Il est 8h ce mardi quand viennent s’installer Chloé et Arad devant le portique de sécurité menant à la fan zone devant le Palais des festivals. Ce couple de trentenaires venus de Lille se réjouit à l’idée d’apercevoir Johnny Depp. Ce dernier vient présenter Jeanne du Barry au côté de Maïwenn, qui signe avec ce drame historique son sixième long-métrage. Si les festivaliers montrent unanimement leur excitation de, peut-être, (entre)voir l’éternel Jack Sparrow, en coulisses, la réalité est tout autre. Critiques de cinéma, journalistes et membres du jury ne peuvent dissimuler leur incompréhension vis-à-vis de la visibilité qu’offre cette institution du cinéma à une figure désormais controversée…
La question
« N’est-il pas trop tôt pour accueillir Johnny Depp à Cannes ? » demande une journaliste d’une radio américaine au Starbucks du coin. Accusé de violences conjugales par son ex-compagne, l’actrice Amber Heard, le petit monde de l’entertainment continue d’alimenter la discussion autour du traitement médiatique désastreux de cette affaire. Bien que relaxé, Johnny Depp est aujourd’hui considéré par certains comme un « vieux macho alcoolique, misogyne et agressif », explique une critique de cinéma (sous couvert d’anonymat) ne souhaitant pas se rendre à la projection du soir… Ce n’est pas la première fois que le Festival de Cannes ouvre ses portes à des personnalités fortement contestées parmi lesquelles Roman Polanski ou Woody Allen. Avec Maïwenn, Depp forme à l’écran un couple tout aussi sulfureux que leurs réputations respectives. Reste à voir si ce long-métrage offrira à la réalisatrice de 47 ans une légitimité internationale.
Une première montée de marches scrutée
17h. La fan zone est sur le point d’ouvrir ses portes. Nicole, 77 ans, lit tranquillement son Gala sous l’ombre que lui offrent les parapluies des voisins. La chaleur écrasante n’entame en rien la détermination des festivaliers, affiches de films froissées et carnets entachés de sueur à la main. « Tu sais qui sera là ce soir mon petit ? » nous demande Nicole. « Si c’est pour se taper trois bimbos et deux mannequins, je pars ! » ajoute-t-elle entre deux fous rires incontrôlés.
Trente minutes plus tard, les premières voitures commencent à arriver. On reconnaît Emmanuelle Béart et Laura Smet qui ne s’arrêtent que pour faire un signe rapide de la main. Xavier Dolan et Helen Mirren assureront, eux, le minimum syndical en signant quelques autographes… « Regardez cette panthère incroyable ! C’est qui encore ? » peut-on entendre. La réponse n’est autre que notre Maya Diab nationale, tout de noir vêtue. La Libanaise nous reconnaît et nous envoie un bisou au vent. « Je reviens », crie-t-elle. On attend toujours. Passée totalement inaperçue, Charlotte Casiraghi, mannequin et fille de la princesse Caroline de Monaco, grimpe les marches discrètement avec Dimitri Rassam, son producteur de mari d’origine libanaise. A contrario, la Croisette retient son souffle pour Naomi Campbell. Lunettes de soleil sur le nez, la star n’est pas d’humeur à répondre aux sollicitations des badauds et journalistes qui l’entourent. Aussi célèbre pour son parcours remarquable de supermodel des nineties que pour sa réputation de diva difficile, personne n’ose l’interpeller deux fois, sans doute pour le meilleur. Arrivent aussi les membres du jury présidé par le Suédois Ruben Östlund et emmené par la révélation de ce panel, la réalisatrice Julia Ducournau, palme d’or en 2021 pour Titane, qui a su séduire journalistes et professionnels du métier plus tôt en conférence de presse.
En haut des marches, Iris Knobloch, nouvelle présidente du festival – et première femme à ce poste en 76 ans –, accueille industriels et représentants de grands médias sans reconnaître Mona Zaki, la nouvelle coqueluche du cinéma égyptien, ni Afef Jnifen, mannequin tunisienne et seule personnalité ayant eu le courage d’adresser deux mots à la Campbell en ces temps de crise…
L’ouverture
À peine le temps de quitter l’espace dédié aux fans et d’éteindre son téléphone pour se frayer un chemin dans l’auditorium Lumière qu’arrivent, sous les applaudissements, Johnny Depp, Maïwenn et les autres acteurs de Jeanne du Barry, pour le début de la cérémonie d’ouverture. Aux manettes, Chiara Mastroianni. Discrète actrice, elle se fait à nouveau voler la vedette par sa mère. Difficile d’être la fille de Catherine Deneuve... Présente dans la salle puis sur scène, l’icône du cinéma français livre un discours émouvant en revenant sur la situation en Ukraine avant de déclarer ouverte la 76e édition du festival. Mais comme Cannes n’est que contradictions, le sérieux ne durera que quelques instants.
Après un hommage, Michael Douglas reçoit, devant une Catherine Zeta-Jones émue, une palme d’or d’honneur des mains d’Uma Thurman, récompensant une carrière faite d’immenses succès comme de regrettables navets. La cérémonie d’ouverture terminée et avant que la lumière ne s’éteigne dans la grande salle du palais, on essaie de trouver Brie Larson, actrice oscarisée et membre du jury de la sélection officielle, qui quelques heures plus tôt en conférence de presse avait confié ne pas savoir si elle resterait pour regarder un film avec Johnny Depp…