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Les Européens en mer Rouge, entre inquiétude économique et prudence militaire

Les Européens en mer Rouge, entre inquiétude économique et prudence militaire

Le ministre britannique de la Défense Grant Shapps prononce un discours sur la défense du Royaume-Uni et de ses alliés, à Lancaster House, à Londres, le 15 janvier 2024. Photo AFP/HENRY NICHOLLS

Les pays européens restent paradoxalement prudents dans leur engagement militaire face aux attaques des houthis en mer Rouge, alors que la hausse des tarifs du transport maritime risque d'aggraver les tensions économiques et l'inflation pour leurs populations.

Depuis vendredi, Américains et Britanniques ont mené plusieurs frappes contre l'arsenal des rebelles yéménites, qui assurent s'en prendre à des navires liés aux intérêts israéliens, en solidarité avec les Palestiniens de Gaza où Israël et le Hamas sont en guerre depuis le 7 octobre. Signe de la tension soutenue dans la zone, un vraquier grec qui se dirigeait vers le canal de Suez a été touché mardi par un missile au large du Yémen.

Mais les marines de l'Union européenne restent en ordre dispersé. Les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont prévu d'en discuter lundi prochain à Bruxelles.

D'après des sources diplomatiques, l'Union cherche à compléter la coalition dirigée depuis décembre par les Etats-Unis, "Prosperity Guardian", qui comprend l'Allemagne ou encore les Pays-Bas. Elle réfléchit aussi à en monter une exclusivement européenne, afin de contribuer à protéger cet axe crucial pour la sécurité économique de l'Europe.

Sont également conviés à la réunion de lundi le secrétaire général de la Ligue arabe, les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, de Jordanie, d'Egypte et d'Israël, ainsi qu'un représentant de l'Autorité palestinienne. Mais la participation des uns et des autres n'a pas été officiellement confirmée.

L'Italie et la France ont déjà déployé en mer Rouge des bâtiments de guerre patrouillant au nom de la "liberté de navigation", sans toutefois s'aligner totalement sur Washington.

Paris souhaite garder ses opérations sous commandement national. "Il n'y a aucune subordination au partenaire américain. En revanche, on a une répartition géographique intelligente des efforts et nous partageons nos informations", expliquait récemment le vice-amiral Emmanuel Slaars, commandant des opérations françaises dans l'océan Indien.

"Position équilibrée"

La frégate Languedoc est intervenue à deux reprises depuis le 9 décembre pour abattre des drones des houthis en "légitime défense". Le mandat de la marine "ne va pas au-delà", a précisé le haut gradé, excluant de frapper directement les rebelles yéménites.

La France ne veut pas "s'afficher comme suivant de façon systématique les Etats-Unis", analyse Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES) et auteur de "Tsahal: nouvelle histoire de l'armée israélienne".

Selon lui, Paris cherche également à exprimer sa "volonté de ne pas susciter d'escalade avec l'Iran", qui soutient les houthis dans le cadre de son "axe de la résistance" contre Israël. "Après avoir été perçue comme trop pro-israélienne au début du conflit, ce qui a eu un impact négatif dans ses relations avec le Moyen-Orient, la France tente de retrouver une position équilibrée", estime pour sa part Camille Lons, chercheuse à l'ECFR (European Council on Foreign Relations).

Paris pourrait enfin vouloir ménager ses partenaires de Djibouti, où environ un millier de soldats français sont déployés, comme les Emirats arabes unis où se trouve également une base militaire française, ou encore l'Egypte et l'Arabie saoudite, qui n'ont pas soutenu les frappes américaines.

Les autorités de Djibouti ont affirmé la semaine dernière qu'il n'y aurait "absolument pas" de déploiements de missiles américains ni de tout autre pays sur leur sol.

Selon Alessio Patalano, spécialiste de la stratégie maritime à l'université King's College de Londres, les Etats-Unis ont pourtant "été clairs: le sujet (des frappes) n'est pas la guerre à Gaza, mais la liberté de navigation". Mais cette distinction ne passe pas au sein d'une partie des pays arabes.

Pour des raisons de politique intérieure, l'Espagne a déjà refusé de participer à toute éventuelle mission maritime en mer Rouge, européenne ou pas. Quant à l'Italie, elle a déployé le Virgilio Fasan, rejoint en janvier selon les médias italiens par une autre frégate, le Federico Martinengo. Mais elle n'a pas participé aux frappes américano-britanniques. "Nous ne pouvons pas participer à des actes de guerre soudains, même s'il s'agit d'actions visant à protéger le trafic maritime international, sans autorisation du Parlement", a justifié vendredi le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani.

L'impact sur le Vieux Continent des frappes des houthis suscite pourtant des inquiétudes, rappelées lundi par le commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni.

"Ce qui se passe en mer Rouge semble, pour l'instant, ne pas avoir de conséquences sur les prix de l'énergie et l'inflation. Mais nous pensons qu'il faut surveiller cela de très près car ces conséquences pourraient se matérialiser dans les semaines à venir", a-t-il prévenu.

Les pays européens restent paradoxalement prudents dans leur engagement militaire face aux attaques des houthis en mer Rouge, alors que la hausse des tarifs du transport maritime risque d'aggraver les tensions économiques et l'inflation pour leurs populations.

Depuis vendredi, Américains et Britanniques ont mené plusieurs frappes contre l'arsenal des...