Le procès du maire d'Istanbul et figure de l'opposition turque Ekrem Imamoglu, susceptible de compromettre son avenir politique, a été reporté mercredi au 11 novembre, a annoncé à l'AFP le bureau de l'élu. A 52 ans, M. Imamoglu, qui a ravi en 2019 la mégapole au parti au pouvoir AKP (islamo-conservateur), est potentiellement l'un des meilleurs candidats de l'opposition pour tenter de succéder en juin prochain au président Recep Tayyip Erdogan.
L'élu, qui devait comparaître mercredi pour "insulte" devant un tribunal sur la rive asiatique de la mégapole, court le risque d'être mis hors jeu par la justice à neuf mois de l'élection présidentielle.
"Ce procès ne devrait pas avoir lieu", a commenté mercredi M. Imamoglu, confirmant que "l'audience a été repoussée en novembre avec l'audition des témoins".
Preuve de la nervosité du pouvoir, la police avait été déployée dans un large périmètre autour du tribunal et les rues barrées par des barrières anti-émeutes afin de prévenir toute manifestation. La presse avait également été interdite d'accès à la salle d'audience.
En mars 2019, l'élection de justesse de M. Imamoglu à la mairie d'Istanbul avait été annulée par un pouvoir mauvais joueur, contraint de s'incliner trois mois plus tard face à la mobilisation de l'électorat en sa faveur qui lui avait offert une large avance. L'AKP - et surtout son président - avait bel et bien perdu la capitale économique et principale ville de Turquie, sur laquelle M. Erdogan, ancien maire d'Istanbul (1994-1998), avait lui-même bâti son ascension vers le sommet. Quelques mois plus tard, Ekrem Imamoglu avait estimé que ceux qui avaient annulé son élection étaient des "idiots" - reprenant un terme utilisé quelques heures plus tôt à son encontre par le ministre de l'Intérieur, Süleyman Soylu.
"Une affaire politique"
C'est ce qualificatif qui a déclenché les poursuites contre le maire d'Istanbul pour "insulte" aux membres du Haut conseil électoral turc.
L'édile risque en théorie jusqu'à quatre ans de prison. Son avocat, Kemal Polat, a dénoncé une "affaire politique": toute condamnation à plus d'un an de prison - "même un an et un jour" - l'écarterait automatiquement de la vie politique pour quatre ans, a-t-il expliqué à l'AFP. En avril, un procureur avait requis 15 mois de détention contre M. Imamoglu, qui a mené une carrière prospère dans le bâtiment avant de s'engager en politique.
"Du point de vue de la loi, je ne m'attends pas à une peine de prison. Mais si tel était le cas nous continuerions à faire valoir nos droits", assurait Kemal Polat à la veille de l'audience.
Reste que le pire est possible, redoute Sinan Ülgen, directeur du think tank Edam, basé à Istanbul : "Ekrem Imamoglu est l'un des deux principaux candidats potentiels de l'opposition" à la présidence, "et il est toujours populaire, malgré quelques faux pas" - dont sa gestion critiquée d'une tempête de neige qui avait paralysé une partie de la mégapole en janvier dernier.
"Le pouvoir pourrait être tenté de le mettre hors jeu. C'est un vrai risque, non souhaitable bien sûr, qui constituerait une ingérence artificielle dans le jeu démocratique", insiste M. Ülgen. "L'opposition se retrouverait alors les mains liées: elle ne pourrait prendre le risque d'appeler à la contestation, par crainte de se voir reprocher la légitimation de la répression qui s'ensuivrait".
Depuis le coup d'Etat raté de juillet 2016, le régime a procédé à plus de 300.000 arrestations, notamment dans les rangs de la police, de la justice et de l'armée et parmi les intellectuels. De nombreuses personnalités - journalistes, universitaires, défenseurs des droits humains - ont pris la route de l'exil pour y échapper. Et les effets dissuasifs de cette vague de répression se font toujours sentir dans le pays.
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