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Moyen-Orient - Éclairage

Erdogan annonce une visite en Arabie saoudite en février

Le président turc planifie de se rendre dans le royaume wahhabite pour opérer un rapprochement espéré depuis des mois. Les griefs qui seront mis dans la balance pourraient bien aboutir à une situation gagnant-gagnant.

Erdogan annonce une visite en Arabie saoudite en février

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, arrive à une réunion d’entrepreneurs à Istanbul, en Turquie, le 3 janvier 2022. Murat Cetinmuhurdar/Presidential Press Office/Handout via Reuters

C’est en réponse à une question anodine qu’il a annoncé cette percée pourtant historique dans les relations tendues entre Ankara et Riyad. Lundi, Recep Tayyip Erdogan a déclaré à des journalistes qu’il se rendra en Arabie saoudite en février, pour une visite officielle inédite depuis l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul, en octobre 2018. Si l’Arabie saoudite n’a pas encore confirmé le déplacement, celui-ci semble avoir plus de chances de se concrétiser que la rencontre espérée par le président turc avec Mohammad ben Salmane au Qatar début décembre, et qui n’avait finalement pas eu lieu. Car si leurs relations sont restées tendues ces trois dernières années, les avantages d’un rapprochement semblent désormais dépasser les inconvénients. La région entre dans « une nouvelle ère qui met l’accent sur la diplomatie et le commerce, plutôt que sur la confrontation, pour promouvoir ses intérêts nationaux et projeter sa puissance », souligne Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute à Washington.

Alors que la Turquie traverse une crise économique sans précédent à l’approche des élections générales qui devraient se tenir avant l’été 2023, Ankara est à la recherche de capitaux importants qui pourraient être investis rapidement, que les poids lourds du Golfe seraient en mesure de fournir. Le pays souhaite aussi mettre fin au boycott informel mis en place par Riyad il y a plus d’un an sur les importations turques, alors que les voyages en Turquie sont déconseillés. Le mois dernier, l’inflation annuelle a atteint en Turquie plus de 36 % – un record depuis septembre 2002 – et la monnaie a connu une dépréciation de près d’un tiers de sa valeur en moins de quatre mois. Une situation qui rend les investissements dans le pays peu chers et qui pourrait convaincre Riyad de faire fi des différends pour délier sa bourse, sachant que le royaume cherche à diversifier son économie dans le cadre du plan « Vision 2030 », en préparation de l’ère post-pétrole. Un pas que les Émirats arabes unis, dont les relations sont en dents de scie avec Ankara depuis les printemps arabes, ont quant à eux déjà franchi. En plein marasme économique en novembre dernier, Recep Tayyip Erdogan avait reçu en grande pompe le prince héritier d’Abou Dhabi lors d’une visite inédite depuis 2012. Mohammad ben Zayed avait alors annoncé un fonds d’investissement de 10 milliards de dollars pour le pays. Une façon de « créer des contraintes financières, institutionnelles et infrastructurelles à l’encontre des éléments incitant la Turquie à poursuivre une politique agressive ou hégémonique dans le monde arabe », analyse Hussein Ibish.

Les différends entre Ankara et Riyad
Depuis les printemps arabes qui ont émergé en 2011, la Turquie et l’Arabie saoudite ont soutenu des camps opposés dans les conflits au Moyen-Orient, comme en Syrie ou en Libye, exacerbant leurs différends politico-religieux. Tous deux se disputent le leadership de l’islam politique sunnite dans la région, la Turquie prônant une vision proche de celle des Frères musulmans. En 2017, Ankara a également pris parti pour le Qatar durant le blocus qui lui a été imposé pendant plus de trois ans par le quartette arabe, avec Riyad et Abou Dhabi en tête de file, qui reprochait à l’émirat gazier sa proximité avec l’Iran et son soutien aux Frères musulmans et à ses groupes affiliés, ce que Doha a toujours démenti. L’embargo a finalement été levé il y a tout juste un an au sommet du Conseil de coopération du Golfe d’al-Ula, à l’initiative de Mohammad ben Salmane. Côté turc, des mesures ont été prises pour réduire au silence des éléments des Frères musulmans dans le pays au cours de ces derniers mois. « Le danger d’un réseau régional des Frères musulmans dirigé par la Turquie et financé par le Qatar, comparable au réseau iranien de milices chiites islamistes, n’est plus un scénario plausible », explique le chercheur Hussein Ibish. Pour sa part, Riyad a recentré sa politique sur l’Iran et ses supplétifs dans la région, avec pour priorité d’assurer sa sécurité face aux rebelles houthis du Yémen soutenus par Téhéran, qui lancent régulièrement des attaques de missiles ou de drones armés sur son territoire.

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Néanmoins, un obstacle de taille doit encore être levé pour un rapprochement entre Ankara et Riyad : l’affaire Khashoggi, qui avait fini de mettre du plomb dans l’aile des relations turco-saoudiennes en 2018. Ancien proche du pouvoir, le journaliste avait été assassiné brutalement dans le consulat du royaume à Istanbul, par une équipe saoudienne envoyée sur place. Provoquant la colère de Recep Tayyip Erdogan, celui-ci avait pointé du doigt la responsabilité de personnes très haut placées à Riyad, sans toutefois nommer Mohammad ben Salmane. Lors d’un procès très secret, l’Arabie saoudite a dit avoir condamné fermement tous les « éléments voyous » impliqués. Le journal britannique The Guardian a pourtant dévoilé la semaine dernière que certains membres du commando meurtrier vivaient et travaillaient dans ce qui ressemble plutôt à « un hébergement 7 étoiles ». Si un procès par contumace est toujours en cours en Turquie, la justice semble vouloir éviter les tensions avec Riyad, arguant qu’elle ne pouvait rien faire si les accusés avaient déjà été condamnés là-bas, ce pour quoi elle a demandé vérification auprès des autorités saoudiennes d’ici à la prochaine audience prévue le 24 février. Une attitude qui constitue un argument fort en faveur d’un rapprochement qui « donnerait à Mohammad ben Salmane une occasion cruciale de passer outre l’ombre persistante du meurtre de Jamal Khashoggi, pour lequel la Turquie a été l’un des principaux accusateurs », précise Hussein Ibish.

Échangeant un bout de légitimité internationale retrouvée contre un coup de pouce économique, ce rapprochement pourrait se révéler gagnant-gagnant pour les deux pays, sur le court terme du moins. Une caractéristique de la géopolitique actuelle de la région. Dans un contexte de désengagement américain du Moyen-Orient, le président Joe Biden se montre favorable à des rapprochements intrarégionaux qui se sont récemment multipliés. Depuis que l’attaque de septembre 2019 des installations pétrolières d’Aramco en Arabie saoudite est restée sans réponse américaine, nombreux sont les alliés de Washington qui ont adopté une politique étrangère plus pragmatique face à leurs ennemis d’hier, afin d’assurer leur sécurité et la stabilité de la région, nécessaire à leur prospérité économique. C’est le cas notamment des EAU qui ont rouvert leur ambassade à Damas en 2018 et signé les accords d’Abraham en 2020 pour établir un partenariat stratégique avec Israël, ce qui ne les a pas empêchés de reprendre langue avec la Turquie, mais aussi l’Iran. Le président turc devrait ainsi se rendre à Abou Dhabi en février pour entériner les avancées obtenues en novembre. Des développements que l’Arabie saoudite suit de près, alors que le royaume est lancé dans une compétition avec Abou Dhabi pour attirer les investissements et les travailleurs qualifiés étrangers.

C’est en réponse à une question anodine qu’il a annoncé cette percée pourtant historique dans les relations tendues entre Ankara et Riyad. Lundi, Recep Tayyip Erdogan a déclaré à des journalistes qu’il se rendra en Arabie saoudite en février, pour une visite officielle inédite depuis l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul, en...

commentaires (3)

L'un est aussi affreux que l'autre !

Chucri Abboud

17 h 06, le 05 janvier 2022

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Commentaires (3)

  • L'un est aussi affreux que l'autre !

    Chucri Abboud

    17 h 06, le 05 janvier 2022

  • Ira-t-il donc à l'ambassade de l'Arabie pour son visa?

    Wlek Sanferlou

    15 h 18, le 05 janvier 2022

  • IL VA LE RAIS QUI JURAIT NE JAMAIS PARDONNER A MBS POUR L,ASSASSINAT DE KASHOKGI SUR LE SOL TURC, IL VA SE METTRE A GENOUX EN UN ACTE DE REPENTIR DEMANDER LE PARDON ET MENDIER L,ASSISTANCE POUR SAUVER SA PEAU DE CE QUI L,ATTEND EN TURQUIE DU PEUPLE TURC OU LE DOLLAR DEPASSE LES 20 LIVRES DEJA. LA PRESOMPTION ET L,ARROGANCE DITE DIGNITE DANS LA BOUE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 45, le 05 janvier 2022

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