendue avec son métallophone, tantôt frappé, tantôt frotté, contrepoint subtil aux percussions puissantes et aux cuivres fougueux.

Dès les premières notes, les apparences s’effacent : la richesse sonore de l’ensemble fait oublier toute impression de déséquilibre. Abdo Sawma et Wardini se répondent à la perfection, leurs jeux percussifs se complétant sans se répéter. Charbel Sawma, quant à lui, module sa basse au synthétiseur, contrastant avec la sonorité boisée de la contrebasse de Makram. La redondance laisse place à une complémentarité inventive.

L'octet de Makram Aboul Hosn lors de son spectacle du 25 avril au Metro al-Madina. Photo Emmanuel Saad

Un groupe en évolution

« Au départ, c’était un trio », se souvient Aboul Hosn. « Moi, un batteur (Dany Choukri), et Abou Samra. On voulait jouer mes compositions et quelques standards moins connus. Je cherchais une approche plus underground. »

L’arrivée de Tom Hornig marque un tournant. « Avec deux cuivres, le son devient massif. Je n’écris que l’essentiel : la mélodie. Ensuite, je les laisse partir en solo. » Joe Khoury est le dernier à rejoindre l’ensemble. « Je l’ai choisi parce qu’il sonne différemment. Ce n’est pas une question d’instruments, mais de cœur. »

Le groupe s’est étoffé presque par hasard, comme lorsqu’une rage de dents l’oblige à imaginer un concert sans batterie, pour finalement se retrouver sur scène avec deux batteurs : « C’était d’une parfaite symétrie. »

Rapidement, Charbel rejoint son frère. « On ne peut pas engager un jumeau sans l’autre », plaisante Aboul Hosn. Il veille à ce que chacun trouve sa place : « Je les ai fait accorder leurs batteries différemment, utiliser des percussions manuelles, des cymbales variées. Moi, je reste dans le grave acoustique, et Charbel explore l’électro. Ça fonctionne. »

Quant à Christelle Njeim ? « On avait besoin d’une femme pour instaurer un peu d’ordre », lance-t-il avec humour. Formée en percussions classiques, elle a toujours voulu improviser. Le jazz était une évidence.

Makram Aboul Hosn et Christelle Njeim lors du concert de l’octet le 25 avril à Metro al-Madina. Photo Emmanuel Saad

Une diversité de parcours

L’octet réunit des musiciens aux parcours aussi éclectiques que complémentaires. Hornig, après avoir joué dans des big bands en Europe et aux États-Unis, a étudié à l’École normale de musique de Paris. Abou Samra est autodidacte. Tous deux enseignent aujourd’hui au Conservatoire libanais.

Aboul Hosn, diplômé du Prins Claus Conservatorium (Pays-Bas), enseigne à NDU (Notre Dame University) et à l’école de musique et de théâtre indépendante du Metro, al-Mehania. Khoury, ingénieur mécanicien le jour, joue avec une intensité qui dément son métier. Wardini a étudié à NDU. Les jumeaux Sawma sont de jeunes prodiges autodidactes.

Njeim, elle, a grandi avec la musique. Passée par le Conservatoire libanais, elle a joué avec LeBAM, puis l’Orchestre philharmonique du Liban. Elle continue d’étudier les percussions arabes auprès de Khaled Yassine, tout en explorant le jazz avec des musiciens de la scène expérimentale.

« L’improvisation m’a toujours fascinée, bien avant que je ne m’y mette vraiment, confie-t-elle. Je me souviens de mon premier Jazz Day au vieux Metro, j’avais une vingtaine d’années. J’ai vu ces musiciens libres sur scène et je me suis dit : C’est ça que je veux faire. »

Pour elle, l’essence du jazz réside dans cette alchimie scénique unique. « C’est une communication immédiate, une création simultanée. Tu sors de toi-même, tu cesses de réfléchir, et quelque chose change, chez toi comme chez le public. »

Tom Hornig, à droite, Nidal Abou Samra et Joe Khoury lors du concert de Makram Aboul Hosn Octet le 25 avril à Metro al-Madina. Photo Emmanuel Saad

Une pieuvre nommée jazz

Arrivé au Liban en 1994, Tom Hornig se dit chanceux : « J’ai joué avec tout le monde, même les Rahbani. J’enseigne au conservatoire depuis 31 ans. Tout ce qu’il y a de meilleur m’est arrivé ici. Charbel et Abdo sont, selon moi, les meilleurs musiciens du Moyen-Orient. »

Il joue avec Aboul Hosn depuis leurs débuts. « Sa musique est très libre, presque ésotérique. Il m’a souvent poussé à briser mes propres limites. Le jazz, c’est chercher cet endroit où tout s’aligne, où l’on devient soi-même. Makram crée cet espace. »

Aboul Hosn a sorti deux albums – Parallel et Transmigration – mais préfère aujourd’hui publier ses morceaux en ligne, au fil de l’eau. « Je rêve d’un album avec l’octet, mais ce groupe vit du public. L’enregistrer en studio ? Ce serait tuer la pieuvre. »

La pieuvre justement, symbole qu’il a choisi pour son logo, n’est pas anodin. « L’ammonite, ancêtre de la pieuvre, avait une coquille. L’octopus a survécu en s’en débarrassant. Il s’est jeté dans le monde, vulnérable, sans protection. J’adore cette image. »

« Il a trois cœurs, plein d’amour, et des cerveaux dans chaque tentacule. Chacun pense, mais tout converge vers un centre. Pour moi, c’est exactement ce que j’essaie de faire avec cette musique. »

Makram Aboul Hosn est à écouter sur toutes les plateformes : Bandcamp, Anghami, Spotify, Soundcloud…

Sur la scène du Metro al-Madina, la configuration du Makram Aboul Hosn Octet peut surprendre. Au centre, le contrebassiste et leader Makram Aboul Hosn fait face au public, flanqué de Charbel Sawma à la basse électrique. À gauche de ce dernier, son jumeau Abdo s’active à la batterie, tout comme Pavlo Wardini, placé à ses côtés. Deux batteurs, deux bassistes : de prime abord, la disposition semble redondante.Mais à gauche de la scène, le terrain est plus familier. Les vétérans du saxophone, Tom Hornig et Nidal Abou Samra, forment avec Joe Khoury une solide section de cuivres. Plus jeune, Christelle Njeim apporte une touche inattendue avec son métallophone, tantôt frappé, tantôt frotté, contrepoint subtil aux percussions puissantes et aux cuivres fougueux.Dès les premières notes, les apparences s’effacent : la...
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