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Monde - Afghanistan

L'armement saisi à l'ennemi, une aubaine pour les talibans

"Les États-Unis ont équipé l'ANA (l'armée nationale afghane) en présumant que du matériel pourrait tomber aux mains des talibans mais la crise actuelle était le scénario du pire", estime Jason Amerine, un ancien membre des forces spéciales américaines

L'armement saisi à l'ennemi, une aubaine pour les talibans

Des combattants talibans sur le toit d'un char à Hérat en Afghanistan, le 13 août 2021. Photo AFP

Les États-Unis ont dépensé en 20 ans des centaines de milliards de dollars pour former et équiper l'armée afghane. Mais cela n'a pas empêché celle-ci de se désagréger devant l'offensive des talibans qui amassent un redoutable arsenal dérobé à l'ennemi. "Nous avons fourni à nos partenaires afghans tous les outils, laissez-moi insister là-dessus, tous les outils", avait déclaré en juillet le président américain, Joe Biden, en défendant sa décision de retirer les dernières troupes américaines du pays et de laisser les Afghans se battre pour leur avenir.

Mais les membres des forces de sécurité afghanes n'ont pas montré une grande envie de combattre. Par milliers, ils ont déposé les armes, parfois sans avoir opposé la moindre résistance. Les talibans, eux, se sont empressés de mettre la main sur ces "outils". Les sites internet pro-talibans abondent de vidéos de combattants talibans saisissant une cargaison d'armes, pour la plupart fournies par les puissances occidentales.

D'autres images de soldats se rendant aux talibans dans la ville de Kunduz, dans le nord-est du pays, montrent des véhicules blindés équipés de lance-roquettes aux mains des insurgés. Dans la ville occidentale de Farah, des combattants patrouillent les rues dans un véhicule siglé d'un aigle piquant sur un serpent, l'insigne officiel des services de renseignement afghans.

Même si les troupes américaines ont emmené avec elles en se retirant l'équipement dit "sophistiqué", les talibans ont récupéré "des véhicules, des humvees, des armes légères et des munitions", explique à l'AFP Justine Fleischner, de l'ONG Conflict Armament Research (CAR).

"Une énorme aubaine"

Pour les experts, ce butin inespéré a largement aidé les talibans, qui peuvent aussi compter sur leurs propres sources d'approvisionnement en armes. Le Pakistan, notamment, a été accusé de financer et armer les talibans, ce qu'il a toujours démenti. Cet armement ne va pas seulement aider les talibans à fondre sur Kaboul, mais à "renforcer leur autorité" dans les villes dont ils se sont emparés, estime Raffaello Pantucci, expert à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour. Les troupes américaines étant désormais quasiment toutes parties, les talibans se retrouvent les mains remplies de matériel américain, sans avoir eu à dépenser un centime pour l'acquérir. "C'est incroyablement sérieux. Cela va indéniablement être une énorme aubaine pour eux", ajoute M. Pantucci.

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A quelques semaines du 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, cet arsenal est fièrement exhibé par les talibans, qui continuent, selon l'ONU, à entretenir des liens étroits avec el-Qaëda, le groupe responsable de ces attaques. Les Américains étaient préparés à ce que certaines armes soient saisies par les talibans, mais la chute rapide des villes était le scénario le plus pessimiste pour eux, explique à l'AFP Jason Amerine, un ancien membre des forces spéciales américaines qui avait pris part à l'invasion de 2001 pour chasser les talibans du pouvoir. "Les États-Unis ont équipé l'ANA (l'armée nationale afghane) en présumant que des armes et du matériel pourraient tomber aux mains des talibans", dit-il. "La crise actuelle était le scénario du pire, quand les décisions de dotation ont été prises."

Propagande

A Kunduz, un taliban assis sur une moto rouge est filmé au moment où il regarde, extatique, un hélicoptère militaire posé sur le tarmac proche. La même jubilation est perceptible dans tous les territoires conquis par les insurgés. Mais s'ils continueront à montrer ces images pour galvaniser leurs troupes, les talibans ne pourront utiliser cet hélicoptère sans pilote. "Ce sera à des fins de propagande uniquement", déclare à l'AFP Aki Peritz, un ancien analyste en contre-terrorisme de la CIA. Les armes légères seront bien plus utiles, comme les véhicules qui faciliteront les déplacements sur ce terrain accidenté. Cet équipement, associé au moral déclinant de l'armée afghane, renforcera la menace posée par les talibans.

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Pourtant, l'administration Biden a indiqué qu'elle continuerait à équiper l'armée afghane, au bord de l'effondrement. L'histoire se répète pour les États-Unis. Après leur retrait d'Irak, le groupe État islamique (EI) avait pris le contrôle de la ville de Mossoul à la mi-2014, en saisissant des armes et des humvees américains. L'EI s'en était ensuite servi pour proclamer son califat en Irak et en Syrie. Comme les combattants de l'EI à Mossoul, des recrues talibanes posent pour des photos, sourire aux lèvres, avec des munitions prises à l'ennemi, dans les villes nouvellement conquises, partout en Afghanistan. "Cette retraite tourne à la débâcle", constate M. Peritz.

Les États-Unis ont dépensé en 20 ans des centaines de milliards de dollars pour former et équiper l'armée afghane. Mais cela n'a pas empêché celle-ci de se désagréger devant l'offensive des talibans qui amassent un redoutable arsenal dérobé à l'ennemi. "Nous avons fourni à nos partenaires afghans tous les outils, laissez-moi insister là-dessus, tous les outils", avait déclaré en...

commentaires (4)

Les USA ont fait ce que leurs intérêts leur dictaient: éliminer Ben Laden et affaiblir al Qaïda. Ils ont donné une chance aux Afghans de bâtir un pays, ils semblent qu'ils ne le veulent pas. Tant pis pour eux.

Pierre Hadjigeorgiou

11 h 25, le 16 août 2021

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Commentaires (4)

  • Les USA ont fait ce que leurs intérêts leur dictaient: éliminer Ben Laden et affaiblir al Qaïda. Ils ont donné une chance aux Afghans de bâtir un pays, ils semblent qu'ils ne le veulent pas. Tant pis pour eux.

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 25, le 16 août 2021

  • QUE LE LECTEUR MOYEN SE RÉVEILLE : tOUT CECI ÉTAIT PLANIFIÉ À L'AVANCE OPENDANT DES ANNÉES : Le seul principe qui guide les américains est de "Diviser Pour Régner " , et le retrait militaire de cet Afghanistan est choisi au meilleur timing , idéal pour que les sunnites talibans prennent le pouvoir afin de menacer l'armée chiite iranienne à l'heure où l'Iran doit continuer avec les américains les négociations sur le nucléaire , et que le chinois doivent s'assurer de maintenir la paix relative au Sin-Kiang et que les russes sont préoccupés par l'instabilité de leurs frontières méridionales . Le seul gagant encore une fois est cet Israel qui n'e finira pas de sitôt de se moquer de tout ce monde .

    Chucri Abboud

    02 h 03, le 16 août 2021

  • A mon humble avis, ce n'est qu'un avant propos de ce qui risque d'arriver plus tard dans le monde. Je pense qu'à ce rythme, des Etats du sud - au sud-sud de l'Europe vont probablement tomber devant des marches en Tang d'insurgés, à peine armés, qui ont un moral gonflé à bloc par cette réussite époustouflante des talibans. C'est inquiétant pour tout le monde et j'espère avoir tort. L'Occident a perdu là-bas une guerre !

    Shou fi

    12 h 49, le 15 août 2021

  • Ce n'est même pas une vraie offensive des talibans, c'est une randonnée pédestre à travers le pays avec des points de ravitaillement comme sur un marathon, où l'armée afghane en reddition partout leur remet des armes et des munitions pour leur permettre de continuer. C'est édifiant ce niveau de passivité de ceux qui sont censés les combattre.

    Gregoire Roquette

    10 h 11, le 15 août 2021

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