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Dernières Infos - Diplomatie

Création d'une commission d'historiens pour estimer « le prix » de la liberté payé par Haïti à la France


Le président français Emmanuel Macron prononce un discours lors de la cérémonie de remise des prix aux artisans et fonctionnaires ayant contribué à la restauration de la cathédrale Notre-Dame, au palais de l'Elysée à Paris, le 15 avril 2025. Photo AFP / POOL / Sarah Meyssonnier

Une commission d'historiens pour évaluer « le prix sur la liberté » imposé par la France à Haïti: à l'occasion du bicentenaire de l'octroi de l'indépendance au pays des Caraïbes, le président français Emmanuel Macron a lancé jeudi un travail de mémoire, sans toutefois évoquer clairement d'éventuelles réparations financières.

Dans une déclaration transmise aux médias, le président français a annoncé qu'une commission mixte, sous la houlette du diplomate français Yves Saint-Geours, diplômé en histoire, et de l'historienne haïtienne Gusti-Klara Gaillard Pourchet, serait chargée d'examiner le « passé commun ».

Elle devra notamment étudier « l'impact » sur Haïti de la « très lourde indemnité financière » imposée par la France à son ex-colonie en échange de la reconnaissance de son indépendance.

« Une fois ce travail nécessaire et indispensable accompli, cette commission proposera aux deux gouvernements des recommandations afin d’en tirer les enseignements et construire un avenir plus apaisé », a précisé Emmanuel Macron.

Après avoir proclamé leur indépendance en 1804 à l'issue d'une victoire militaire contre le corps expéditionnaire napoléonien, les nouvelles autorités de Haïti acceptèrent, le 17 avril 1825, sous la menace des canons de la flotte française, de payer 150 millions de francs-or d'indemnité aux anciens propriétaires de terres et d'esclaves, en échange de la reconnaissance de l'indépendance par le roi Charles X. La somme sera ramenée en 1838 à 90 millions.

Pour s'en acquitter, la jeune république caribéenne dut s'endetter à des taux très élevés auprès de banques françaises. Le règlement de cette « double dette » s'étala jusqu'en 1952.

L'indemnité financière plaçait donc « un prix sur la liberté d’une jeune Nation, qui était ainsi confrontée, dès sa constitution, à la force injuste de l'Histoire », a reconnu le président français dans sa déclaration.

« Nouvelle ère » 

« Aujourd’hui, en ce bicentenaire, il nous faut, ici comme ailleurs, regarder cette Histoire en face », a-t-il ajouté, assurant que la France devait « assumer sa part de vérité dans la construction de la mémoire, douloureuse pour Haïti, qui s’est initiée en 1825 ». Mais il ne fait pas référence directement, à ce stade, aux réparations financières réclamées par les autorités haïtiennes.

Mercredi, la présidence française avait assuré que le chef de l'Etat tirerait « toutes les conclusions » à l'issue de ce travail de mémoire, qui s'inspire de ceux qu'il a déjà initiés au sujet de la guerre d'Algérie, du génocide au Rwanda ou encore de la colonisation française au Cameroun.

En janvier, le président haïtien par interim Leslie Voltaire a affirmé qu'Emmanuel Macron avait évoqué lors d'un entretien le principe d'une « restitution » - que la présidence française n'avait toutefois pas mentionné dans son compte-rendu de cette rencontre.

La mémoire de cette « dette haïtienne » est toujours vive dans ce pays de 12 millions d'habitants qui fait face à une triple crise politique, sécuritaire et humanitaire.

Etat le plus pauvre des Amériques, Haïti vit depuis des dizaines d'années dans une instabilité politique chronique, qui favorise le règne de gangs. Ces bandes criminelles contrôlent actuellement environ 85% de la capitale, selon l'ONU, et sèment la terreur par des meurtres, viols, enlèvements et pillages.

En novembre, Emmanuel Macron avait déclenché une polémique avec Port-au-Prince en jugeant que les Haïtiens avaient « tué Haïti en laissant le narcotrafic » prospérer, et en affirmant que les responsables du pays étaient « complètement cons » d'avoir limogé leur Premier ministre de l'époque.

Selon la Fondation pour la mémoire de l'esclavage (FME), l'engrenage financier déclenché par l'ordonnance de Charles X a entraîné Haïti « dans une spirale de dépendance néocoloniale dont le pays ne parviendra jamais à s'extraire ».

« Cette indemnisation a entravé durablement le processus de développement du jeune État tant par ses mécanismes financiers que par le poids politique qu'elle charrie », abonde l'économiste haïtien Pierre Benzico, interrogé par l'AFP à Port-au-Prince.

Dans la foulée d'une campagne lancée en 2003, l'ex-président haïtien Jean-Bertrand Aristide avait évalué cette « double dette » à 21,7 milliards de dollars. Mais un comité de réflexion réuni à l'époque par le gouvernement français sous l'égide de Régis Debray avait conclu à « l'anachronisme » d'une telle revendication.

« C'est très important qu'Emmanuel Macron reconnaisse une injustice », a estimé jeudi sur franceinfo l'ex-Premier ministre français Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage. « C'est le début d'une nouvelle ère », « qui bien évidemment doit être suivie d'autres. »


Une commission d'historiens pour évaluer « le prix sur la liberté » imposé par la France à Haïti: à l'occasion du bicentenaire de l'octroi de l'indépendance au pays des Caraïbes, le président français Emmanuel Macron a lancé jeudi un travail de mémoire, sans toutefois évoquer clairement d'éventuelles réparations financières.Dans une déclaration transmise aux médias, le président français a annoncé qu'une commission mixte, sous la houlette du diplomate français Yves Saint-Geours, diplômé en histoire, et de l'historienne haïtienne Gusti-Klara Gaillard Pourchet, serait chargée d'examiner le « passé commun ».Elle devra notamment étudier « l'impact » sur Haïti de la « très lourde indemnité financière » imposée par la France à son ex-colonie en échange de la reconnaissance de son...