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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Libye : d’immenses obstacles avant d’hypothétiques élections démocratiques

Malgré l’intervention de la France le 29 mai dernier, la division des dirigeants libyens hypothèque le processus électoral.

Le président français Emmanuel Macron entouré de Fayez al-Sarraj et Khalifa Haftar. Philippe Wojazer/POOL/AFP

Des élections devraient avoir lieu le 10 décembre prochain, en Libye, bien que les dirigeants du pays, encore divisé sept ans après la chute du colonel Kadhafi, ne soient pas toujours convaincus de l’utilité de ce que les puissances occidentales considèrent souvent comme l’acte et l’expression démocratiques par excellence. De nombreux obstacles se dressent ainsi encore aujourd’hui, à un peu plus de quatre mois des élections, sur la route d’un peuple qui « veut une réinjection de légitimité », selon les mots de Jalel Harchaoui, doctorant sur la dimension internationale du conflit libyen à l’université Paris 8, interrogé par L’Orient-Le Jour.
Si certains affirment que le pluralisme est la base de la démocratie, la division des élites libyennes n’est pas pour encourager l’expression démocratique de ses habitants, d’autant plus que cette division ne s’exprime pas seulement dans les joutes verbales, mais aussi dans des affrontements armés. De plus, un attentat-suicide contre le siège de la Commission électorale à Tripoli a fait douze tués début mai. Et les candidats potentiels ont à l’esprit l’exemple de Salah al-Qatrani, tué par des inconnus dans l’est du pays juste après avoir annoncé son intention de se porter candidat. « La domination de l’armée fait que les seuls candidats autorisés à s’exprimer sont ceux qui n’ont aucune raison d’avoir peur du maréchal Khalifa Haftar », l’homme fort de l’Est libyen, explique Jalel Harchaoui.
Depuis la chute de l’ancien dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye peine à se relever et reste déchirée par des luttes de pouvoir et minée par une insécurité chronique. Ce pays aux riches ressources pétrolières est dirigé par deux autorités rivales, à Tripoli par le gouvernement d’union nationale (GNA) soutenu par la communauté internationale, et dans l’Est par un cabinet parallèle appuyé par l’Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée par le général Khalifa Haftar. « Kadhafi a fait ce qu’il pouvait pour empêcher l’apparition d’élites instruites et professionnelles qui pourraient être en concurrence avec son propre régime et exploiter les différences régionales et tribales plus efficacement que lui », explique Wayne White, chercheur au Middle East Institute.

Le rôle de Paris
Paris a réussi à réunir Aguila Saleh, président de la Chambre des représentants à Tobrouk, et Khaled el-Mechri, président du Conseil d’État à Tripoli, ainsi que le Premier ministre du gouvernement d’union nationale, Fayez al-Sarraj, et le maréchal Haftar qui se sont engagés, sans pourtant signer de texte, à organiser des élections avant la fin de l’année. Mais « les quatre leaders politiques libyens réunis à Paris pour les pourparlers en mai n’ont pas la capacité de mettre individuellement en œuvre cette feuille de route politique », affirme Wayne White.
Les dirigeants libyens s’étaient engagés à se mobiliser pour qu’une loi constitutionnelle soit votée d’ici au 16 septembre prochain, afin de donner un cadre légal aux élections. Or, à mi-chemin entre les accords de Paris et la date butoir, aucune décision n’a été prise dans ce pays encore régi par une Constitution provisoire. La dernière tentative date du 31 juillet et a été ajournée pour deux semaines, le quorum n’étant pas atteint et les points de discorde demeurant. Il faut savoir que le projet de Constitution proposé par l’assemblée constituante il y a maintenant un an n’a toujours pas été soumis au référendum populaire...En outre, la division des puissances européennes n’est pas pour assurer le bon déroulement des élections. Si les pays européens ont fait des efforts en faveur d’une unification de la société libyenne, leurs tentatives ne sont toujours pas concluantes, du fait du manque de coordination de leur action. « Les divisions au sein de la communauté internationale mènent à des récits de compétition » : selon Tim Eaton, chercheur pour Chatham House interrogé par L’Orient-Le Jour, la tentative des Nations unies de former un gouvernement d’unité nationale il y a plusieurs années n’a fait qu’ajouter un pouvoir rival aux autres préexistants.
Au vu des avancées des leaders du pays depuis que ce calendrier a été imposé par l’émissaire spécial de l’ONU Ghassan Salamé, il est donc permis de s’interroger sur le réalisme de la politique française et l’efficacité de la diplomatie internationale, qui estiment que les élections seront le moyen pour apporter la stabilité en Libye, résolvant ainsi une petite partie de la crise migratoire. « Pour stabiliser la crise, plus que des élections, la Libye aurait besoin d’unification », affirme Jalel Harchaoui, la division des acteurs apparaissant comme le principal obstacle à ces élections.

Des élections devraient avoir lieu le 10 décembre prochain, en Libye, bien que les dirigeants du pays, encore divisé sept ans après la chute du colonel Kadhafi, ne soient pas toujours convaincus de l’utilité de ce que les puissances occidentales considèrent souvent comme l’acte et l’expression démocratiques par excellence. De nombreux obstacles se dressent ainsi encore aujourd’hui,...

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