
A l’hôpital Nasser de Khan Younès, le 17 octobre 2023 dans la bande de Gaza, Inas Abou Maamar enlace le corps sans vie de sa nièce, Saly, tuée dans un bombardement israélien. REUTERS/Mohammed Salem
Sur la photo, une femme berce un enfant. Elle serre sa tête dans ses bras et maintient ses jambes avec ses genoux, dans une forme d’équilibre précaire. C’est une scène aussi vieille que l’humanité. Mais en réalité, c'est un corps sans vie que la femme prise en photo est en train de bercer, un corps enveloppé dans un linceul blanc. A cet instant, le silence qui entoure la scène est lourd, et la douleur, intense.
La femme porte un foulard orange, sa tête est baissée. On ne voit ni son visage ni celui de l'enfant. On ne sait d’ailleurs presque rien de lui, même pas s'il s'agit d'une fille ou d'un garçon.
Ce que l'on sait en revanche, c'est que cet enfant est l'un de ceux qui ont été emportés par la guerre entre Israël et le Hamas. Nombre d’entre eux resteront anonymes. Et pourtant, chaque mort laissera une douleur indélébile au sein d'une famille que l'on ne rencontrera probablement jamais.
En ce XXIe siècle, près de 20 enfants sont tués ou blessés, en moyenne chaque jour, à travers le monde, selon l'Unicef.
« Le médecin m'a demandé de la lâcher... mais je lui ai dit de la laisser avec moi », raconte Inas Abou Maamar, en se remémorant cette terrible journée à la morgue. REUTERS/Mohammed Salem
Le photographe de Reuters, Mohammad Salem, était à Khan Younes, dans le bande de Gaza sud, le 17 octobre, à la morgue de l'hôpital Nasser, où se pressaient des Palestiniens à la recherche de proches disparus. C'est là qu'il a vu la femme accroupie sur le sol de la morgue, sanglotant et serrant étroitement le corps de l'enfant. « C'était un moment très fort et très triste, et j'ai senti que la photo résumait le sens plus large de ce qui se passait dans la bande de Gaza », explique-t-il. « Les gens étaient perdus, couraient d'un endroit à l'autre, anxieux de connaître le sort de leurs proches, et cette femme a attiré mon attention alors qu'elle tenait le corps de la petite fille et refusait de le lâcher. »
Un moment d'autant plus poignant pour Mohammad Salem que son épouse avait accouché quelques jours plus tôt.
À Gaza, où les des coupures des télécommunications sont récurrentes, retrouver des proches est difficile. Mais deux semaines après cette photo, Reuters a réussi à retrouver cette femme éplorée et à l'interviewer chez elle à Khan Younes. Elle s'appelle Inas Abou Maamar et le corps qu'elle tenait sur la photo était celui de sa nièce de 5 ans, Saly.
Inas Abou Mammar à côté de son frère, Ramez, le père de Saly. REUTERS/Mohammed Salem
Inas s'était précipitée chez son oncle dès qu'elle avait appris que sa maison avait été touchée par un bombardement israélien. Puis elle s'était rendue à la morgue. « J'ai perdu la tête quand j'ai vu la petite fille, je l'ai prise dans mes bras », a-t-elle dit. « Le médecin m'a demandé de la lâcher... mais je lui ai dit de la laisser avec moi. »
La mère et la sœur de Saly ont également été tuées, ainsi que l'oncle et la tante d'Inas. Inas avait un faible pour Saly. Elle avait l'habitude de passer chez sa grand-mère en chemin pour la maternelle et demandait à sa tante de prendre des photos d'elle. « Elle est sur la plupart des vidéos et des photos enregistrées dans mon téléphone », dit Inas.
Dans le téléphone d'Inas, des photos de la petite Saly. REUTERS/Mohammed Salem
Le frère de Saly, Ahmed, âgé de 4 ans, était à l'extérieur de la maison quand elle a été frappée. Il a survécu. Il vit maintenant avec Inas. Il n'a pas vraiment envie de jouer, dit Inas. Il parle rarement, sauf pour demander où se trouve sa sœur Saly.
Ce texte est une traduction adaptée d'un « Photo essay » de Reuters. Le texte original, en anglais, est de Nidal al-Mughrabi, photo de Mohammad Salem)
tant de violence et de cruauté ne pourraient jamais engendrer quelque chose de positif...
14 h 05, le 02 novembre 2023