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Chronologie du Liban

5. De l’Accord de Taëf de 1990 aux évènements de 2006 : La période d’après-guerre de 1990 à la guerre des 33 jours enclenchée le 12 juillet 2006.


1990
• 3-4 Février 1990 : L'armée prend le contrôle de Dbayeh.
• 6 Février 1990 : Formation d'un comité de médiation Armée-FL.
• 7 Février 1990 : Aoun somme Geagea de se prononcer à l'égard de l'accord de Taëf et annonce la chute de la caserne de Amchit.
• 9 Février 1990 : Les nouvelles lignes de démarcation à l'Est se dessinent, tandis que la guerre des medias fait rage.
• 15-16 Février : Offensive de l'armée contre Ain el Remmaneh.
• 26 Mars 1990 : Le président Hraoui accuse le général Aoun d'avoir détourné 80 millions de dollars.
• 18 Avril 1990 : Un car sous le feu des francs tireurs au musée : 11 tués
• 7 Mai 1990 : L'explosion militaire et la dégringolade de la livre illustrent la faillite de toutes les parties.
• 11 Juillet 1990 : Le blocage paraît devoir persister
• 21 Août 1990 : Séance historique au Parlement où 48 députés ont approuvé les amendements constitutionnels prévus par Taëf
• 1er Octobre 1990 : 12 tués et une cinquantaine de blessés dans une manifestation en faveur de Aoun à Nahr el Mot.
• 12 Octobre 1990 : Attentat manqué contre le général Aoun à Baabda Son auteur est libéré par les forces syriennes.
• 13 Octobre 1990 : Opération éclair aérienne et terrestre de l'armée syrienne contre le fief du général Aoun qui trouve refuge à l'ambassade de France.
• 21 Octobre 1990 : Dany Chamoun, leader du PNL, son épouse et leurs deux enfants massacrés à leur domicile à Baabda.
• 3 Décembre 1990 : Le Liban retrouve sa capitale vidée des armes lourdes des milices pour la première fois depuis 1975

1991
• 7 Février 1991 : l'armée libanaise se déploie au Liban-Sud.
• 14 Février 1991 : Les Palestiniens du Liban-Sud manifestent pour exprimer leur colère à la suite du bombardement par les alliés d'un abri à Bagdad qui a fait plusieurs centaines de morts.
• 27 février 1991 : Sommet Hraoui-Assad à Damas.
• 18 Mars 1991 : Plan étalé sur un mois pour la dissolution des milices.
• 1er mai 1991 : L'armée commence à se déployer dans les fiefs des " Forces libanaises " Jbeil et le Kesrouan, et du PSP le Chouf et Aley.
• 4 Juin : Raids massifs israéliens sur trois bases palestiniennes proches de Saïda.
• 18 Juin 1991 : explosion d'un camion chargé de munitions à Maameltein : 20 victimes.
• 1er Juillet 1991 : Les Palestiniens à l'Est de Saida acceptent de céder leurs positions à l'Armée.
• 3 Juillet 1991 : Quatre cent combattants palestiniens lancent un assaut contre les habitations et le club des officiers dans la ville de Saïda.
• 27 août 1991 : Signature par le président Hraoui du décret d'amnistie grâciant les généraux Michel Aoun, Edgard Maalouf et Issam Abou Jamra et sont contraints à un exil de 5 ans au cours duquel ils doivent s'abstenir de toute activité politique.
• 1er Septembre : Signature à Chtaura d'un accord militaire et de sécurité libano-syrien établissant une collaboration étroite entre les deux pays.
• 15 Septembre 1991 : Au cours d'un imposant meeting organisé à Harissa, Geagea tire à boulets rouges sur le pouvoir et les politiciens traditionnels
• 24 Septembre 1991 : Rencontre Hraoui-Bush à New York pour l'obtention d'une aide internationale pour la reconstruction du Liban et pour l'application de la 425.
• 17 Octobre 1991 : Sommet Hraoui-Assad au sujet de la conférence de paix au Proche-Orient.
• 1er Novembre 1991 : L'aviation et l'artillerie israéliennes se déchirent au Liban-Sud.
• 3 Novembre 1991 : Négociations bilatérales israélo-libanaises à Madrid.
• 30 Décembre 1991 : Attentat à la voiture piégée à Basta qui fait plus de 20 tués et 128 blessés.

1992
• 8 Janvier 1992 : le conseil des ministres décide de désigner une commission spéciale dont la tâche est de mettre au point un règlement interne pour le fonctionnement du pouvoir exécutif.
• 10 Janvier 1992 : Les journaux privés condamnés à disparaître
• 16 Février 1992 : Israël lance un raid aérien contre le convoi du leader du « Hezbollah » au Liban, Abbas Moussaoui, qui a été tué sur le champ avec son épouse et leur fils.
• 20 Février 1992 : Israël lance une opération contre des positions du « Hezbollah » au Sud.
• 14 Avril 1992 : La livre poursuit sa chute sur le marché des charges où le dollar cote 1435 LL.
• 23 Avril 1992 : grève générale à l'appel de la CGTL pour protester contre la vie chère.
• 27 Avril 1992 : Négociations bilatérales arabo-israeliennes à Washington : Israël rejette la 425.
• 5 Mai 1992 : Manifestations au sud, à Zahlé, Beyrouth, Batroun et dans le Kesrouan.
• 12 Mai 1992 : Rachid Solh est désigné à la tête du gouvernement.
• 20 Mai 1992 : Nouvelle tension au sud, flambée du « billet vert »
• 16 Juillet 1992 : Adoptée par la Chambre par 64 voix contre 13, la loi électorale met en péril l'accord de Taëf au sujet du decoupage des circonscriptions.
• 24 Août 1992 : Démission de Hussein Husseini.
• 1er Novembre 1992 : M. Rafic Hariri forme un gouvernement à deux profils l'un politique et l'autre économique.

1993
• 14 Janvier 1993 : Le parti de Kataeb se scinde en deux en raison d'une épreuve de force entre le bureau politique présidé par M. Georges Saade et un regroupement de chefs de régionaux et de secteurs Kataeb proches de Samir Geagea.
• 22 Février 1993 : Le Liban d'accord pour une reprise rapide des bilatérales
• 25 Mars 1993 : les Palestiniens expulsés par Israël effectuent à l'occasion de la fête de Fitr une marche pacifique en direction du barrage israélien de Zemyara dans le Sud.
• 23 Mai 1993 : Sommet Hraoui- Assad à Damas pour discuter des problèmes internes libanais.
• 15 Juin 1993 : 10ème session des pourparlers de paix à Washington: les Israéliens accusent les Libanais d'être "sous la coupe des syriens" et les Libanais affirment en retour d'avoir des visées hégémoniques et exigent qu'Israël reconnaisse son occupation du Liban – Sud.
• 17 Juin 1993 : Signature d'un « pacte d'amitié » entre Beyrouth et Damas
• 6 Juillet 1993 : Le Liban se mobilise contre le Sénat américain. Celui-ci a adopté une résolution appelant au redéploiement immédiat des forces syriennes vers la bekaa.
• 18 Juillet 1993 : Israël achève le renforcement de son dispositif militaire dans la bande frontalière.
• 25 Juillet 1993 : Le Liban-Sud et la Bekaa vivent une journée d'enfer: raids aériens et obus, font 56 tués et 229 blessés. Des dizaines de villages sont écrasés.
• 1er Août 1993 : Le gouvernement décide le déploiement de l'armée en zone FINUL.
• 4 Août 1993 : Le service militaire redémarre.
• 20 Décembre 1993 : Le siège du parti Kataeb à Saifi est dévasté par une fois

1994
• 27 Février 1994 : La région de Zouk Mikaêl est secouée par une forte explosion qui fait revivre à la population les instants les plus sombres de la guerre : 10 tués et une cinquantaine de blessés
• 28 Février 1994 texte 1 : Attentat contre l'Eglise Notre-Dame de la Délivrance a fait 10 tués ... fermeture générale et deuil national aujourd'hui.
• 28 Février 1994 texte 2 : C'est dans une atmosphère de profonde colère et d'indignation qu'ont lieu à Zouk Mikhaïl les obsèques des victimes de l'attentat pendant la messe dominicale sur l'autoroute de Jounieh. Conduit par le Patriarche maronite, l'office funèbre se déroule en présence du Président de la République et de représentants du chef du gouvernement et du président de la Chambre.
• 11 Mars 1994 : 24 éléments des « Forces Libanaises » (F.L) sont arrêtés alors que le cordon de sécurité installé dans la journée autour du quartier général des « Forces Libanaises » à Ghodress est toujours maintenu.
• 15 Mars 1994 : Les autorités font état de 127 arrestations et dénoncent les violations flagrantes de la loi à Baalbeck où des militants armés du Hezbollah effectuent des contrôles d'identité à Baalbeck et encadrent, arme à l'épaule des manifestations.
• 17 Mars 1994 : La tension persiste entre l'Etat et les « Forces Libanaises » : perquisition dans les bureaux de l'ancienne milice et grève de protestation à Bécharré.
• 21 Mars 1994 : Journée sanglante au Liban-Sud : 4 morts dans les rangs de l'armée israélienne et de l'ALS après 3 attaques du Hezbollah. Nabatieh et Saïda sont bombardés : 2 écoliers et un adulte sont tués et 21 personnes blessées.
• 23 Mars 1994 : L'Etat décide de dissoudre le parti des « Forces Libanaises » et d'interdire tous les bulletins d'informations et les programmes politiques dans les médias audiovisuels privés.
Neuf mandats d'arrêt dans l'affaire de Zouk dont sept contres des éléments des « Forces Libanaises ». Fouad Malek, chef du département administratif des FL est arrêté pour interrogatoire.
• 6 Avril 1994 : La décision du gouvernement d'interdire la diffusion par les médias audiovisuels privés des bulletins d'informations et des programmes politiques, suscite des critiques dans les rangs politiques.
• 14 Avril 1994 : L'Armée du Liban-Sud bombarde le centre de la ville de Saïda, en représailles à une attaque aux explosifs qui avait fait 6 tués dans les rangs de l'armée du Liban-Sud.
• 21-22 Avril 1994 : Le chef des « Forces Libanaises » (F.L) est interrogé sur l'attentat du 27 février contre l'Eglise Notre-Dame de la Délivrance de Zouk Mikhaêl et sur l'assassinat en octobre 1990 du chef du Parti National Libéral Dany Chamoun, de son épouse et de ses deux enfants.
• 24 Avril 1994 : Le juge d'instruction Mounir Honein émet un mandat d'arrêt contre Geagea.
• 20 Mai 1994 : Samir Geagea, Chef du parti dissout des Forces Libanaises, fait l'objet de nouvelles poursuites judiciaires qui viennent s'ajouter à celles déjà engagées contre lui dans l'affaire de l'assassinat de Dany Chamoun, de sa femme et de leurs enfants qui lui vaut déjà d'être détenu à Yarzé en vertu d'un mandat d'arrêt.
• 30 Mai 1994: La commission économique et sociale pour l'Asie occidentale (ESCWA), l'une des grandes organisations à vocation économique de l'ONU, a de nouveau choisi Beyrouth pour abriter son siège permanent.
• 13 Juin : Geagea, commanditaire présumé, et 4 co-inculpés sont passibles de la peine capitale dans l'affaire de l'attentat aux explosifs contre l'Eglise Notre-Dame de la Délivrance.
• 16 Juin 1994 : Geagea se trouve à nouveau passible de la peine capitale pour avoir fait assassiné Dany Chamoun, son épouse et leurs deux enfants.
• 5 Juillet 1994 : Effondrement de l'un des plus grands immeubles de la Place des Martyrs, le fameux Rivoli. La veille, l'opération dynamitage avait foiré et le bâtiment avait tenu bon. L'armée avait fait savoir dans une mise au point que les dynamitages dans le centre-ville, sont l'affaire de Solidère.
• 14 Juillet 1994 : Vote de la loi autorisant les médias audiovisuels à reprendre provisoirement la diffusion des nouvelles et des programmes politiques, en attendant le vote d'une loi-cadre réglementant les activités de ce secteur.
• 4 Août 1994: Raids israéliens au Sud.
• 20 Septembre 1994 : Le principal résultat des réunions de travail que le « comité de suivi et de coordination » libano-syrien a tenu au cours des dernières 48 heures à damas, aura été la conclusion d'un accord sur l'exploitation des eaux de
l'Oronte (Nahr El-Assi). Deux autres accords touristique et culturel ont été également signés
• 17 Octobre 1994 : Hraoui appelle à la création d'un marché commun arabe.
• 28 Octobre 1994 : Le Liban et la République Tchèque signent un accord de coopération diplomatique.
• 19 Novembre 1994 : Ouverture du procès de Geagea devant quelques 600 personnes.
• 25 Novembre 1994: Affrontements entre loyalistes et dissidents du « Fateh » à Aïn Heloué.
• 1er Décembre 1994 : Hariri démissionne en plein Conseil des ministres, excédé d'être en butte à des accusations quotidiennes qu'il juge profondément injustes et infondées.
• 5 Décembre 1994 : Réunion Hraoui, Berry, Hariri où ils jettent les bases d'une nouvelle coopération.
• 9 Décembre 1994 : Relèvement du prix du pain de 1250L.L à 1500 L.L ce qui provoque un tollé général.
• 21 Décembre 1994 : Attentat à la bombe dans le quartier Sfeir (banlieue-sud de Beyrouth) qui fait 4 morts et 15 blessés.

1995
• 10 Janvier 1995 : Les affrontements au Sud prennent une nouvelle tournure : opération de commando israélienne en dehors de la « zone de sécurité» attaques du Hezbollah contre Jezzine.
• 12 Janvier 1995 : Le premier ministre israélien, M. Rabin repose ses conditions pour une paix entre Israël et le Liban. Il exige le démantèlement du Hezbollah, l'intégration dans l'armée libanaise de l'ALS et la garantie d'une période de 6 mois de calme.
• 13 Janvier 1995 : Le Liban reçoit les propositions des Etats-Unis sur la formation d'une commission mixte de sécurité chargée d'examiner les conditions de la levée de l'embargo partiel imposée depuis neuf ans par Washington au Liban.
• 1er Février 1995: L'organisation écologique Greenpeace indique qu'une partie des déchets industriels entreposés depuis plusieurs mois au port de Beyrouth est hautement toxique, ce qui pousse le Cabinet à réagir en établissant un plan d'action pour faire face à ce problème.
• 7 Février 1995 : Une mission française règle le problème des déchets en décidant l'expédition des barils en dehors du Liban en vue de leur destruction par traitement chimique.
• 12 Février 1995 : Damas et Beyrouth décident de renforcer leur coopération à l'occasion de la réunion annuelle du Conseil supérieur libano-syrien.
• 12 Février 1995 : Geagea rejette sur Hobeika la responsabilité de l'assassinat de Chamoun au cours de son interrogatoire dans la cour de justice.
• 19 Février 1995 : Attaques du Hezbollah et bombardements israéliens au Sud.
• 6 Mars 1995 : Nouvelle page dans les relations entre le Liban et l'Union européenne
• 10 Mars 1995 : Israël lève le blocus qu'elle imposait aux ports du Liban-Sud. Le gouvernement considère la mesure comme le résultat d'une intervention américaine.
• 19 Mars 1995 : Le blocus maritime israélien est de nouveau en vigueur. La marine israélienne a enjoint aux pécheurs de Tyr de ne pas s'aventurer à plus de 2 Km de la côte.
• 12 Avril 1995 : Transformation de Télé-Liban de société mixte en société d'Etat. Et son capital est porté de 11 à 53 milliard de LL.
• 19 Mai 1995 : Le président du conseil, M. Hariri démissionne, mais c'est très probablement pour revenir en force, avec une équipe ministérielle plus homogène.
• 21 Mai 1995 : Désignation de M. Hariri à la tête du nouveau gouvernement. Sa désignation intervient au terme de consultations parlementaires.
• 13 Juin 1995 : Des combats aux armes automatiques opposent partisans et opposants du chef de l'OLP M. Yasser Arafat dans le camp de Ain el Heloué près de Saida.
• 24 Juin 1995 : La Cour de Justice condamne à mort le leader des FL M. Samir Geagea et plusieurs de ses compagnons pour instigation au meurtre de Dany Chamoun.
• 27 Juillet 1995 : M. Hariri parvient aux termes de ses rencontres à Paris à obtenir le renforcement de la France au Liban sur le plan économique.
• 1er Août : L'armée fête ses 50 ans.
• 19 Octobre 1995 : Cent dix députés approuvent l'amendement de l'article 49 de la Constitution afin de proroger pour une période de 3 ans le mandat du président Elias Hraoui.
• 15 Novembre 1995 : Train de nominations en conseil des ministres
• 1er Décembre 1995 : 4 raids israéliens contre des positions du Hezbollah.

1996

• 7 Février 1996 : Le conseil des ministres approuve le nouveau projet sur la législation et la réorganisation des medias audiovisuels malgré l'opposition de divers milieux politiques et syndicaux.
• 18 Avril 1996 : Israël opère les massacres de Cana et Nabatiyé.
• 26 Avril 1996 : L'opération « raisins de la colère » se termine par un cessez-le-feu conjointement annoncé au Liban et en Israël.
• 30 Avril 1996 : Entretien Chirac-Hraoui à l'Elysée : il a été question sur la formation du comité de surveillance et sur l'application de la 425 et du désarmement du Hezbollah.
• 13 Mai 1996 : réunion des 5 pays membres du « comite de surveillance » du cessez-le-feu à Washington.
• 16 Mai 1996 : Le projet d'accord est élaboré à Washington.
• 17 Mai 1996 : Regain de la tension au Liban-Sud avec un raid aérien lancé par Israël contre le Hezbollah.
• 11 Juillet 1996 : la Chambre vote la loi électorale : élections sur base du Mohafazat sauf dans le Mont-Liban où la circonscription électorale est le Caza.
• 12 Juillet 1996 : Les trois dirigeants de l'opposition – Dory Chamoun, le général Michel Aoun et l'ancien président M. Gemayel décident de boycotter les élections législatives.
• 13 juillet 1996 : Samir Geagea est innocenté dans l'affaire de l'attentat contre l'église Notre Dame de la délivrance à Zouk.
• 17 Juillet 1996 : Le gouvernement libanais s'apprête à rendre à Israël les cadavres de deux militaires tués au Liban en échange des dépouilles de dizaines de résistants et de la libération de Libanais détenus par l'Etat Hébreu.
• 13 Août 1996 : La Chambre vote un projet d'amendement de la loi électorale.
• 18 Août 1996 : La première phase des élections législatives a lieu au Mont-Liban et est marquée par les multiples interférences du ministère de l'Intérieur et des principaux pôles du régime en place.
• 25 Août 1996 : Elections législatives au Nord marquées par la présence syrienne.
• 8 Septembre 1996 : Participation massive au scrutin du Liban-sud. La liste de coalition Amal-Hezbollah remporte 21 des 23 sièges au Liban-sud.
• 7 Octobre 1996 : La C33 arrête ses émissions.
• 24 Octobre 1996 : Chirac en tournée au Proche-Orient entame une visite au Liban pour la seconde fois en moins de 6 mois.
• 3 Décembre 1996 : le Casino du Liban est rouvert au public.
• 7 Décembre 1996 : Bombardement israélien d'un village du Liban-sud.
• 16 Décembre 1996 : Conférence à Washington des Amis du Liban à laquelle participe 29 pays et 8 organisations internationales et qui se traduit par des promesses d'aides de 3 milliard et 200 millions de dollars.
• 24 Décembre 1996 : Arrestations en masse dans l'affaire d'un attentat contre un minibus syrien.

1997
• 13 Janvier 1997 : Accord libano-syrien sur l'Oronte et sur le transport
• 11 Février 1997 : L'aviation de guerre israélienne lance des raids contre des objectifs du Hezbollah et du FPLP dans la Bekaa.
• 17 Mars 1997 : Le Liban devient l'un des cinq pays du monde qui délivre des cartes d'identité nationales magnétiques sophistiquées, munies de code afin d'éviter toute falsification.
• 26 Mars 1997 : La Psychose du séisme s'empare du Liban. Le séisme le plus fort depuis 1956, est d'une force de 5 sur l'échelle Richter.
• 7 Avril 1997 : Hariri en Russie pour renforcer les relations économiques et politiques.
• 24 Avril 1997 : A l'issu d'un double scrutin mouvementé, le Liban a désormais deux centrales syndicales, une qui a une légitimité internationale et une autre reconnue par le pouvoir.
• 10 Mai 1997 : Marée humaine pour le pape à Harissa après un bain de foule entre l'AIB et Baabda.
• 11 Mai 1997 : Un demi-million de personnes à la messe en plein air du port. Le Pape laisse l'espoir d'un Liban meilleur.
• 19 Mai 1997 : 4 invalidations sur 17 sièges parlementaires contestés, leur mandat est annulé par le conseil constitutionnel.
• 21 Mai 1997: Le Conseil constitutionnel entame la procédure de remplacement de la moitié de ses membres, en tirant au sort les noms des 4 membres sortants.
• 31 Mai 1997 : M. Elias Abou Rizk (président du syndicat des travailleurs) fait l'objet d'un mandat d'arrêt, accusée par le gouvernement d'usurpation de titre et de pouvoir.
• 26 Juin 1997 : L'émir Abdallah, prince héritier d'Arabie Saoudite est en visite au Liban.
• 6 Juillet 1997 : Israël bombarde violemment le Liban-sud : explosion de Katioucha dans la zone frontalière.
• 23 Juillet 1997 : Les radios des Kataëb du PCL et des maradas obtiennent une licence, et le gouvernement légalise les medias du Hezbollah.
• 12 Août 1997 : Retrait surprise de l'ALS de sept villages de Jezzine. Craignant un piège le gouvernement fait preuve de circonspection, le Hezbollah et Amal s'engagent à ne pas investir la zone évacuée.
• 18 Août 1997 : Grave dérapage militaire au Sud, l'ALS pilonne Saida au canon : 10 tués et 40 blessés.
• 20 Août 1997 : Israël aggrave la nature de ses agressions en détruisant un pylône de haute tension à Jiyé.
• 1er Septembre 1997 : Hraoui entame une visite d'Etat de 10 jours au Bresil.
• 15 Septembre 1997 : Madeleine Albright effectue une escale symbolique de quatre heures au Liban dans le cadre de sa tournée au P-O.
• 21 Septembre 1997 : Fermeture à Tripoli de la chaîne de télévision et de la station de radio relevant du « mouvement de l'unification islamique » du Cheikh Saad Chaabane.
• 20 Octobre 1997 : La 7e conférence des investisseurs et hommes d'affaires arabes est organisée au Liban.
• 2 Novembre 1997 : L'aviation israélienne bombarde une position du Hezbollah dans l'Iqlim el Touffah.
• 14 Décembre 1997 : Heurts entre FSI et Aounistes à Achrafieh à l'issu d'une protestation des manifestants contre l'interdiction de l'interview du général à la MTV.
• 16 Décembre 1997 : Les étudiants du Liban se mobilisent et manifestent pour défendre à l'expression libre.

1998
• 2 janvier 1998 : Le chef de l'Etat M. Hraoui souhaite apporter des modificaions la Constitution et propose l'instauration d'un état civil non religieux. L'Islam rejette ces propositions.
• 5 Janvier 1998 : Une sourde épreuve de force s'engage entre le gouvernement et les télévisions privées pour le droit à la diffusion de programmes politiques par satellites, en direction du monde arabe.
• 2 Février 1998 : Le président argentin, Carlos Menem, entame une visite oficielle de 3 jours au Liban.
• 5 février 1998 : Le conseil des ministres défère le dossier Toufayli devant la Cour de Justice.
• 8 Février 1998 : Signature d'un accord à Damas qui consacre la suppression graduelle des barrières douanières entre le Liban et la Syrie.
• 26 Février 1998 : Affrontements entre des membres du Hezbollah et des soldats israéliens au Liban-Sud.
• 1er Mars 1998 : L'Etat hébreu annonce qu'il est prêt à évacuer le Liban-Sud dans le cadre de la résolution 425 de l'ONU.
• 5 Mars 1998 : Cent un prisonniers libanais en Syrie regagnent le Liban.
• 18 Mars 1998 : Le conseil des ministres approuve le projet de loi sur le mariage civil facultatif.
• 22 Mars 1998 : Amplification d'une mobilisation mahométane contre le projet de mariage civil facultatif.
• 6 Avril 1998 : Sommet Hraoui-Assad sur la 425.
• 8 Mai 1998 : Des milliers de Libanais venant du Liban et de plusieurs pays affluent dans la capitale italienne pour assister à la béatification par le Pape du moine maronite, Neemtallah Hardini.
• 25 Juin 1998 : Israël livre les dépouilles de 40 résistants et libère 60 prisonniers libanais.
• 2 Juillet 1998 : Le Hezbollah attaque 16 positions israéliennes et de l'armée du Liban-Sud a l'intérieur de la « zone de sécurité ».
• 30 Juillet 1998 : Réélection de M. Elias Abou Rizk a la présidence de la centrale syndicale ce qui a permis au mouvement syndical de retrouver son unité perdue depuis 15 mois.
• 18 Août 1998 : Le conseil des ministres aura son propre siège permanent dans le centre ville de Beyrouth.
• 19 Août 1998 : Le conseil des hommes d'affaires libanais et syriens réuni au siège de la Chambre de commerce de Damas adopte la décision de principe de créer une société holding libano-syrienne qui devrait parrainer la création d'entreprises mixtes dans les domaines industriel, agricole et touristique.
• 25 Août 1998 : Pilonnage systématique du Liban-Sud et pluie de roquettes sur le Nord d'Israël, la région frontalière s'embrase.
• 10 Septembre 1998 : Le Hezbollah porte un coup dur à l'ALS : 4 gardes du corps du nouveau responsable de l'ALS à Jazzine tués dans un attentat.
• 13 Octobre 1998 : La Chambre amende l'article 49 de la Constitution, ouvrant la voie à l'élection du général Emile Lahoud.
• 15 Octobre 1998 : Le général Emile Lahoud commandant en chef de l'armée, est porté en magistrature par un vote unanime des députés présents : 118 voix.
• 24 Novembre 1998: Le président Lahoud lance son discours d'investiture au Parlement.
• 1er décembre 1998 : 77 députés appuient la désignation de Hoss.
• 17 Décembre 1998 : Le gouvernement Hoss obtient la confiance par 85 voix sur 116.

1999
• 7 Janvier 1999 : L'armée israélienne dynamite 14 habitations délaissées dans le secteur d'Arnoun, en dehors de la zone de sécurité.
• 28 Janvier 1999 : L'ONU a prorogé le mandat des casques bleus de la FINUL au Liban-Sud pour une nouvelle période de 6 mois.
• 24 Février 1999 : Des dizaines d'étudiants organisent une veillée à la bougie devant l'ESCWA en signe de solidarité avec la population d'Arnoun et du Sud.
• 26 Février1999 : Israël renonce aux barbelés de la honte autour du village d'Arnoun.
• 4 Mars 1999 : Une affaire de détournement de fonds et de malversations financières débouche sur la mise en garde à vue d'un ancien ministre et de plusieurs hauts responsables du ministère dont M. Chahe Barsoumian.
• 9 Mars 1999 : L'ancien ministre du Pétrole, M. Barsomian est inculpé de détournements de fonds dans l'affaire du pétrole brut revendu frauduleusement sous le label « résidus pétroliers ».
• 15 Avril 1999 : Les troupes israéliennes et celles de l'ALS investissent le village d'Arnoun.
• 22 Avril 1999 : L'armée empêche les étudiants de se rendre à Arnoun.
• 27 Avril 1999 : Offensive du Hezbollah contre l'ALS au Liban-Sud.
• 13 Mai 1999 : Une folie meurtrière se déchaîne au Liban-Sud où 7 civils sont tués et 6 autres blessés lors d'un attentat à la bombe à Jezzizne.
• 14 Mai 1999 : Les FSI ont recours à des radars et des alcotests pour limiter les accidents de route.
• 28 Mai 1999 : La milice de l'ALS démantèle ses installations dans la région et commence à regrouper ses chars en prévision du départ définitif.
• 1er Juin 1999 : L'ALS se retire des villages à l'Ouest de Jezzine.
• 6 Juin 1999 : Visite du chef de l'Etat à Jezzine.
• 8 Juin 1999 : Un crime coûte la vie à Saida, à 4 magistrats abattus en plein tribunal.
• 12 Juin 1999 : Apres 18 ans d'interruption, la présidence retrouve son siège d'été à Beiteddine.
• 20 Juin 1999 : Elections municipales complémentaires de 39 localités du Nord, du Mont Liban de la Bekaa et du Sud.
• 24 Juin 1999 : L'aviation israélienne s'acharne sur les ponts reliant le Liban-Sud au reste du pays et pilonne dans la banlieue de Beyrouth, les stations électriques de Jamhour et de Jyeh.
• 3 Août 1999 : Un journaliste de l'Orient-le Jour agressé à son domicile : Paul Khalifeh.
• 16 Août 1999 : Le responsable militaire du Hezbollah au Liban, Khodr Salame est tué dans un attentat à l'explosif à l'est de Saida.
• 25 Août 1999 : Le gouvernement approuve un des projets clés de sa déclaration ministérielle : la fusion des ministères. Le cabinet décide de réduire a 18 le nombre des ministères.
• 2 septembre 1999 : Lahoud voyage au Canada pour participer au VIII sommet de la francophonie.
• 13 septembre 1999 : Le roi Abdallah de Jordanie arrive au Liban pour une visite officielle de 24 heures, placée sous le signe de la consolidation des relations libano-jordaniennes.
• 3 Octobre 1999 : explosion d'une grenade à l'église Saint Georges de Dekouaneh.
• 15 Novembre 1999 : Le chef du gouvernement, M. Hoss rejette toute action armée palestinienne contre Israël au Liban-Sud.
• 22 Décembre 1999 : Grève ouverte à télé-Liban conformément à une recommandation adoptée par le conseil exécutif du syndicat des employés et ouvriers de la compagnie.
• 27 Décembre 1999 : Cinq responsables du Hezbollah sont libérés par Israël.

2000
• 7 Février 2000 : L'aviation israélienne détruit les sous-stations électriques de Jamhour, de Ain Nbouh et de Baalbeck.
• 17 Février 2000 : Les étudiants organisent une série de manifestations anti-américaines qui s'étaleront sur 3 jours. Ils réclament l'expulsion de l'ambassadeur américain.
• 19 Février 2000 : Visite du président Hosni Moubarak à Beyrouth. L'Egypte s'engage à aider le Liban à reconstruire les stations électriques détruites durant les raids israéliens.
• 6 Mars 2000 : le plan Barak – pour retirer ses troupes du Liban Sud - adopté en conseil des ministres.
• 11 Mars 2000 : Le conseil ministériel de la ligue arabe entame ses travaux à Beyrouth.
• 12 Mars 2000 : 112e session des ministres arabes des AE. Réaffirmation de la solidarité avec le Liban et occultation du retrait israélien.
• 5 Avril 2000 : Lahoud adresse au secrétaire de l'ONU Annan, un mémorandum dans lequel il se demande si la FINUL serait prête à désarmer les Palestiniens en cas de retrait israélien.
• 5 Avril 2000 : Ghassan Dirani libéré par Israël après 13 ans de détention sans jugement.
• 9 Avril 2000 : Elections municipales à Jdeidé : victoire de la liste de Michel Murr.
• 11 Avril 2000 : Drame de l'ESIB, l'explosion accidentelle d'une grenade fait 2 morts et plusieurs blessés.
• 17 Avril 2000 : L'ONU officiellement notifiée par Israël de sa volonté de retrait du Liban-Sud.
• 17 Avril 2000 : Heurts entre des manifestants aounistes qui protestaient contre l'arrestation de trois de leurs camarades et les forces de l'ordre.
• 18 Avril 2000 : Place du Musée, des manifestations estudiantines sont réprimées par les FSI et des commandos de l'armée.
• 20 Avril 2000 : Les détenus aounistes, condamnés par le tribunal militaire observent une grève de la faim.
• 25 Avril 2000 : Démantèlement de barrages syriens proches de la frontière dans la Bekaa.
• 26 Avril 2000 : Nouvelles condamnations de 3 étudiants aounistes a des amendes et des peines de prison.
• 27 Avril 2000 : Nouvelle manifestation d'étudiants aounistes à Achrafieh, sans heurts.
• 4 Mai 2000 : Pour la première fois depuis 1999 le Hezbollah tire des roquettes Katioucha sur le nord de la Galilée ripostant à la mort de 2 femmes dans le bombardement israélien du Katrani.
• 5 Mai 2000 : Raids de l'aviation israélienne à l'aube sur les centrales électriques de Bsalim et de Beddaoui et bombardement d'un dépôt d'armes du Hezbollah dans la Bekaa.
• 9 Mai 2000 : Aramta libérée après 14 ans d'occupation israélienne.
• 10 Mai 2000 : Raymond Eddé s'éteint à Paris, Carlos Pierre Eddé est élu nouveau Amid du Bloc National.
• 16 Mai 2000 : Israël continue jour après jour à abandonner des positions. Des armements lourds sont transférés en Israël.
• 21 Mai 2000 : Israël évacue 5 villages de la zone occupée.
• 23 Mai 2000 : les villages de la bande frontalière sont évacués par l'ALS.
• 24 Mai 2000: Le retrait israélien du Liban-Sud est achevé à l'aube.
• 26 Mai 2000 : La FINUL emploie un matériel ultra sophistiqué pour délimiter la frontière. Le ministre des AE déclare que l'armée libanaise ne se déploiera pas au Liban-Sud et que « le Hezbollah ne sera pas désarmé »
• 5 juin 2000 : De Saida à Achrafieh, le Hezbollah exhibe ses prises de guerre, une quinzaine de véhicules abandonnés par les soldats israéliens.
• 6 Juin 2000 : L'émissaire de l'ONU, Roed Larsen annonce avoir achevé sa mission concernant la vérification du retrait israélien.
• 7 Juin 2000 : Le Hezbollah continue de perquisitionner les maison des anciens membres de l'ALS, au village frontalier de Rmeich.
• 10 Juin 2000 : A la suite du décès du président syrien Hafez el Assad des milliers de travailleurs syriens présents au Liban regagnent leurs pays pour pleurer leur président. Le Liban officiel décrète 7 jours de deuil.
• 13 Juin 2000 : Le Liban officiel se rend en Syrie pour rendre un dernier hommage au père de la Nation arabe.
• 16 Juin 2000 : Alors que Beyrouth affirme que le retrait israélien n'est pas complet, l'ONU confirme l'application de la 425. Le tracé de la ligne bleue est achevé.
• 19 Juin 2000 : Le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan effectue une visite de moins de 24 heures au Liban.
• 13 Juillet 2000 : Le patriarche maronite réclame l'application de la résolution 520 et dénonce les ingérences syriennes dans la composition des listes électorales.
• 27 Juillet 2000 : Réunion préparatoire du Congres des pays donateurs. Près de 260 millions de dollars réclamés pour le Sud.
• 28 Juillet 2000 : La FINUL entame son deploiement sur la ligne bleue.
• 30 Juillet 2000 : Le président Amine Gemayel rentre définitivement au Liban.
• 24 Août 2000 : Le patriarche maronite invite tous les Libanais à se mobiliser en faveur du départ des syriens du Liban.
• 27 Août 2000 : Premier dimanche électoral. Victoire de Walid Joumblat dans la circonscription de Baabda-Aley.
• 1er Septembre 2000 : Mobilisation générale pour la bataille électorale de Beyrouth. Hariri, Hoss et Tamam Salam s'apprêtent à croiser le feu dans les législatives.
• 3 Septembre : Raz de marée Hariri à Beyrouth. Et victoire Amal-Hezbollah au Sud et à Baalbeck.
• 22 Septembre 2000 : 115 Libanais qui avaient fini en Israël regagnent le pays.
• 24 Octobre 2000 : Hariri nouveau premier ministre.
• 22 Novembre 2000 : Importante manifestation estudiantine contre la tutelle syrienne.
• 1er décembre 2000 : Deux mois après l'appel de Bkerké, la Syrie retire des centaines de soldats de Beyrouth.
• 8 Décembre 2000 : Le quotidien An-Nahar est poursuivi pour diffamation.
• 12 Décembre 2000 : Tel Aviv confirme « un premier contact » avec le Hezbollah, dans le cadre d'une médiation allemande, pour un échange de prisonniers entre l'Etat hébreu et le parti intégriste.

2001
• 7 Janvier 2001 : Décès du président Charles Helou à l'âge de 87 ans.
• 12 Février 2001 : Le président syrien Bachar el Assad déclare que l'armée syrienne restera au Liban jusqu'à l'instauration de la paix régionale.
• 28 Février 2001 : Fermeture de Telé-Liban. Le montant global des indemnités qui seront payés varie entre 32 et 35 millions de dollars.
• 7 Mars 2001 : Devant un groupe de sénateurs et de membres de la Chambre des représentants à Washington, le patriarche maronite Nasrallah Sfeir dénonce l'hégémonie syrienne au Liban.
• 14 Mars 2001 : le pays est paralysé par le déploiement en force de l'armée qui boucle les entrées de la capitale pour faire échec aux manifestations estudiantines anti-syriennes.
• 27 Mars 2001 : L'indépendance plébiscitée à Bkerké : près de 150 000 personnes, notamment des partisans de l'opposition accueillent le patriarche Sfeir à Bkerké, au terme de sa visite pastorale aux Etats-Unis.
• 14 Juin 2001 : Des sources officielles filtrent à la presse des informations sur un redéploiement syrien censé s'étaler sur 4 jours.
• 1er Juillet 2001 : Hezbollah / Israël : Attaques et contre- attaques. Un radar syrien et un autre israélien détruits, 3 soldats de Damas blessés dans la Bekaa.
• 7 Août 2001 : Grave impair des SR de l'armée : plus de 150 militants aounistes et des FL sont appréhendés dans le cadre d'une rafle opérée dans les rangs de l'opposition chrétienne au lendemain de la tournée du patriarche Sfeir au Chouf et Aley.
• 27 Août 2001 : Les FSI se déchaînent contre les militants aounistes.
• 14 Septembre 2001 : Vaste meeting populaire à Achrafieh à l'occasion de la commémoration de la mort de Béchir Gemayel. Plusieurs jeunes arrêtés et transférés au siège de la Police militaire.
• 26 Septembre 2001 : Interpol demande au Liban des informations sur 6 suspects dans les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis.
• 4 Octobre 2001 : Karim Pakradouni élu à la tête du parti Kataëb.
• 31 Octobre 2001 : Lancement d'un projet immobilier de 150 millions de dollars, les « Marina Towers » sur le front de mer du centre-ville. L'investissement est réalisé par des groupes libanais et saoudiens.
• 5 Novembre 2001 : Le Liban officiel ne s'estime pas concerné par la nouvelle liste américaine des organisations terroristes qui inclut pourtant le Hezbollah.
• 6 Novembre 2001 : Hariri refuse au gouverneur de la Banque centrale son refus du gel des biens du Hezbollah.
• 21 Novembre 2001 : Les forces de l'ordre font irruption en pleine nuit à l'ESIB pour déchirer des posters, le recteur de l'USJ décrète la grève.
• 26 Novembre 2001 : Les étudiants de plusieurs universités dont l'USJ observent une grève de 24 heures pour protester contre l'entrée des forces de l'ordre en pleine nuit à l'ESIB.
• 28 Novembre 2001 : trois officiers des FSI sanctionnés dans le cadre de l'affaire de l'ESIB.
• 2 décembre 2001 : Pour la première fois dans l'histoire du Liban, des élections se déroulent pour le choix des membres d'un comité national pour les affaires des handicapés et qui représente en partie les handicapés eux-mêmes.
• 5 décembre 2001 : La Chambre vote le projet de loi sur la TVA. Cette nouvelle taxe doit entrer en vigueur le 1er février 2002.
• 14 décembre 2001 : Au cours de sa visite au Liban, le secrétaire d'Etat adjoint pour les Affaires du Proche-orient William Burns, confirme la politique des Etats-Unis à l'égard du Liban concernant la lutte contre le terrorisme.

2002
• 13 Janvier 2002 : Décès de l'ancien député et proche collaborateur d'Elie Hobeika, Jean Ghanem à la suite d'un accident de voiture à Hazmieh.
• 24 Janvier 2002 : Elie Hobeika est tué dans un attentat qui fait 4 tués et 9 blessés à Hazmieh.
• 1er Février : entrée en vigueur de la TVA : les consommateurs sont déboussolés par les prix.
• 26 Février 2002 : Découverte d'un réseau d'espionnage israélien : trois hommes arrêtés.
• 27 Mars 2002 : Ouverture du sommet arabe à Beyrouth, en l'absence de plus de la moitié des chefs arabes.
• 28 Mars 2002 : le sommet adopte le plan de paix proposé par le prince Abdallah d'Arabie. 3 conditions sont posées: Retrait aux frontières de 1967, création d'un état palestinien et droit au retour des réfugiés palestiniens.
• 12 Avril 2002 : Une bataille de jets de pierres aux abords de l'ambassade américaine entre des manifestants et les forces de l'ordre fait 10 blessés.
• 14 Avril 2002 : Le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell est reçu a Beyrouth dans le cadre d'une tournée régionale.
• 25 Avril 2002 : L'Etat s'attaque au dossier du cellulaire. HSBC est chargée d'établir un rapport et Ministre des tele-communications, Jean Louis Cardahi s'inquiète de la gestion provisoire de ce secteur.
• 10 Mai 2002 : troisième jour de disparition de Ramzi Irani, responsable estudiantin des FL.
• 16 Mai 2002 : Myrna Murr annonce sa candidature pour la partielle du Metn.
• 20 Mai 2002 : Le corps de Ramzi Irani est retrouvé dans le coffre de sa voiture.
• 21 Mai 2002 : Grève des ingénieurs et suspension des cours dans les écoles et les universités suite à la mort d'Irani.
• 27 Mai 2002 : Affaire Irani : les députés de Kornet Chehwane interpellent le gouvernement.
• 2 Juin 2002 : Elections partielles au Metn : Victoire contestée par le pouvoir de Gabriel Murr sur Myrna Murr à 3 voix d'écarts.
• 4 Juin 2002 : Gabriel Murr est proclamé vainqueur avec 17 voix d'écart. Le conseil constitutionnel invalidera quelques mois plus tard la députation de Gabriel Murr en faveur de Ghassan Moukheiber qui le remplace.
• 9 juin 2002 : Michel Murr annonce que sa fille renonce à son élection.
• 10 Juin 2002 : Gabriel Murr officiellement huitième député du Metn.
• 3 Juillet 2002 : Le président Lahoud réaffirme son appui au Hezbollah devant le chef de la commission du renseignement au Sénat américain, précisant qu'il n'existe aucun lien entre le Hezbollah et El Qaida.
• 10 Juillet 2002 : Le bureau politique Kataeb radie l'ancien chef de l'Etat, Amine Gemayel du parti et entame contre lui une action en justice pour « diffamation, dénigrement et menaces ».
• 18 Juillet 2002 : Séances des plus houleuses en conseil des ministres consacrée à la téléphonie mobile : les divergences entre le président Lahoud et Hariri éclatent au grand jour.
• 31 Juillet 2002 : Carnage au siège de la mutuelle des enseignants des écoles privées, dans le secteur de l'UNESCO : un coursier, Ahmad Mansour, tue huit de ses collègues chrétiens et blesse 5 autres avant d'être arrêté par les forces de l'ordre.
• 2 Août 2002 : Les chaînes de télévision, la LBC en particulier, sont accusées de « provocation confessionnelle » dans leur couverture du massacre de l'UNESCO.
• 5 Août 2002 : Le procureur général de la République ouvre une information judiciaire contre la LBC.
• 8 Août 2002 : Des poursuites sont engagées contre la MTV pour atteinte aux relations avec la Syrie et à la dignité du chef de l'Etat.
• 22 Août 2002 : Les représentants de la LBC et de la MTV sont entendus par le premier juge d'instruction de Beyrouth.
• 4 Septembre 2002 : De la cire rouge pour sceller les portes de la MTV, fermée définitivement pour infraction à la loi électorale.
• 5 Septembre 2002 : Affaire MTV : des voix s'élèvent au sein même du gouvernement pour dénoncer l'arbitraire.
• 8 Septembre 2002 : Elias Murr interdit toute manifestation et tout Sit-In.
• 15 Septembre 2002 : La place Sassine noire de monde pour l'anniversaire de l'assassinat de Béchir Gemayel.
• 19 Septembre 2002 : Les députés de Kornet Chehwan décident de boycotter le gouvernement et le font pendant un mois.
• 1er Octobre 2002 : Le congres-U.S suspend dix millions de dollars dans l'aide prévue pour le Liban.
• 9 Octobre 2002 : Le Liban procède au premier essai de pompage du Wazzani.
• 18 Octobre 2002 : Ouverture de IX Sommet des chefs de l'Etat et de gouvernement au centre Biel à Beyrouth.
• 20 Octobre 2002 : Clôture du IXème Sommet de la Francophonie
• 31 Octobre 2002 : Heurts étudiants- forces de l'ordre à Fanar, Achrafieh paralysée, Hariri appelle au calme.
• 23 Novembre 2002 : Paris II : La communauté internationale promet 4,4 milliards de dollars pour une relance de l'économie libanaise.
• 25 Novembre 2002 : Paris II : Beyrouth entame les contacts avec les pays donateurs.
• 28 Novembre 2002 : L'Etat s'approprie les actifs de Cellis et de LibanCell.
• 10 Décembre 2002 : Huit « PUBS » fermes au centre-ville, place de l'Etoile, sous prétexte de veiller aux bonnes moeurs.
• 12 Décembre 2002 : L'opérateur Libancell signe l'accord de transfert de son réseau à l'Etat.
• 14 Décembre 2002 : L'opérateur Cellis signe l'accord de transfert de son réseau à l'Etat.

2003

• 22 Janvier 2003 : La querelle présidentielle sur le cellulaire occupe tout le champ politique et entraîne le holà du général syrien Ghazi Kennan.
• 3 Février 2003 : Les familles libanaises de Côte d'Ivoire rentrent à Beyrouth, fuyant les développements violents dans ce pays.
• 19 Février 2003 : Retrait syrien de certains secteurs chrétiens de Batroun, du Koura, et de Zghorta.
• 25 Février 2003 : Chutes de neige à partir de 400 mètres d'altitudes.
• 9 Mars 2003 : Des milliers de manifestants se rendent du palais de Baabda au palais présidentiel syrien à Damas, en hommage aux positions des présidents Emile Lahoud et Bachar el-Assad concernant la situation en Irak.
• 25 Mars 2003 : Plus de cinquante mille Libanais et Palestiniens manifestent contre la guerre en Irak.
• 26 Mars 2003 : Emeutes et actes de vandalisme à Tripoli, en signe de protestation contre la guerre en Irak.
• 29 Mars 2003 : Ceinture de dynamite, Samir Berro menace de se faire exploser au siège de la Banque britannique HSBC à Hamra pour protester contre la guerre en Iraq.
• 1er Avril 2003 : Le premier ministre Rafic Hariri se déclare opposé à la guerre contre l'Irak.
• 4 Avril 2003 : Quatre blessés dans un attentat contre le Mc Donalds de Dora.
• 15 Avril 2003 : Le Premier ministre Rafic Hariri démissionne.
• 17 Avril 2003 : M. Hariri met sur pied son nouveau cabinet qui bétonne l'ancrage à la Syrie. Il est désigné par 77 % des voix.
• 15 Juin 2003 : Attaque à la roquette contre la Future TV. L'attentat est revendiqué par un groupuscule inconnu.
• 14 Juillet 2003 : L'armée syrienne entame un nouveau redéploiement étalé sur trois jours affectant les régions d'Aramoun, de Khaldé, d'Aley, de la Bekaa et certaines régions du Liban-Nord.
• 1er Août 2003 : Décès de Pierre Helou, ancien ministre et député maronite de Baabda-Aley foudroyée par une attaque cérébrale sur le plateau de la télévision al-Manar.
• 1er Septembre 2003 : Omar Karamé, Nayla Moawad, Selim Hoss, Boutros Harb, Hussein Husseini et Albert Mansour annoncent la naissance du Front National pour le salut.
• 2 Septembre 2003 : Tripoli ferme son ambassade à Beyrouth pour protester contre des critiques adressées par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah à l'encontre de Kadhafi.
• 14 Septembre 2003 : Henri Helou est élu député avec 28657 voix à la partielle de Baabda-Aley
• 17 Septembre 2003 : Le général Michel Aoun participe à un débat devant une sous-commission de la Chambre des représentants à Washington dans le cadre de l'examen par le Congres du Syria Accountability Act. Cette intervention suscite un tollé contre l'ancien Premier ministre dans les milieux loyalistes et prosyriens.
• 21 Septembre 2003 : Le procureur général, Adnan Addoum affirme que le dossier judicaire d'Aoun relancé.
• 22 Septembre 2003 : Début de l'affaire du courrier adressé par la BDL aux établissements bancaires, leur demandant de divulguer les comptes du mouvement Hamas, conformément au souhait de Washington.
• 24 Septembre 2003 : Addoum réclame des poursuites contre Aoun ce qui est critiquée par l'opposition.
• 16 Octobre 2003 : Aux Etats-Unis, la Chambre des représentants adopte la loi sur la « Syria Accountibility Act » qui entraîne une levée de boucliers au Liban et qui pousse les autorités à engager des poursuites contre le général Michel Aoun, accusée d'avoir mi aux relations entre Beyrouth et Damas à la suite de son intervention devant le Congrès américain.
• 9 Novembre 2003 : Sept libanais tués et cinquante autres bléssés dans un attentat terroriste contre complexe résidentiel à Ryad.
• 10 Décembre 2003 : Attentat déjoué contre l'ambassade américaine de Awkar : « un libanais qui porte des explosifs dans un sac et un palestinien qui l'attendait en voiture seront arrêtés devant la porte de la chancellerie ».
• 25 Décembre 2003 : Un avion de la compagnie UTA partant pour Beyrouth, s'écrase au décollage de l'aéroport de Cotonou, au Bénin, en raison d'une importante surcharge à bord de l'avion. Plus de 130 libanais ont périt.

2004
• 29 Janvier 2004 : Accueil officiel et populaire réservé à 21 détenus libanais libérés par Israël dans le cadre d'un échange de prisonniers avec le Hezbollah.
• 30 Janvier 2004 : Arrivée d'un convoi de 60 dépouilles de résistants à Naqoura, livrés par Israël au CICR, auxquelles ont été réserves des funérailles populaires.
• 16 Février 2004 : Libération du journaliste Antoine Bassil après deux ans et demi de détention. Il avait été arrêté à l'issue de la rafle d'Août 2001.
• 10 Mars 2004 : Plusieurs blessés dans de violents affrontements entre étudiants et FSI, rue Huvelin.
• 12 Mars 2004 : Bruit et fureur place des Martyrs. Poursuite entre étudiants aounistes et FSI : des blesses et des arrestations.
• 2 Mai 2004 : Elections municipales dans les régions du Chouf, du Metn, du Kesrouan et de Baabda-Aley.
• 4 Mai 2004 : Les résultats officiels confirment les mauvais scores de l'opposition au Mont-Liban.
• 16 Mai 2004 : Nehmatallah Hardini proclamé Saint au Vatican par le Pape Jean Paul II devant 7 000 Libanais dont Lahoud et Sfeir.
• 23 Août 2004 : Lahoud se dit prêt à accepter un nouveau mandat.
• 25 Août 2004 : Washington affirme que le choix d'un nouveau président revient aux Libanais et non aux Syriens.
• 29 Août 2004 : Washington confirme les consultations franco-américaines pour l'adoption d'une résolution au conseil de sécurité.
• 1er Septembre 2004 : Cinquième appel des évêques maronites jugeant la Syrie responsable de tous les maux du liban.
• 2 Septembre 2004 : Adoption de la résolution 1559 du Conseil de Sécurité qui réclame le retrait des forces étrangères du pays ainsi que la désarmement de toutes les milices étrangères et libanaises au Liban et une élection présidentielle libre de toute ingérence.
• 3 Septembre 2004 : Prorogation du mandat du président Lahoud par 96 voix contre 29.
• 4 Septembre 2004 : Le texte officiel de la Résolution 1559
• 21 Septembre 2004 : Annonce d'un redéploiement syrien vers la Bekaa.
• 22 Septembre 2004 : Au Bristol, meeting de soutien de l'opposition à Joumblat.
• 23 Septembre 2004 : Au commodore, meeting contre le chef du PSP en réponse au Bristol.
• 26 septembre 2004 : Annan avance de deux jours la date de la présentation de son rapport prévu par la 1559 au conseil de sécurité. Un nouveau projet de résolution au Sénat US pour l'adoption de sanctions contre la Syrie.
• 1er Octobre 2004 : Le député Marwan Hamadé échappe de justesse à un attentat à la voiture piégée.
• 2 Octobre 2004 : Le texte intégral du secrétaire général de l'Onu
Annan : Les exigences de la résolution 1559 n'ont pas été satisfaites
• 20 Octobre 2004 : Hariri présente à Lahoud la demission de son Cabinet et refuse de former le nouveau gouvernement.
• 21 Octobre 2004 : Omar Karamé nommé au terme des consultations parlementaires.
• 6 Novembre 2004 : Le gouvernement Karamé obtient au Parlement une faible confiance de 59 voix.
• 19 Novembre 2004 : Plusieurs milliers d'étudiants manifestent pour le rétablissement de la souveraineté et le retrait syrien.
• 30 Novembre 2004 : 100 000 prosyriens manifestent au centre-ville contre la 1559.
• 1er Décembre 2004 : Le garde du corps du parlementaire a été tué et son chauffeur blessé ; Marwan Hamadé échappe de justesse à un attentat à la voiture piégée.
• 13 Décembre 2004 : Toute l'opposition adopte au Bristol un document commun, Joumblatt réaffirme son appartenance à l'opposition.
• 28 Décembre 2004 : Membre de Kornet Chehwane, Gebrane Tueni annonce sa candidature aux législatives 2005 au nom de l'opposition.
• 29 Décembre 2004 : Walid Joumblatt est reçu au domicile de Samir Geagea par l'épouse de ce dernier Sethrida Geagea.

2005
• 2 Janvier 2005 : Un cadre du PSP échappe à un attentat.
• 23 Janvier 2005 : Les troupes syriennes resteront au Liban deux ans encore, affirme Chareh.
• 28 Janvier 2005 : Le Patriarche Sfeir rencontre à Paris Chirac et le ministre français des Affaitres Etrangères, Michel Barnier.
• 1er Février 2005 : Un émissaire syrien, Walid el-Moallem, à Beyrouth pour des consultations avec toutes les parties.
• 2 Février 2005 : L'opposition plurielle réclame un retrait syrien total.
• 8 Février 2005 : Washington et Paris somment Beyrouth et Damas d'appliquer la résolution 1559 de l'ONU.
• 14 Février 2005 : Assassinat de Rafic Hairiri
• 16 Février 2005 : Un million de personnes rendent un ultime hommage à Hairiri.
• 21 Février 2005 : Marée humaine place des Martyrs pour réclamer : « La Syrie dehors. »
• 28 Février 2005 : Le Premier ministre Omar Karamé démissionne.
• 3 Mars 2005 : Le prince Abdallah reçoit Assad et lui conseille de se retirer « rapidement » du Liban.
• 5 Mars 2005 : Assad annonce un retrait en deux étapes de ses troupes.
• 11 Mars 2005 : L'armée syrienne évacue le Liban-nord et entame un repli du Metn.
• 14 Mars : Un million de manifestants, place des Martyrs, scandent : « Vérité, liberté, souveraineté. »
• 15 Mars 2005 : Le patriarche Sfeir reçu par Bush à la Maison Blanche.
• 18 Mars : Voiture piégée à New Jdeidé. L'attentat sera suivi par deux autres : à Kaslik le 22 mars, à Sad el-Bauchrieh le 26 mars, à Broumana le 1er avril.
• 24 Mars 2005 : Publication du rapport établi par la commission d'information de l'ONU sur l'assassinat de Hariri.
• 3 Avril 2005 : Retrait total avant le 30 avril, promet Damas.
• 26 Avril 2005 : La Syrie se retire du territoire libanais
• 2 Juin 2005 : Le journaliste Samir Kassir tué dans un attentat à la voiture piégée
• 25 septembre 2005 : Une nouvelle figure médiatique victime du cycle de la terreur, May Chidiac grièvement blessée dans un attentat à la voiture piégée
• 22 Octobre 2005 : Rapport Mehlis I
• 12 Décembre 2005 : Gebran Tuéni rejoint le cortège des martyrs de l'indépendance.
• 14 Décembre 2005 : Rapport Mehlis 2

2006
• 2 Mars 2006 : Dialogue jour I : optimisme teinté de pragmatisme. Conférence - Accord sur l'enquête internationale, discussions sérieuses sur le dossier présidentiel
• 14 Mars 2006 : Rapport Brammertz : progrès rapides de l'enquête, coopération syrienne quasi totale et surtout discrétion absolue
• 28 Avril 2006 : Conférence du Dialogue : les 14 confirment leurs divisions, mais sans clore le dossier de la présidentielle. Les décisions ayant déjà fait l'unanimité ne seront pas remises en question, assure Berry
• 29 Mai 2006 : La crise du Sud accentue le clivage à dix jours de la reprise du dialoge. Israël affirme ne pas chercher l'escalade ; Paris et l'ONU invitent le Liban à assumer ses responsabilités
• 8 Juin 2006 : Dialogue - Geagea propose le déploiement d'une force de frappe de l'ONU au Sud, Nasrallah exprime des réserves et Aoun lie le désarmement au rejet de l'implantation. Malgré le « pacte d'honneur » le clivage reste entier
• 12 Juillet 2006 : L'opération matinale du Hezbollah entraîne des représailles massives ; Israël détruit les ponts : le Sud isolé
• 14 Juillet 2006 : Aéroports bombardés, dix-huit ponts détruits dont ceux de Mdeirej, port de Beyrouth fermé...Israël impose au Liban un blocus total
• 30 Juillet 2006 : Cana : l'innommable
• 12 Août 2006 : Le texte de la résolution 1701
• 6 Novembre 2006 : Majorité et opposition se retrouvent, aujourd'hui, place de l'Étoile ; La concertation de la dernière chance.
• 21 Novembre 2006 : Pierre Gemayel tombe sous les balles des terroristes
• 1er décembre : L'opposition (Hezbollah-CPL) commence son sit-in au Centre-ville pour pousser à la demission du gouvernement Siniora.
• 17 décembre : Les tentes se multiplient avec système de chauffage à la clé

 


15-16 Février : offensive de l'armée contre Ain el Remmaneh.
Ain Remmanneh pratiquement aux mains de l'armée
Lancé jeudi à l'aube, l'assaut contre Ain Remmaneh a permis à l'armée du général Aoun d'avancer considérablement dans ce bastion FL, après avoir pris le contrôle de toute la voie de Furn el Chebbak. En soirée, il subsistait encore des poches de résistance dans l'ancien fief de la milice de M. Geagea. Mais l'on pouvait déjà considérer que, pratiquement, Ain Remmaneh était tombée aux mains de l'armée, dont la télévision a montré dans son bulletin d'informations de nombreuses rues d'où les Forces libanaises avaient été repoussées. 10 % des chrétiens ont fui : Près de 10% de la population du pays chrétien au Liban, estimée à environ 700 000 personnes par les milieux économiques, a pris le chemin de l'exode depuis le début des combats ente l'armée du général Michel Aoun et la milice des « Forces libanaises ». De source médicale et proche des forces de sécurité, on indique que 60 personnes au moins ont été tuées, et plus de 200 autres blessées. Selon les témoins, le quartier de Ain el Remmaneh ressemblait à un « cimetière bouleversé par un tremblement de terre », aux rues jonchées de cadavres et de carcasses de véhicules carbonisés.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 17 Février 1990

18 Avril 1990
Un car sous le feu des francs tireurs au musée : 11 tués
L'enfance carbonisée dans un car scolaire sur une ligne de triple démarcation à Beyrouth : cette seule vision résume le Liban d'aujourd'hui, où le crime le dispute à l'horreur pure. Les francs-tireurs, devenus symbole de la terreur des civils pris en otages par une guerre fratricide, se sont acharnés hier à 14 h sur un autobus scolaire qui ramenait après leur travail des institutrices, l'une accompagnée de ses deux enfants, à Furn el Chebbak. Le véhicule appartenant à l'école de la Faternité, de Mreije, venait de franchir le passage du Musée qui relie Beyrouth Ouest et Beyrouth Est, et se trouvait dans la zone de la « Buick », lorsqu'il a été mitraillé par des francs-tireurs postés sur les toits des immeubles situés du côté d'Achrafieh. Le réservoir d'essence a été touché et le véhicule s'est immédiatement embrasé. Sur une vingtaine de personnes qui étaient à bord du bus, onze ont péri, brûlées vives, cinq autres, atteintes de brûlures ont été hospitalisées.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 19 Avril 1990

7 Mai 1990
L'explosion militaire et la dégringolade de la livre illustrent la faillite de toutes les parties
L'embrasement des régions Est et l'envolée vertigineuse du dollar, qui a atteint le cours –record de 640 LL., ont ouvert la semaine, traduisant un double déficit politique : celui des tentatives de médiation entre le général Michel Aoun et M. Samir Geagea à l'Est, et celui de l'exercice de l'autorité légale à l'Ouest. La conflagration généralisée de la journée d'hier, que le blocus maritime réciproque entre l'armée et les « FL » laissait prévoir, a reflété en effet l'échec des efforts de conciliation. Simultanément avec la délitescence socio-économique sans merci entre les troupes du général Aoun et la milice de M. Geagea, l'impuissance du pouvoir à gouverner, tant politiquement que financièrement , a été mise en exergue par la hausse sans précédent du taux de change de la monnaie américaine à Beyrouth.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 8 Mai 1990

11 Juillet 1990
Le blocage parait devoir persister
Un appel « à l'ancien commandant en chef de l'armée pour qu'il mette fin à sa rébellion contre la légalité » et à « tous les officiers et soldats, où qu'ils se trouvent, à se rallier sur le champ au général Emile Lahoud sous peine d'exclusion », une invitation faite aux « Forces libanaises » pour qu'elles se retirent de Beyrouth et qu'elles livrent les casernes militaires dans la capitale, le Kesrouan et Jbeil : le Conseil des ministres, réuni hier, a clairement défini la ligne de conduite qu'il convient de suivre afin de régler la crise libanaise, dans le cadre du processus tracé par l'accord de Taëf. A quoi le général Michel Aoun a très vite répondu en qualifiant d'usurpateurs les représentants de cette légalité, par ailleurs accusés d'avoir « été mis en place par les représentants d'intérêts étrangers travaillant contre le statut de la patrie et du peuple ». Plus nuancées dans leur réponse, les FL ont relevé « nombre d'éléments positifs » dans le communiqué de Ramlet el Beida, qui « est actuellement à l'étude et auquel il sera répondu dans les prochaines heures ».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 12 Juillet 1990

21 Août 1990
Séance historique au Parlement où 48 députés ont approuvé les amendements constitutionnels prévus par Taef
Réduction des prérogatives du chef de l'Etat, qui ne peut révoquer le chef du gouvernement ou décider seul la résolution de la Chambre et n'a plus le droit de vote en conseil des ministres , transformation du Conseil des ministres une sorte de direction collégiale responsable de l'exécutif, renforcement du pouvoir du président de la Chambre et de la prolongation de la durée de son mandat, consécration de la confessionnalisation des trois plus hautes charges de l'Etat, la présidence de la République allant aux maronites, la présidence du Conseil des ministres aux sunnites et celle de l'Assemblée nationale aux Chiites , telles sont, en gros les principales réformes constitutionnelles votées hier par l'Assemblée Nationale, à une majorité de 48 voix sur 51 députés présents.
Les réformes décidées sont le reflet de l'accord conclu à Taëf en Novembre dernier et approuvées une première fois, sans les formes constitutionnelles. Le vote de ces amendements les premiers à être apportés à la Constitution libanaise depuis 1943, est l'aboutissement d'une longue lutte politique de l'Islam libanais à la recherche de la « participation au pouvoir ». La journée a été considérée comme « historique » par les observateurs, aussi bien par la concrétisation des réformes décidées que par le consentement surprenant au vote de ces réformes de la part de certains députés qui, la veille encore, se déclaraient résolument en faveur du report du scrutin.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 22 Août 1990

1er Octobre 1990
Bain de sang à Nahr el Mot : 12 tués et 50 blessés dans une manifestation pacifique
Une manifestation populaire pacifique se transforme en carnage. Douze tués au moins et une cinquantaine de blessés selon des sources hospitalières sont tombés hier durant la manifestation qui a eu lieu sur les voies de passage, fermées depuis quatre jours, en direction du Metn, sous le contrôle du général Michel Aoun. Les manifestants, brandissant des banderoles et scandant des slogans hostiles au gouvernement et à ses « exactions contre une population pacifique », ont tenté de forcer le blocus et de s'approcher des check points tenus par les positions de l'armée sur la voie du Musée, selon les medias aounistes toujours, ont paralysé pour quelques minutes la manifestation tandis que sur la voie Dora-Nahr el Mot, les rafales de mitraillettes tirées dans le but de disperser les manifestants ont fait 12 morts et une cinquantaine de blessés.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 2 Octobre 1990

13 Octobre 1990
L'armée prend possession du palais de Baabda et de Yarzé
Au terme d'une opération -éclair les troupes du général Emile Lahoud, sont entrées hier au palais présidentiel de Baabda puis un peu plus tard au siège du ministère de la Défense à Yarze. Le déroulement de l'opération déclenchée le matin avait quelque peu marqué elle pas, les unités fidèles au président Elias Hraoui se heurtant à des poches de résistance. Au total, selon un premier décompte non officiel, le bilan de la journée pourrait s'établir à plus de 113 tués et près de 720 blessés, dont des civils, notamment dans certains secteurs de la région Ouest de la capitale. L'attaque avait commencé par un bombardement de l'aviation syrienne sur le palais de Baabda. Ce bombardement, accompagné d'un violent pilonnage à l'artillerie, a également touché le ministère de la Défense à Yarzé.
Le « cas Aoun » risque de provoquer un malaise avec Paris : Prochaine étape : « Le grand Beyrouth » et un cabinet d'union nationale
L'Etat libanais, estimant désormais avoir réglé le « cas Aoun » se prépare à border les deux phases suivantes de son action s'inscrivant dans le cadre de l'accord de Taef, qui vise à hâter le processus de normalisation. Il s'agira ainsi de préparer la réalisation du Grand-Beyrouth et l'avènement d'un nouveau gouvernement, véritablement d'entente nationale qui inclurait les représentants du plus grand nombre possible de composantes de la palette libanaise. Asile politique accordé à Aoun, annonce Paris. La France a accordé l'asile politique au général Michel Aoun, a annoncé samedi le ministre français des Affaires étrangères Roland Dumas. Les « discussions se poursuivent » actuellement avec les dirigeants syriens et libanais a t-il ajouté, pour permettre un départ vers la France du général Aoun, réfugié avec sa famille à l'ambassade de France à Beyrouth.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 14 Octobre 1990

21 Octobre 1990
Le drame Chamoun compromet le processus de normalisation
C'est avec un sentiment de stupeur, de consternation et de profondes indignation que les Libanais, toutes tendances confondues, ont accueilli hier matin l'incroyable nouvelle de l'odieux et lâche assassinant du président du Parti national libéral, Dany Chamoun, de son épouse Ingrid et de ses deux enfants : Tarek (7ans) et Julian (5ans). Héritier politique de feu le président Camille Chamoun et considéré comme l'un des principaux leaders maronites du pays, Dany Chamoun a ainsi payé de sa vie la redistribution des cartes géopolitiques. Le déroulement des faits :
Selon le témoignage de voisins, rapporté en soirée par les agences étrangères, les faits se seraient déroulés comme suit : vers 6h30 du matin, quatre hommes se sont présentés devant la barrière interdisant l'accès à la cour de l'immeuble où logeait Dany Chamoun. Leurs meurtriers ont alors menacé de leurs armes le concierge qui leur a ouvert aussitôt la barrière. Les meurtriers ont sonné à la porte blindée de l'appartement des Chamoun. Les deux domestiques ont été enfermés dans une salle de bain avec la fille de Dany Chanoun, Tamara (10 mois). Les agresseurs ont ensuite appelé Dany Chamoun, qui est sorti de sa chambre et l'ont immédiatement exécuté de sept balles sur le front et la poitrine. Sa femme, Ingrid, 39 ans, est accourue. Elle a été abattue à son tour dans le salon, à deux mètres de son mari. Tarek, 7 ans, fils ainé du couple a surgi en hurlant de sa chambre. Il a alors été exécuté de plusieurs balles dans la tête. Julian, 5 ans, pleurait et appelait son frère depuis son lit. Un des deux assassins est entré dans sa chambre et l'a abattu.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 22 Octobre 1990

3 Décembre 1990
Le Liban retrouve sa capitale : Beyrouth vidée des armes lourdes des milices pour la première fois depuis 1975
Pour la première fois depuis le début de la guerre de 1975 Beyrouth se trouve vidée des armes lourdes de toutes les milices et réunifiée après l'entrée hier de l'armée libanaise dans le secteur chrétien de la capitale. Pour la première fois aussi, cette réunification bénéficie d'une assise politique, l'accord interlibanais de Taef signé en Octobre 89, qui a reçu une caution arabe internationale.
Beyrouth retrouvée :
Reste que sur le plan social et aussi purement humain, le Grand Beyrouth, c'est la capitale du Liban enfin retrouvée. Ce sont les voies de passage entre l'Est et l'Ouest qui vont redevenir de simples rues. C'est le centre ville redécouvert ; Beyrouth confisquée par les milices et la guerre, enfin rendue aux siens. Il y a lieu de souligner par ailleurs que le Grand Beyrouth ne doit pas être confondu avec la capitale mais la déborde largement pour comprendre, notamment des villes comme Aley et Dhour Choueir et qu'il se prolonge à travers la route nationale Beyrouth-Damas jusqu'aux frontières syro-libanaises.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 4 Décembre 1990

7 Février 1991
L'armée libanaise a parachevé son déploiement au Liban-Sud
C'est dans un climat d'allégresse populaire que l'armée libanaise a parachevé son déploiement au Liban-Sud. Entamée mercredi à Zahrani et Nabatyeh, il s'est poursuivi hier à Tyr et dans l'Iqlim el Touffah, d'où les combattants palestiniens du Fateh se sont retirés pour se replier vers les environs de Saida, siège de leur commandement. Environ, 3000 soldats selon une source officieuse, participent à l'opération Liban-Sud visant à restaurer l'autorité étatique dans cette région où la légalité est absente depuis plus de 15 ans. Alors que les combattants palestiniens ont évacué les villages de l'Iqlim où ils se trouvaient, avant l'arrivée des blindes de l'armée, les miliciens du Hezbollah et d'Amal ont en revanche attendu l'entrée dans leurs villages de la troupe pour quitter les lieux.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 8 Février 1991

18 Mars 1991
Plan étalé sur un mois pour la dissolution des milices
Dans le sillage des développements régionaux consécutifs à la guerre du Golfe et des résultats de la dernière visite du secrétaire d'état américain, M. James Baker, à Damas, un nouvel élan devrait être donné dans les tous prochains jours au processus de solution et de détente s'inscrivant dans le cadre de Taëf. Sur le plan pratique, trois dossiers essentiels et cruciaux polariseront vraisemblablement l'attention des milieux politiques au cours de la prochaine phase de la crise : la situation gouvernementale ; la dissolution des milices ; et la nomination des députés. Hier, un nouveau pas a été franchi sur la voie du processus de règlement vers l'annonce de la mise au point d'un plan concret prévoyant la dissolution des milices libanaises dans un délai d'un mois. Après la dissolution des milices, un nouveau plan de sécurité sera établi dans un délai de deux mois pour étendre la souveraineté de l'Etat sur l'ensemble du territoirelibanais, notamment au Sud.
A ce propos, le plan de la commission ministérielle stipule que la dissolution des milices non libanaises ainsi que celles de l'Armée du Liban-Sud dépend de l'évolution de la situation au Sud, de la capacité de l'Etat d'y étendre son autorité, et de l'application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité. C'est précisément ce dernier point qui pourrait constituer la pierre d'achoppement de l'application du plan de dissolution des milices. L'élimination de la présence armée palestinienne au Sud même qu'elle est tributaire de considérations d'ordre régional. De surcroît, l'Etat hébreu pose des conditions spécifiques à son retrait du Sud : l'évacuation du Sud est liée à un retrait syrien du Liban.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 19 Mars 1991

1er mai 1991
L'armée met fin à 16 ans de morcellement confessionnel
Plein succès pour le déploiement de l'armée, dans les zones déterminées par le Conseil des Ministres, dans son calendrier programmé. Supervisée dans son ensemble par le commandant de la troupe, le général Emile Lahoud, l'opération s'est déroulée sans incidents mais avec un effectif réduit , sur deux axes principaux : en direction du Nord d'abord, jusqu'au barrage de Barbara et vers le Sud, ensuite, jusqu'à la localité d'Almane. C'est ainsi que la totalité des régions du Chouf , du Koura, de Batroun, de Jbeil, du Kesrouan et du Mont Liban- situées en dehors du Grand Beyrouth- sont passées aux mains de l'armée qui devait entamer son déploiement aujourd'hui.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 3 Mai 1991

4 Juin 1991
Raid massif israélien sur trois bases palestiniennes proches de Saida : 9 morts et 40 blessés
Au jour de son invasion du Liban, le 4 Juin 1982, Israël a lancé hier son opération la plus importante depuis cette date contre les positions palestiniennes proches de Saida, ou l'OLP et les mouvements de résistance libanais, ont décidé la mobilisation générale, craignant une attaque de grande envergure. Selon un dernier bilan, neuf combattants palestiniens ont été tués, et seize blessés dans les bombardements de l'aviation israélienne. Vingt quatre civils libanais ont également été blessés, parmi lesquels douze enfants âgés de quatre et cinq ans , le plus souvent atteints par des éclats. Le bilan s'établit ainsi à 9 morts et 40 blessés. Les raids ont commencé à 9h15 et pendant plus de deux heures, les chasseurs- bombardiers israéliens, ont bombardé le secteur sans discontinuer, larguant des dizaines de bombes et des fusées à implosion. Ce pilonnage massif a visé des lignes de défense et des positions d'artillerie des formations palestiniennes situées en retrait du front de Kfarfalous, tenu à 10 kilomètres à l'Est de Saida par la milice crée et financée par Israël, l'Armée du Liban Sud.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 5 Juin 1991

3 Juillet 1991
Saida : furieux combats autour des dernières poches de résistance
Encerclés depuis deux jours, les combattants palestiniens dans les camps d'Ain el Heloué et de Mieh Mieh semblent déterminés à briser l'étau que tente de resserrer l'armée libanaise qui se défend toutefois de vouloir investir les camps. C'est ainsi qu'hier soir, aux environs de 19h45, quatre cent combattants palestiniens ont lancé un assaut, que l'armée a repoussé, contre les habitations et le club des officiers jouxtant les camps dans la ville de Saïda alors que de violents bombardements étaient signalés dans la région, faisant trois blessés civils dans une maison située à proximité de l'école de Daouha selon un communiqué du ministère de la Défense. D'autre part, dans le cadre du pan de déploiement, les unités de commandos de l'armée ont supprimé durant l'après-midi d'hier les dernières poches de résistance dans la localité de Mieh Mieh et ce, après de violents affrontements aux chars. L'armée avait lancé auparavant, durant la journée, une vaste offensive contre les dernières positions de l'OLP prenant le contrôle, selon des sources militaires, de toutes les collines surplombant les camps de Ain el Heloué et de Mieh Mieh exceptée celle de Sirope à proximité du camp de Ain el Heloué.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 4 Juillet 1991

27 août 1991
Aoun : fin du suspense
Au terme d'un long suspense de plusieurs mois, marqué par de laborieuses tractations entre Beyrouth et plus d'une capitale étrangère, dont notamment Paris, le compte à rebours pour l'épilogue de l'affaire Aoun a été enfin enclenché hier soir, vers 20 h 30, avec la signature par le président Elias Hraoui du décret d'amnistie spéciale- approuve peu auparavant par le Consiel des ministres- graciant les généraux Michel Aoun, Edgard Maalouf et Issam Aboujamra. Traduits devant la Cour de Justice pour « rébellion et usurpation du pouvoir », et réfugiés à l'ambassade de France depuis plus de dix mois, à la suite du coup de force du 13 octobre 1990, les trois anciens membres du Cabinet de militaires ont ainsi été graciés par le gouvernement mais sont contraints à un exil de cinq ans au cours duquel ils doivent s'abstenir de toute activité politique.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 28 Août 1991

1er Septembre 1991
Première concrétisation du traité libano-syrien
Le traité de « fraternité, de coopération et de coordination » ratifié le 22 mai dernier entre le Liban et la Syrie a connu sa première concrétisation avec la signature hier à Chtaura d'un « accord militaire et de sécurité » établissant une collaboration étroite entre les deux pays dans les domaines en question. Un pas supplémentaire sur la voie de la mise en application du délicat processus de Taëf a ainsi été franchie, mais cette étape nouvelle a coïncidé avec l'émergence d'un profond malaise qui frappe plusieurs jours l'appareil étatique en charge de l'exécution de Taef, à savoir le gouvernement.
Jusqu'au dernier moment Aoun n'a pas su comment il allait quitter le Liban
L'opération qui a permis l'évacuation du général Michel Aoun était baptisée « Hortensia » et le « Imad » n'a jamais su, jusqu'au dernier moment, comment il allait quitter le Liban. Dès le départ, trois possibilités ont été envisagées : le départ par l'Aéroport international de Beyrouth, par un hélicoptère qui aurait atterri à l'ambassade, ou par voie de mer, à partir dubassin du "Golden Beach", à Dbayé.
Les deux premières ont été étudiées et discutées avec les services libanais concernés, mais c'est la troisième qui a effectivement été retenue. Le convoi acheminant le général Aoun a quitté jeudi vers 4h 45 le siège de l'ambassade de France. Le général Aoun en tenue civile, se tenait aux côtés de l'ambassadeur de France.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 2 Septembre 1991

15 Septembre 1991
Au cours d'un imposant meeting organisé à Harissa, Geagea tire à boulets rouges sur le pouvoir et les politiciens traditionnels
Le chef des « forces libanaises » M. Samir Geagea, a lancé hier une virulente attaque contre le pouvoir et les politiciens traditionnels- qu'il a qualifiés de « fromagistes » et de « fats » - soulignant notamment que certains dirigeants et responsables ont vidé les accords de Taëf de leur contenu en les interprétant suivant leur propre convenance. Tirant à boulets rouges sur le gouvernement- dont il a déploré le manque total de credibilité-M. Geagea a réaffirmé sa détermination à poursuivre la lutte par les voies « démocratiques et politiques », loin du langage de la violence, précisant que les « FL » ne se tairont plus du fait que la tournure prise par l'application du processus de Taef « ne correspond nullement à leurs aspirations » , de même qu'elle constitue « une atteinte aux fondements et à l'esprit de l'entente nationale » tels que définis à Taëf.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 16 Septembre 1991

3 Novembre 1991
Divergences persistantes entre Libanais et Israéliens
Les Libanais et les Israéliens face à face. Au-delà des détails des pourparlers directs libano-israéliens qui ont commencé hier, la première séance de négociations bilatérales israélo libanaises a pris fin hier. Un communiqué officiel libanais a affirmé par la suite :
« La délégation libanaise a tenu sa première réunion avec la délégation israélienne, dans le cadre des pourparlers bilatéraux, à 19 h, le dimanche à Madrid. Les discussions ont porté sur les questions relatives au lieu et à la date des prochaines rencontres. La délégation libanaise a répété que le Liban estime que les pourparlers doivent exclusivement porter sur l'application de la résolution 425 de l'ONU ».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 4 Novembre 1991

30 Décembre 1991
Attentat à la voiture piégée à Basta : 20 tués et 128 blessés
L'attentat s'est produit à 9h 35, une heure de grande affluence rue Maamoun à Basta Faouka, non loin d'une ancienne caserne du Hezbollah actuellement tenue par l'armée syrienne. La charge estimée de 100 kilogrammes de TNT par les artificiers sur place, était dissimulée dans une « Mercedes » garée dans la rue, très étroite. Son explosion a fait au moins 20 tués en majorité des femmes et des enfants et 128 blessés. L'explosion a provoqué l'effondrement du premier étage d'un immeuble, qui abrite plusieurs responsables de la secte dirigée par Cheikh Habachi, un courant intégriste sunnite à caractère social. Cinq immeubles avoisinants ont été endommages et leurs vitres soufflées. Après l'attentat, un grand affolement a régné dans le quartier de Basta, où les gens, notamment des femmes accompagnées d'enfants en pleurs, couraient vers le lieu de l'explosion pour vérifier si des parents ou des amis figuraient parmi les victimes.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 31 décembre 1991

10 Janvier 1992
Les journaux télévisés privés condamnés à disparaître
L'information télévisée au Liban va-t-elle sombrer bientôt dans l'ennui, l'uniformité et la médiocrité? N'y aura-t-il qu'une seule version des événements, la version officielle véhiculée par Télé-Liban ? Le mécanisme décidé par la conseil des ministres est le suivant : toute chaîne de TV pour être autorisée à émettre devra obtenir une licence qui sera délivrée par la compagnie semi-étatique Télé Liban. Et l'une des conditions d'octroi de cette licence portera sur l'interdiction de la diffusion des journaux télévisés. Les conditions d'octroi des licences doivent être proposées incessamment par Télé Liban au Conseil des ministres et entreront en vigueur des qu'elles auront été entérinées par le Conseil. La mesure adoptée par le gouvernement a suscité de vifs remous aussi bien au sein de l'opinion publique - inquiète de l'avenir de la liberté d'expression- qu'au niveau des différents milieux politiques concernés. Dans la pratique, les deux principales chaînes privées, la LBC et « El Machreq » continuent de diffuser normalement leur bulletin télévisé en attendant que les nouvelles conditions entrent en vigueur, en principe d'ici à un mois.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 11 janvier 1992

16 Février 1992
Raids israéliens sur les camps de Ain el Heloué et Rachidiyeh : Israël frappe à la tête du Hezbollah
Près d'une semaine avant l'ouverture à Washington du quatrième round des pourparlers bilateraux de paix entre Israël et les pays arabes, l'Etat hébreu a frappé un grand coup hier au Liban-Sud en lançant un raid héliporté contre le convoi du leader du Hezbollah au Liban, cheikh Abbas Moussaoui, qui a été tué sur le champ, en même temps que son épouse et leur fils. Cette spectaculaire et sanglante opération, qui a fait également 13 tués et 12 blessés, avait été précédée d'un double raid effectué contre les camps palestiniens de Ain Heloué et Rachidiyeh, en riposte à une attaque contre un campement militaire israélien au nord de Tel-Aviv. C'est vers 16h05 que le convoi de cheikh Moussaoui a été pris sous le feu nourri de deux hélicoptères israéliens qui ont lancé notamment, parallèlement aux tirs de mitrailleuses lourdes. Cheikh Moussaoui revenait du village de Jibchit où il avait participé à un meeting oratoire organisé par le « Hezbollah » en commémoration de l'anniversaire de la mort de cheikh Harb, un des fondateurs de la résistance islamique. La voiture du chef du « Hezbollah », une Mercedes, ainsi que deux Range Rover au moins ont été carbonisées par les roquettes. Des sources ont confirmé que le raid avait fait au sein du convoi 13 tués, en plus de Moussaoui de son épouse et de leur fils Hussein dont le corps carbonisé a été montré à la télévision du « Hezbollah », « Al Manar ».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 17 Février 1992

5 Mai 1992
Manifestations au Sud, à Zahlé, Beyrouth, Batroun et dans le Kesrouan : La colère descend dans la rue
La colère populaire qui avait commencé à se manifester a Saida et au Sud contre la flambée du dollar, la cherté de vie et contre un gouvernement jugé « incapable » de juguler la crise financière et économique s'est progressivement étendue hier pour englober le Kesrouan, Batroun et le coeur même de Beyrouth Ouest. Au Sud où tout avait commencé, des milliers de manifestants sont descendus spontanément contre la vie chère, mais aussi pour exiger la démission du gouvernement, allant même jusqu'à incendier la maison du ministre des Finances. En début de matinée, les manifestants ont sillonné les rues de la ville en criant : « Gouvernement démission », « Non au dollar, défendez la livre libanaise ». Entre temps, dans les rues de Tyr et de Nabatyeh, les manifestants brûlaient des dollars comme pour exorciser la toute puissance du « billet vert » par rapport à la livre libanaise.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 6 Mai 1992

20 Mai 1992
Nouvelle tension au Sud, flambée du « billet vert » : Le cabinet Solh face à la montée des périls
Contesté fortement dès sa constitution, privé d'entrée de jeu d'une couverture chrétienne crédible et véritablement représentative, le cabinet Solh semble décidément avoir pris un faux départ. La preuve : le billet vert a poursuivi pour sa deuxième journée consécutive, reflétant le manque de confiance en un gouvernement. De plus, les défections internes qui ont accompagné la formation de la nouvelle équipe ne sont pas près d'être résorbées. Enfin- et c'est là le plus grave- la tension est montée de plusieurs crans au Liban Sud, à la suite d'une importante et meurtrière opération de commando menée par le Hezbollah contre une position commune des forces israéliennes et de l'Armée du Liban-Sud dans la zone de sécurité.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 20 Mai 1992

16 Juillet 1992
La loi électorale met en péril l'accord de Taef
Le Parlement a adopté hier à une forte majorité le projet de la nouvelle loi électorale soumis il y a un peu plus de deux semaines par le gouvernement à la Chambre. La violence des débats qui ont caractérisé, 6 heures et demi durant, la séance plénière de l'Assemblée augurait pourtant d'un vote plus ou moins équilibré. Un grand nombre de députés avait en effet exprimé de fortes réserves à l'égard du projet de la nouvelle loi électorale. Le projet d'amendement de la loi électorale :
Deux articles ont été amendés : l'article 7 et 8.
En ce qui concerne l'article 8 fortement contesté, parce qu'il prévoyait l'annulation du scrutin au cas où les élections ont été empêchées dans une circonscription déterminée. L'article 7 a été modifié dans son ensemble et prévoit ce qui suit : « A titre exceptionnel et pour une seule fois, le corps électoral est convoqué par décret à des élections générales. Le délai entre la publication du décret et les élections de 15 jours au moins ».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 17 juillet 1992

24 Août 1992
Husseini démissionne de la présidence de l'assemblée
L'heure est grave. Le président du Parlement, M. Hussein Husseini, a présenté sa démission hier, ouvrant une grave crise législative marquée par un large boycottage et de nombreuses fraudes, selon des témoignages concordants. Commentant ces développements, le ministre des A.E. Fares Boueiz ainsi que de nombreuses figures politiques ont vu dans la poursuite du processus électoral un projet de discorde. M. Husseini avait demandé la veille l'annulation du scrutin dans sa circonscription, pour cause de fraudes, et exigé une réunion extraordinaire du gouvernement.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 25 août 1992

1er Novembre 1992
Les « 30 » au travail
C'est comme on s'y attendait, un gouvernement à deux profils, l'un politique, l'autre économique, que M. Rafic Hariri a formé, au terme d'un « forcing » de plusieurs jours . Le profil politique du gouvernement est marqué par la présence aux portefeuilles clés de la Défense, de l'Intérieur et des Affaires étrangères, d'hommes acquis à la nécessité d'une coordination étroite entre le Liban et la Syrie. Quant au profil économique, il est marqué à l'évidence par la présence, autour de M. Hariri, d'une équipe apparemment adaptée aux priorités que sont le redressement financier, l'assainissement de l'administration, la réduction du déficit budgétaire, la reconstruction , le retour des déplacés et la réactivation des services publics. Le souci d'efficacité, exprimé à plusieurs reprises par le premier ministre, qui s'est réservé le portefeuille des Finances s'est traduit par la nomination aux ministères de services, en particulier l'Industrie , les Ressources hydrauliques et électriques, les Postes et télécommunications et l'Agriculture, de techniciens connus pour leur compétence et leur probité.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 2 Novembre 1992

14 Janvier 1993
Kataeb : c'est la cassure
Le parti Kataeb s'est pratiquement scindé en deux hier, sous l'effet d'une épreuve de force entre le bureau politique, présidé par M. Georges Saade, et un regroupement de chefs de régionaux et de secteurs Kataeb proches de M. Samir Geagea. Tout en allant au bout de leurs logiques respectives, les deux camps se sont lancés des appels à la raison. Mais sur le fond aucun ne semble prêt à céder sur ses positions pour préserver l'unité de façade d'un parti miné depuis de nombreuses années.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 15 janvier 1993

22 Février 1993
Le Liban d'accord pour une reprise rapide des bilatérales
Washington souhaite une application complète des accords de Taef.
La visite du secrétaire d'Etat US est un point posititf à inscrire à l'actif des forces de l'ordre libanaises. En imperméable gris, M. Waren Christopher est arrivé à 7 heures dans un ministère de la Défense en état de siège depuis les premières heures de la matinée. Les entretiens libano-US ont eu deux volets. Sur le plan régional, le Liban a demandé des assurances sur l'application de la résolution 425 de l'ONU stipulant le retrait d'Israël de la bande frontalière qu'il occupe dans le sud du pays. Beyrouth a en outre demandé l'application intégrale de la résolution 799 de l'ONU, stipulant le retour immédiat des quelques 400 Palestiniens expulsés par Israël vers le Liban le 17 Décembre. Sur le plan des relations bilatérales, le Liban a par ailleurs souhaité la réouverture à Beyrouth du consulat américain, la reprise des vols de la Middle East Airlines (MEA) à destination des Etats-Unis, la levée de l'interdiction aux citoyens américains de se rendre au Liban ainsi qu'une intervention de Washington auprès des pays industrialisés en faveur de l'octroi de prêts.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 23 Février 1993

17 Juin 1993
Signature d'un « pacte d'amitié » entre Beyrouth et Damas
« Tous les Libanais doivent participer à la reconstruction. C'est le voeu des autorités officielles. Des chrétiens doivent reprendre confiance, se rendre compte que leur place est ici au Liban et s'associer aux perspectives de paix, de stabilité et de développement que l'on peut escompter. Un Liban démocratique et prospère est dans l'intérêt du monde, de son environnement immédiat et des Etats-Unis. L'aide au Liban ne doit pas être tributaire du processus de paix. La France espère donner la priorité de son aide extérieure au Liban et se fera son ambassadrice auprès de la CEE ». Tels sont en substance les principaux thèmes que le maire de Paris, Jacques Chirac, a développé hier, au Sérail gouvernemental au cours d'une conférence de presse qu'il a tenue après avoir signé un projet de pacte d'amitié et de coopération ente les deux villes de Paris et Beyrouth.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 18 Juin 1993

25 Juillet 1993
Sud : l'engrenage de la violence
Dans une offensive sans précédent depuis 1985, Israël s'est laissé entraîner, hier, dans une escalade de la violence qui, pour la première fois depuis de nombreuses années, a provoqué des victimes civiles en Israël même et la mort de quatre militaires syriens à Machghara. Au total, la journée de violence a fait hier au moins quatorze tués et 48 blessés, en majorité des civils libanais. Jouissant d'une suprématie aérienne absolue, l'armée israélienne a alterné, à partir de 10 heures, raids aériens et pilonnages d'artillerie, s'attirant la riposte de la Résistance Islamique ainsi que celle des armées libanaise et syrienne. Les raids aériens incessants se sont poursuivis tard en soirée, ainsi que les bombardements à l'artillerie de campagne, tandis que le Hezbollah profitait de l'obscurité pour lancer de nouvelles attaques anti-israéliens. L'offensive israélienne a commencé vers 10 heures, par des raids sur des objectifs du Hezbollah à Baalbeck. Les appareils israéliens ont bombardé l'antenne de la radio et de la télévision « Al–Fajr ». Simultanément, l'aviation israélienne bombardait un camp d'entraînement du Hezbollah à Janta, près de la frontière syrienne. Parallèlement, les appareils israéliens lançaient un raid contre une base du FPLP au Sud de Beyrouth, où une douzaine de personnes ont été ensevelies dans un conduit souterrain qui s'est effondré. Enfin les appareils israéliens bombardaient, entre 10h et midi, des positions présumées du Hezbollah à Ain Tine, Jeb Jannine et Machghara, dans la Bekaa Ouest.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 26 Juillet 1993

4 Août 1993
Le service du drapeau : former des soldats disciplines et des citoyens modèles
Venus des quatre coins du pays, appartenant a différents horizons sociaux, 1500 jeunes appelés sous les drapeaux , âgés tous de 20 ans , s'apprêtent à gonfler les rangs de l'armée, à l'issue d'un cycle d'entraînement de trois mois, qui a débuté au camp de Warwar. Le service du drapeau n'est pas nouveau au Liban. Déjà dans les années soixante, les jeunes gens étaient entraînés au maniement des armes pendant quelques semaines, au cours de la saison estivale. En 1983, un vaste et ambitieux projet similaire avait été préparé mais n'avait jamais été mené jusqu'au bout en raison des évènements qui avaient frappé le Liban. Le programme du service militaire actuel est le plus vaste jamais réalisé. Il est appelé à durer et à se développer, comme l'a affirmé hier le commandant du camp de Warwar. A l'issue du cycle d'entraînement de trois mois, les 1 500 conscrits seront intégrés aux différentes unités de l'armée pour une période de 9 mois. Au-delà de l'importance militaire, le service du drapeau aura aussi des répercussions politiques et sociales qui seront incontestablement positives pour le pays. Séparés par 17 ans de guerre, les jeunes des différentes régions et communautés apprendront à mieux se connaître et à mieux se comprendre.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 5 Août 1993

20 Décembre 1993
Le nouveau spectre du terrorisme
Au climat politique sensiblement tendu qui marque l'actualité locale depuis un certain temps est venu s'ajouter hier le complément sécuritaire : le terrorisme a ainsi subitement refait son apparition et a failli décapiter l'un des principaux partis chrétiens du pays. Le directoire Kateb réuni à la Maison Centrale de Saifi a défait été la cible, en début de soirée, d'un grave attentat, le premier du genre depuis longtemps. Le siège du parti a été soufflé par une importante charge explosive estimée à près de 200 kilos de TNT et placée en bordure du mur arrière du siège du parti. L'explosion- qui a secoué la capitale et ses banlieues- a fait selon un bilan provisoire deux tués : Antoine Baaklini, membre du bureau politique, et une autre personne non identifiée ainsi que 130 blessés, la plupart des responsables et des cadres supérieurs Kataëb. Au-delà de l'aspect purement humain et factuel de l'évènement, cet attentat revêt sans nul doute une portée particulière du fait qu'il a visé l'un des symboles de la présence politique chrétienne au Liban.
Cette nouvelle tentative de marginaliser les forces vives chrétiennes s'inscrit, en outre, dans un contexte politique global qui met en évidence la fragilité de la dynamique politique co –sécuritaire enclenchée dans le pays depuis plus de 3 ans.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 21 décembre 1993

27 Février 1994
L'attentat contre l'église Notre Dame de la Delivrance à Zouk : 10 tués et 50 blessés
Alors que près de deux cents fidèles assistaient à la messe dominicale à l'église Notre-Dame de la Délivrance, située en bordure de l'autoroute de Jounieh, non loin de « l'Espace 2000 », une bombe reliée à un système d'horlogerie a explosé, faisant 10 tués- dont une fillette de deux ans- et une cinquantaine de blessés. Face à la gravité d'un tel acte terroriste qui a visé un lieu de culte chrétien, les présidents Elias Hraoui, Nabih Berry et Rafic Hariri ont entrepris des concertations urgentes au terme desquelles la population a été invitée à observer une journée de deuil national aujourd'hui. L'ampleur de la réaction officielle est à la mesure du caractère odieux et meurtrier de l'attentat. C'est de fait, à l'intérieur même de l'église que l'explosion s'est produite. L'engin infernal avait été placé sous le premier banc, à quelques mètres de l'autel. Une seconde charge, formée de cinq obus de mortier reliés à un autre système d'horlogerie, avait été également dissimulée dans l'orgue de l'église. Mais par miracle elle n'a pas explosé en raison d'une mauvaise connexion électrique. Selon les premiers éléments de l'enquête, la bombe qui a explosé, d'une puissance de cinq kilos de TNT, était reliée à deux obus de mortier.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 28 Février 1994

23 Mars 1994
Le conseil des ministres proclame la dissolution des « Forces libanaises »
Plus de bulletins d'information dans les medias privés.
Réuni hier soir au palais de Baabda sous la présidence du chef de l'Etat, le président Elias Hraoui, le Conseil des ministres a adopté une série de mesures sans président depuis le début de la guerre libanaise : le Cabinet a ainsi décidé de dissoudre le parti des « Forces libanaises » et d'interdire, à partir d'aujourd'hui , tous les bulletins d'information et les programmes politiques dans les medias audiovisuels privés, dans l'attente de la publication de la loi sur l'organisation des medias en question. Le gouvernement a décidé, en outre, de racheter la part du président Rafic Hariri dans Télé-Liban. Avec la dissolution des Forces Libanaises et la suspension momentanée de tous les programmes et bulletins de nouvelles politiques sur les ondes et les TV, le Liban aborde une nouvelle étape destinée, aux yeux des responsables, à « sauvegarder la paix civile ». La dissolution du parti des « FL » a été relativement peu commentée, en comparaison de l'état d'urgence imposé à l'audiovisuel, et de nombreux députés, organismes et personnalités ont réclamé la promulgation au plus tôt de la loi sur l'audiovisuel qui permet de nouveau, à des conditions bien définies, aux télévisions et radios, de reprendre leurs programmes politiques.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 24 Mars 1994

24 Avril 1994
Mandat d'arrêt contre Geagea
Placé en garde à vue depuis jeudi soir pour interrogatoire dans le cadre des enquêtes sur l'affaire de Zouk et l'assassinat de Dany Chamoun, le leader des Forces libanaises, M. Samir Geagea, n'a été en définitive interrogé par le juge d'instruction , chargé du dossier de Dany Chamoun. Au terme de ce premier interrogatoire qui a duré près de dix heures, devait émettre un mandat d'arrêt à l'encontre de M. Geagea pour complément d'enquête. L'interrogatoire a débuté à 10 heures du matin et s'est poursuivi jusqu'à 20 heures. Le délai de mise en garde à vue n'étant que de 24 heures au maximum, le juge d'instruction se devait hier obligatoirement, conformément à la procédure légale soit de libérer Geagea, soit de lancer un mandat d'arrêt à son encontre. Dans le but de poursuivre son instruction, M. Honein a opté pour cette seconde solution qui ne signifie pas que des charges ont été retenues contre le chef des « FL ».Il faut attendre la fin de l'enquête et la publication de l'acte d'accusation pour savoir si des charges sont retenues contre M. Geagea ou contre les autres responsables et membres « FL » actuellement aux arrêts.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 25 Avril 94

16 Juin 1994
L'assassinat de Dany, Ingrid, Tarek et Julian Chamoun/ Geagea et 12 co-inculpés passibles de la peine capitale
Pour avoir fait assassiner Dany Chamoun, son épouse Ingrid et leurs deux fils, huit jours après l'éviction du général Aoun « afin d'éliminer un rival en puissance » à l'Est, Samir Geagea se trouve de nouveau passible de la peine capitale, aux termes de l'article 549 du code pénal. L'acte d'accusation dans l'affaire de la tuerie du 21 octobre 90 a été publié hier par le juge d'instruction près de la Cour de justice, M. Mounir Honein. Outre Geagea, douze autres inculpés risquent la peine de mort dans cette affaire. Deux d'entre eux, considérés comme instigateurs principaux au même titre que le chef de l'ancienne milice, sont en fuite à l'étranger. Les enquêtes sont maintenant terminées au niveau de la première étape des procédures engagées contre Geagea. On sait en effet que l'acte d'accusation de juge Joseph Freiha dans l'affaire de l'attentat aux explosifs qui avait fait 11 morts et 5 blessés à Zouk le 27 février dernier a été publié lundi dernier 13 juin. L'ordonnance concernant Notre Dame de la Délivrance s'articule essentiellement autour du concept d'une sûreté d'Etat mise en danger par une conspiration de prise de pouvoir que Geagea aurait tramé. Tandis que l'acte d'accusation relatif au massacre de Dany Chamoun et des siens s'attache principalement à démontrer que le mobile, plus ponctuel, était l'ambition d'un leadership unique sinon incontesté à l'Est.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 17 Juin 1994

1er Février 1995
Les déchets au Liban , une bombe écologique , affirme Greenpeace
Une partie des déchets industriels entreposés depuis plusieurs mois au port de Beyrouth est hautement toxique, a indiqué hier l'organisation écologique Greenpeace, qui avait prélevé des échantillons en novembre dernier. Le gouvernement libanais doit prendre des mesures pour s'en débarrasser de manière sûre de retrouver tous les barils enfouis dans diverses régions. « Nos experts ont trouvé dans les résidus d'huile des hydrocarbones et des substances à base de chlorure hautement toxiques, qui sont à l'origine des lésions notamment rénales et peuvent être cancérigènes », précise le communiqué de Greenpeace.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 2 Février 1995

6 Mars 1995
Nouvelle page dans les relations entre le Liban et l'UE
Les ministres des A.E de l'UE et le chef de la diplomatie libanaise M. Boueiz se sont engagés à négocier un nouvel accord de coopération destiné à approfondir la qualité des liens politiques et économiques entre le Liban et l'Union européenne. Ils en ont convenu au cours d'une réunion du conseil de coopération UE-Liban tenue à Bruxelles. Cette réunion est la deuxième qui se tient depuis l'accord de coopération économique et commercial entre le Liban et la Communauté européenne signé en 1977. Le nouvel accord doit aux yeux de l'union européenne être l'un des éléments d'une nouvelle politique en Méditerrané qui a pour objectif « la création d'une zone euro-méditerranéenne de stabilité politique et de sécurité », et l'instauration d'une nouvelle zone de libre échange.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 7 Mars 1995

24 Juin 1995
Condamnation à mort commuée en réclusion à vie pour Geagea dans l'affaire Chamoun
L'un des procès les plus controversés de l'histoire contemporaine du Liban a finalement connu hier son épilogue auquel de nombreux milieux et observateurs s'attendaient, compte tenu du contexte politique général dans lequel se trouve le pays depuis plusieurs années : la Cour de justice, réunie hier comme prévu à l'ombre d'un impressionnant dispositif de sécurité, a condamné à mort le leader des « forces libanaises », M. Samir Geagea, et plusieurs de ses compagnons pour instigation au meurtre de Dany Chamoun. La sentence, prononcée à l'unanimité, a été aussitôt commuée en une condamnation aux travaux forcés à perpétuité, sur base de « circonstances atténuantes » dont la nature n'a cependant pas été précisée par le tribunal. Fait caractéristique : M. Geagea et ses principaux adjoints ont été innocentés du meurtre de l'épouse de Dany Chamoun, Ingrid et de ses deux enfants.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 25 Juin 1995

1er Août 1995
Jubilé de l'armée à Fayadiyeh
Presque toute la République se trouvait hier à Fayadiyeh pour la cérémonie marquant les cinquante ans de l'armée. A cette occasion, le chef de l'Etat, M. Elias Hraoui, devait remettre leurs épées à 342 nouveaux officiers qui ont décidé de donner à leur promotion, le nom de la fête célébrée : « le jubilé de l'armée ». La cérémonie s'est ouverte à 8h 30 par l'arrivée et l'élévation du drapeau libanais à la cour de Fayadiyeh. Le jubilé de l'armée a été en outre célébré dans plusieurs régions du Liban, notamment à Achrafieh, au Akkar et dans le Chouf où des drapeaux libanais ont été distribués à la population. Des feux d'artifice ont en outre marqué à Rmeil les cinquante ans des forces régulières. Partout au Liban, les couleurs libanaises ont été hissées dans les rues, aux côtés de banderoles qui rendent hommage à la Troupe.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 2 Août 1995

19 Octobre 1995
Hraoui veut entamer son nouveau mandat sous le signe de l'ouverture
Le Parlement a reconduit hier pour trois ans le mandat du président Elias Hraoui, en amendant l'article 49 de la Constitution. Pour une fois et à titre exceptionnel le mandat du président de la République actuel est prorogé de trois ans, expirant le 23 octobre 1998, précise l'amendement. Le vote a été obtenu à une large majorité (110 voix), alors qu'une majorité de 86 voix était suffisante pour qu'il soit adopté. L'élection a donné lieu à de bruyantes manifestations de joie, en particulier à Zahlé, ville natale du président Hraoui. Le chef de l'Etat adressera aujourd'hui un message à la nation, dans lequel il minimisera le côté « triomphe personnel » de cette reconduction, et invitera loyalistes et opposants à serrer les rangs autour de la légalité, en cette phase critique des pourparlers de paix. En dépit de la large majorité qui s'est manifestée en sa faveur, l'amendement reconduisant le président Hraoui à la tête de l'Etat est l'un des actes parlementaires les plus controversés de l'Histoire du Liban, et beaucoup de députés ont exprimé hier leur déconvenue pour la manière dont les choses se sont passées.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 20 Octobre 1995

15 Novembre 1995
Train de nominations en conseil des ministres
Deux développements d'une certaine importance ont marqué l'actualité locale des dernières 24 heures : les contacts politiques intensifs dont a été le théâtre hier le palais de Baabda ; et les résolutions et nominations approuvées par le Conseil des ministres réuni en soirée sous la présidence du chef de l'Etat, le président Elias Hraoui. Principales décisions du gouvernement sur ce plan : comme prévu, l'âge de mise à la retraite du général Emile Lahoud a été porté à 63 ans (au lieu de 60 ans) ; un nouveau Mohafez de Beyrouth a été désigné en la personne de M. Nicolas Saba ; le Mohafez du Mont-Liban ainsi que les directeurs de l'équipement et de l'exploitation au ministère des Télécommunications ont été remplacés. Le président de la Chambre a ainsi plaidé en faveur d'une circonscription unique et a implicitement démenti l'existence d'un consensus entre le premier ministre et lui-même sur l'adoption des cinq Mohafazats actuels comme circonscriptions électorales.
Article paru le 16 novembre 1995

7 Février 1996
Audiovisuel : le compte à rebours a commencé : Mobilisation politique et syndicale contre le projet approuvé en conseil des ministres
C'est au cours de sa réunion hebdomadaire tenue hier au palais gouvernemental sous la présidence de Rafic Hariri que le conseil des ministres a finalement lancé, comme prévu, le compte à rebours pour la législation et la « réorganisation » des medias audiovisuels privés. Passant outre à une vaste opposition et aux observations formulées par divers milieux locaux, ainsi que par nombre d'experts indépendants, le gouvernement a approuvé sans surprises, le rapport de la commission technique sur l'audiovisuel et le cahier des charges qui définit les chaînes de télévision et des stations de radio appelées à survivre au projet de réglementation prôné par le pouvoir. Dans la pratique, les responsables des medias concernés devront retirer d'ici une dizaine de jours le cahier des charges. Ils auront alors deux mois pour présenter leur demande de légalisation au ministère de l'Information.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 8 février 1996

18 Avril 1996
Les massacres de Cana et Nabatiyeh
C'est l'horreur de la guerre et du caractère criminel d'Israël qui a éclaté hier au spectacle déchirant, insoutenable, du carnage de Nabatiyeh et, surtout, de celui de Cana (115 tués et une centaine de blessés tous civils). Le plus urgent, maintenant, c'est d'empêcher la boucherie de se reproduire, d'empêcher la machine de guerre israélienne de perpétrer un nouveau massacre de civils, aggravant le bilan général de l'opération « raisins de la colère », qui a déjà fait 145 morts, la plupart des civils. Des dizaines de femmes et d'enfants déchiquetés, des têtes détachées des corps, des lambeaux de chairs éparpillés et du sang partout : un spectacle apocalyptique qui exprimait hier à lui seul toute l'horreur de l'acharnement israélien contre la population civile du Liban-Sud sous prétexte d'une opération militaire contre le Hezbollah. C'était peu après 14 h, dans le village de Cana, où le Christ avait réalisé son premier miracle en transformant l'eau en vin.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 19 Avril 1996

11 Juillet 1996
La Chambre a voté la loi électorale : L'opposition extra-parlementaire s'achemine vers le boycottage
C'est dans un climat surréaliste et avec une grande désinvolture, que la législature de 92 a couronné sa carrière en votant par 78 « oui », contre 22 « non » et 5 abstentions, le projet de loi électorale du gouvernement : élections sur base du Mouhafazat partout, sauf dans le Mont Liban, où la circonscription électorale est le Caza. L'opposition extra-parlementaire, qui attendait le vote de loi pour prendre position, se réunira incessamment pour faire connaître sa décision, et s'acheminerait vers le boycottage. Qu'est-ce qui, aux yeux des responsables, justifiait un tel risque ? Selon les milieux loyalistes, c'est la nécessité de préserver l'entente druzo-chrétienne dans le Mont-Liban et le processus de retour des déplacés, que supervise M. Walid Joumblatt. Alors pourquoi pas pour la petite circonscription partout ? C'est pour favoriser l'élection des députés « modérés » qu'on a refusé cette option. Le premier tour de scrutin se déroulera au Mont-Liban le 18 Août, suivi pendant 4 dimanches consécutifs par le Nord, Beyrouth, la Bekaa et le Sud.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 12 Juillet 1996

8 Septembre 1996
Participation massive au scrutin du Liban-Sud : 48 %
D'un point de vue strictement sécuritaire, la liste de coalition « Amal » - « Hezbollah » aura atteint son but. Le scrutin législatif d'hier dans la circonscription du Liban-Sud s'est déroulé sans aucun incident notoire. Mais sur un plan purement politique, la coalition du « dernier quart d'heure » - imposée pratiquement par Damas- est apparue, dans les urnes, quelque peu chancelante. Si la bataille s'est cristallisée essentiellement autour des deux sièges sunnites de Saida, il reste que le panachage a quand même été pratiqué largement par les partisans des deux formations chiites rivales, en dépit des directives contraires données par les directoires d' « Amal » et du « Hezbollah ». Un tel panachage n'a cependant pas et raison de l'alliance électorale entre les deux formations chiites, malgré les écarts de voix entre les membres de la liste commune. Le taux de participation a en effet été assez élevé, en comparaison avec les trois étapes précédentes.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 9 Septembre 1996

3 Décembre 1996
Après des années de fermeture due à la guerre : Le Casino du Liban rouvert au public
Apres plusieurs années de fermeture, le Casino du Liban, fleuron de l'industrie touristique de l'avant-guerre, a rouvert ses portes hier. A cette occasion, une cérémonie a été organisée, en présence du chef d'Etat, M. Elias Hraoui, et de la première dame, Mme Mona Hraoui, et d'un grand nombre de ministres, députés et ambassadeurs. Le président Hraoui et son épouse ont inspecté les salles de jeux avant d'assister, avec les autres invités, à un spectacle de danses folkloriques. Rappelons que la première phase des travaux de réaménagement du Casino, qui avait été complètement dévasté durant la guerre, vient d'être complétée. La soirée d'hier était privée et ce n'est qu'aujourd'hui que le Casino sera ouvert au public.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 4 Décembre 1996

11 Février 1997
Les raids israéliens dans la Bekaa : un message à la Syrie
Non moins de quatre raids ont été lancés, hier, par l'aviation de guerre israélienne, à différents moments de la journée, contre des objectifs du Hezbollah et du Front populaire de libération de la Palestine_commandement général d'Ahmed Jibril. Cette intervention massive s'est accompagnée d'une véritable mise en garde du ministre de la Défense israélien, le général Yitzhak Mordehai, qui a invité les correspondants à constater où Israël a frappé en allusion au raid contre le FPLP, à quelques kilomètres de la frontière syrienne. Le premier raid a visé à 12h 45 le relais de la radio du Hezbollah, à deux kilomètres à vol d'oiseau de Baalbeck. Des missiles ont atteint le relais, qui a cessé d'émettre, et une chambre abritant le générateur de l'installation. Presque au même moment, l'aviation israélienne a bombardé une base du FPPLP-CG située à Sultan Yaacoub, à cinq kilomètres de la frontière syrienne, dans la Bekaa-ouest. Les appareils ont lâché deux bombes d'une tonne chacune, sur un site composé essentiellement de tranchées, d'abris et de rocs. Trois combattants palestiniens ont été blessés par ces bombes. A 15h 30, l'aviation israélienne devait bombarder de nouveau le site avec 6 missiles air-sol. Entre les deux raids deux hélicoptères ont eu le temps de tirer des missiles air-sol sur des objectifs du FPLP-CG à Naame à quelques kilomètres au Sud de Beyrouth, où la formation palestinienne dispose de bâtiments abritant des services sociaux et médicaux.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 12 Février 1997

17 Mars 1997
Les Libanais retrouvent la carte ... en attendant l'identité
Le Liban est devenu depuis hier, l'un des cinq ou six pays du monde qui délivre des cartes d'identité nationale magnétiques sophistiquées, munies de codes, afin d'éviter toute falsification. Le premier exemplaire de cette nouvelle carte d'identité a été remis au président de la république, M. Elias Hraoui au cours d'une cérémonie organisée dans un centre technique spécialement aménagé à cette fin. La principale caractéristique « politique » de cette nouvelle carte d'identité est qu'elle ne mentionne pas la religion de son détenteur. Il reste qu'une carte aussi sophistiquée soit-elle ne suffit pas à promouvoir l'indépendance et l'entente nationale, véritable pilier de l'identité. Dans une allocution improvisée, le chef de l'Etat a déclaré, en recevant sa carte d'identité, qu'elle constitue à sa façon, une « infrastructure » , celle de l'identité supra communautaire qui doit se substituer définitivement aux identités confessionnelles.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 18 Mars 1997

24 Avril 1997
Le Liban a désormais deux centrales syndicales
Ce que 17 ans de guerre et de pressions miliciennes n'ont pas réussi à réaliser, le pouvoir de l'après-Taëf, lui, a pu le faire. Désormais, le Liban est dotée de deux centrales syndicales, la première présidée par M. Abou Rizk, bénéficiant d'une légitimité internationale, la seconde présidée par M. Ghanim Zoghbi, connue par le ministère du Travail. Les premières élections ont eu lieu en catimini, entre deux assauts des éléments des FSI dans le bureau de M. Abou Rizk et les secondes se sont déroulées par la force des armes, en présence du représentant du ministère du Travail, de nombreux agents des FSI et des représentants des télévisions officielles. Le gouvernement de M. Rafic Hariri a finalement atteint l'objectif qu'il cherche à réaliser depuis près de trois ans : démembrer la CGTL et neutraliser le mouvement syndical dans le pays. Au cours des dernières années, la centrale syndicale représentait un problème véritable pour le Cabinet Hariri du fait de son autonomie de décision et de son action revendicatrice continue, à l'ombre d'une crise socio économique chronique. Aujourd'hui le pouvoir a transposé le problème au sein même de la CGTL en provoquant à l'intérieur de cette confédération une scission sans précédent dans l'Histoire du Liban.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 25 Avril 1997

10 Mai 1997
Marée humaine pour le pape à Harissa après un bain de foule entre l'AIB et Baabda Jean Paul II aux jeunes : faites tomber les murs.
La première journée de la visite historique du pape Jean-Paul II au Liban s'est terminée en apothéose: plus d'une centaine de milliers de jeunes se sont rassemblés autour et à l'intérieur de la cathédrale Notre-Dame de Harissa ainsi qu'au pied de la statue de la Vierge pour ovationner avec une ferveur bouleversante le souverain pontife. Le spectacle de cette marée de jeunes euphoriques clamant leur désir de liberté et exprimant avec un enthousiasme débordant leur besoin d'espoir a visiblement eu un grand impact sur le Saint-Père. Dès son arrivée, peu avant-midi trente, hier, Jean-Paul II a, d'entrée de jeu, donné le ton de sa visite au Liban. S'adressant aux nombreuses personnalités officielles venues l'accueillir à l'AIB, le pape a appelé «au respect de l'équilibre» entre toutes les communautés du pays, soulignant que «le Liban est appelé à se tourner résolument vers l'avenir, librement déterminé par le choix de ses habitants». Et le Saint-Père d'ajouter qu'il est venu «en ami du Liban, pour encourager les fils et les filles de cette terre d'accueil, soucieux d'indépendance et de liberté». Ces fils et ces filles du Liban devaient d'ailleurs lui réserver un véritable bain de foule le long de la route entre l'AIB et Baabda, plus particulièrement entre la place du Musée et la région de Hazmieh-Baabda. Mais c'est lors de sa rencontre avec les jeunes, hier soir, que Jean-Paul II a laissé transparaître son message. Un message d'espoir, essentiellement. Le Saint-Père s'est livré, pour expliciter sa pensée sur ce plan, à une profonde réflexion sur l'expérience des Pèlerins d'Emmaüs qui furent désespérés et désemparés après la mort du Christ. Ils devaient cependant retrouver espoir rapidement. «Leur expérience peut vous aider, car elle ressemble à celle de chacun d'entre vous», a souligné le souverain pontife. L'allusion au désenchantement, voire au désespoir, des jeunes chrétiens libanais est évidente. Tout en appelant ces jeunes à ne pas oublier leur «identité chrétienne», le Saint-Père les a invité à oeuvrer afin de «faire tomber les murs qui ont pu s'édifier durant les périodes douloureuses de l'histoire» du Liban. En dépit du phénomène de foule — qui a transformé la rencontre avec les jeunes en une folle soirée empreinte de joie, de sérénité et d'enthousiasme — le courant a manifestement passé entre le Saint-Père et les jeunes. Répondant aux dizaines de milliers de jeunes qui scandaient d'une seule voix «liberté, liberté», Jean-Paul II a déclaré, en s'adressant en toute simplicité à la marée humaine: «Merci d'avoir applaudi mon discours. Vous avez applaudi là où il le fallait. Quant à moi, j'ai bien compris». Au terme de son discours, qu'il a tenu à prononcer devant la foule rassemblée sur la grande place de Harissa, le pape a été longuement ovationné par les jeunes qui scandaient son nom et agitaient une forêt de foulards de toutes les couleurs. De nombreux drapeaux des «Forces libanaises» ainsi que des portraits du général Michel Aoun et de M. Samir Geagea étaient perceptibles aussi bien à l'intérieur de la basilique qu'au sein de la marée humaine rassemblée au pied de la statue de la Vierge. Visiblement émus et débordant d'enthousiasme, les jeunes ont scandé en choeur: «Jean-Paul II, we love you» et «Vive le pape». Répliquant spontanément aux réactions de la foule, le Saint-Père a déclaré: «C'est incroyable, mais merci».
Sous les ovations de la foule qui répétait «Jean-Paul II, we love you», le Saint-Père a pénétré à l'intérieur de la basilique de Harissa où plus de 15.000 jeunes lui ont réservé un accueil non moins enthousiaste, agitant des foulards de toutes les couleurs et scandant d'une seule voix: «Vive le pape» (en arabe); «Jean-Paul II, we love you»; et «liberté, liberté». Après avoir accordé sa bénédiction aux jeunes, le Saint-Père s'est assis sur un fauteuil revêtu de velours rouge. Le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, a alors prononcé un discours dans lequel il a exprimé sans détour les attentes, les appréhensions et les aspirations de la collectivité chrétienne. Soulignant que la jeunesse réclame «clarté et transparence dans une société pluraliste», le cardinal Sfeir a affirmé que «les jeunes du Liban se voient jusqu'ici incapables d'arriver, sur le plan politique, à certains postes de responsabilité». La parole a ensuite été donnée aux jeunes. En leur nom, l'un d'eux, M. Pierre Najm, a évoqué de plein fouet les inquiétudes et le sentiment d'appréhension de la jeunesse chrétienne. «La situation économique ne promet pas des jours meilleurs, les libertés fondamentales nous sont arrachées une à une, des jeunes sont détenus pour des raisons politiques, les droits de l'homme sont bafoués à chaque instant. La jeunesse libanaise est prise par un sentiment d'impuissance. Notre existence en tant que chrétiens nous paraît menacée». Exprimant le sentiment de vide et d'aspiration à plus de liberté, le porte-parole des jeunes devait s'adresser directement au pape en déclarant: «Dites à haute voix ce que nous craignons de dire. Soyez notre courage et nommez les choses par leur nom». C'est précisément là l'un des objectifs de l'Exhortation apostolique que le pape a signé hier soir à la basilique, au terme de la soirée euphorique de Harissa. Indice particulièrement significatif: l'Exhortation a pour thème «Nouvelle espérance pour le Liban». Le document signé par le pape reprend, à peu de choses près, la teneur de l'appel final du synode. Il fait état, notamment, des difficultés rencontrées par les Libanais, concernant la grande inquiétude causée par l'occupation du Sud, la situation économique, le problème des déplacés et le retrait des forces non libanaises. Contrairement à l'appel final du synode, la requête relative au retrait des troupes syriennes n'est pas explicitement reprise. Mais la double mention de «l'occupation du Sud» et du «retrait des forces non libanaises» (évoqués séparément et d'une manière parallèle) ne laisse planer aucune équivoque sur ce plan, d'autant que l'Exhortation souligne la nécessité du rétablissement de la souveraineté libanaise. Après la signature du texte de l'Exhortation, le souverain pontife a reçu plusieurs souvenirs qui lui ont été remis par des groupes de jeunes avant de quitter la basilique sous les ovations des dizaines de milliers de jeunes qui ne cessaient de scander, en agitant drapeaux et foulards: «Liberté, liberté»; «Vive le pape»; «Jean-Paul II, we love you». Cette soirée a toutefois été marquée par quelques points négatifs. Les militaires ont d'abord interdit aux photographes de la presse locale de prendre des photos de la marée de jeunes rassemblés sur la grande place de Harissa. En outre, et du fait de la densité de la foule, des dizaines de cas d'évanouissement ont été signalés. Les équipes de la Croix-Rouge ont d'ailleurs fini par être débordées. Et pour compléter le tableau, les dizaines de milliers de jeunes ont dû regagner Jounieh à pied en raison des failles au niveau de l'organisation des transports en commun qui devaient assurer le retour vers la capitale. Il reste qu'en dépit de ces accrocs, la soirée de Harissa aura été placée sous le signe de l'espoir renouvelé, de la joie et de l'enthousiasme.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 11 Mai 1997

6 Juillet 1997
Israël perd un officier, pilonne le Liban-Sud et fait 10 blessés civils
Israël a violemment bombardé, hier par air et par terre, plusieurs régions du Liban-Sud, blessant deux civils, parmi lesquels un enfant, après la mort dans une attaque du Hezbollah d'un de ses officiers. Les autorités libanaises ont aussitôt porté plainte auprès du comité de surveillance du cessez-le-feu, ne des accords d'avril 1996, et qui doit se réunir à nouveau aujourd'hui lundi au siège de l'ONU à Naqoura, pour examiner deux précédentes plaintes du Liban et d'Israël. En fin de soirée, des sources des services de sécurité au Liban-Sud ont indiqué qu'au moins sept roquettes Katioucha tirées depuis le Liban-Sud avaient atteint le nord d'Israël. Les roquettes ont été tirées a 12h 20, mais on ignorait pour l'heure la base exacte de lancement. Le Hezbollah a déclaré avoir lancé des roquettes Katicoucha en direction des positions israéliennes. « Cette attaque est une réponse aux civils blessés et à la violation des accords de cessez-le-feu » a déclaré un porte-parole du Hezbollah. Des sources militaires israéliennes ont indiqué pour leur part que plusieurs obus de mortiers ou roquettes Katiocuha ont été tirés « en direction de positions tenues par l'armée israélienne et l'ALS ».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 7 Juillet 1997

15 Septembre 1997
Albright : Le Liban, un pays ami qui a un rôle essentiel dans le processus de paix
Madeleine Albright a donné leur satisfaction morale aux Libanais. Le secrétaire d'Etat américain a finalement effectué une escalade symbolique de 4 heures au Liban, usant d'un langage fort, chaleureux, concret auxquels les Libanais ont été sensibles. Le Liban est « un pays ami » et le volet israélo – libanais est absolument essentiel a-t-elle dit, soulignant les affinités morales qui tient son pays au notre, et notamment la tradition de « tolérance » religieuse qui les caractérise. L'étape libanaise du périple régional de Mme Albright s'est située en fin de parcours. Le secrétaire d'Etat a quitté la Jordanie à destination de Chypre, d'où elle a gagné par voie aérienne le périmètre de l'ambassade américaine à Aoukar, placé sous haute surveillance.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 16 septembre 1997

14 Décembre 1997
Heurts entre FSI et Aounistes a Achrafieh
Le quartier populaire de Fassouh ressemblait davantage à un champ de bataille qu'à une paisible zone résidentielle après les heurts qui se sont produits entre les FSI et des partisans du général Michel Aoun, indignes et furieux parce que l'interview de leur leader (qui était supposée être diffusée hier en direct sur la MTV) a été interdite par le ministère de l'Information. Parmi les partisans du général Aoun, plusieurs dizaines ont été interpellés, alors que d'autres étaient battus. Les échauffourées se sont soldées par au moins un blessé, un avocat, George Haddad, qui a eu un bras fracturé et qui a été admis à l'hôpital el-Arz. Les jeunes aounistes brandissaient des portraits du général Michel Aoun et des banderoles reproduisant le texte de l'article 19 de la Charte des droits de l'Homme sur la liberté d'opinion et d'expression. L'interdiction de l'interview du général Aoun avait provoqué un tollé dans les milieux politiques et aurait même été désapprouvée par le chef de l'Etat, M. Hraoui. Les incidents d'Achrafieh pourraient provoquer les mêmes réactions de réprobation.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 15 décembre 1997

5 Janvier 1998
Sourde épreuve de force entre le pouvoir et les télévisions privées
Une sourde épreuve de force s'est engagée entre le gouvernement et les télévisions privées, pour le droit à la diffusion de programmes politiques par satellites, en direction du monde arabe. Bien que rien ne soit encore décidé, des hommes politiques et les télévisions privées ont prises devants et ont dénoncé hier toute velléité gouvernementale de réserver à Tele Liban l'exclusivité de la diffusion des bulletins et programmes politiques par satellites. Cette anticipation fait suite à des informations puisées à des sources officielles, selon lesquelles une réévaluation globale de la question de la diffusion de programmes politiques, par satellites, est en cours. En premier temps, cette réévaluation a pris la forme d'une abolition de la censure préalable sur ces programmes, en vigueur depuis le début de 1977. Toutefois, on redoute, dans les milieux concernés, que cet assouplissement ne soit en fait le prélude à un retrait pur et simple des permis d'émettre des programmes politiques par satellites, accordés aux medias privés. D'autres estiment, cependant, que les nouvelles alarmistes visent à amener les télévisions privées à accepter « le moindre mal » de la censure préalable.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 6 Janvier 1998

5 Mars 1998
101 Libanais détenus en Syrie remis aux autorités de Beyrouth
C'est finalement 101 prisonniers libanais en Syrie, et non pas 130 comme annoncé d'abord, qui ont regagné hier le Liban, après des années de détention dans différentes prisons syriennes. Attendus impatiemment par des centaines de parents, les détenus libérés, dont une quinzaine de chrétiens, sont arrivés à 14 h à bord de quatre bus de l'armée syrienne, à Masnaa, à la frontière libano-syrienne. Toutefois les détenus n'ont pas été autorisés à descendre des véhicules, et un cordon de sécurité a empêché leurs parents de les approcher. Après la halte à Masnaa, les autobus se sont dirigés vers Anjar, quartier général des services de renseignements syriens au Liban, suivis par un cortège de voitures privées. A Horch Tabet et à Kfarchima, des centaines de personnes se sont attroupées, dans l'espoir d'une libération éventuelle de certains détenus. Une majorité des détenus libérés étaient emprisonnés en raison de leurs affinités politiques pro-irakiennes ou encore islamistes. Dans certains milieux, la libération d'hier a été vécue comme un drame, dans la mesure ou l'absence des leurs a été comme une confirmation de leur décès, ou un prolongement de la situation d'incertitude quant à leur sort. Beaucoup de familles parlaient de détentions remontant aux années 82-83.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 6 Mars 1998

18 Mars 1998
Mariage civil : Le projet Hraoui approuvé en conseil des ministres par 21 voix
Par 21 voix contre 6 et une abstention, le conseil des ministres a approuvé hier le projet de loi sur le mariage civil facultatif qui pourrait paver la voie à une modernisation du système libanais, ou au contraire, provoquer une nouvelle crise politique dans le pays sur fond de tiraillements confessionnels. Le vote inattendu de ce projet a été précédé d'un débat animé, dans un climat parfois tendu. Pour le président de la République Elias Hraoui, père de ce projet controversé et pour plusieurs ministres, le mariage civil optionnel constitue la première étape du processus de suppression du confessionnalisme politique. Au début de la séance, le chef de l'Etat a pris la parole pour réaffirmer sa détermination à soumettre le projet d'amendement du statut personnel de manière à instaurer le mariage civil facultatif. «je me suis permis de soumettre à nouveau ce projet en dehors de l'ordre du jour à lumière des manifestations sectaires qui se sont multipliées récemment et qui se sont même transposées sur les terrains du sport. J'ai suivi ces dernières semaines les réactions des personnalités spirituelles et autres à ce projet et je n'ai répondu à aucune d'elles j'ai prêté serment pour appliquer la Constitution et le document de Taef qui prévoient la suppression du confessionnalisme politique. Je souhaiterai que le projet du mariage civil constitue la première étape de ce processus ».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 19 Mars 1998

25 Juin 1998
Israël livre les dépouilles de 40 résistants et libère 60 prisonniers
Face aux 40 dépouilles venues d'Israël, dans de sommaires cercueils en bois brut, portant chacun un numéro inscrit en rouge, M. Hariri est ému. Cet échange est le premier depuis 1996. C'est aussi grâce aux efforts de plusieurs hommes de bonne volonté, tels que les présidents Chirac et Assad, le commandement de l'armée libanaise, M. Berry et Sayed Nasrallah, que d'ailleurs M. Hariri a vivement remerciés. Le long de la route menant vers l'AIB, la foule divisée en partisans d'Amal et du Hezbollah, hurle des slogans à la gloire du mouvement ou du parti devant l'austère bimoteur français, l'atmosphère est tout à fait différente. Les yeux des officiels des journalistes et des soldats brillent de larmes contenues en regardant les cercueils s'aligner les uns près des autres sur les tables disposées pour les recevoir et recouvertes de nappes blanches. Chaque cercueil est d'ailleurs porté par 4 soldats qui l'enroulent dans un drapeau libanais. Certains sont d'ailleurs morts depuis plusieurs années. M. Hariri nie tout lien entre cet échange et une éventuelle reprise des négociations israélo-libanaises et rend hommage aux martyrs qui ont donné leur vue pour sauvegarder le droit de notre nation à vivre en liberté et dans la dignité.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 26 Juin 1998

25 Août 1998
Pilonnage systématique du Liban-Sud et pluie de roquettes sur le nord : Un responsable d'Amal tué par les Israéliens près de Tyr et une casemate détruite à Machghara.
Bombardements de zones résidentielles au Liban-Sud, riposte aux Katioucha sur le nord d'Israël, on est bien loin des accords d'avril 1996 enjoignant aux belligérants d'épargner les civils des deux côtés de la frontière. Une source militaire israélienne a indiqué que les tirs « internes et continus » ont visé toute la frontière nord d'Israël. Un porte-parole de l'armée israélienne a dénombré, une heure après le début de l'attaque, une douzaine de roquettes tombées sur le territoire israélien. Selon des sources de services de sécurité au Liban, une quarantaine de roquettes ont été tirées. A Kyriat Shmona, il y a eu douze blessés et au moins autant de personnes très choquées qui ont été admises brièvement à l'hôpital. Les tirs de roquettes se sont produits à un moment où des nombreuses personnes se trouvaient dans les rues. Les forces de sécurité sont aussitôt entrées en action et les véhicules policiers, ambulances et voitures de sapeurs pompiers ont commencé à sillonner les rues, appelant la population à se réfugier dans les abris. De nombreux dégâts sur les habitations et les véhicules ont été constatés.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 26 Août 1998

15 Octobre 1998
Lahoud au Libanais : « Le changement avec vous »
La volonté de changement des Libanais a triomphé hier de toutes les réticences, et le général Emile Lahoud, commandant en chef de l'armée a été porté à la Première magistrature, par un vote unanime des députés présents, soit 118 voix, conformément à une consigne convenue entre les présidents libanais et syriens. Conscient des difficultés qui l'attendent, le chef de l'Etat élu n'en a été que plus sensible aux manifestations de confiance et de joie populaires, qui ont marqué sa désignation par la Chambre des députés, ainsi qu'aux témoignages d'appui qui lui ont apporté de nombreuses instances, dont le patriarche maronite. Dans un message de remerciements adressé aux Libanais, le général Lahoud s'est déclaré conscient « du poids du gage » qui lui est confié. S'adressant en particulier aux jeunes qui se sentent « étrangers dans leur propre pays », il leur a promis de tout mettre en oeuvre pour leur offrir un Etat qui soit à leur écoute et « enfin débarrassé de la corruption ».
Damas mise sur un président fort pour se rapprocher des chrétiens
L'élection du général Emile Lahoud à la présidence de la République reflète un sincère désir du régime syrien d'ouverture en direction des chrétiens du Liban, assure une source bien informée, commentant la journée d'hier.
Quant aux considérations qui ont incité le président syrien Hafez el Assad à favoriser l'élection du général Lahoud, elles sont les suivantes :
- Le général a longuement été testé en tant que commandant de l'armée régulière, à ce poste il a fait toujours preuve de loyauté envers l'allié syrien et n'a jamais poignardé celui-ci dans le dos.
- Emile Lahoud est convaincu de la nécessité d'étroites relations entre Etats voisins, et il cite volontiers les liens existants entre des pays tels que les Etats-Unis et le Canada. Par delà la complémentarité libano-syrienne, Lahoud sait gré à la Syrie d'avoir été le seul pays à offrir en quantité appréciables équipements, armement, munitions, appui logistique et entraînement à l'armée libanaise alors qu'elle était en cours de reconstitution.
- La profonde aversion du général pour les milices, qu'il rend responsables de la destruction du pays, est appréciée au plus haut point par Damas.
- Mais surtout la Syrie est sincèrement désireuse d'opérer une ouverture en direction des chrétiens du Liban.
- Les Syriens, poursuit cette source ont fini par se rendre compte que pour réussir, une telle percée implique la présence au palais de Baabda d'un président fort jouissant d'un degré appréciable de popularité, notamment dans les rangs des chrétiens.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 16 Octobre 1998

24 Novembre 1998
Le discours d'investiture de Lahoud, un programme réquisitoire
C'est un programme réquisitoire que le président Émile Lahoud a lancé hier dans son discours d'investiture au Parlement, déclenchant à plusieurs reprises les applaudissements d'une classe politique qui devait pourtant se reconnaître dans ses critiques. Le nouveau chef de l'État a axé son texte sur trois thèmes majeurs, annonçant un tour de barre plus ou moins radical à la tête de l'État, sinon dans la substance, du moins dans certaines pratiques du pouvoir. Privilégiant l'idée de suprématie de la loi, M. Lahoud est allé loin en promettant ce qui ressemble fort à un nettoyage au sein de la classe dirigeante. Il en a profité pour souligner la prééminence de la présidence sur les autres pouvoirs, en notant que leurs titulaires ne sont pas tenus par la Constitution de prêter serment devant les représentants du peuple. Le nouveau chef de l'État a également esquissé les lignes directrices d'une politique économique et sociale qui, pour ne pas être à proprement parler révolutionnaire, s'emploiera à rectifier dans un sens plus favorable aux classes moyennes les excès de la période antérieure. Enfin, en politique étrangère, si M. Lahoud a prôné la continuité, notamment dans les relations avec la Syrie, il ne s'est pas empêché pour autant de tancer l'équipe précédente sur ce qu'il considère comme sa mauvaise gestion des liens avec Damas. Après la cérémonie de prestation de serment, le nouveau chef de l'État s'est rendu à Baabda où, après avoir salué le président sortant, il y a pris ses quartiers. La direction générale de la présidence de la République a ultérieurement publié un communiqué annonçant qu'en vertu de l'article 69, alinéa (e) de la Constitution, le gouvernement est considéré comme démissionnaire avec le commencement du mandat d'un nouveau président de la République. En conséquence, le nouveau chef de l'État demande au gouvernement d'expédier les affaires courantes, en attendant la formation du nouveau Cabinet. Les consultations parlementaires impératives, précédant la désignation d'un Premier ministre, commenceront jeudi au palais présidentiel, a annoncé hier le président de l'Assemblée Nabih Berry. Elles dureront un ou deux jours. Le président du Conseil désigné entamera ses consultations lundi prochain.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 25 novembre 1998

1er décembre 1998
La volonté de changement confirmée avec Hoss
Le changement promis par le président Émile Lahoud dans son discours d'investiture du 24 novembre ne s'est pas limité aux méthodes, mais a englobé aussi les personnes. Dès hier, et au jour I de ce deuxième tour des consultations parlementaires contraignantes, une nette majorité s'est dégagée en faveur de l'ancien président du Conseil, M. Sélim Hoss, qui a obtenu les voix de 77 députés. Quatorze parlementaires doivent encore être consultés aujourd'hui par le président de la République. La réédition du «différend constitutionnel» qui avait provoqué le départ de M. Rafic Hariri a pu être évitée. Le président Lahoud a en effet insisté, hier, auprès des députés qui lui avaient délégué leurs prérogatives lors du premier tour des consultations pour qu'ils citent nommément leur candidat. La procédure constitutionnelle se poursuivra normalement aujourd'hui. Le chef de l'État doit informer, en fin de matinée, M. Nabih Berry des résultats des consultations. Il convoquera ensuite M. Hoss pour lui confier la tâche de former le Cabinet. Le chef du gouvernement désigné entreprendra, en soirée ou demain matin, les visites traditionnelles auprès des anciens présidents du Conseil, MM. Saëb Salam, Rachid Solh, Amine el-Hafez, Chafic Wazzan et Rafic Hariri. Les concertations parlementaires pour la formation du gouvernement auront lieu Place de l'Étoile jeudi et vendredi. La composition du Cabinet sera rendue publique samedi soir ou lundi prochain au plus tard. Et le vote de confiance aura lieu la semaine prochaine. Bien que M. Hoss préfère ne pas «brûler les étapes» en évoquant la composition du Cabinet, il semble que le choix se soit porté sur un gouvernement restreint de 14 ministres, d'où seraient écartés les membres des partis politiques. Ceux-ci pourraient toutefois être représentés par des proches non affiliés. On parle aussi d'un gouvernement de «pôles politiques» et la bourse des noms a enregistré hier de nouveaux «titres» avec MM. Hussein Husseini, Nassib Lahoud, Mohammed Youssef Beydoun et d'autres personnalités «qui inspirent confiance aux Libanais». De nouvelles figures, inconnues du grand public, devraient aussi figurer dans l'équipe Hoss.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 2 Décembre 1998

7 Janvier 1999
Liban-sud - Le Hezbollah s'engage à tordre le cou aux criminels sionistes Israël détruit quatorze maisons à Arnoun
Israël a détruit dans la nuit de mercredi à jeudi quatorze demeures inhabitées à Arnoun, un village jouxtant la bande frontalière près du Château de Beaufort. Dans l'après-midi d'hier, l'ALS a expulsé 24 habitants de Chebaa, dans le secteur oriental de la zone occupée. Partie du Château de Beaufort, en bordure du secteur central de la zone occupée, une unité de l'armée israélienne a pénétré dans le village proche d'Arnoun et détruit au bulldozer les quatorze habitations, selon la police. Un porte-parole de l'armée israélienne, cité par l'AFP, a confirmé la destruction des quatorze maisons. Il a toutefois indiqué que la démolition a été effectuée par des miliciens de l'Armée du Liban-Sud.
Il a affirmé que les maisons en ruine servaient d'abri à des commandos qui posaient des bombes au passage de convois de l'armée israélienne ou de l'ALS. L'unité israélienne a regagné la zone occupée sans être inquiétée, à l'issue de l'opération qui a duré quatre heures. Un militaire israélien avait été blessé mardi soir dans une attaque à l'explosif dans ce secteur. Trois semaines auparavant, l'armée israélienne avait détruit sept maisons inhabitées dans le même secteur, selon la police. La destruction des 14 demeures a suscité une vague d'indignation dans les milieux politiques et religieux. Dans une déclaration, le vice-président du Conseil supérieur chiite, cheikh Mohammed Mehdi Chamseddine, a exhorté «la communauté internationale, les organisations de défense des droits de l'homme et le Conseil de sécurité d'assumer leurs responsabilités et à exercer des pressions sur Israël pour qu'il mette fin à ses agressions contre le Liban et qu'il applique la résolution 425». Cheikh Chamseddine a invité l'État à déposer une plainte auprès du Conseil de sécurité et à demander au Comité de surveillance de condamner Israël. De son côté, le Hezbollah s'est engagé à «tordre le cou aux criminels sionistes» après la destruction des 14 maisons. Le président du Conseil politique du Hezbollah, le député Mohammed Raad, a jugé qu'«il ne s'agit pas d'une agression ordinaire qu'on pourrait passer sous silence». «Le seul fait que ces maisons soient situées face à la position israélienne dans le Château de Beaufort ne constitue en aucune manière une justification, sinon le Liban tout entier est menacé de destruction», a-t-il déclaré à la presse. «La résistance va tordre le cou aux agresseurs criminels. Elle ripostera avec les moyens adéquats au moment qu'elle jugera opportun, car il n'existe pas de prescription à notre droit de poursuivre les sionistes», a-t-il ajouté. «Il n'en reste pas moins que la communauté internationale doit dire son mot face à cette agression qui constitue une violation flagrante des arrangements d'avril 1996», a-t-il conclu. Israël a confirmé la destruction de 14 maisons lors d'une incursion de quatre heures hors de la zone occupée de miliciens de l'Armée du Liban-Sud (ALS, créée et financée par Israël), sous prétexte que ces habitations servaient d'abri aux commandos anti-israéliens. Expulsions Moins de 24 heures plus tard, vingt-quatre personnes, 3 hommes, 5 femmes et 16 enfants de moins de huit ans, tous membres d'une même famille, ont été bannis de Chebaa dans la bande frontalière. Vingt-six habitants de Chebaa ont été convoqués en fin d'après-midi par l'Armée du Liban-Sud (ALS), à la position de la milice, à Tallet Zaghla. Deux d'entre eux, les frères Ismaïl et Hassan Nabaa, accusés d'avoir assassiné le responsable des services de renseignements de l'ALS à Chebaa, Ghassan Daher, ont été arrêtés et conduits au centre de détention voisin de Khiam. Daher avait été tué le 26 décembre par balles alors qu'il circulait en voiture à Chebaa, un village du secteur oriental de la zone occupée, aux confins des frontières entre Israël et la Syrie. Leur mère, leurs frères, leurs cousins, leurs épouses et leurs enfants, 24 personnes au total, ont été expulsés de la zone occupée et accompagnés par les miliciens de l'ALS jusqu'à Zemraya, un des cinq points de passage qui relient cette zone au reste du Liban. Les expulsés
sont : les frères Mohammed, Ahmed et Khalil Nabaa; Rima, Zahra et Rania Daher; Mohammed Nabaa, Khadijé Saab, Nawal Nabaa, Nouhad Dalli, Mohammed Nabaa, Ghaziré Moussa; Imane, Rawiya, Riham, Hanine, Khalil, Alaa et Chahnaz Khodr, Ghoussoun, Ounoud, Diana, Ayat et Clara Nabaa. Arrivés dans la nuit à Rachaya, ils ont été pris en charge par l'armée puis par la Croix-Rouge, qui devait les conduire à Beyrouth. Selon leurs témoignages, Chebaa, qui compte près de 3 000 habitants, contre 40 000 avant l'occupation israélienne il y a vingt ans, est encerclé depuis l'assassinat de Ghassan Daher il y a douze jours. Le rythme des expulsions d'habitants de la zone occupée a nettement augmenté depuis deux ans, en dépit des protestations des autorités contre la violation répétée des lois et conventions internationales.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 8 janvier 1999

1er Juin 1999 : L'ALS se retire des villages à l'Ouest de Jezzine.
Flambée de violence accompagne le retrait de l'ALS
C'est sur fond de violence que la première étape du retrait des miliciens de l'ALS des villages à l'ouest de Jezzine s'est déroulée hier. L'aviation et l'artillerie israéliennes ont dressé un barrage de feu pour couvrir le retrait, alors que le Hezbollah harcelait les convois qui évacuaient leurs positions. Le Cabinet de sécurité israélien a tenu une réunion d'urgence hier soir pour examiner les développements sur le terrain. Selon la deuxième chaîne de télévision israélienne qui citait des responsables militaires, l'État hébreu pourrait lancer «une opération de grande envergure en représailles aux attaques répétées contre l'ALS». Pendant le retrait, deux miliciens ont été tués par l'explosion de deux bombes. Six autres personnes, dont un militaire libanais et deux civils israéliens, ont en outre été blessées dans des raids aériens et des tirs d'artillerie. L'ALS s'est repliée sur Jezzine où elle a installé un poste de contrôle après avoir expulsé les journalistes. Seules Jezzine et quatre autres localités sont encore sous le contrôle des miliciens pro-israéliens. Israël a demandé à l'ALS d'accélérer son retrait et d'achever l'évacuation dans les prochains jours, alors qu'elle devait durer deux semaines. L'État hébreu a également demandé à Washington d'user de son influence sur la Syrie pour convaincre le Hezbollah de «faire preuve de retenue».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 2 Juin 1999

6 Juin 1999
Visite de Lahoud à Jezzine
La visite impromptue du chef de l'État, samedi, à Jezzine et la visite effectuée, hier, à Damas, par le chef du gouvernement ont occupé le devant de la scène politique durant le week-end. Les propos du chef de l'État, et surtout sa présence, ont eu, sur la population de Jezzine, un impact psychologique considérable. Depuis 1985, les choses ont changé, ont constaté les habitants, qui ont soupesé chaque parole prononcée par le président Lahoud. De leur côté, par petits groupes, les anciens membres de l'ALS continuent de se rendre à la police militaire. C'est dans ce climat que le chef du gouvernement s'est rendu hier à Damas. M. Sélim Hoss y a rencontré, séparément, son homologue Mahmoud el-Zohbi, ainsi que M. Bachar el-Assad. À l'aller, M. Hoss s'est arrêté à Anjar, où il a rencontré le brigadier Ghazi Kanaan, chef des SR syriens au Liban. La plus grande discrétion a été observée par M. Hoss, à son retour hier soir à Beyrouth. Le chef du gouvernement a rendu compte de sa visite au chef de l'État, avant de regagner son domicile. Joint au téléphone, il s'est contenté de phrases générales en rapport avec le Comité supérieur libano-syrien, qui devrait se réunir dans les prochaines semaines, pour donner suite aux accords économiques signés entre les deux pays. Tous les aspects de la conjoncture actuelle ont été passés en revue, a-t-il encore affirmé. L'agence syrienne Sana a indiqué pour sa part qu'ont été passés en revue «les moyens de diversifier et d'approfondir la coopération et la coordination» entre Damas et Beyrouth.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 7 Juin 1999

8 Juin 1999
Qui derrière le massacre de Saida ?
Le crime sans précédent qui a coûté la vie, hier, à Saïda, à quatre magistrats constitue incontestablement le coup le plus sévère porté au nouveau régime. Abattre en plein tribunal le procureur général et le président de la chambre criminelle de Saïda ainsi que deux autres juges, dans l'exercice de leurs fonctions, représente un défi évident pour les efforts officiels déployés en vue d'engager le pays sur la voie du redressement. Les réactions étatiques au massacre de Saïda illustrent, s'il en était besoin, la portée politique de cet acte terroriste. Réunis hier soir au palais de Baabda, le président Émile Lahoud et M. Sélim Hoss ont décidé de demander au Conseil des ministres, qui se réunira aujourd'hui, de déférer cette affaire devant la Cour de justice. La présidence du Conseil a décrété un deuil national de vingt-quatre heures. Dans la capitale du Sud – où l'armée libanaise a renforcé son dispositif, notamment à l'entrée des camps palestiniens – une grève générale sera observée durant toute la journée d'aujourd'hui. Au-delà du choc provoqué par ce crime, plusieurs observations s'imposent d'emblée. Cette affaire intervient à un moment où la magistrature passe par une phase délicate. De nombreuses procédures judiciaires sont en cours au sujet de dossiers explosifs, portant sur des affaires mafieuses et de corruption. Des affaires suffisamment graves pour provoquer des tiraillements au sein même de la magistrature. L'action terroriste d'hier, intervenant dans un tel contexte, viserait à miner la détermination de plus d'un juge. Mais c'est la portée politique de ce crime qui retient surtout l'attention. À l'heure où l'on reparle sérieusement de relance du processus de paix, qui pourrait avoir intérêt à porter atteinte de la sorte au pouvoir central ? Certaines sources ont affirmé que l'un des fusils-mitrailleurs laissés sur le lieu du drame par les criminels portait le nom d'une organisation palestinienne. Il est toutefois trop tôt pour s'engager sur une telle piste. Il reste qu'une source gouvernementale affirme que le quadruple crime était une action «organisée et planifiée, sans aucun lien avec les procès qui étaient en cours hier, puisque aucun des huit prévenus jugés n'a tenté de s'évader à la suite du massacre». La riposte à un tel acte terroriste constitue un test évident pour l'État à l'ombre de la conjoncture régionale présente.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 9 Juin 1999

24 Juin 1999
Israël frappe sauvagement
Israël a lancé hier une série de raids aériens meurtriers contre les civils et l'infrastructure, faisant 8 morts, dont 4 pompiers, 7 disparus et 67 blessés, dont certains grièvement atteints. Il s'agit de la plus violente attaque israélienne contre le Liban depuis 1996, date à laquelle le Liban, par le biais de la Résistance, de la France et des États-Unis, et Israël étaient parvenus à un accord pour épargner les sites civils. Avec les raids d'hier, cet accord semble aujourd'hui caduc. Beyrouth était en grande partie plongée dans le noir, après des attaques contre les sous-stations de Jamhour et de Bsalim. Par ailleurs, le Sud était coupé du reste du pays, après le bombardement de plusieurs ponts sur l'autoroute sud, notamment des ponts sur l'Awali, à l'entrée nord de Saïda, et de Saadiyate-Jyeh, plus au nord. À Baalbeck, l'aviation israélienne a bombardé un bâtiment de quatre étages abritant des bureaux administratifs du Hezbollah, faisant 35 blessés. En représailles, le Hezbollah a tiré plusieurs salves de roquettes Katioucha sur le nord d'Israël. À Kyriat Schmona, deux personnes ont été tuées dans l'explosion d'une roquette. À l'heure de mettre sous presse, les tirs de DCA continuaient d'être entendus dans le ciel de la capitale et la station de Bsalim était atteinte une nouvelle fois par une roquette. Le chef de l'État et le président du Conseil ont réagi avec une grande fermeté à ces attaques. Le président du Conseil a dénoncé la «barbarie» des raids israéliens et pris contact avec le représentant du Liban à l'Onu, ainsi qu'avec les ambassadeurs des États-Unis et de France au Liban. Le Liban a demandé une réunion urgente du comité de surveillance de l'accord d'avril 96. Le gouvernement a été convoqué à une réunion extraordinaire ce matin, à 11 heures, pour examiner la situation.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 25 Juin 1999

3 Août 1999
Presse- Un journaliste de l'Orient Le Jour agressé à son domicile
Notre collaborateur Paul Khalifeh a été victime d'une agression alors qu'il rentrait chez lui à une heure du matin après une veillée au journal. Des inconnus l'ont roué de coups avant de le laisser inconscient dans l'entrée de son appartement. Khalifeh ainsi que L'Orient-Le Jour ont porté plainte contre X et les services compétents ont aussitôt entamé leur enquête. Sitôt la nouvelle connue, le président de la République est entré en contact avec notre collègue pour lui signifier son indignation et sa condamnation, déclarant : «Cette agression n'empêchera pas les journalistes honnêtes de continuer à assumer en toute liberté leur mission». Le ministre de l'Intérieur, Michel Murr, a mobilisé ses services pour accélérer les recherches en vue de déterminer l'identité des coupables. De son côté, le président de l'Ordre des rédacteurs, Melhem Karam, a vivement condamné l'agression et affirmé que la presse ne peut être la cible de vindictes quelconques. En son nom et au nom de la grande famille de la presse libanaise, il a témoigné son entière solidarité avec notre collaborateur. De même, l'AFP a rapporté la nouvelle, dénonçant vivement l'agression. Paul Khalifeh, lui, cherche encore à comprendre ce qui a bien pu lui valoir tel traitement.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 4 août 1999

3 Octobre 1999
Sécurité Grenade dans une église à Dékouané
Le spectre des attentats a resurgi hier avec un odieux acte criminel qui a visé l'église Saint-Georges de Dekouané. Une grenade dissimulée dans un sac à main a explosé dans ce lieu de culte, tuant un sacristain, Chafic Rajiha. Le bilan aurait pu être plus lourd si la charge avait éclaté au cours de l'office divin. Mais les fidèles venaient à peine de sortir de l'église quand le sacristain a repéré un sac abandonné près du baptistère et c'est en cherchant une pièce d'identité qu'il a activé l'engin. On ignore toujours les motivations de cet acte terroriste que certaines sources politiques situent dans le cadre de tentatives visant à miner la stabilité dans le pays dans la perspective d'une reprise des négociations de paix avec Israël. Selon ces sources, le but de ces tentatives est d'affaiblir la position du Liban aux pourparlers de paix. Quoi qu'il en soit, le chef du gouvernement, M. Sélim Hoss, qui a stigmatisé l'attentat, a exprimé l'espoir que ses auteurs seront rapidement démasqués. De son côté, le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, M. Nasri Lahoud, s'est dit confiant quant à la capacité des enquêteurs à découvrir leur identité.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 4 Octobre 1999

27 Décembre 1999
Liban-Israël - Cinq militants intégristes libérés dimanche Nouvelle donne entre Israël et le Hezbollah
À une semaine de la reprise des pourparlers de paix entre Israël et la Syrie près de Washington, une nouvelle donne semble marquer les rapports conflictuels entre l'État hébreu et le Hezbollah. Grâce à une nouvelle médiation entreprise par le gouvernement allemand, les autorités israéliennes ont libéré dimanche cinq militants du parti intégriste qui étaient détenus depuis plus de dix ans en Israël. Cette libération a été interprétée par certains observateurs à Jérusalem comme un début de «changement des règles du jeu au Liban entre Israël et le Hezbollah», dans un contexte marqué par une apparente percée dans les négociations entre Tel-Aviv et Damas. Mais à Beyrouth, un haut responsable intégriste a affirmé que la libération des cinq membres du Hezbollah n'avait aucune portée politique. Il reste que les indices faisant état d'un déblocage imminent dans les pourparlers de paix se multiplient. La presse israélienne indique ainsi que le Premier ministre israélien Ehud Barak pourrait enclencher le retrait du Liban-Sud dès avril prochain (au lieu de juillet), si les discussions avec Damas enregistrent d'ici là de nets progrès
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 28 décembre 1999

7 Février 2000
Raids - Vingt blessés, les stations de Jamhour, Ain Nbouh (nord) et Baalbeck détruites Israël se venge sur l'infrastructure
Au lendemain d'une semaine noire pour l'armée israélienne au Liban-Sud, l'État hébreu, qui a perdu quatre soldats et l'un de ses plus importants collaborateurs en quelques jours, s'est vengé hier soir en frappant une nouvelle fois les infrastructures libanaises, notamment des stations électriques, ce qui a entraîné des coupures de courant dans de vastes régions du pays. Vingt personnes ont été blessées, la plupart par des bris de verre, selon un bilan provisoire, au cours des raids de l'aviation israélienne, – six au total entre 00h25 et 00h40 – sur les environs de Baalbeck. Une douzaine de missiles se sont abattus sur la principale station qui alimente la ville et sa région, les plongeant dans le noir. Le feu a ravagé la station, située sur une colline à l'est de Baalbeck. Les appareils ont également frappé la région de Oussayra, à l'ouest de la ville, où se trouvent des bases du Hezbollah. Presque dans le même temps, la station électrique de Deir Nbouh, à 13 km à l'est de Tripoli, était la cible d'un raid aérien, qui a également provoqué une panne de courant dans la région. Selon des télévisions locales, la station a été complètement détruite. Une dizaine de minutes plus tard, l'aviation israélienne a attaqué à deux reprises la station de Jamhour, déjà cible des raids du 24 juin dernier. Un incendie géant s'est déclaré sur le site, et était visible de Beyrouth. Une grande partie de la capitale et sa banlieue ont été plongées dans l'obscurité. Une heure plus tard, le feu faisait toujours rage, empêchant les pompiers d'intervenir. La DCA de l'armée libanaise est entrée en action en plusieurs points du pays contre les appareils israéliens. Tard dans la nuit, des vedettes de la marine israélienne, qui croisaient au large du littoral du Liban-Sud, ont été prises sous le feu des batteries de l'armée libanaise. Israël a confirmé les raids contre les trois stations et indiqué avoir également bombardé et touché le QG du Hezbollah près de Baalbeck. Un porte-parole israélien a mis en garde contre tout tir de Katioucha qui entraîneraît, selon lui, «un durcissement des attaques et une réplique sévère». Peu avant ces développements, Israël avait appelé les habitants de la Galilée à descendre dans les abris de crainte de tirs de Katioucha. Cependant, jusqu'après 2h00 du matin de ce mardi, aucun tir de ce type n'avait été signalé. Vers 03h00 du matin, le chef du gouvernement Sélim Hoss a dénoncé une fois de plus dans un communiqué le comportement d'Israël et affirmé que le Liban ne modifierait pas sa position de principe «quels que soient les sarifices». À 3h30 du matin un avion israélien a franchi le mur du son au-dessus de la capitale, tandis que la DCA libanaise le poursuivait de ses tirs.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 8 Fevrier 2000

6 Mars 2000
Liban-Sud - Hoss réaffirme sa préférence pour un retrait sur base d'un accord. Le plan Barak adopté en Conseil des ministres
C'est désormais officiel et «définitif», selon Barak. Les forces israéliennes se retireront du Liban-Sud d'ici à juillet prochain, mettant ainsi un terme à près de 22 ans d'occupation de la région méridionale. Au cours d'une séance de cinq heures et demie, le gouvernement israélien a approuvé à l'unanimité le plan de retrait du Liban-Sud soumis par le Premier ministre Ehud Barak. Réagissant à cette décision, dont la portée n'échappe à personne, le chef du gouvernement Sélim Hoss a souligné que le Liban a toujours été favorable à un retrait israélien. M. Hoss a toutefois précisé qu'il préférait que ce retrait intervienne dans le cadre d'un règlement global. Les sources diplomatiques à Beyrouth soulignent, de fait, qu'en l'absence d'un accord avec Israël, un retrait unilatéral comporterait de nombreux risques. Les Casques bleus de la Finul pourraient en effet se trouver dans une position peu enviable si le Hezbollah poursuivait ses attaques contre les troupes israéliennes postées le long de la frontière internationale. M. Barak a déclaré hier à ce propos qu'il ne conseillait à personne de «tester notre réaction lorsque nous serons déployés le long de la frontière». Sur le plan politique, Washington a salué la décision de retrait, tandis que l'agence syrienne Sana soulignait qu'Israël cherchait à se sortir du «dilemme» causé par la situation au Liban-Sud.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 6 Mars 2000

23 Mai 2000
Libération - Le retrait est pratiquement achevé, l'ALS s'effondre et la population revient Le Sud tourne la page israélienne
Au rythme où les événements se sont succédés au Liban-Sud au cours des dernières quarante-huit heures, l'opération de retrait de l'armée israélienne de la zone de sécurité devrait être achevée dans les toutes prochaines heures. Au moment de mettre sous presse, les troupes de l'État hébreu s'apprêtaient à quitter la dernière enclave qu'elles contrôlaient encore tard en soirée, à savoir un secteur étroit délimité par le château de Beaufort (Arnoun), la localité de Marjeyoun, le village de Khiyam, à l'est, et Kfar Kila au sud, avec le village chrétien de Qleia au centre. Dans la nuit d'hier, les forces israéliennes avaient entamé leur repli de ces positions. Elles ont ainsi fait sauter leurs dernières installations attenantes au château de Beaufort et au secteur de Dabché, ce qui laissait présager la fin imminente du retrait. Comme ce fut le cas lundi dernier, c'est dans la confusion la plus totale que l'évacuation de la zone de sécurité s'est poursuivie hier. Parallèlement, la dislocation de l'Armée du Liban-Sud a été consacrée dans la journée. Près d'un millier de miliciens de l'ALS se sont rendus, depuis dimanche dernier, aux autorités, tandis que plus de 2 500 autres combattants choisissaient de trouver refuge en Israël. Cette opération historique qui met fin à 22 ans d'occupation s'est accompagnée d'un retour à leurs foyers, dans une atmosphère de liesse, des habitants des villages évacués. Le retour de la zone de sécurité dans le giron de la légalité n'a pas empêché la poursuite des raids aériens israéliens et des tirs d'artillerie entre les forces israéliennes et le Hezbollah. L'élément marquant de la journée d'hier aura été l'absence d'abus et de débordements que diverses parties craignaient. Selon des sources dignes de foi, le Hezbollah se serait en effet engagé auprès de l'État libanais à s'abstenir de pénétrer dans les villages chrétiens de l'ex-zone de sécurité. Avec la fin du retrait, l'Onu devra maintenant constater que le repli des troupes israéliennes s'est fait conformément à la résolution 425. L'envoyé spécial de M. Kofi Annan, M. Terjé Roed-Larsen, est attendu à cette fin aujourd'hui à Beyrouth. L'émissaire onusien devra agir vite du fait que les risques de dérapage persisteront encore pendant un certain temps. Le Premier ministre israélien Ehud Barak a ainsi menacé de s'en prendre aux forces régulières, «libanaises et non libanaises», au cas où Israël serait la cible de nouvelles attaques. Dans un mémorandum remis hier à M. Annan, l'État hébreu a d'ailleurs accusé la Syrie de tout faire pour saboter le retrait israélien.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 24 Mai 2000

24 Mai 2000
Libération - Aucun incident n'a perturbé le repli 6h42 : le dernier soldat israélien quitte la zone de sécurité
C'est à 6 heures 42 précises, hier matin, que le dernier soldat israélien qui s'est retiré de la zone de sécurité a fermé et cadenassé la porte 93 du point de passage militaire avec le Liban qui se trouve à proximité de la «Porte de Fatima» par où transitaient quotidiennement des milliers de Libanais allant travailler en Israël. Les troupes de l'État hébreu avaient parachevé leur retrait du Liban-Sud dans la nuit de mardi à mercredi sans qu'aucun incident, accrochage ou bombardement ne vienne perturber ce repli en direction du territoire israélien. Une Mercedes transportant le général Benny Ganz, commandant de l'unité de liaison entre l'armée israélienne et l'Armée du Liban-Sud, deux chars de type Merkava et un bulldozer ont été les derniers véhicules à quitter la bande frontalière, a constaté un correspondant de l'AFP. En un peu plus de 48 heures, l'État hébreu a évacué ainsi le gros de ses forces du Liban-Sud, dans une brusque accélération d'un retrait entamé le 9 mai, avec la remise à l'ALS de positions qu'il occupait jusque-là. Plusieurs dizaines de tanks et de véhicules blindés israéliens transportant des centaines de soldats ont traversé dans la nuit de mardi et jusqu'à l'aube d'hier la frontière internationale. Les soldats, à bord des véhicules, arborant des sourires, agitaient des drapeaux israéliens alors que des hélicoptères survolaient leurs convois. Toutes les positions ont été évacuées et certains fortins ont été dynamités sans faire de blessé avant le départ de l'armée, a indiqué la radio publique israélienne. Selon des sources de sécurité libanaises, Tsahal a quitté vers 2 heures son quartier général de Marjeyoun. L'armée israélienne a fait exploser sa dernière position à 3h40 locale, après une série d'autres dans la nuit, dont celle attenante au château de Beaufort. Un seul incident mineur a retardé quelques instants l'opération de repli. La chenille d'un char, qui s'était brisée hier à l'aube, à 15 mètres de la frontière libano-israélienne, a retardé quelque peu le retrait jusqu'au moment où il a été remorqué à l'intérieur du territoire israélien.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 25 Mai 2000

16 Juin 2000
Liban-Sud - Il reste quatorze violations à régler Retrait : Annan confirme, Beyrouth conteste
Le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan a annoncé hier à New York qu'Israël s'était retiré du Liban «en pleine conformité avec la résolution 425 du Conseil de sécurité». Par la bouche de son Premier ministre Sélim Hoss, le Liban a aussitôt réagi en affirmant qu'Israël ne s'est «malheureusement pas retiré de tout le territoire». «Je ne pense pas que le secrétariat général de l'Onu puisse annoncer la fin du retrait conformément à la résolution 425», a déclaré le chef du gouvernement. Ces propos ont été corroborés par les officiers et cartographes qui vérifient avec la Finul le retrait sur le terrain. Selon une source de l'équipe libanaise, la force onusienne a reconnu l'existence de quatorze empiètements israéliens et «a convenu de visiter (aujourd'hui) samedi ces lieux lorsque le communiqué de l'Onu a été publié à New York avant que ces problèmes ne soient résolus». Quant à M. Annan, il a quitté New York pour une tournée au Proche-Orient qui doit englober le Liban.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 17 juin 2000

30 Juillet 2000
Exil - Premier leader de l'opposition chrétienne à rentrer au Liban Bain de foule pour Gemayel à Bickfaya
Le président Amine Gemayel a eu droit hier à un véritable bain de foule à Bickfaya pour son retour au Liban, après douze ans d'exil forcé en France (entrecoupé d'un bref passage de deux semaines à Beyrouth en 1992). Plus de 10 000 personnes se sont massées à l'entrée et dans les rues de Bickfaya pour réserver un accueil enthousiaste à l'ancien chef de l'État qui a tenu à placer son retour sous le signe de la réconciliation nationale qui se fait toujours attendre. Dans ses premières déclarations faites peu après son arrivée, le président Gemayel a d'abord rendu hommage à la résistance anti-israélienne et a réaffirmé, devant la foule massée à Bickfaya, son engagement à oeuvrer pour l'entente entre les Libanais et pour la sauvegarde d'un Liban libre, indépendant et souverain. Le président Gemayel est le premier leader de l'opposition chrétienne à faire une entrée fracassante sur la scène locale et à regagner le Liban depuis la conclusion de l'accord de Taëf. Son retour, après deux tentatives avortées en 1992 et 1998, revêt une importance certaine dans la mesure où il pourrait marquer une phase nouvelle dans les relations libano-libanaises et libano-syriennes
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 31 Juillet 2000

22 Septembre 2000
Liban-Sud - Tirs israéliens à la frontière : un membre du Hezbollah blessé Retour massif de libanais réfugiés en Israël
Plus d'une centaine de Libanais, qui s'étaient réfugiés en Israël dans la foulée du retrait de l'armée israélienne de la bande frontalière au Liban-Sud en mai dernier, ont regagné hier le pays alors qu'une foule de parents attendait de nouveaux arrivants à la frontière. Selon des sources policières, 115 Libanais ont franchi en deux vagues le poste-frontière de Naqoura à bord de bus de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) et 235 autres étaient toujours attendus. Toutefois, aucune information sur l'arrivée de ce deuxième groupe n'était disponible en fin de soirée. Les arrivants ont été conduits au poste de la police et de la Sûreté générale à Naqoura, où la plupart des femmes et des enfants ont été autorisés à regagner leurs villages dans la bande frontalière, ccupée pendant 22 ans par Israël, a-t-on ajouté. Quelques hommes et femmes ont été retenus pour interrogatoire alors que 44 anciens membres de l'Armée du Liban-Sud (ALS) ont été aussitôt arrêtés. Le père Gergès Nohra, chargé de la paroisse de Marjeyoun et de Kawkaba, au Liban-Sud, a affirmé à l'AFP qu'«au moins 1 500 Libanais, chrétiens, musulmans et parmi eux des druzes, étaient attendus». «Nous les invitons tous, chrétiens et musulmans, à regagner leur patrie. Notre peuple ne peut vivre comme des réfugiés alors que le Liban est le pays des libertés», a-t-il ajouté. «Nous voulons qu'ils reviennent car nous avons constaté que ceux qui les ont précédés ont reçu un bon traitement, tel celui d'une mère à ses enfants», a-t-il encore dit. Après la centaine de départs de vendredi, environ 4 600 Libanais se trouvaient encore en Israël, a-t-on indiqué à l'AFP de source militaire israélienne. Auparavant 650 étaient retournés au Liban tandis que 400 étaient partis en Allemagne et un nombre indéterminé vers d'autres pays, a-t-on précisé de même source. Un officier israélien avait annoncé mardi que «des centaines» de Libanais ont été autorisés à regagner leur pays. Beaucoup d'entre eux étaient malheureux en Israël, se sentant isolés. La plupart d'entre eux se sont installés dans des quartiers juifs après avoir été rejetés par les Palestiniens. Plus de 2 200 Libanais sont poursuivis par le tribunal militaire de Beyrouth ou ont déjà été condamnés pour «collaboration» ou «contact avec l'ennemi israélien» à des peines allant de quelques semaines à plus de 15 ans de prison. Sur un autre plan, des soldats israéliens ont ouvert le feu hier sur des journalistes libanais, dont celui de l'AFP, à la frontière, blessant un membre du Hezbollah qui les accompagnait dans leur visite. Le membre du Hezbollah, identifié seulement par son prénom, Mohammad, a été légèrement blessé au pied par un fragment d'une des balles tirées par les soldats israéliens contre les journalistes dans la région frontalière de Kfarchouba (Hasbaya). Il a été transporté dans une clinique de la région. C'est la première fois qu'un militant du Hezbollah est blessé au Liban-Sud depuis le retrait de l'armée israélienne du cette région. «Lorsque nous sommes arrivés à la frontière avec les membres du Hezbollah, nous avons vu trois véhicules israéliens avec une vingtaine de soldats. Trois d'entre eux ont aussitôt tiré des balles entre nos jambes sans aucun avertissement», a déclaré le journaliste de l'AFP, Taher Abou Hamdane. Le 12 septembre, des soldats israéliens avaient tiré en l'air, apparemment pour faire peur à trois journalistes libanais, dont M. Abou Hamdane, qui prenaient des photos à la frontière libano-israélienne, également aux alentours de Kfarchouba. À Jérusalem, un porte-parole de l'armée israélienne, cité par l'AFP, a affirmé que des soldats avaient «tiré des coups de semonce» pour obliger des civils libanais à rebrousser chemin après qu'ils eurent franchi la frontière. «Un certain nombre de civils libanais ont franchi la frontière vendredi matin dans le secteur oriental. Une unité de l'armée israélienne a réagi par des tirs de semonce», a déclaré le porte-parole dans un communiqué. Selon un rapport de l'unité, les «civils ont rebroussé chemin sans avoir été blessés».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 23 septembre 2000

27 Mars 2001
Communautés - Le patriarche maronite vante les mérites de la circonscription uninominale - 200 000 personnes à Bkerké pour accueillir Sfeir
En la personne du patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, c'est l'indépendance qui a été plébiscitée hier, dans la grande cour de Bkerké. Ils étaient près de 200 000, selon certaines sources, à se presser sur la nouvelle esplanade aménagée devant le siège patriarcal ainsi que dans les pinèdes qui l'entourent et sur les routes y conduisant. Des heures durant, ils ont attendu dans une atmosphère de grande kermesse politique l'arrivée du patriarche Sfeir, retour d'une tournée pastorale aux États-Unis et au Canada au cours de laquelle il avait martelé un message indistinctement pastoral et national : liberté, souveraineté, fin de la tutelle syrienne, fidélité aux traditions libanaises, maintien des liens avec l'Église et la patrie d'origine. Galvanisés par un message défendu avec éloquence, jour après jour, la foule a réservé un accueil délirant au patriarche, au terme d'un trajet triomphal de deux heures trente qui l'a conduit de l'aéroport à Bkerké. Après avoir revêtu ses habits liturgiques, et précédé de tout le collège épiscopal et de nombreux prêtres, le patriarche s'est frayé sous les vivats un chemin vers l'autel, où il a présidé le traditionnel office d'action de grâces qu'il célèbre au retour de chaque voyage. D'emblée, les lectures choisies pour la circonstances donnaient le ton. «Proclame la parole, insiste à temps et à contretemps (...) avec une patience inlassable et le souci d'instruire», disait l'épître, qui décrivait ce que le chef de l'Église maronite avait fait durant sa tournée pastorale, répétant inlassablement le même message de liberté et de souveraineté. La lecture de l'Évangile, elle, parlait du «Bon Pasteur», qui «donne sa vie pour ses brebis», et qui «ne se sauve pas comme le berger à gages quand il voit venir le loup». Là encore, on aurait dit un engagement de mener le combat jusqu'au bout. Puis, avec force et concision, sur un ton presque protocolaire, dans un mot qu'il a lu après l'Évangile, le patriarche a rappelé les mots-clés de ses innombrables interventions aux États-Unis et au Canada, en affirmant pour commencer que les Libanais d'origine sont très au fait des nouvelles et des épreuves de leur pays, ainsi que de son combat pour la souveraineté, la liberté de décision et de la levée de tout tutelle. Le chef de l'Église maronite a tenu à souligner qu'il avait été reçu par de nombreux officiels américains et canadiens. Une façon de répondre à ceux qui considéraient que son voyage a été un fiasco, puisqu'il n'était pas parvenu à rencontrer le président George W. Bush. Le chef de l'Église maronite a enchaîné en soulignant l'importance numérique croissante des Américains et des Canadiens d'origine libanaise, et du poids électoral qu'ils représentent dans leurs pays d'accueil. Ces Libanais émigrés, a-t-il ajouté, «vivent la démocratie à tous les échelons», aussi bien municipal que local ou national. Dans une allusion évidente à la loi électorale au Liban, dont le caractère arbitraire a été dénoncé en 1992, en 1996 et encore en 2000, le patriarche a vanté les mérites de la circonscription uninominale en vigueur aux États-Unis, qui favorise le contact direct entre l'électeur et le candidat et l'établissement de liens basés sur la transparence et la sincérité, et non sur «la manipulation de la volonté populaire». Et de souligner que, dans ce pays, «les députés ne signent aucun document engageant leurs électeurs, sans les consulter au préalable». Contrairement à ce qui s'était passé durant la cérémonie commémorant son jubilé sacerdotal, le patriarche ne s'est pas laisser démonter par les slogans vociférés par la foule, qui interrompaient son discours ou couvraient sa voix. Par contre, il a paru gêné quand, à deux reprises, dans des mots de remerciements, le nom du chef de l'État a été hué, ainsi d'ailleurs que les ministres et députés. Certains devaient en prendre leur parti et sourire, comme Nayla Moawad, mais d'autres n'ont pu cacher leur gêne, comme ce fut le cas du ministre Jean-Louis Cardahi, qui représentait le chef de l'État et avait escorté le patriarche à Bkerké. Cet impair devait être corrigé par un communiqué de Bkerké publié ultérieurement.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 28 mars 2001 

24 Janvier 2002
Sécurité - L'ancien ministre et chef de guerre tué dans un attentat à Hazmieh, qui a fait en tout 4 morts et 9 blessés Hobeika, l'homme qui en savait trop
La guerre, il l'avait faite «aux premières loges». Il en détenait, à n'en pas douter, de nombreux secrets, que l'histoire, désormais, aura plus de peine à dévoiler. Assassiné hier à Hazmieh dans un terrible attentat à la voiture piégée qui a tué aussi trois de ses compagnons et fait neuf autres blessés, Élie Hobeika, 45 ans, fut successivement fidèle de Béchir Gemayel, patron des SR des Forces libanaises, chef suprême de la milice, pilier prosyrien, député, ministre. Un tel itinéraire ne laisse pas que des amis. Surtout lorsque, comme Hobeika, on a été mêlé à tant de sombres épisodes du conflit. Parmi lesquels celui qui constitue, probablement, la toile de fond de sa tragique mais prévisible destinée : les massacres de Sabra et Chatila, en 1982, dont il se disait innocent. Choqué par sa mort brutale, un sénateur belge, qui l'avait rencontré secrètement mardi dernier au Liban, a raconté que Hobeika lui avait dit se sentir «menacé» et avoir «des révélations à faire». Mais il les gardait «pour le procès» que cherchent à intenter à Bruxelles des proches des victimes contre Ariel Sharon. Le chef de l'État Émile Lahoud a aussitôt estimé que l'un des objectifs recherchés par les auteurs de l'attentat était d'empêcher Hobeika de témoigner à ce procès. Des ministres, comme Élias Murr, Marwan Hamadé et Pierre Hélou, mais aussi le Hezbollah, les Palestiniens du Liban, ont tous mis en cause Israël, qui a immédiatement nié toute implication et jugé «ridicules» ces accusations. Le chef de l'État tout comme le Conseil des ministres ont préféré souligner la nécessité d'attendre les résultats de l'enquête. Tenant à rassurer les Libanais, M. Lahoud a affirmé que cet événement n'allait pas «ramener les aiguilles de la montre en arrière». Quant au ministre de l'Intérieur, il a indiqué que des mesures de sécurité renforcées allaient être prises sur tout le territoire. En substance, pour M. Murr, le Liban est très sûr, mais il faut qu'il le soit encore davantage.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 25 janvier 2002

1er Février
Un véritable tournant sur le plan économique et financier Le gouvernement à l'épreuve de la TVA
La journée du 1er février 2002 restera dans l'histoire économique et financière du Liban comme celle d'un tournant crucial, d'une date historique marquant l'entrée du pays dans une nouvelle ère, celle de la taxe à la valeur ajoutée, une voie sur laquelle tous les États développés se sont lancés il y a bien des années déjà. Cette véritable révolution dans la comptabilité nationale que représente l'introduction de la TVA portera-t-elle ses fruits ? Le gouvernement pourra-t-il relever le défi qu'il s'est lancé à lui-même ? Les quelques prochaines semaines permettront de savoir si l'Exécutif est à la hauteur de cette bien difficile épreuve. Pour l'heure, le Conseil des ministres, réuni hier sous la présidence du chef de l'État, a décidé une série de réductions des taxes douanières pour compenser l'effet inflationniste de la nouvelle taxe. Pour leur part, les contribuables semblaient espérer jusqu'à la dernière minute un report de la taxe. Leur scepticisme les a conduits à retarder jusqu'à la dernière minute les formalités d'enregistrement. Résultat, les nouveaux locaux de l'administration ont été assaillis au cours des deux derniers jours et les quelque 130 fonctionnaires des Finances ont veillé jusqu'à minuit pour traiter les demandes d'immatriculation dans les délais. Plus de 6 400 demandes avaient été déposées hier matin, alors que l'administration en attend au total entre 7 000 et 8 000. La TVA représente un grand changement dans les habitudes comptables des entreprises libanaises qui vont devoir se familiariser avec les factures. Mais l'introduction de la TVA se traduira aussi par une augmentation des prix à la consommation que le gouvernement estime à 5 %.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 1er février 2002

28 Mars 2002
Déclaration de Beyrouth - Retrait aux frontières de 1967, État palestinien, droit au retour : trois conditions pour la paix et la sécurité Les Arabes, unanimes, proposent des relations normales à l'État hébreu
C'est en définitive par un happy end que s'est achevé hier le sommet de Beyrouth, après un rabibochage au dernier quart d'heure qui a permis à la délégation palestinienne de participer à la séance de clôture. Au-delà de ce come back palestinien et de l'accolade entre le prince héritier Abdallah d'Arabie saoudite et le numéro deux irakien, Ezzat Ibrahim, la 14e rencontre des rois et chefs d'État arabes a acquis une certaine dimension historique mise en évidence par plus d'une capitale occidentale. L'initiative de paix du prince Abdallah a en effet été endossée à l'unanimité par les 22 membres de la Ligue arabe. Pour la première fois depuis le début de l'interminable conflit arabo-israélien, les pays arabes ont proposé collectivement l'établissement de relations normales avec l'État hébreu, reconnaissant explicitement le droit d'Israël à l'existence et à la sécurité. Ce plan de paix sera soumis par un comité ad-hoc aux instances internationales. Pour le Liban, le sommet de Beyrouth revêt une importance primordiale du fait que sur l'insistance du président Émile Lahoud, le document avalisé hier par la Ligue comporte une clause rejetant tout projet d'implantation qui serait en contradiction avec les particularités des pays d'accueil. Ce dernier point a d'ailleurs poussé Israël à qualifier d'inacceptable «la formulation actuelle» du plan arabe, pour ce qui a trait au dossier des réfugiés
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 29 Mars 2002

12 Avril 2002
Awkar, champ de bataille entre manifestants et FSI
TexT:Des dizaines de blessés, tel est le bilan de la bataille de jets de pierres qui a opposé hier, aux abords de l'ambassade US à Awkar, des manifestants libanais et palestiniens aux forces de l'ordre. Confrontés aux pierres des protestataires, les FSI n'ont pas hésité à répliquer, à l'aide de pierres, de bombes à gaz lacrymogène et de canons à eau, pour maîtriser les quelques 5 000 jeunes qui tentaient de s'approcher de l'ambassade pour stigmatiser le silence officiel américain face à l'offensive israélienne dans les territoires autonomes. Plus de 70 000 Libanais et Palestiniens ont manifesté hier contre Israël et les États-Unis dans différentes régions du Liban et dans les camps palestiniens. Une marche importante s'est déroulée à Tripoli en présence de plusieurs courants politiques parmi lesquels le groupe de Kornet Chehwane.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 13 Avril 2002

20 Mai 2002
Sécurité - Deux graves secousses à Beyrouth à quelques heures d'intervalle Le drame Irani finit dans l'horreur
Il est des coïncidences pour le moins troublantes. Le Liban, que ses dirigeants s'évertuent, depuis longtemps, à dire sûr et parfaitement guéri de ses vieux démons, a renoué hier avec des pratiques qu'on espérait dépassées. Quelques heures seulement ont séparé l'attentat qui a coûté la vie au fils du chef palestinien Ahmed Jibril de la découverte du corps sans vie de Ramzi Irani, le militant FL disparu il y a deux semaines. En apparence, les deux incidents n'ont aucun lien entre eux, mais comme l'a souligné Walid Joumblatt, à l'issue d'un entretien en soirée avec Nabih Berry, « des signes d'insécurité commencent à apparaître ». Observant une similitude entre l'attentat contre Jihad Jibril et celui dans lequel Élie Hobeika avait trouvé la mort, il y a près de quatre mois, M. Joumblatt a noté que « certaines personnes, qu'elles relèvent ou non des services de sécurité, sont en train de jouer avec le feu », et estimé qu'à ce jeu « tout le monde périra ». Ainsi donc, le drame de Ramzi Irani, 36 ans, père de deux enfants, s'est achevé hier dans l'horreur, rue de Caracas, où son corps décomposé a été retrouvé dans le coffre de sa voiture. Selon une première estimation du médecin-légiste, la mort remonte à une dizaine de jours. Une personne a été interpellée pour les besoins de l'enquête sur cette affaire, a indiqué en soirée le procureur général Adnane Addoum. La disparition du cadre estudiantin FL, qui travaillait comme ingénieur chez Total, avait occupé ces deux dernières semaines les devants de la scène, plusieurs responsables politiques se demandant comment un homme pouvait ainsi s'évaporer en plein jour à Beyrouth sans que les services de sécurité puissent trouver de réponse. Aujourd'hui, le mystère demeure entier.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 21 Mai 2002

2 Juin 2002
Partielle du Metn - Les opposants dans la rue tard dans la nuit, l'armée se déploie en force Gabriel Murr à trois voix d'écart, malgré le scandale de l'isoloir
Il y aura désormais un « avant » et un « après »-2 juin. Les résultats définitifs mais non officiels annoncés à l'aube, à 4 heures du matin, faisaient état d'une élection à l'arraché, à trois voix d'écart, du candidat de l'opposition chrétienne, Gabriel Murr, face à Mme Myrna Murr Aboucharaf, soutenue par le camp loyaliste. M. Murr a obtenu 34 894 voix contre 34 891 voix à Mme Murr et près de 1 700 voix à M. Ghassan Moukheiber. Mais Mme Murr pourrait présenter un recours devant le Conseil constitutionnel. Le scrutin partiel du Metn s'est donc soldé par une victoire très courte pour M. Gabriel Murr, en termes de décompte des voix. Mais au plan politique, il s'agit d'une victoire incontestable pour l'opposition chrétienne. Car contre vents et marées, et en dépit du scandale de l'isoloir provoqué par la tentative du ministre de l'Intérieur de favoriser le déroulement du scrutin en violation de l'article 49 de la loi électorale (sur le recours obligatoire à l'isoloir), l'opposition a réussi à retourner la situation, à faire entendre sa voix et à s'imposer sur l'échiquier local en enregistrant un score qui a déjoué tous les pronostics. À cet égard, la consultation électorale d'hier a marqué un véritable tournant dans la vie politique du pays. Pour la première fois depuis Taëf, le courant aouniste, les Forces libanaises et le Parti national libéral ont en effet participé activement à une élection législative, mettant un terme ainsi à la politique de boycott qu'ils pratiquaient depuis près de douze ans. À l'annonce des premiers résultats, des milliers de partisans aounistes, des Forces libanaises, des Kataëb et du PNL ont envahi les rues du littoral du Metn, au milieu de sévères mesures sécuritaires prises par l'armée. Et de Paris, le général Michel Aoun déclarait à L'Orient-Le Jour que le déferlement populaire enregistré tard dans la nuit dans différentes régions, notamment autour du sérail de Jdeidé, marquait en quelque sorte « la chute du système » en place.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 03 Juin 2002

18 Juillet 2002
Séance houleuse en Conseil des ministres Le Parlement devra trancher entre Lahoud et Hariri
La séance du Conseil des ministres qui s'est tenue hier soir et qui était consacrée essentiellement au dossier de la téléphonie mobile a été l'une des plus houleuses depuis le début du mandat du président Émile Lahoud. Les divergences à peine latentes entre le président Lahoud et le chef du gouvernement, Rafic Hariri, concernant le sort du cellulaire ont en effet éclaté au grand jour. Le président Lahoud et le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cordahi, ont insisté pour que le gouvernement examine et approuve dès hier soir le mécanisme qui devrait être prévu pour transférer le réseau de la téléphonie mobile à l'État au cas où l'appel d'offres en vue de la privatisation du secteur n'aboutirait pas aux résultats escomptés. Pour le président Lahoud et M. Cardahi, tous les revenus du cellulaire devraient revenir à l'État en cas d'échec de l'appel d'offres. M. Hariri, pour sa part, a refusé que le mécanisme de transition soit examiné dès à présent. Il estimerait que la gestion du réseau devrait être assumée, en cas d'échec de l'appel d'offres, par Cellis et LibanCell, pour le compte de l'État. Le gouvernement n'ayant pu trancher ce différend, décision a été prise de s'en remettre au Parlement. Les députés tiendront une séance plénière le 30 juillet pour expliciter l'article 3 de la loi 399/2002 relative à la privatisation du cellulaire. Cet article souligne qu'en cas d'échec de l'appel d'offres, « les revenus du cellulaire reviendraient à l'État ». La question qui se pose est de savoir si, d'une manière plus précise, ce sont les revenus des deux sociétés en charge actuellement du réseau qui devraient revenir oui ou non à l'État.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 19 Juillet 2002

4 Septembre 2002
La MTV et Radio-Mont-Liban fermées pour infraction à la loi électorale Une flagrante et scandaleuse vengeance Aridi boycottera aujourd'hui le Conseil des ministres
C'est la suite et la fin – du moins pour l'instant – de la chronique d'une vengeance annoncée. Hier, vers 17 heures, les soldats et les FSI, innombrables, ont encerclé les locaux de la MTV de Gabriel Murr ; bousculé, piétiné et tabassé les employés de l'entreprise et des dizaines de Libanais ; puis scellé définitivement, à la cire rouge, les portes de la chaîne de télévision. Sur décision du tribunal des imprimés. La raison ? Publicité électorale illicite. Les responsables se sont souvenus, trois mois après, des infractions commises par la MTV et RML à l'article 68 de la loi électorale. Flagrante et scandaleuse vengeance, surtout lorsque l'on revoit la haine tenace et incontrôlable du clan de Michel Murr, l'ancien « superministre abadaye », qui jouit de l'éternelle oreille de Baabda, contre Gabriel Murr. Le vainqueur de l'opposition à la partielle du Metn contre Myrna Murr Aboucharaf. Mesquine vengeance lorsque l'on se souvient de Télé-Liban, impunie en 2000, alors qu'elle s'était faite, par Sélim Hoss, le vecteur de la propagande antiharirienne. Comme lorsque l'on écoute le ministre de l'Information lui-même dénoncer, derrière la fermeture programmée de la MTV, une volonté éminemment politique. Ghazi Aridi – et c'est là la moindre des choses – boycottera aujourd'hui le Conseil des ministres. C'est un Liban pourtant en quête effrénée de crédibilité et de soutiens qui vient de jeter aux yeux du monde une nouvelle et inadmissible estocade à la démocratie et aux libertés publiques. La sottise ne sied définitivement pas à un État. Surtout lorsqu'il est en voie de développement.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 5 septembre 2002 


20 Octobre 2002
Lendemains de fête: clôture du 9e sommet de francophonie
Trois jours durant, le Liban a vibré, frémi au rythme de la francophonie. Trois jours durant, il a réussi la gageure de montrer au monde l'image d'un pays réunifié, réconcilié avec lui-même et avec les autres. Trois jours durant, rien n'est venu ternir la fête francophone, la première en terre arabe, le Liban démontrant que ses fils et ses filles n'avaient rien à envier à ceux qui, ailleurs dans le monde, s'estiment seuls dépositaires du savoir et de la culture dans son acception la plus large. Trois jours durant, nos hôtes européens, africains, asiatiques, arabes, canadiens n'ont pas tari d'éloges pour l'excellence de l'organisation du sommet, pour la qualité du travail accompli. « Les Libanais débordent de talent, de courage et de ressources », a noté le président Chirac. Mais, a-t-il martelé, place de l'Étoile, à l'adresse des députés, « agissez ensemble, sans laisser place aux querelles fratricides, sans laisser aucun d'entre vous au bord du chemin ». Hier, le rideau est tombé : la grande famille francophone se disperse aux quatre coins des continents, et le Liban se retrouve seul face à ses vieux démons. « Ne laissez personne au bord du chemin. » Le message du président Chirac sera-t-il entendu ? Trois jours durant, trois nuits durant, les Libanais se sont grisés de culture, de musique, de promesses et de belles paroles. Le réveil, aujourd'hui, risque d'être brutal. L'unité de façade affichée au Biel et au Phoenicia, « la trêve des fêtes » à laquelle a accepté de souscrire l'opposition (« Cheese, souriez, le monde nous regarde. ») peuvent, enfin, voler en éclats, les rancoeurs et les haines se libérer... *** « Droits de l'homme, liberté d'expression, indépendance des peuples », des mots-clés qui figurent dans les textes fondateurs de la francophonie. Où en est le Liban à cet égard, lui qui vient d'héberger le Sommet? À mille lieues, au vu de ce qui s'est passé au cours des dernières semaines. Étudiants tabassés pour avoir osé transgresser les tabous officiels, chaîne de télévision fermée pour avoir dépassé les limites d'expression tolérées, consécration de la tutelle syrienne, par le biais d'une campagne systématique, presque barbare, contre l'opposition. Laquelle ne demandait que la stricte application de l'accord de Taëf « qui doit être mené à son terme » selon les propos même de Jacques Chirac, le président français n'omettant pas de préciser que cela impliquait le retrait total des forces syriennes. Et maintenant ? Finie la fête, bonjour tristesse, serait-on tenté de dire. Évanouies les espérances nées des assises francophones, les Libanais risquent fort bien d'être réenvahis dans les jours qui viennent par les miasmes nauséabonds, putrides d'une politique politicienne qui n'arrête pas de miner le pays. Et cela, alors même que les Israéliens se rappelaient à notre souvenir, envoyant leurs avions dans le ciel de Beyrouth au moment où le sommet clôturait ses travaux. « Cheese, souriez, le monde nous regarde. » Après avoir gagné son pari francophone et prouvé qu'il était capable du meilleur, pourquoi l'État s'évertue-t-il à démontrer qu'il est aussi capable du pire ?
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 21 Octobre 2002

23 Novembre 2002
Paris II - Un succès quasi total Le Liban obtient 4,4 milliards de dollars
Les pronostics portant sur le sort de la conférence de Paris II fluctuaient, jusqu'à hier samedi, entre le succès partiel et la réussite totale. À en juger par le bilan annoncé à l'issue de la rencontre qui a groupé hier matin à l'Élysée les représentants de 18 pays et de 8 organismes de financement, la réalité se situe entre ces deux extrêmes, mais elle paraît plus proche du second cas de figure. Le Liban a en effet obtenu une aide globale de près de 4,4 milliards de dollars, soit un chiffre qui n'est pas très loin du maximum qu'il espérait atteindre (5 milliards de dollars). Une nuance toutefois s'impose : sur les 4,4 milliards de dollars, seuls 3 milliards de dollars sont prévus directement pour la restructuration de la dette publique et la réduction du service de cette dette, qui sont à l'heure actuelle l'objectif prioritaire du gouvernement et qui étaient à la base de la convocation de la conférence de Paris II. Le montant restant (1,4 milliard de dollars) est obtenu pour le financement de projets divers assumés essentiellement par la Banque européenne d'investissement (BEI) et les Fonds arabes de développement. Le Liban pourrait compter sur une aide supplémentaire d'ici à un an, plusieurs pays représentés hier à l'Élysée (notamment les États-Unis, l'Allemagne, l'Espagne et le Canada) ayant souligné qu'ils ne manqueront pas d'apporter ou d'accroître leur contribution aux efforts de redressement économique du gouvernement lorsqu'un accord pourra être dégagé entre l'État libanais et le Fonds monétaire international. Il reste que, bien au-delà des chiffres, l'importance de la conférence de Paris II réside, au départ, dans le fait qu'elle a pu avoir lieu et qu'elle a réussi à rassembler un éventail aussi large de dirigeants occidentaux et arabes. À l'invitation personnelle du président Jacques Chirac (et en sa présence), six chefs de gouvernement occidentaux (le Canada et cinq membres de l'Union européenne) ainsi que les Premiers ministres de Malaisie et du Qatar ont fait spécialement le déplacement jusqu'à Paris pour se pencher sur le cas du Liban, aux côtés du secrétaire d'État adjoint américain pour les affaires du Moyen-Orient, du ministre saoudien des Affaires étrangères, des ministres des Finances de quatre pays du Golfe et de hauts responsables du Japon et des institutions internationales et arabes de financement, sans compter le président de la Commission européenne (voir par ailleurs la liste des chefs de délégation). Cette mobilisation internationale au plus haut niveau constitue incontestablement un acquis en soi pour le Liban. Un signal positif aux marchés de capitaux et aux bailleurs de fonds du secteur privé qui pourraient être appelés à soutenir d'une façon ou d'une autre l'entreprise de sauvetage de l'économie libanaise.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 24 Novembre 2002

26 Mars 2003
Manifestations à Beyrouth, Zahlé, Baalbeck, Halba et Nabatyeh ; Atmosphère d'émeute et actes de vandalisme à Tripoli.
Les manifestations de protestation contre la guerre en Irak se sont poursuivies, hier, dans plusieurs villes du Liban. À Tripoli, toutefois, des manifestants (des « éléments infiltrés », a précisé le ministre de l'Intérieur) ont voulu s'en prendre au restaurant KFC, une enseigne américaine que ses propriétaires libanais exploitent en franchise. Les Bérets rouges des FSI leur ont fait barrage de leurs corps et ce n'est qu'au prix de plusieurs blessés, de tirs d'intimidation et de canons à eau qu'ils sont venus à bout de l'humeur vandale des manifestants déchaînés, lesquels ont saccagé des vitrines de magasins et brisé les vitres de nombreuses voitures.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 27 mars 2003

4 Avril 2003
Quatre blessés légers dans l'explosion d'un bâton de dynamite dans une branche du McDonald's Catastrophe évitée de justesse à Dora.
L'obscurantisme aveugle n'a décidément plus de limites au Liban. Aucune cause, quelle qu'elle soit, aucun combat, quelle que soit sa nature, ne sauraient justifier le comportement sauvage qui consiste à dissimuler des charges explosives en plein jour, un samedi après-midi, dans un endroit largement fréquenté par des enfants. Ceux qui ont placé hier, vers 16 heures, une voiture bourrée d'explosifs (qui n'a heureusement pas explosé) dans le parking du restaurant McDonald's de Dora et une faible charge de dynamite (qui a fait quatre blessés légers) dans l'une des toilettes du restaurant ne sont rien d'autre que de lâches criminels qui ne sauraient être classés dans la catégorie des humains. Tout aussi irresponsables sont certains de nos... « responsables » politiques (officiels et autres) qui ne cessent depuis quelques jours de multiplier les déclarations outrancières entretenant un climat d'antiaméricanisme primaire dans le pays. Quant aux autorités en charge du maintien de la sécurité, il est peut-être temps qu'elles traduisent dans les actes leurs multiples déclarations de bonne intention. Car les mesures de sécurité qui étaient prises dans le périmètre de certaines entreprises étrangères se sont avérées totalement inefficaces. La région de Dora a donc échappé hier à une grande catastrophe, puisque la voiture piégée placée devant une branche de la chaîne américaine de restauration rapide McDonald's en plein après-midi n'a pas explosé. Toutefois, quatre cents grammes de dynamite ont sauté, vers 16h, dans les toilettes, faisant quatre blessés légers, dont trois enfants, Anthony Hayek, Hadi Gergès et Bernard Azzam, et un ressortissant tunisien de la famille Rajab. Les forces de l'ordre et l'armée sont arrivées sur place peu après, et ont interdit l'accès au restaurant durant plus de deux heures, établissant un cordon de sécurité autour de l'endroit. La voiture, une Renault 18 beige, garée devant le restaurant, a été contrôlée et emmenée par les forces de l'ordre. Elle était bourrée d'explosifs, 55 kilogrammes de TNT (placés dans des sacs en nylon et reliés à des bonbonnes de gaz), mais elle n'a heureusement pas explosé, une chance due à un ennui technique apparemment : en effet, seul le détonateur de la charge qu'elle contenait a explosé, brisant la vitre arrière du véhicule. Un expert en explosifs est arrivé sur place, et a neutralisé la charge. C'est la première explosion contre une chaîne de restauration rapide en heure de pointe. De nombreux clients, notamment des enfants, se trouvaient à l'intérieur. Un anniversaire d'enfant était apparemment organisé cet après-midi dans le McDonald's de Dora, comme nous l'a confirmé une dame paniquée, venue demander des nouvelles de sa fille et de sa petite-fille (qui avaient été évacuées, lui a-t-on répondu). Les enfants blessés avaient été principalement atteints d'éclats de verre, selon des sources. Le ballet des ambulances de la Croix-Rouge et des véhicules des Forces de sécurité intérieure (FSI), de la Défense civile et de l'armée était incessant durant les heures suivant l'explosion. Mais l'enquête se poursuivait pour s'assurer qu'aucune autre charge n'avait été placée dans le restaurant, nous a-t-on dit. À l'intérieur, quand les journalistes ont enfin été admis vers 19h15, le spectacle était désolant : le mur adjacent aux toilettes était totalement lézardé. Un pan entier de verre s'était brisé. De l'eau recouvrait le sol. Des restes de plateaux sur les tables témoignaient de la panique qui a dû prendre les clients au moment de l'explosion. « Pensent-ils défendre Bagdad à partir d'ici ? » s'exclame le père d'une employée qui a conservé l'anonymat. « Je suis accouru pour avoir des nouvelles de ma fille, bien qu'elle m'ait appelé pour me rassurer un peu plus tôt. Mais je ne comprends pas la logique de ceux qui ont comploté cette explosion. Ce sont des Libanais qui travaillent et qui mangent ici. » Vers 18h, les employés ont commencé à être évacués, comme nous avons pu le
constater. Ils ont refusé cependant de nous accorder leur témoignage. Des employés libanais, tout comme les propriétaires et les clients...
Pris pour le criminel, un photographe a été battu Georges Farah.
Un photographe pour le compte du quotidien Al Moustaqbal, était le premier arrivé au McDonald's de Dora après l'explosion d'un bâton de dynamite dans les toilettes, hier après-midi. Ce qui aurait dû être une chance pour un journaliste s'est transformé en un incident regrettable. Dans la panique générale, pris malencontreusement pour le malfaiteur responsable de l'explosion, Georges a été battu, selon son témoignage, « par les employés, les forces de l'ordre, et même les clients. » « J'ai clamé ma qualité de journaliste à plusieurs reprises, mais ils ne me croyaient pas », raconte-t-il. « Ma caméra a été cassée et mes films détruits. J'ai été soumis aux enquêtes des forces de l'ordre avant d'être relâché. » Hamadé : Un acte qui ne porte préjudice qu'aux intérêts libanais M. Marwan Hamadé, ministre des Déplacés, a vivement stigmatisé l'attentat contre le restaurant McDonald's, à Dora, soulignant qu'un tel acte « ne sert ni la résistance en Irak, ni la lutte en Palestine ». « Cette action, a déclaré M. Hamadé, menace par contre la stabilité du Liban en portant atteinte non pas aux intérêts américains, mais plutôt aux investisseurs libanais, à la main-d'oeuvre libanaise et aux clients libanais, dont notamment les enfants ». « Cet acte, a conclu M. Hamadé, porte préjudice à l'image du Liban dans son ensemble ».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 6 avril 2003

15 Juin 2003
L'attaque contre la Future TV revendiquée par un groupuscule inconnu, « Ansar Allah » ; De nouveau le terrorisme pour déstabiliser le Liban et attenter aux libertés.
Qu'il vise la stabilité du pays en général, qu'il soit, une nouvelle fois, dirigé contre les médias, le Premier ministre en personne, l'attentat à la roquette, dans la nuit de samedi à dimanche contre la Future TV, tombe à un moment particulièrement délicat et ouvre la porte à de bien sombres perspectives. Est-ce que cet attentat, qui n'a heureusement pas fait de victimes, sera le premier d'une nouvelle série – comme l'a prévu hier « Ansar Allah », le groupuscule islamiste inconnu qui l'a revendiqué – Est-ce que les médias, les libertés, la démocratie continueront d'être les boucs émissaires idéaux ? Est-ce que les « moukhabarat » de tous les bords sont sur le point d'assurer la relève ? Est-ce que les tensions extrêmes entre les deux pôles de l'Exécutif en seront ravivées ? Quoi qu'il en soit, et dans le flot de condamnations unanimes, les Libanais en sont réduits à garder en tête les promesses du ministre de l'Intérieur, Elias Murr, qui a assuré que le « devoir » de l'Etat, son but, est d'annihiler ce genre de groupuscules extrémistes qui ont commencé à s'en prendre aux symboles de la modération.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 16 juin 2003

14 Juillet 2003
L'opération affecte Aramoun et le Liban-nord ; L'armée syrienne entame un nouveau redéploiement.
L'armée syrienne a entamé hier soit un nouveau redéploiement de ses troupes stationnées au Liban depuis 1976, le quatrième en moins de trois ans, a indiqué une source de sécurité libanaise sous le couvert de l'anonymat. Des camions et des autobus de transport de troupes se sont regroupés dans certaines artères de Doha, avant de prendre la direction de la Békaa. Ce redéploiement affecte la région d'Aramoun et de Khaldé, ainsi que certaines régions du Liban-Nord, a précisé la source citée. Il s'agirait d'un redéploiement de faible ampleur, n'engageant qu'un millier de soldats. Les mouvements de troupe ont commencé hier et se termineront aujourd'hui, a-t-on précisé de même source.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 15 juillet 2003

16 Octobre 2003
La Chambre des représentants a voté le « Syria Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act » par 398 voix contre quatre La Syrie menacée de sanctions, Assad s'en prend aux « fanatiques » de l'Administration US Bush signerait le texte dans les prochaines semaines, juste après le vote du Sénat.
Le président syrien Bachar el-Assad a réagi hier aux menaces de sanctions américaines en évoquant hier la présence de « fanatiques » dans l'entourage du président américain George W. Bush, lors d'un sommet en Malaisie. Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont « fourni l'opportunité et le prétexte à un groupe de fanatiques et de gens mal intentionnés pour attaquer les valeurs et les principes humains », a déclaré le président lors du sommet des dirigeants de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) en Malaisie.« Ces fanatiques ont révélé leur vision brutale de la société humaine et ont commencé à vendre le principe de la force à la place du dialogue, de l'oppression à la place de la justice et du racisme à la place de la tolérance. Ils ont même commencé à créer un ennemi horrible et illusoire qu'ils appellent l'islam », a-t-il ajouté. M. Assad n'a pas fait directement référence à l'adoption, mercredi, par la Chambre des représentants américains, d'un projet de loi prévoyant des sanctions économiques et diplomatiques contre la Syrie, que ce texte accuse de soutenir le terrorisme. Mais il a souligné que les « fanatiques violaient la souveraineté, imposaient des sanctions économiques et envahissaient culturellement des pays... ». La Chambre américaine des représentants, à majorité républicaine, a en effet adopté dans la nuit de mercredi à jeudi, par 398 voix contre quatre, un projet de législation prévoyant des sanctions économiques et diplomatiques contre la Syrie accusée de soutenir le terrorisme. Le texte, intitulé « loi pour la responsabilité de la Syrie et sur la souveraineté du Liban », prévoit aussi de contraindre Damas à mettre fin à l'occupation du Liban. « Je pense que cette législation est essentielle dans le cadre de la guerre en cours contre le terrorisme et la Syrie a évidemment choisi le côté des terroristes dans cette guerre », a déclaré avant le vote Tom Delay (Texas), le chef de majorité républicaine de la Chambre. Avant que cette législation puisse être signée par le président George W. Bush, le Sénat devra se prononcer, ce qui devrait intervenir dans les prochaines semaines. Le projet porte sur une interdiction des exportations et des investissements américains en Syrie, une réduction de la représentation diplomatique américaine à Damas et l'imposition de restrictions dans les déplacements des diplomates syriens aux États-Unis. Pour M. Delay, « il est temps que le gouvernement (syrien) commence à ressentir les conséquences de ses actions ». « Le terrorisme d'État ne sera pas toléré. Il est temps que le Congrès prenne la responsabilité de faire comprendre à la Syrie l'irresponsabilité de ses actions », a-t-il insisté au cours d'une conférence de presse. La Maison-Blanche ne s'était pas déclarée, la semaine dernière, défavorable à un projet de résolution, levant ainsi son opposition au principe de sanctions contre Damas. Bien que des projets de loi portant sur des sanctions contre la Syrie fassent l'objet d'un large soutien bipartite à la Chambre et au Sénat depuis deux ans, l'Administration Bush avait en effet jusqu'à présent dissuadé les dirigeants du Congrès de les soumettre au vote. L'Administration mettait en avant le fait que l'adoption de sanctions pourrait décourager Damas de coopérer avec Washington dans la guerre contre el-Qaëda et avoir des effets néfastes sur le processus de paix israélo-palestinien. John Bolton, le sous-secrétaire d'État pour le contrôle des armements et à la Sécurité internationale, avait récemment affirmé au Congrès que la Syrie abrite et aide différentes organisations « terroristes », dont le Hamas, le Jihad islamique palestinien et le Hezbollah. Selon lui, la Syrie laisse passer à sa frontière des éléments extrémistes visant les forces américaines en Irak.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 17 octobre 2003

25 Décembre 2003
CRASH DE COTONOU - Arrivée ce matin à Beyrouth d'un groupe de blessés ; L'avion était surchargé : la mort au décollage pour 130 Libanais
Le Bénin a créé hier une commission d'enquête pour déterminer les circonstances dans lesquelles le Boeing de l'UTA (« une compagnie avec laquelle le Liban n'a aucun rapport administratif ou technique », a dit Négib Mikati), à destination de Beyrouth, s'est écrasé le jour de Noël sur la plage de Cotonou. Faisant, selon Michel Samaha, « près de 130 morts, tous Libanais ». Il y a eu 22 rescapés, dont 16 Libanais. Les raisons de ce drame ? On parle d'un « problème de poids », d'une « mauvaise répartition des charges », ou même, peut-être, d'un problème au sol, avant le décollage. Et pendant que des experts français, dépêchés dans la capitale béninoise, tenteront de percer le mystère des « boîtes noires », un premier groupe de blessés arrivera tôt ce matin à Beyrouth, dans un avion de la MEA, en compagnie de Jean Obeid, ainsi que des médecins et des plongeurs libanais, acclamés par les habitants de Cotonou.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 27 décembre 2003

29 Janvier 2004
Des prisonniers relâchés par Israël se rendent chez Arafat
Des dizaines de Palestiniens relâchés hier se sont rendus à Ramallah au quartier général du dirigeant Yasser Arafat, qui a remercié le Hezbollah libanais d'avoir obtenu leur libération dans le cadre d'un échange avec Israël. Sur les 400 détenus palestiniens libérés par l'État hébreu, 57 relâchés dans la région de Ramallah en Cisjordanie se sont rendus à bord de trois cars au siège dévasté de M. Arafat dans le centre de la ville. M. Arafat a interrompu une rencontre avec l'archevêque de Cantorbéry, chef spirituel de l'Église anglicane, Rowan Williams, pour les saluer. « Je vous souhaite la bienvenue », leur a-t-il dit en leur lançant des baisers. Le primat anglican et le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Michel Sabbah, se tenaient à ses côtés. « Nous sacrifions notre sang et notre âme pour Abou Ammar (nom de guerre de M. Arafat) », ont scandé les anciens détenus et leurs proches. Dans des déclarations à la presse à l'issue de la réunion, M. Arafat s'est félicité de la libération des détenus et a remercié le Hezbollah. « Ce n'est pas la première fois que les Palestiniens et les Arabes réussissent à libérer des prisonniers détenus par Israël », a affirmé le président de l'Autorité palestinienne. La libération des détenus a donné lieu à des scènes de liesse en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, les familles rendant hommage au Hezbollah et à son chef Hassan Nasrallah. À Tulkarem, plus au nord, 130 prisonniers ont été accueillis par le gouverneur de la ville, Ezzedine al-Chérif. 64 sont originaires de Tulkarem, 64 de Naplouse et deux de Kalkiliya. Quarante-deux autres détenus ont été relâchés à Jénine où ils ont eu droit à un accueil triomphal dans un bâtiment officiel en présence du gouverneur Ramadan al-Batta et des chefs des services de sécurité. Plus d'une centaine de Palestiniens ont été libérés à Tarqoumiya près de Hébron. Des prisonniers baisaient le sol en descendant du bus israélien avant de se diriger vers leurs parents qui les attendaient du côté palestinien du barrage, brandissant des portraits de M. Nasrallah et des drapeaux jaunes du Hezbollah. Dans la bande de Gaza, une trentaine de prisonniers libérés sont arrivés dans la partie palestinienne du point de passage d'Erez séparant le territoire palestinien d'Israël. Des Palestiniens ont laissé éclater leur joie et ont scandé des slogans appelant le Hezbollah à enlever d'autres soldats israéliens à la frontière pour obtenir la libération de davantage de détenus palestiniens.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 30 Janvier 2004

30 Janvier 2004
Les dépouilles de soixante combattants martyrs remises au Liban De Naqoura à Ouzaï, le Hezbollah savoure sa victoire
La Croix-Rouge internationale a remis hier, au poste frontière de Naqoura, soixante dépouilles mortelles aux autorités libanaises et au Hezbollah. Il s'agit de combattants martyrs anti-israéliens, libanais pour la plupart appartenant à divers mouvement de résistance, notamment le Parti communiste libanais (23 dépouilles mortelles), le mouvement Amal (7), le Hezbollah (6), le Fateh, la Saïka, le FDLP et le FPLP. C'est une brève cérémonie qui s'est tenue à Naqoura. Mais il a fallu exactement cinq heures pour que le convoi transportant les dépouilles mortelles arrive à la banlieue sud. Hier aussi, le Hezbollah a tenu à crier sa victoire. L'entrée de la localité de Naqoura, une heure avant l'arrivée des dépouilles mortelles. Les commandos du Hezbollah, habillés de noir, vérifient à plusieurs reprises, sous les yeux de l'armée libanaise – discrètement présente sur place – l'identité de ceux qui pourront franchir ce qui formait, il y a un peu plus de trois ans, « la porte de Naqoura ». À quelques dizaines de mètres de ladite porte, des gradins et des chaises ont été placés. Une partie est réservée aux femmes vêtues majoritairement de tchadors noirs, une autre aux hommes, et une troisième aux officiels. Peu avant d'arriver au poste frontière de la Sûreté générale libanaise, une trentaine d'ambulances du comité sanitaire islamique, en d'autres termes de la Défense civile relevant du Hezbollah, ont été stationnées des deux côtés de la route. Mais ce ne sont pas ces véhicules qui transporteront les dépouilles mortelles jusqu'à Ouzaï. Au poste frontière, les membres du parti intégriste règlent les derniers détails, expliquent que même si « la plupart des martyrs que l'on accueille sont originaires de la zone méridionale du pays, les cadavres devraient être ramenés à Beyrouth pour identification ». Nabil Kaouk, responsable du Hezbollah pour le Liban-Sud, vient d'arriver, et le chef de délégation du CICR au Liban, Antoine Blayer, s'apprête à franchir la frontière pour accompagner les sept camions – arrivés la veille d'Israël et stationnés durant 24 heures entre les deux postes frontières – qui transporteront jusqu'au territoire libanais les dépouilles mortelles. Il est 9 heures. Le premier camion du CICR franchit la frontière. Les 60 cercueils ont été déchargés puis installés par les hommes du Hezbollah à l'intérieur de trois grands conteneurs en verre, tirés par des camions remorques, conçus tout juste pour l'occasion. Ils entourent chaque cercueil du drapeau libanais et y épinglent une petite couronne de fleurs artificielles. Mais après avoir déchargé quelques cercueils, les partisans du mouvement intégriste se rendent comptent que chaque caisse en bois porte le nom du militant, le lieu et la date de sa mort, l'opération dans laquelle il avait péri et surtout l'organisation à laquelle il appartenait. Et bien rares étaient les cercueils où le nom du Hezbollah était inscrit. Quelques militants empêchent donc les journalistes de prendre des photos, les rappellent un peu plus tard, les invitant à filmer en gros plan les cercueils où des fiches portant le nom du mouvement intégriste ont été collées. À la tribune officielle, plusieurs responsables sont déjà présents, notamment le ministre de l'Information Michel Samaha représentant le président de la République, le député Ali Khreiss représentant le chef du Parlement et le ministre du Tourisme Ali Abdallah représentant le président du Conseil, le numéro 2 du Hezbollah Naïm Kassem, une délégation iranienne, le secrétaire général du Parti communiste Khaled Hadadé, l'ancien numéro 1 du PCL Georges Haoui, ainsi que plusieurs députés du Hezbollah et d'Amal, des délégués de l'armée libanaise, de la Finul et des diverses communautés religieuses de la région. S'adressant à la presse, le ministre de l'Information a rendu hommage à la Résistance et aux prisonniers fraîchement libérés. Cheikh Kassem a pour sa part indiqué que « le Hezbollah ne baissera pas les bras et suivra encore de plus près le dossier des détenus ». Précédé d'ambulances du Hezbollah, le convoi a longé la route jusqu'à
la tribune officielle pour une brève cérémonie. Une unité de l'armée libanaise a entonné l'hymne national et une marche funèbre. Sur les gradins consacrés aux familles, rares étaient les proches des « martyrs » n'appartenant pas au Hezbollah. Les chaises étaient majoritairement occupées par les supporters du mouvement intégriste. Les militants du PCL écartés Les familles de disparus appartenant au Fateh et au PCL attendaient bien en retrait. C'est le cas de Aïcha Naaha, originaire de Chébaa, qui patientait pour savoir si la dépouille de son mari Mohammed (membre du Fateh) figurait parmi les cadavres remis à la Croix-Rouge. « Il est mort le 16 août 1988, mes filles ont vu son nom sur un site Internet hier. Sa dépouille pourrait arriver aujourd'hui », dit-elle, séchant ses larmes et évoquant les longues années de résistance dans les villages du Arkoub. Un peu plus loin et toujours en retrait, un groupe de femmes discutent en brandissant un grand drapeau du PCL frappé aussi du cèdre du Liban. « La majorité des martyrs est des nôtres. Nous sommes les premiers à avoir versé notre sang pour la libération du Sud, bien avant la naissance du Hezbollah », lancent-elles. Elles racontent que beaucoup de convois arrivés des villages de la zone anciennement occupée, notamment Houla et Kfarkila, et de Nabatiyeh (Aïn Baal et de Kfarremmane), dès six heures du matin à Naqoura, ont été empêchés de poursuivre leur chemin. « Certains parents de martyrs attendent jusqu'à présent à l'entrée de la localité », relève Aliyé de Aïn Baal et dont deux des frères sont tombés en 1981 et 1987. « Je me suis couvert la tête pour me protéger du soleil, mais quand j'ai vu que celles qui portaient le voile franchissaient plus facilement la porte de Naqoura, j'ai enlevé mon foulard. Je refuse que l'on m'associe à elles », s'insurge-t-elle. Neemat, originaire de Nabatiyeh, déclare : « Hier à l'AIB, le gouvernement libanais nous a empêchés de célébrer l'arrivée de Anouar Yassine, aujourd'hui c'est le gouvernement islamique qui nous empêche de récupérer nos martyrs. » Entourée de plusieurs femmes dont les dépouilles des fils communistes sont arrivées hier au poste frontière, la mère de Farjalla Fouani, originaire de Houla, qui avait péri dans une opération anti-israélienne en 1987, brandit la photo de son fils en pleurant : « La terre du Liban mérite ton sang, pas ses dirigeants », dit-elle. Il est 10 h 30, les trois camions remorques transportant les 60 dépouilles mortelles quittent Naqoura. Des deux côtés de la route, les membres du Hezbollah habillés en noir montent la garde, et des centaines de voitures aux couleurs du parti intégriste rejoignent le convoi... qui arrive à Tyr à midi 30. Dans cette ville du Liban-Sud, connue pour être l'un des piliers du mouvement Amal, c'est la cacophonie : des jeeps aux haut-parleurs géants diffusent le nom « des martyrs de la Résistance libanaise – le mouvement Amal » et des chansons partisanes, alors que d'autres véhicules du Hezbollah optent pour des discours de sayyed Hassan Nasrallah et des chants de la Résistance islamique. Une fois n'est pas coutume, dans la foule qui attendait le convoi à Tyr, les drapeaux du Hezbollah étaient presque aussi nombreux hier que ceux du mouvement Amal. Il faut passer un peu moins de deux heures en voiture pour franchir les villages côtiers de Zahrani. À l'entrée de Kharayeb, localité qui avait depuis longtemps prêté allégeance au mouvement Amal, les habitants, massés sur un côté de la route, ont décidé de brandir dès l'entrée et jusqu'à la sortie du village de grands drapeaux jaunes frappés à l'emblème du mouvement intégriste. Rappelons dans ce cadre que onze personnes originaires de Kharayeb avaient péri en décembre dernier dans le crash de Cotonou. À Adloun, le PCL réserve un accueil émouvant aux dépouilles mortelles. Le convoi grossit encore, ne quitte pas la vieille route côtière jusqu'à son arrivée à Saïda où il est accueilli par des délégations nassériennes. L'autoroute enfin. Le convoi s'arrête encore à Barja et Naamé. Et Ouzaï enfin. Klaxons de voitures, sirènes des ambulances des membres du Hezbollah qui ont accompagné le convoi, et haut-parleurs qui diffusent des chansons partisanes. Des milliers d'habitants de la banlieue sud sont sortis dans la rue. Et la scène qui s'est répétée dans des vingtaines de villages recommence encore : on jette du riz et des fleurs sur les conteneurs en verre et on agite les drapeaux. Des hommes et des femmes âgés, déplacés du Liban-Sud, versent des larmes en silence. Les plus jeunes sont moins émus.
Savourant la victoire de leur parti, ils sont occupés à chanter les hymnes du Hezbollah et à allumer des feux d'artifice. Il est 15 heures 30. Et il a fallu exactement cinq heures pour arriver de Naqoura à Ouzaï. Dans le même secteur, celui de l'hôpital al-Rassoul al-Aazam, les trois véhicules géants s'engouffrent dans le complexe Shahed. C'est ici que les cadavres ont été triés en début de soirée et envoyés dans leurs villages respectifs, au Liban-Sud, à la Békaa et au Akkar. Jusqu'à hier soir, dix-huit corps demeuraient non identifiés. La prière des morts pour les combattants du Hezbollah doit être récitée aujourd'hui.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 31 janvier 2004

16 Février 2004
Le journaliste a été libéré après deux ans et demi de détention Antoine Bassil : « Je pardonne, malgré l'injustice subie »
Après deux ans et demi de détention, le journaliste Antoine Bassil est désormais un homme libre. Arrêté à l'issue de la rafle d'août 2001 et condamné avec l'ex-conseiller politique de Samir Geagea, Toufic Hindi, et le journaliste Habib Younès pour intelligence avec l'ennemi, l'ancien correspondant de la radio MBC à Beyrouth a retrouvé hier les siens. Son épouse, ses enfants, ses frères et soeurs et beaucoup de ses proches l'ont attendu sous une pluie battante à la sortie de Roumié. Il a été accueilli avec des fleurs, des drapeaux du Liban, des youyous et des applaudissements. Antoine Bassil, 52 ans et père de deux enfants, a « pardonné », mais « n'oubliera jamais l'injustice subie ». Le journaliste, qui est resté le même homme foncièrement bon et discret et qui voit en ses geôliers des « victimes », a indiqué à L'Orient-Le Jour que « la prison est un monde à part... où le pire est déjà là».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 17 février 2004

12 Mars 2004
Manifestations - Un demi-millier de protestataires, quelques blessés et plusieurs arrestations Courses-poursuites entre les étudiants aounistes et les FSI dans le centre-ville
La manifestation estudiantine prévue hier par le Courant patriotique libre (CPL, aouniste), pour la quinzième commémoration de la déclaration de la « guerre de libération » contre la Syrie par le général Michel Aoun, ancien Premier ministre, le 14 mars 1989, ne se sera pas déroulée sans violence. Bien que le rendez-vous initial ait été fixé à l'Université de la Sagesse à Furn el-Chebbak, les étudiants se sont finalement rassemblés à la place des Martyrs, où les attendait un très important déploiement des forces de l'ordre, des brigades antiémeutes et de l'armée. Durant la marche, ou plutôt la course, qui a suivi, plusieurs d'entre eux affirment avoir reçu des coups « sans avoir provoqué personne ». Les camions-citernes de la Défense civile ont, à plusieurs reprises, dirigé leurs canons à eau contre les manifestants pour essayer de les disperser, avant que les meneurs ne mettent fin au mouvement. Deux jours après les violents affrontements entre étudiants et agents de la sécurité devant le campus de l'Université Saint-Joseph (USJ), rue Huvelin, la manifestation d'hier, qui avait été maintenue malgré l'interdiction émise par le mohafez du Mont-Liban et de Beyrouth en raison des prochaines élections municipales, a fait une quinzaine de blessés (légers pour une grande partie d'entre eux), dont quelques-uns hospitalisés, alors qu'environ cinq jeunes ont été arrêtés puis relâchés. De 500 à 600 manifestants s'étaient rassemblés progressivement à partir de 11h sur un terre-plein à la place des Martyrs. Tony Nasrallah, un responsable du comité de presse du CPL, affirme que « les étudiants ont été empêchés d'arriver au lieu de rendez-vous initial, à Tahouita » et que « nombre d'entre eux sont restés enfermés dans leurs campus encerclés ». En effet, au siège de l'Université La Sagesse, le dispositif des forces de l'ordre était impressionnant hier matin, face à ... des manifestants... introuvables. D'autres campus, notamment ceux de l'USJ à la rue Huvelin et à la rue de Damas (l'École de médecine), ainsi que l'Université libanaise (UL) à Fanar, avaient été entièrement bouclés par les forces de l'ordre dès le matin, « en vue d'empêcher les groupes de jeunes de rejoindre le rassemblement majeur », comme l'ont raconté des témoins. Entre-temps, à la place des Martyrs, l'enthousiasme était à son comble. Chansons, discours, photos du général Aoun, drapeaux libanais, stickers avec slogans... tous les ingrédients habituels des manifestations estudiantines se trouvaient là. Plusieurs responsables du courant, notamment Hikmat Dib, ancien candidat aux élections législatives de Baabda-Aley l'été dernier, étaient présents. Une voix au micro appelait les jeunes « à ne pas causer d'affrontements, sous n'importe quel prétexte, avec les agents de l'ordre qui sont nos frères ». Elle mettait en garde contre les infiltrations des services secrets dans les rangs des étudiants, et leur demandait « de se limiter aux slogans de liberté, souveraineté et indépendance ». « Nous voulons simplement dénoncer le fait que le Liban n'a toujours pas été libéré », poursuivait la voix. Un nombre impressionnant d'agents de l'ordre Vers 12h10, l'ordre d'entamer une marche a été donné aux manifestants. Les brigades antiémeutes ayant bloqué l'accès vers le Musée national, les jeunes se sont dirigés vers les rues du centre-ville, s'attirant les trombes d'eau des canons des camions-citernes, qui ont également aspergé des automobilistes piégés. À partir de là, la ronde infernale a commencé. Entraînant les forces de l'ordre à leur poursuite, les manifestants ont parcouru plusieurs ruelles du centre-ville, changeant souvent de direction pour éviter les agents, selon un itinéraire qui ne suivait apparemment aucun plan préétabli. La course a emmené le groupe vers le secteur du port de Beyrouth, puis vers celui de Gemmayzé où, après des pourparlers
avec un officier des forces de sécurité intérieure (FSI), les meneurs ont mis fin au mouvement, vers 12h45.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 13 Mars 2004

2 Mai 2004
Mont-Liban - L'opposition à la veille d'un nécessaire examen de conscience. Les résultats des municipales dans le flou, le dépouillement en plein cafouillage
Les habitants des quatre cazas du Mont-Liban (Metn, Kesrouan-Jbeil, Chouf et Baabda-Aley) ont voté hier pour choisir entre les 9 542 candidats les membres de leurs conseils municipaux. À l'heure de mettre sous presse, les résultats des municipales étaient dans un flou total, notamment dans le Kesrouan, à Jbeil et au Metn, à cause d'un cafouillage considérable dans le dépouillement des voix, notamment au Sérail de Baabda, où la situation était hallucinante : les scrutateurs étaient en nombre très insuffisant ; à 00h41 on découvrait à peine les noms des moukhtars, plusieurs urnes n'étaient pas encore arrivées et de nombreuses erreurs ont été signalées. Sauf que les tendances existent. Un : quel que soit le cas de figure, qu'elle ait remporté 8 ou 15 ou 20 des municipalités du Metn, l'opposition plurielle ne semble avoir rien compris aux vices de la division et se retrouve à la veille d'un sérieux et nécessaire examen de conscience. Deux : les aounistes ont réussi une partie de leur pari. Trois : le Hezbollah confirme dans les urnes son triomphe lors de l'échange des prisonniers et fait craindre le pire à Amal. Quatre : les critères locaux ont primé sur les raisonnements nationaux et politiques. Cinq : l'État, malgré certains incidents, a réussi à organiser des élections dans un climat positif et démocratique. Les réponses seront bien plus claires dès aujourd'hui ; les conséquences sur les échéances à venir attendront les prochaines semaines.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 3 Mai 2004

4 Mai 2004
Municipales - Beyrouth boude les élections, la Békaa fait du zèle Hariri en demi-teinte, Skaff confirme, le Hezbollah conquérant
Le deuxième dimanche des élections municipales s'est soldé hier par un contraste frappant : Beyrouth a, comme à son habitude et peut-être davantage, boudé le scrutin, tandis que la Békaa se précipitait comme jamais aux urnes. Dans la capitale, le Premier ministre est certes victorieux, sa liste recueillant près des deux tiers des suffrages, mais il est clairement battu par les abstentionnistes (75 à 77 %), contre lesquels il était parti en guerre depuis une dizaine de jours. Le ministre de l'Intérieur a souligné que la différence de participation entre les quartiers chrétiens et musulmans n'était pas importante, alors que les milieux haririens affirmaient le contraire. Le courant aouniste a affirmé pour sa part qu'Achrafieh et les autres secteurs à majorité chrétienne ont voté à 90 % pour ses candidats. Si ce taux se confirmait, Rafic Hariri devrait penser à réviser quelque peu sa stratégie à l'égard des chrétiens de « sa » ville. À Zahlé, Élie Skaff semblait confirmer son leadership sur la ville, les estimations donnant sa liste victorieuse dans une proportion de 60 % contre 40 % pour la liste adverse soutenue par les Hraoui. Ailleurs, notamment à Baalbeck, le Hezbollah était en position de conquête, sauf à Brital, où Sobhi Toufayli, allié à Amal, contraint son ancien parti à mordre la poussière
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 5 Mai 2004

16 Mai 2004
Cérémonie recueillie en présence de Lahoud, Sfeir, Farès et... Battle Jean-Paul II canonise Nehmetallah Hardini au milieu de la liesse de milliers de Libanais
La sainteté et le Liban étaient à l'honneur, hier, place Saint-Pierre. Identifié de longues années durant avec un processus de désintégration nationale, dit « libanisation », le Liban, celui de la sainteté, reprenait ses droits. Il était de nouveau associé à ce qu'il a de meilleur, et qui est loin d'être le plus facile. Le pape, d'ailleurs, ne s'y est pas trompé. À l'issue d'une longue cérémonie au cours de laquelle il a canonisé également trois autres prêtres, une religieuse et une mère de famille, Jean-Paul II, adressant quelques mots à chaque groupe de pèlerins, a formulé le voeu que le Liban, par l'intercession de Nehmetallah Hardini, « progresse sur le chemin de la paix et de la fraternité ». Dans la bouche du pape, ces mots ne sont pas des lieux communs. Ils sont mûrement pesés. La veille, au cours de l'audience accordée au président Lahoud, Jean-Paul II avait insisté sur « le respect mutuel » que les communautés libanaises doivent se porter les unes aux autres, et sur le modèle « d'amour fraternel » donné par le saint de Kfifane. Il avait chaleureusement crié à deux reprises : « Vive le Liban ! Vvie le Liban ! », soulignant à sa façon que la canonisation de Hardini était un événement national aussi bien qu'ecclésial. C'est pourquoi la représentation libanaise à un événement de cette importance déçoit un peu. Le Liban officiel, certes tout à fait dignement représenté, pouvait mieux faire. L'événement méritait une délégation plus grande et plus représentative de toutes les communautés, aussi bien musulmanes que chrétiennes. Le patriarche Sfeir était un peu seul sans la présence des six frères dont il a l'habitude de s'entourer pour des occasions pourtant moins solennelles. Bien sûr, la joie était quand même au rendez-vous. Entre les colonnades du Bernin, les casquettes à l'effigie de Nehmetallah Hardini étaient partout, et défiant la fatigue et les longueurs, des drapeaux libanais, parmi lesquels celui des Forces libanaises n'était pas le plus petit, s'agitaient chaque fois que le nom du Liban ou de Hardini étaient prononcés, durant une liturgie latine émaillée de réponses en arabe, en espagnol et en italien. Un début de chahut et de « hou-hou » fut entendu quand le pape remercia nommément le président Lahoud pour sa présence à Rome... Mais les commentaires réprobateurs pour cette réaction déplacée allaient bon train, l'après-midi, parmi les dizaines de Libanais et, surtout, de Libanaises cassant leur croûte, dans les passages de la place Saint-Pierre, en attendant le concert que devait donner, à 18 heures, dans l'immense salle Paul-VI, jouxtant la basilique Saint-Pierre, la chorale de la faculté de musique de l'Université Saint-Esprit de Kaslik. Pour sa part, le chef de l'État, son épouse, Andrée, son fils Ralph et la délégation qui l'accompagne, notamment le vice-président du Conseil des ministres, Issam Farès, étaient les hôtes à déjeuner du RP Athanassios Jalkh, supérieur général de l'Ordre libanais maronite. Le repas royal a été servi dans deux magnifiques salons du palais Brancaccio, situé dans un splendide parc naturel, près du Colisée. À leurs échanges par moments animés, le chef de l'État et le patriarche Sfeir semblaient avoir beaucoup à se dire, alors que sur les autres tables, où l'on reconnaissait des ministres – actuels et anciens –, des députés, nombre d'évêques et de moines et, surprise, l'ambassadeur des États-Unis, Vincent Battle, la conversation allait bon train entre deux gorgées de Chianti ou de Blanc Suave, le veau garni et les artichauts braisés farcis à l'oeil. En présence du pape, comme dans ses conversations privées, le général Lahoud a insisté, depuis son arrivée à Rome, vendredi, sur le fait que la proclamation de la sainteté de Nehmetallah Hardini est un sujet de fierté nationale, et non seulement communautaire. Pour le chef de l'État, l'unité du Liban, dans sa diversité communautaire, est une sorte de miracle quotidien, et la cérémonie de canonisation, une preuve supplémentaire que « le Liban est plus qu'un pays, un message d'élévation de l'homme vers Dieu. » Pour sa part, allant dans le sens de
Jean-Paul II qui parle des « racines religieuses » de l'identité libanaise, le président de la Ligue maronite, Michel Eddé, a classé le saint de Kfifane parmi les « pères fondateurs » du Liban. Tout en insistant sur la nécessité pour les Libanais de « compter sur eux-mêmes », Michel Eddé a également souligné qu'il leur faut compter sur la Providence. « Attention, a-t-il averti, il ne s'agit pas là de propos diplomatiques ! » De fait, ce sont là les pensées d'un homme de foi, et on ne voit pas ce qui pouvait mieux faire honneur, hier, à l'homme de foi dont on proclamait la sainteté. La cérémonie de canonisation sera suivie, aujourd'hui, par une messe patriarcale d'action de grâces sur l'autel papal, dans la basilique Saint-Pierre, à laquelle la délégation officielle libanaise et les milliers de Libanais se trouvant à Rome assisteront.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 17 mai 2004

23 Août 2004
Lahoud se dit prêt à accepter un nouveau mandat
Tête-à-tête de 50 minutes Hariri-Sfeir à Dimane Lahoud se dit prêt à accepter un nouveau mandat.
Un mois avant le début du délai constitutionnel pour l'élection présidentielle, le chef de l'État est sorti hier de son mutisme, se disant prêt à accepter un nouveau mandat si la « majorité parlementaire » le souhaitait. M. Lahoud, qui s'exprimait devant des visiteurs, a justifié cette disposition en expliquant que le volet « stratégique » de son mandat actuel – relations avec la Syrie, fermeté face à Israël, sécurité, etc. – a été un succès. S'il a admis l'échec de l'autre volet, purement interne, il en a imputé les causes aux « circonstances », aux « contradictions », à la « mentalité » ambiante, et la responsabilité aux trois principaux pôles du pouvoir. La prestation du chef de l'État est venue pour ainsi dire au secours des reconductionnistes, dont la cote a été mise à mal en raison de la franche opposition exprimée dimanche par le patriarche Sfeir, qui s'est entretenu hier pendant 50 minutes à Dimane avec Rafic Hariri, plus silencieux que jamais devant la presse. En raison, également, de l'impair commis lundi avec la suppression – tardive – du paragraphe relatif à la présidentielle dans le communiqué sunnito-chiite de Dar el-Fatwa.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 25 Août 2004

1er Septembre 2004
L'appel annuel de Bkerké
L'appel lancé hier par l'Assemblée des évêques maronites est le cinquième d'une série d'appels annuels entamée le 20 septembre 2000. Ce jour-là, l'Assemblée avait lancé une retentissante invite au départ de l'armée syrienne du Liban, conformément à l'accord de Taëf. Sans ce retrait, le Liban se dirige vers « le démembrement » ou « la disparition », avaient notamment averti les évêques, qui avaient dénoncé aussi la falsification des élections législatives, les sévices des services de renseignements et l'extension de la corruption au sein de l'Administration, due aux ingérences syriennes. Le communiqué avait crevé un abcès et permis de poser le problème des rapports entre le Liban et la Syrie en toute franchise. Cette même franchise et le courage de dire la vérité avaient caractérisé les trois autres appels qui ont suivi, tous lancés en septembre de chaque année, tout comme ils caractérisent celui que l'assemblée des évêques maronites a lancé.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 2 septembre 2004

2 Septembre 2004
Neuf voix pour et six abstentions ont sanctionné le projet présenté par Washington, Paris, Londres et Berlin La résolution 1559 en faveur de la souveraineté du Liban adoptée ce matin au Conseil de sécurité
À 3h00 du matin heure de Beyrouth, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution appelant au respect de la souveraineté du Liban et au retrait « de toutes les troupes étrangères de son sol », évitant ainsi de citer nommément la Syrie. Le vote a été acquis par 9 voix sur 15, avec 6 abstentions. Initialement présentée par les États-Unis et la France, la résolution, qui prend le numéro 1559, a reçu, avant le vote, le parrainage de deux autres pays : l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Auparavant, selon des sources diplomatiques européennes à Washington et à New York recueillies hier en milieu de soirée par L'Orient-Le Jour, le vote recueillerait « sans aucun doute » la majorité des voix au Conseil de sécurité de l'Onu. Dont les couloirs bruissaient hier, après minuit heure locale, des dernières consultations et autres discussions destinées à lever les appréhensions et les doutes de quelques-uns des quinze pays membres du Conseil – une deuxième étape après les appels téléphoniques personnels de l'omnipotente Condoleezza Rice visant à obtenir l'accord de ces quelques capitales concernées. Sauf que, peu avant deux heures du matin heure de Beyrouth, des sources diplomatiques citées par l'AFP ont indiqué que le texte initial du projet avait subi quelques changements qui devraient permettre son adoption. Selon ces sources, le texte amendé devrait recueillir juste les 9 voix sur 15 nécessaires à son adoption, sans veto d'un des cinq membres permanents du Conseil. Dans sa version initiale, la résolution exigeait « que les forces syriennes se retirent du Liban sans délai ». Dans la version amendée, la mention de la Syrie a été retirée, le Conseil exigeant désormais « que les forces étrangères se retirent du Liban sans délai », selon les mêmes sources. À part cela, rien de changé par rapport à la version dévoilée mercredi : la résolution souligne la nécessité que l'élection présidentielle soit « libre et équitable, selon les règles constitutionnelles libanaises établies sans interférence étrangère ». Elle réitère l'appel du Conseil « à un strict respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de l'unité et de l'indépendance politique du Liban ». Le texte, en outre, appelle « au démantèlement et au désarmement de toutes les milices libanaises et non libanaises » dans ce pays, et exprime enfin le soutien du Conseil « à l'extension du contrôle du gouvernement libanais sur tout le territoire du Liban » et demande au secrétaire général des Nations unies de lui faire rapport dans les 30 jours sur la mise en application de la résolution. Comment expliquer cet éventuel amendement ? Serait-il lié au très possible happy end dans l'affaire des otages français en Irak, un happy end auquel la Syrie ne serait pas étrangère ? Serait-il le résultat d'un deal de dernière minute entre Syriens d'une part, Américains et Européens de l'autre, qui permettrait aux deux parties de sauver toutes les faces : retrait de l'inédite allusion, en la citant, de la Syrie en contrepartie d'une minorité de blocage (ou de tout autre deus ex machina) ce soir place de l'Étoile ? Ou est-ce simplement parce que la France et les États-Unis n'auraient pas réussi à recueillir les nécessaires neuf voix avec une mouture qui cite nommément, pour la première fois, la Syrie ? Cela semblait, de prime abord, étonnant. Parce que les quinze pays qui voteront la résolution sont les suivants : États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Chine (membres permanents disposant du droit de veto), ainsi que l'Algérie, l'Allemagne, l'Angola, le Bénin, le Brésil, le Chili, l'Espagne, le Pakistan, les Philippines et la Roumanie. Depuis avant-hier mercredi, les États-Unis, par la bouche de leur représentant à l'Onu John Danforth, ont clairement fait comprendre qu'ils souhaitaient « demander un vote jeudi, parce que le processus d'amendement de la Constitution est très rapide au Liban ».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 3 Septembre 2004

3 Septembre 2004
L'avertissement de l'Onu a été ignoré : 96 voix pour une rallonge à Lahoud Vingt-neuf pour sauver l'honneur « Un défi à la communauté internationale », dénonce Paris « Une parodie de démocratie », renchérit Washington
C'est presque en deux temps, trois mouvements, et pendant que pro et anti-Lahoud manifestaient en même temps au centre-ville, que le projet de loi, visant à octroyer au chef de l'État une rallonge de trois ans, a été voté hier place de l'Étoile par 96 voix contre 29 (trois députés se sont absentés). Vingt-neuf irréductibles défenseurs de la démocratie et de l'honneur se sont illustrés, pour une dizaine d'entre eux par des interventions que l'histoire de l'hémicycle comme les Libanais retiendront sans aucun doute. Vingt-neuf députés qui ont donc entendu leurs électeurs, mais aussi, dans une autre mesure, l'avertissement de l'Onu. Dont le Conseil de sécurité avait voté quelque douze heures plus tôt une résolution initiée par la France et les États-Unis et appelant entre autres à une élection libanaise « libre, équitable, selon les règles constitutionnelles et sans interférence étrangère ». Et c'est quasi immédiatement que Paris et Washington ont réagi à la reconduction du mandat Lahoud. « Un défi à la communauté internationale », a dénoncé le premier ; « une parodie de démocratie », a renchéri le second
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 4 Septembre 2004

4 Septembre 2004
Voici le texte officiel de la résolution 1559 adoptée par le Conseil de sécurité de l'Onu à New York le 2 septembre 2004 par 9 voix et 6 abstentions : « Le Conseil de sécurité, rappelant toutes ses résolutions antérieures sur le Liban, en particulier les résolutions 425 (1978), et 426 (1978) du 19 mars 1978, 520 (1982) du 17 septembre 1982 et 1553 (2004) du 29 juillet 2004, ainsi que les déclarations de son président sur la situation au Liban, en particulier celle du 18 juin 2000 (S/PRST/2000/21), réaffirmant qu'il appuie vigoureusement l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance politique du Liban à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues, notant que le Liban est déterminé à assurer le retrait de son territoire de toutes les forces non libanaises, gravement préoccupé par la persistance de la présence au Liban de milices armées, qui empêche le gouvernement libanais d'exercer pleinement sa souveraineté sur tout le territoire du pays, réaffirmant combien il importe que le contrôle exercé par le gouvernement libanais s'étende à la totalité du territoire du pays, ayant à l'esprit l'approche d'élections présidentielles au Liban et soulignant qu'il importe qu'elles soient libres et régulières et se déroulent conformément à des règles constitutionnelles libanaises élaborées en dehors de toute interférence ou influence étrangère,
1. Demande à nouveau que soient strictement respectées la souveraineté, l'intégrité territoriale, l'unité et l'indépendance politique du Liban, placé sous l'autorité exclusive du gouvernement libanais s'exerçant sur l'ensemble du territoire libanais ;
2. Demande instamment à toutes les forces étrangères qui y sont encore de se retirer du Liban ;
3. Demande que toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et désarmées ;
4. Soutient l'extension du contrôle exercé par le gouvernement libanais à l'ensemble du territoire du pays ;
5. Se déclare favorable à ce que les prochaines élections présidentielles au Liban se déroulent selon un processus électoral libre et régulier, conformément à des règles constitutionnelles libanaises élaborées en dehors de toute interférence ou influence étrangère ;
6. Demande instamment à toutes les parties concernées de coopérer avec lui pleinement et sans attendre afin que la présente résolution et toutes les résolutions relatives au plein rétablissement de l'intégrité territoriale, de la souveraineté et de l'indépendance politique du Liban soient appliquées intégralement ;
7. Prie le secrétaire général de lui faire rapport dans les 30 jours sur la manière dont les parties auront mis en oeuvre la présente résolution et décide de demeurer activement saisi de la question. »
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 5 Septembre 2004

21 Septembre 2004
Opérations syro-US conjointes de sécurité à la frontière irakienne
Redéploiement syrien majeur ce matin vers la Békaa
Les forces syriennes stationnées au Liban entameront aujourd'hui un «redéploiement majeur» vers la frontière syrienne. «C'est officiel», a annoncé hier Imad Mostapha, l'ambassadeur syrien à Washington, à partir de Damas, dans une déclaration reprise par la télévision al-Arabiya. « Un redéploiement majeur se produira mardi matin», a-t-il annoncé à partir de la capiale syrienne, où il avait été rappelé en consultation, avant son départ pour Washington en compagnie du chef de la diplomatie syrienne, Farouk el-Chareh. Selon M. Mostapha, la décision a été prise « parce que la Syrie a davantage confiance dans la situation au Liban, et qu'elle satisfera toutes les parties ». M. Mostapha a déclaré ignorer le nombre des troupes qui seront redéployées. Toutefois, il a laissé entendre que les forces syriennes ne rentreront pas en Syrie mais stationneront jusqu'à nouvel ordre du côté libanais de la frontière. Il y a lieu de noter que cette décision a été annoncée à la suite de la réunion à Damas, sous la présidence de Bachar el-Assad, du Front national progressiste, la plus haute instance politique en Syrie. Par ailleurs, l'ambassadeur syrien a annoncé que des opérations syro-US conjointes de sécurité seront organisées à la frontière irakienne.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 21 septembre 2004

26 septembre 2004
Diplomatie - Le secrétaire général de l'Onu presse le Liban de se conformer à la 1559 ; Annan avance de deux jours la date de la présentation de son rapport au Conseil de sécurité
C'est finalement le vendredi 1er octobre et non plus le 3 du mois prochain, qui tombe un dimanche, que le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, présentera au Conseil de sécurité son rapport sur le degré d'application de la résolution 1559, réclamant le départ de toutes les forces étrangères du Liban. L'émissaire spécial de l'Onu pour le processus de paix au Moyen-Orient, Terjé Roed-Larsen, a commencé à mettre sur papier les principales idées du rapport, après avoir recueilli les informations dont il avait besoin des États-Unis, de la France et du Liban. Celles-ci seront développées par le secrétaire adjoint des Nations unies, Kieran Prendergast, après quoi le document sera remis à M. Annan. Tout le processus ne devra pas prendre plus de quatre jours, du moment que le secrétaire général de l'Onu a décidé d'avancer la date de la présentation du rapport au Conseil de sécurité. Selon des sources diplomatiques proches de M. Annan, à New York, une réunion de concertations aura lieu en début de semaine à l'Onu, pour discuter de la première mouture du rapport, en présence de MM. Annan et Roed-Larsen appelés à répondre aux questions qui leur seraient posées au sujet des informations qu'il contient. Selon les mêmes sources, c'est au cours de cette réunion qu'il sera décidé s'il faut ou non convoquer le Conseil de sécurité. Tout dépendra de la réaction des États-Unis et de la France au contenu du rapport d'Annan. Ce dernier avait demandé à la délégation libanaise qu'il avait reçue vendredi d'établir « des plans pratiques » pour se conformer à la 1559 et pour qu'il puisse à son tour aider le Liban à traiter avec cette résolution. On sait que Beyrouth estime ne pas être en mesure, pour des questions liées à la stabilité dans le pays, d'appliquer cette résolution pour le moment. Le Liban ne la conteste pas, mais c'est le timing qui lui pose un problème parce qu'il juge qu'il ne peut pas se conformer à un calendrier-programme concernant le retrait des forces syriennes et le désarmement du Hezbollah et qu'il préfère coordonner avec les autorités de Damas au sujet d'un retrait des troupes syriennes. Au cours de son entretien avec la délégation libanaise, M. Annan a posé des questions au sujet du redéploiement syrien et de son étendue. Il a affirmé comprendre la position du Liban « mais le Conseil de sécurité, a-t-il ajouté, nous a demandé de lui faire part de l'évolution de l'application de la 1559 et nous devons respecter sa décision ». « Il est vrai que votre pays a connu un important mouvement touristique cet été et que vous êtes soucieux d'y préserver la stabilité et la sécurité, mais nous devons dire au Conseil de sécurité à quel point vous vous êtes conformés au texte de la résolution », a-t-il insisté. Selon les mêmes sources, la délégation libanaise a promis de transmettre au secrétaire général de l'Onu le nombre des soldats syriens stationnés au Liban ainsi que celui des militaires qui ont quitté le pays dans le cadre du redéploiement limité de la semaine dernière. Elle a également promis, devant l'insistance du secrétaire général de l'Onu, d'établir un calendrier-programme du retrait du reste des troupes syriennes. De même source, on n'a pas cependant voulu dire s'il est possible que M. Annan propose au Conseil de sécurité d'accorder un délai supplémentaire au Liban pour appliquer la 1559, d'autant que les chefs de la diplomatie espagnole et russe étaient intervenus en ce sens auprès du secrétaire général de l'Onu, de la France et des États-Unis. Selon les mêmes sources, la réunion que M. Annan a tenue avec la délégation libanaise n'a pas porté seulement sur la présence syrienne au Liban, puisque le dossier de la présidentielle a été également longuement abordé. C'est M. Lakhdar Ibrahimi, qui avait assisté à la réunion, qui a abordé en premier le sujet. M. Ibrahimi, qui avait, rappelle-t-on, activement pris part aux contacts ayant débouché sur la conclusion de l'accord de Taëf, avait peu parlé, il est vrai, mais il avait posé des questions courtes et quelque peu
embarrassantes pour le Liban, au sujet des interventions politiques qui avaient précédé l'amendement de la Constitution en vue d'une prorogation du mandat présidentiel. M. Annan avait ensuite pris le relais, posant des questions sur la nature de ces interventions ainsi que sur leur bien-fondé. Ce à quoi la délégation libanaise a répondu en indiquant que c'est le gouvernement qui a élaboré le projet d'amendement constitutionnel et que le Parlement l'a approuvé.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 27 septembre 2004

1er Octobre 2004
Le garde du corps du parlementaire a été tué et son chauffeur blessé
Marwan Hamadé échappe de justesse à un attentat à la voiture piégée
« Il s'en est fallu d'une fraction de seconde... » Le député et ministre démissionnaire de l'Économie, Marwan Hamadé (65 ans), a été blessé hier dans un attentat à la voiture piégée qui a provoqué la mort de son garde du corps et a blessé son chauffeur. L'attentat s'est produit à 9h15. Le véhicule piégé était garé sur le côté droit de la route, sur une voie que le parlementaire emprunte généralement en quittant son domicile, situé dans un quartier résidentiel proche de l'Université américaine et de l'IC, sur une rue secondaire conduisant à l'hôtel Riviera. L'explosion de la charge a été télécommandée. C'est à « un miracle » que M. Hamadé doit la vie sauve. Et ce miracle tient au fait qu'il avait pris place près de son chauffeur, plutôt que sur la banquette arrière. « Il s'en est fallu d'une fraction de seconde », assure-t-on dans les milieux de l'enquête. C'est donc l'agent d'escorte de M. Hamadé, le sergent-chef des FSI Ghazi Bou Karroum (43 ans), assis à l'arrière, qui a pris de plein fouet le souffle de l'explosion et y a laissé la vie. Marwan Hamadé a été atteint de plusieurs éclats à la tête, au bras et à la jambe. Son arcade sourcilière droite a été balafrée, mais son oeil en est sorti indemne, grâce à une chirurgie rapide conduite sous la direction du Dr Ghattas Khoury, ancien président de l'Ordre des médecins de Beyrouth. L'estomac et les poumons, ainsi que le cerveau n'ont pas été atteints. Le conducteur du véhicule, Oussama Abdel Samad, a été grièvement blessé dans l'attentat. La voiture du député, une Mercedes à plaque bleue immatriculée 125, a été dévastée par l'explosion, ainsi que plusieurs autres véhicules stationnés alentour. Les vitres des immeubles ont volé à une centaine de mètres à la ronde. La plaque ministérielle numéro 7, qui se trouvait dans le coffre de la voiture, a été projetée sur la chaussée, faisant croire un instant que M. Hamadé se déplaçait en convoi. Marwan Hamadé et son chauffeur ont été projetés en-dehors de leur véhicule par le souffle de l'explosion. C'est un automobiliste qui passait par hasard sur les lieux, Mahmoud Arnaout, qui les a secourus et les a transportés à l'hôpital américain. C'est après qu'il l'eut installé sur la banquette arrière de son véhicule que le sauveteur improvisé a reconnu le député. Un travail de professionnel Aussitôt connue la nouvelle de l'attentat, les services de secours ont afflué sur les lieux. L'un des premiers officiels sur place a été le commandant en chef des FSI, le général Marwan Zein. Le ministre de l'Intérieur et l'ambassadeur de France ont également tenu à se rendre sur place. Le procureur général militaire, Jean Fahed, s'est rendu sur les lieux de l'attentat puis à l'hôpital américain, où il a rencontré l'épouse de Marwan Hamadé et son chauffeur. En fin d'après-midi, il s'est rendu à nouveau à l'hôpital américain pour recueillir le témoignage de M. Hamadé, mais les médecins de ce dernier ont préféré remettre à plus tard cet entretien. Sur le plan judiciaire, l'enquête, qui en est encore à ses débuts, s'oriente dans plusieurs directions. C'est une Mercedes 300 de couleur bleu nuit, sans plaque d'immatriculation, qui a servi à l'attentat. Elle était piégée avec 10 à 15 kilos de matière explosive. Le numéro de châssis du véhicule a été retrouvé. Selon les archives de la police, le véhicule a été volé à Antelias en 1997. Pour les milieux judiciaires, l'attentat est, d'évidence, un travail de professionnel. La charge explosive utilisée a été disposée de telle sorte que son souffle soit orienté dans une seule direction. Les auteurs de l'attentat ont également pris soin de placer la voiture piégée après un dos d'âne, ce qui leur permettait d'exécuter l'attentat avec plus de précision, puisque le véhicule de M. Hamadé devait obligatoirement ralentir pour franchir la bosse. La police a interrogé hier des témoins de l'attentat, ainsi que les concierges et gardiens des immeubles situés près des lieux. Aucune confirmation n'a pu être obtenue au sujet d'une arrestation préventive que les FSI auraient opérée sur les lieux. La police travaille aussi sur deux autres fils conducteurs : le véhicule utilisé dans l'attentat et la matière explosive. Par ailleurs, les
enquêteurs, procédant par association d'idées et en base de certaines données techniques, cherchent à établir des similitudes avec d'autres attentats à la voiture piégée, comme celui qui a coûté la vie à l'ancien ministre Élie Hobeika, en février 2002. Ils doivent enfin, inévitablement, tenir compte de certains facteurs politiques et s'interroger sur la partie qui a intérêt, en ce moment même, à déstabiliser le Liban ou à exacerber le conflit politique qui le secoue. Le dossier pourrait être déféré devant la Cour de justice, a laissé entendre hier le chef de l'État, le général Émile Lahoud.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 2 octobre 2004

2 Octobre 2004
Annan : Les exigences de la résolution 1559 n'ont pas été satisfaites
Comme prévu, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a rendu public hier le rapport qu'il a rédigé autour des suites de la résolution 1559 du Conseil de sécurité, quasiment à la fin du délai de trente jours fixé par ce texte approuvé par neuf voix et six abstentions le 2 septembre dernier. Un constat s'impose en premier lieu. Contrairement aux diverses affirmations qui ont émané de diverses sources au cours des derniers jours, le rapport se contente dans sa version définitive de rapporter, point par point, ce qui a été appliqué ou non des diverses clauses de la résolution, sans se prononcer sur les mesures à prendre ou à ne pas prendre à l'égard des parties concernées. En somme, Kofi Annan a fait son métier, laissant au Conseil de sécurité, qui doit incessamment se pencher sur ce rapport, le soin de faire le sien en décidant de prendre les mesures qu'il jugerait utiles. Et éventuellement adopter une nouvelle résolution créant une commission de contrôle sur l'application de la 1559, comme cela a été évoqué ces derniers jours, y compris par le vice-président du Conseil, Issam Farès. Après un historique de la situation libanaise, M. Annan expose dans son texte les données en sa possession au sujet de chacune des clauses de la 1559. À ce sujet, il relève que « les exigences présentées aux différentes parties par la résolution 1559 n'ont pas été satisfaites ». Sans mentionner nommément la Syrie, la résolution la visait bel et bien puisque elle est désormais considérée par la communauté internationale comme étant le seul pays à avoir encore des troupes en territoire libanais. M. Annan rappelle d'ailleurs à cet égard le désaccord existant entre le Liban et l'Onu au sujet des fermes de Chebaa. « À part la Finul (Force intérimaire de l'Onu au Liban), les seules forces étrangères significatives déployées au Liban à la date du 30 septembre 2004 sont syriennes », relève le secrétaire général de l'Onu, ajoutant que la Syrie a refusé de fournir un calendrier pour son retrait définitif. Peu après la publication du rapport, un haut fonctionnaire de l'Onu, parlant à la presse sous couvert d'anonymat, a précisé que la Syrie n'avait manifesté « aucune volonté de donner (à l'Onu) le moindre plan » de retrait de ses forces du Liban. Affirmant qu'une large partie de l'opinion libanaise est d'avis que l'application complète de la résolution 1559 serait « non seulement dans l'intérêt du Liban, mais aussi de la Syrie et de la communauté internationale », M. Annan a appelé, en termes diplomatiques, Beyrouth et surtout Damas à passer à l'acte. « Il est temps pour toutes les parties concernées, 14 ans après la fin des hostilités et quatre ans après le retrait d'Israël du Liban, de se débarrasser des derniers vestiges du passé. Le retrait des forces étrangères et la dissolution et le désarmement des milices mettraient fin à ce triste chapitre de l'histoire du Liban », écrit-il. Voici le texte intégral du rapport publié hier par Kofi Annan: Rapport du sécrétaire général préparé conformément à la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité I. Introduction 1. Le présent rapport est soumis conformément à la résolution 1559 adoptée le 2 septembre 2004 par le Conseil de sécurité. Dans le paragraphe 7 de la résolution, le Conseil a demandé que je rapporte dans les trente jours sur l'exécution par les parties de cette résolution. II. Historique 1. De 1975 à 1990, le Liban a connu une guerre civile tragique et sanglante qui a eu comme conséquence la mort de 120 000 personnes environ. Une grande partie des combats a été le fait de milices qui représentaient les communautés confessionnelles du Liban. Les divers groupes militants palestiniens ont également participé à la violence. Au cours des années, à des périodes différentes, la France, l'Italie, la Libye, le Yémen, l'Arabie saoudite, le Soudan, la Syrie, les Émirats arabes unis, le Royaume-Uni et les États-Unis ont déployé des forces au Liban à la demande de son gouvernement pour mettre fin aux combats et stabiliser la situation. Israël a effectué des opérations militaires fréquentes pendant cette période, y compris des bombardements, des attaques aériennes, deux incursions
à grande échelle et une occupation de la partie méridionale du pays. 2. Le Conseil de sécurité s'est impliqué dans le problème depuis 1978 et a adopté 76 résolutions qui ont réclamé entre autres la fin de la violence, la protection des civils, le respect de la souveraineté libanaise, le retrait des forces israéliennes du territoire libanais et la restauration de l'autorité libanaise sur l'ensemble du territoire. 3. La Syrie a déployé la première fois des troupes au Liban en mai 1976, à la demande du président libanais Sleimane Frangié. En octobre 1976, la Ligue arabe a établi la Force de dissuasion arabe (FDA) pour maintenir la paix au Liban. Au sein de cette force, la Syrie a été rejointe par la Libye, le Yémen, l'Arabie saoudite, le Soudan et les Émirats arabes unis. Les forces syriennes ont constitué la majorité des troupes au sein de la FDA, soit quelque 27 000 des 30 000 soldats de cette force. 4. Après une attaque palestinienne dans le nord d'Israël qui a entraîné la mort de plus de 30 civils, Israël a mené une opération militaire importante au Liban-Sud en mars 1978. Le Conseil de sécurité a alors adopté la résolution 425 appelant Israël à mettre immédiatement fin à son action militaire contre l'intégrité territoriale du Liban et à retirer immédiatement ses forces de tout le territoire libanais. En outre, en mars 1978, conformément aux résolutions 425 et 426, la Force intérimaire des Nations unies au Liban-Sud (Finul) s'est déployée avec trois objectifs définis dans la résolution 425 : a) confirmer le retrait des forces israéliennes ; b) restaurer la paix et la sécurité internationales ; et c) aider le gouvernement libanais à rétablir son autorité effective dans le secteur. Le mandat de la Finul a été régulièrement renouvelé depuis, le plus récemment le 29 juillet 2004 par le biais de la résolution 1553 du Conseil de sécurité. 5. En juin 1982, Israël a envahi le Liban à la suite d'une tentative d'assassinat de l'ambassadeur d'Israël au Royaume-Uni. Les États-Unis ont pris en main la situation en parvenant à imposer un accord en août 1982 pour l'évacuation des forces palestiniennes de Beyrouth et le déploiement d'une Force multinationale (FM) pour surveiller leur départ. La France, l'Italie et les États-Unis ont fourni des troupes à la FM, et l'évacuation a été achevée en septembre 1982. La FM s'est retirée du Liban ultérieurement en septembre. 6. Après l'assassinat du président libanais élu Béchir Gemayel à la mi-septembre 1982, qui a été suivi d'une incursion israélienne à Beyrouth-Ouest et du massacre criminel des Palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila par des milices phalangistes, la FM est retournée au Liban. Des troupes du Royaume-Uni ont rejoint les trois membres originaux de la Force multinationale. Le 17 septembre 1982, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 520 condamnant l'incursion israélienne à Beyrouth, exigeant un retour aux positions occupées par Israël avant le 17 septembre et réclamant le respect strict de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de l'unité et de l'indépendance politique du Liban sous l'autorité unique et exclusive du gouvernement du Liban par le déploiement de l'armée libanaise sur l'ensemble du territoire libanais. En mai 1983, des représentants d'Israël, du Liban et des États-Unis ont conclu un accord destiné à aboutir au retrait des forces israéliennes et à l'établissement d'une « zone de sécurité » au Liban-Sud. Le 23 octobre 1983, 241 Marines américains et 56 parachutistes français ont été tués dans deux attentats-suicide. Dans un contexte de violence grandissante, le gouvernement du Liban a abrogé son accord avec Israël en mars 1984. La Force multinationale s'est retirée en avril de cette même année. 7. Le 22 octobre 1989, suite aux efforts de la Ligue arabe, des membres de la Chambre libanaise des députés, réunis en Arabie saoudite, sont parvenus à l'accord de Taëf. L'accord a appelé à la réconciliation nationale et à « étendre la souveraineté du Liban sur tout son territoire », par le biais d'un plan étalé sur un an et stipulant la « dissolution de toutes les milices, libanaises et non libanaises ». Les armes des milices devaient être « livrées à l'État libanais dans un délai de six mois ». Dans cet accord, le Liban remercie la Syrie de l'aide fournie par ses forces pour permettre au gouvernement libanais d'étendre son autorité sur l'ensemble de son territoire « au cours d'une période définie n'excédant pas deux ans ». À la fin de cette période, les deux gouvernements étaient censés décider du redéploiement des forces syriennes dans la région de la Békaa jusqu'à la ligne Hammana-
Mdeirej-Aïn Dara et, en cas de besoin, à d'autres sites à déterminer par un comité militaire commun libano-syrien. Les deux gouvernements devaient également signer un accord « déterminant la taille et la durée de présence des forces syriennes dans ces secteurs et définissant les relations entre les autorités libanaises et ces forces là où celles-ci sont présentes ». Le Traité de coopération libano-syrien de mai 1991 a réitéré cette disposition. 8. Au cours des années, le Conseil de sécurité a maintenu son engagement à l'égard de l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance du Liban. Le secrétariat général a travaillé pour persuader Israël de se retirer du Liban-Sud. En avril 2000, j'ai reçu l'acte de notification du gouvernement israélien qu'il retirerait ses forces du Liban durant le mois de juillet 2000. Le 25 mai 2000, le gouvernement d'Israël m'a informé que l'État hébreu avait redéployé ses forces conformément aux résolutions 425 et 426 du Conseil de sécurité. Le 16 juin, j'ai rapporté au Conseil de sécurité qu'Israël avait retiré ses forces selon les résolutions 425 et 426 et avait répondu aux exigences présentées dans mon rapport du 22 mai au Conseil de sécurité. J'ai informé le Conseil que le Liban avait commencé à rétablir son autorité dans le secteur et considérait déployer ses forces armées au Liban-Sud. Le 18 juin, le Conseil de sécurité a accueilli favorablement mon rapport et a confirmé mes conclusions. III. Résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité 10. Le 2 septembre 2004, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1559 qui réitère le soutien du Conseil à l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance politique du Liban. La résolution invite toutes les parties concernées à coopérer entièrement et instamment avec le Conseil pour la pleine exécution de ceci et d'autres résolutions appropriées du Conseil de sécurité au sujet de la restauration de l'intégrité territoriale, de la pleine souveraineté et de l'indépendance politique du Liban. En outre, la résolution 1559 : a. invite toutes les forces étrangères toujours présentes à se retirer du Liban ; b. réclame la dissolution et le désarmement de toutes les milices libanaises et non libanaises ; c. soutient l'extension de l'autorité du gouvernement du Liban sur tout le territoire libanais ; d. déclare son soutien à un processus électoral libre et juste dans le cadre de l'élection présidentielle qui était alors à venir, conformément aux règles constitutionnelles libanaises sans interférence ou influence étrangère. Le Conseil de sécurité a également réitéré son appel au strict respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de l'unité, et de l'indépendance politique du Liban sous l'autorité unique et exclusive du gouvernement du Liban sur l'ensemble de son territoire. 11. Les gouvernements du Liban et de la Syrie ont soumis au président du Conseil de sécurité et à moi-même les lettres (A/58/879 - S/2004/699 et A/58/883-S/2004/706, respectivement) concernant la résolution. a. Forces étrangères déployées au Liban 12. La résolution 1559 appelle au retrait de toutes les forces étrangères toujours présentes au Liban. Hormis la Finul, et autant que nous puissions en juger, les seules forces étrangères significatives déployées au Liban, au 30 septembre 2004, sont syriennes. 13. Ainsi que je l'ai décrit, la Syrie a maintenu des forces au Liban depuis 1976. Les troupes ont été initialement déployées à la demande du président Frangié. Ce déploiement a été transformé en une FDA avalisée par la Ligue arabe, à la demande du gouvernement du Liban, à laquelle se sont jointes des troupes d'autres pays arabes. Les gouvernements du Liban et de la Syrie m'ont dit que les forces syriennes présentes au Liban – qui, à un certain moment s'élevaient à 40 000 hommes, selon le gouvernement libanais – y sont à l'invitation du Liban et que leur présence est donc d'un commun accord. Elles seraient déployées conformément à l'accord de Taëf de 1989 et au Traité de coopération libano-syrien ratifié par les deux pays en 1991. Autant que je puisse en juger, les deux gouvernements n'ont pas jusqu'ici signé l'accord supplémentaire visant à « déterminer la taille et la durée de la présence des forces syriennes » qui avait été prévu dans les deux instruments précités. 14. En plus des forces armées en uniforme que la Syrie a déployées au Liban, le gouvernement syrien a informé les Nations unies de la présence importante de fonctionnaires en civil des services de renseignements militaires, présentés comme étant des composantes ordinaires des unités
militaires. Ces fonctionnaires, ainsi que les forces en uniforme, constituent l'ensemble des forces syriennes. 15. L'appareil militaire et de renseignements de la Syrie au Liban n'a pas été retiré au 30 septembre 2004. Cependant, selon des annonces faites par les gouvernements libanais et syrien, la Syrie a, au cours des dernières semaines, redéployé approximativement 3 000 de ses soldats présents auparavant au sud de Beyrouth. Il n'est pas clair aux yeux des Nations unies si ce redéploiement a été confiné aux troupes régulières ou bien s'il a inclus des fonctionnaires des services de renseignements en civil et si tous les soldats redéployés ont regagné la Syrie. Selon les parties, c'est le cinquième redéploiement depuis la signature de l'accord de Taëf. 16. Le gouvernement syrien m'a indiqué qu' au total, quelque 14 000 militaires syriens sont toujours présents au Liban. Il a affirmé qu'une majorité de ces forces se trouve maintenant basée près de la frontière syrienne et qu'elles ne sont pas présentes en profondeur au Liban. Les gouvernements libanais et syrien m'ont dit que le timing de retraits ultérieurs serait déterminée par la situation de la sécurité au Liban et dans la région et par le comité militaire commun établi conformément à l'accord de Taëf. 17. Le gouvernement du Liban m'a informé de plus que la situation fragile actuelle dans la région, et son souci concernant des risques potentiels pour par la stabilité intérieure du Liban, rendent difficile l'établissement d'un calendrier pour un retrait total des forces syriennes. Le gouvernement du Liban m'a déclaré que son but ultime était le retrait total de toutes les forces étrangères du territoire libanais. De plus, les deux gouvernements m'ont dit qu'ils discutaient activement de la nature et de l'ampleur de l'actuel déploiement des forces syriennes au Liban. Dans ce contexte, le gouvernement syrien m'a informé qu'il ne peut pas me fournir des chiffres et des calendriers pour un quelconque retrait futur. b. Milices libanaises et non libanaises 18. La résolution 1559 du Conseil de sécurité prévoit la dissolution et le désarmement de toutes les milices libanaises et non libanaises. Depuis la fin de la guerre civile, le gouvernement du Liban a fait de grands pas en réduisant de manière significative le nombre de milices présentes au Liban. Néanmoins, au 30 septembre 2004, plusieurs éléments armés demeurent au Liban-Sud. Le gouvernement du Liban m'a dit qu'il prévoyait que tous les groupes armés irréguliers soient en fin de compte dissous et désarmés. 19. Le groupe armé le plus significatif est le Hezbollah. Le gouvernement libanais s'oppose à la définition du Hezbollah comme étant une milice libanaise et se rapporte à elle en tant que « groupe de résistance nationale » qui a pour but de défendre le Liban face à Israël jusqu'au retrait des forces israéliennes du sol libanais, à savoir des fermes de Chebaa. Le Liban maintient que les fermes de Chebaa sont un territoire libanais, non syrien. Cependant, dans mon rapport du 16 juin 2000, j'avais confirmé qu'Israël avait rempli à cette date les exigences des résolutions 425 et 426 du Conseil de sécurité réclamant « le retrait immédiat de ses forces de tout le territoire libanais ». Le 18 juin 2000, le Conseil de sécurité avait approuvé cette conclusion dans la déclaration faite au nom du Conseil par son président. Tout en maintenant sa position selon laquelle les fermes de Chebaa sont libanaises, le gouvernement libanais avait confirmé qu'il respecterait la ligne bleue telle que définie par les Nations unies. Le Conseil de sécurité a noté cela dans la déclaration faite par son président le 18 juin 2000, et a invité le Liban, dans cette déclaration et dans les résolutions ultérieures, à respecter l'engagement qu'il a donné pour le respect total de cette ligne. 20. Au 30 septembre 2004, le personnel des Nations unies sur le terrain n'avait décelé aucun changement du statut du Hezbollah depuis l'adoption de la résolution 1559. À cet égard, le gouvernement du Liban m'a informé que la situation fragile de la sécurité dans la région, le risque pour la stabilité du Liban et l'absence d'un processus global de paix dans la région rendraient difficile la mise en application de la résolution immédiatement et entièrement. 21. Concernant les groupes armés palestiniens, le gouvernement du Liban m'a donné des assurances que les militants palestiniens n'étaient pas autorisés à quitter leurs camps de réfugiés avec des armes. Le personnel des Nations unies dans la région a indiqué que le gouvernement du Liban a placé des forces armées libanaises en dehors des camps, dans
le but apparent d'appliquer cette politique. Le gouvernement m'a dit que vu la situation de la sécurité dans les camps, il est déconseillé aux forces armées libanaises d'y pénétrer pour désarmer les militants. Le gouvernement du Liban exprime une préoccupation particulière concernant la présence d'une grande population de réfugiés palestiniens sur son territoire et le débat public libanais soulève régulièrement des craintes d'une implantation permanente de cette communauté au Liban. Le gouvernement insiste sur le fait qu'un règlement final au Proche-Orient devrait comprendre des dispositions pour le retour de ces réfugiés. c. Extension du contrôle du gouvernement libanais sur l'ensemble de son territoire 22. La résolution 1559 du Conseil de sécurité déclare son soutien à l'extension du contrôle du gouvernement du Liban sur l'ensemble de son territoire. Depuis la fin de la guerre civile, le Liban a déployé des forces de sécurité dans la partie méridionale du pays, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité sur ce sujet et à l'accord de Taëf. Cependant, au 30 septembre 2004, le gouvernement du Liban n'avait pas encore étendu son contrôle sur tout le territoire. 23. Bien que le Liban ait tenu des élections municipales dans le sud du pays en mai 2004, la situation dans le secteur autour de la ligne bleue demeure tendue. Le calme qui a suivi le retrait (israélien) a été trop souvent perturbé par des actes de violence. L'armée libanaise ne s'est pas déployée le long de la ligne bleue. La Finul a signalé des violations des deux côtés de cette ligne ; du côté libanais, le Hezbollah et les groupes palestiniens en sont responsables. Les opérations du Hezbollah ont fréquemment violé la ligne bleue. On affirme généralement que les opérations du Hezbollah se font en dehors du contrôle ou des sanctions du gouvernement libanais. J'ai précédemment pressé le gouvernement du Liban de contrôler l'utilisation de la force sur son territoire, afin d'empêcher toutes les attaques à partir de son sol le long de la ligne bleue. 24. Plus de quatre ans après le retrait israélien du Liban-Sud, l'activité dans la région demeure limitée. Le Hezbollah a établi des points de contrôle dans cette portion du territoire. Les activités des fonctionnaires libanais, du personnel de la Finul et des diplomates sont parfois entravées par les éléments armés. 25. Le gouvernement du Liban m'a déclaré que sa capacité à déployer ses forces dans les régions du Liban-Sud est limitée par l'accord d'armistice israélo-libanais en date du 23 mars 1949, qui a défini le nombre et le type des forces militaires qui pourraient se déployer dans la région frontalière entre les deux pays. Selon le gouvernement, il a déployé dans la région la totalité des 1 500 militaires que lui permet l'accord. d. Processus de l'élection présidentielle 26. La résolution 1559 proclame l'appui du Conseil de sécurité à un « processus électoral libre et juste pour la présidentielle du Liban qui doit s'effectuer selon les règles constitutionnelles libanaises sans interférence ou influence étrangère ». Le mandat du président Lahoud devait expirer en novembre 2004. Selon la Constitution libanaise, la Chambre des députés doit se réunir au moins un mois avant l'expiration du mandat présidentiel pour élire un successeur. La Constitution fixe une limite de six ans pour le mandat présidentiel, avec la possibilité d'une réélection après une alternance de six ans. 27. Le 3 septembre 2004, moins de 24 heures après l'adoption de la résolution 1559, la Chambre des députés a approuvé la loi constitutionnelle 585 par 96 voix contre 29, et trois abstentions, qui prévoit une prorogation de trois ans du mandat de M. Lahoud. La loi en question précise que « pour une fois et exceptionnellement, le mandat du président actuel de la République sera prorogé de trois années et devrait se terminer le 23 novembre 2007 ». Le gouvernement du Liban m'a informé que cette loi a été adoptée selon les règles constitutionnelles libanaises. En 1947 et 1995, la Chambre des députés a voté pour permettre des prorogations des mandats des présidents en exercice. Cet amendement a été largement contesté au Liban et on a dit aux « sponsors » de la résolution 1559 que la prorogation du mandat du président Lahoud était le résultat d'une intervention directe du gouvernement syrien. Dix députés ont préparé un recours contre la prorogation du mandat du président Lahoud. Mais les gouvernements libanais et syrien ont nié l'influence syrienne dans l'adoption de l'amendement. La souveraineté, l'intégrité territoriale, l'unité et
l'indépendance politique du Liban 28. Dans la résolution 1559, le Conseil de sécurité a réaffirmé son appel au respect strict de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de l'unité et de l'indépendance politique du Liban, sous l'autorité unique et exclusive de son gouvernement, sur l'ensemble de son territoire. 29. Au Liban, beaucoup déclarent que la présence militaire syrienne, y compris celle des agents des renseignements en civil, permet à la Syrie d'exercer une influence considérable sur les affaires internes libanaises. Les gouvernements du Liban et de la Syrie ont toutefois nié, devant moi, ce fait, précisant que la Syrie n'intervient pas dans les affaires internes du Liban. 30. En dépit de l'étroitesse des liens officiels entre le Liban et la Syrie, on note que les deux pays n'ont jamais eu de relations diplomatiques officielles. Il n'y a aucune mission diplomatique libanaise à Damas ni une mission diplomatique syrienne à Beyrouth. 31. Depuis octobre 2000, l'aviation israélienne a régulièrement violé la souveraineté libanaise en dépassant parfois la ligne bleue. Elle pénètre fréquemment en profondeur dans le territoire libanais et effectue des bangs supersoniques au-dessus des zones habitées. Le gouvernement israélien affirme que ces survols sont effectués pour des raisons de sécurité. La riposte antiaérienne du Hezbollah est tombée au-delà de la ligne bleue, en Israël, y faisant des blessés. 32. Avec mes représentants dans la région, nous avons invité les parties à cesser les violations de la ligne bleue dans l'une ou l'autre direction et de s'abstenir de toute escalade qui pourrait faire des victimes des deux côtés de la frontière. Comme nous l'avons déclaré, une violation ne doit pas servir de prétexte à d'autres. IV. Observations 33. La résolution 1559, sur base de laquelle ce rapport est rédigé, exige des actions spécifiques de la part des différentes parties. Ainsi qu'il ressort de ce rapport, je ne peux pas certifier que ces conditions ont été remplies. Alors que les critiques de la résolution sont bien connues, les gouvernements du Liban et la Syrie m'ont assuré de leur respect pour le Conseil de sécurité, et que, par conséquent, ils ne contesteront pas la résolution. Les parties concernées m'ont fourni des informations et m'ont donné certaines assurances précises. Je les ai notées et j'attends leur réalisation. J'ai demandé aux parties un calendrier pour leur exécution totale. 34. En ce qui concerne le processus électoral, je suis depuis longtemps convaincu – et je l'ai rappelé dernièrement au sommet de l'Union africaine, en juillet de cette année – que les gouvernements et les chefs d'État ne devraient pas rester en fonction au-delà des limites prévues dans leurs Constitutions. 35. L'opinion publique libanaise semble divisée au sujet de la présence militaire syrienne sur son territoire et au sujet de l'amendement constitutionnel lié à l'élection présidentielle. Elle semble aussi divisée sur l'existence de groupes armés qui ne sont pas sous le contrôle direct du gouvernement. Mais beaucoup de Libanais estiment que l'exécution totale de la résolution 1559 serait dans l'intérêt non seulement du Liban, mais aussi de celui de la Syrie, de la région et de la communauté internationale en général. Il est temps, 14 ans après la fin des hostilités et quatre ans après le retrait israélien du Liban, que toutes les parties concernées se débarrassent des derniers vestiges du passé. Le retrait des forces étrangères, la dissolution et le désarmement des milices pourraient clore définitivement ce chapitre triste de l'histoire libanaise. 36. Comme je l'ai noté plus haut, les exigences prévues dans la résolution 1559 n'ont pas été encore satisfaites. À cet égard, je reste prêt à aider, si cela s'avère nécessaire, les parties qui doivent exécuter cette résolution du Conseil de sécurité dans sa totalité. Et, s'il y a lieu, je suis aussi prêt à tenir le Conseil de sécurité régulièrement informé des développements dans ce domaine. 37. Je continue à oeuvrer dans le sens de la conclusion d'une paix juste, durable et globale au Proche-Orient.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 3 octobre 2004

20 Octobre 2004
Feltman et Lecourtier accourent chez Hariri juste après l'annonce de la démission ; Washington et Paris veulent un gouvernement libre de toute ingérence
À peine le chef du gouvernement, Rafic Hariri, avait-il annoncé hier sa démission, que les ambassadeurs des États-Unis, Jeffrey Feltman, et de France, Philippe Lecourtier, sont accourus chez lui. À la suite de leurs entretiens successifs avec le Premier ministre sortant, ils ont tous deux exprimé le souhait de leurs pays de voir un gouvernement mis en place sans ingérence. M. Feltman est même allé jusqu'à donner le profil des prochains ministres. « Le nouveau gouvernement devrait prendre ses décisions libre de toute ingérence extérieure », a déclaré M. Feltman à la presse. « Il devrait être composé de personnalités fortes, crédibles et intègres, bénéficiant d'une liberté d'action et qui se partagent une vision positive de l'avenir du Liban », a-t-il dit. « Nous et nos partenaires internationaux voulons voir un Liban allant de l'avant et devenant prospère économiquement, politiquement et socialement. Nous voulons voir un Liban qui assure un futur prometteur à ses jeunes générations, avec un gouvernement démocratique dont le peuple libanais serait fier. Nous voulons voir un Liban qui entretienne des relations positives et constructives avec tous ses voisins, mais des relations positives et constructives qui soient fondées sur les principes de respect mutuel et de non-ingérence dans les affaires intérieures », a martelé l'ambassadeur. À Washington, le département d'État, par la voix de son porte-parole, Richard Boucher, a fait écho à ces déclarations, en réclamant « un processus (de formation du gouvernement) purement libanais ». M. Boucher a relevé que « cet épisode politique se déroule dans un contexte fortement faussé par l'ingérence syrienne au Liban ». Pour sa part, M. Lecourtier a indiqué que son pays avait un « objectif qui est clair: c'est le bien du Liban, c'est que ce pays soit prospère et soit libre de ses choix ». Il a ajouté que cet objectif constituait « une constante absolue de la politique française ». Selon M. Lecourtier, « être libre de ses choix politiques, être libre de sa politique (...) ne veut pas dire que le Liban ne doit pas être naturellement dans son milieu régional tout à fait à son aise et pouvoir coopérer avec les pays qui l'entourent ». La déclaration du Conseil de sécurité Commentant d'autre part la déclaration présidentielle adoptée mardi par le Conseil de sécurité sur le Liban, l'ambassadeur de France a estimé qu'elle était à la fois « claire », « ferme » et « raisonnable ». C'est, selon lui, une déclaration « qui exprime ce qui doit être dit concernant la situation au Liban, trace clairement la voie à suivre et regroupe toutes les opinions des membres du Conseil de sécurité, qu'ils soient occidentaux, américains, asiatiques ou arabes ». Par ailleurs, les commentaires s'opposaient hier sur la signification de la déclaration du Conseil de sécurité. Des personnalités d'horizons divers, comme l'ancien président de la République Amine Gemayel et l'ex-Premier ministre Sélim Hoss, y ont vu principalement la force de l'unanimité alors que dans les milieux prosyriens, on s'est efforcé de minimiser l'impact de la déclaration, voire même d'en faire une « victoire diplomatique » syro-libanaise, en raison des concessions de la France et des États-Unis. M. Gemayel a estimé que la déclaration du Conseil de sécurité donnait « une nouvelle dynamique à la résolution 1559, grâce à l'unanimité avec laquelle elle a été adoptée, alors que la 1559 avait obtenu le minimum requis ». Il a mis en avant la position de l'Algérie, qui a voté en faveur de la déclaration, et souligné qu'elle reflétait la position « d'un grand ensemble arabe qui soutient la déclaration internationale ». « À l'exception de la Syrie et du Liban, aucun pays arabe » ne s'y est opposé, a-t-il relevé. M. Hoss a estimé pour sa part que la déclaration présidentielle était « à la fois plus forte et plus faible qu'une résolution ». Elle est plus forte en raison de l'unanimité des membres du Conseil de sécurité, et plus faible parce qu'elle a un caractère
moins contraignant qu'une résolution, a-t-il souligné. À présent, la question de l'application de la résolution 1559 « est donc ajournée pour un nouveau délai de six mois et il n'est plus question de l'échéance présidentielle dans la déclaration », a-t-il dit. Il a invité en conséquence l'opposition à « dépasser » le problème de la prorogation du mandat présidentiel et à « regarder vers l'avant ». Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement sortant, Jean Obeid, qui avait déjà réagi officiellement mardi en affirmant que la déclaration du Conseil de sécurité était « une erreur produite par une autre erreur », est revenu hier à la charge. Il a estimé dans une interview à une chaîne de télévision égyptienne que le respect dû aux actes de la légalité internationale ne signifie pas « qu'il faille les sacraliser ». M. Obeid a cependant indiqué que la période de six mois consentie par la déclaration (en attendant le prochain rapport du secrétaire général de l'Onu sur l'application de la 1559) était « suffisante » pour permettre à la diplomatie libanaise d'agir sur la scène internationale. De son côté, l'un des principaux chantres de la présence syrienne au Liban, le député Nasser Kandil, s'est efforcé de démontrer que le tandem syro-libanais a obtenu une victoire mardi à l'Onu. « Le Conseil de sécurité a refusé de s'aligner sur une déclaration présidentielle dure » proposée par la France et les États-Unis, a ainsi estimé M. Kandil. « Beyrouth et Damas ont obtenu un succès diplomatique qui aura pour effet de réduire les pressions franco-américaines sur les deux pays », a-t-il ajouté dans une déclaration à l'AFP. À Damas, le rédacteur en chef du quotidien syrien al-Baas, Élias Mrad, a affiché la même satisfaction : « La France et les États-Unis ont dû faire preuve de modération pour obtenir l'adhésion des autres membres du Conseil de sécurité », a-t-il déclaré à la chaîne satellitaire al-Arabiya. Pourtant, mardi, le chef de la diplomatie syrienne, Farouk el-Chareh, avait qualifié la résolution « d'ingérence illégale dans les relations bilatérales syro-libanaises », et le Liban avait estimé que le Conseil de sécurité se livrait à un « dangereux précédent, en violation du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un pays membre ». Pour des spécialistes de droit international, il s'agit effectivement d'une ingérence mais qui n'enlève en rien sa force contraignante à la résolution 1559. « Cette résolution et la déclaration du Conseil peuvent être qualifiées d'ingérence, mais cette ingérence a déjà été légitimée à plusieurs reprises », a estimé le professeur de droit international Philippe Aubade. « On assiste aujourd'hui à un développement du droit d'intervention de l'Onu qui risque de faire jurisprudence. Le Liban et la Syrie ne peuvent plus se prévaloir de leur traité d'amitié et de coopération ni de l'accord de Taëf qui régissaient leurs relations car la légalité internationale a priorité sur les accords entre deux pays », a-t-il ajouté. Cet expert a estimé que Paris et Washington pourraient se prévaloir de cet argument pour poursuivre leurs pressions. « Désormais il est à craindre que la Syrie et le Liban soient sous surveillance constante de l'Onu qui peut intervenir à tout moment dans le délai de six mois », a déclaré pour sa part à l'AFP une source diplomatique arabe qui a requis l'anonymat.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 21 octobre 2004

30 Novembre 2004
100 000 au lieu du million, un zéro en moins pour le rejet de la 1559 Place des Martyrs de l'indépendance, l'acte d'allégeance à la Syrie « Ni chrétiens, ni druzes, ni modérés parmi les manifestants », constate Joumblatt (photo)
C'est certes une des manifestations les plus massives de l'histoire du Liban, mais il n'en demeure pas moins que le « million » promis par Omar Karamé de retour de Damas s'est transformé hier en sérieux revers pour l'État, qui paye là bien cher sa prétention et son mépris de la dignité des Libanais. Puisque selon des experts militaires, seules « cent à cent vingt mille personnes » (500 000 selon les organisateurs) ont pu être téléguidées par les autorités, place des Martyrs de l'indépendance, pour faire acte d'allégeance à la Syrie et rejeter la résolution 1559 de l'Onu. Mais aussi écouter les représentants d'Amal, du PSNS, de Dar el-Fatwa ou du Conseil supérieur chiite reprendre à leur façon l'un des thèmes développés hier par le n° 2 du Hezbollah : « Le Liban n'a que deux choix : être dans le camp de la Syrie ou dans celui d'Israël. » « Pourquoi donner une image uniforme du Liban, comme quoi le Liban est seulement le Liban musulman ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu une voix chrétienne, une voix libanaise modérée, des druzes ? C'est très bizarre », s'est demandé hier Walid Joumblatt, pendant que Kornet Chehwane soulignait l'échec de la manifestation et appelait le gouvernement Karamé à la démission.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 1er décembre 2004

2 Janvier 2005
Un cadre du PSP échappe à un attentat à Choueifat ; Joumblatt : Nous sommes aux portes d'une révolution blanche
« Je souhaite que nous vivions en 2005 avec Émile Lahoud ce que nous avions vécu en 1952 à l'époque du président Béchara el-Khoury, qui avait démissionné sous la pression politique et populaire. Nous sommes aux portes d'une révolution blanche », a dit hier Walid Joumblatt sur la chaîne al-Arabiya. Le chef du PSP, interrogé par L'Orient-Le Jour à la suite de l'attentat auquel a échappé hier à Choueifat l'un des cadres du PSP, a en outre assuré que « le pouvoir et ses acolytes ne l'entraîneront dans aucune réaction de colère ». Et plus tôt dans la journée, à Moukhtara, il avait réaffirmé que les législatives 2005 seront « la bataille de la libre décision et de l'indépendance contre la tutelle et le suivisme ».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 3 janvier 2005

23 Janvier 2005
Liban-Syrie Chareh : « Nous resterons pendant seulement deux ans »
Le ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk el-Chareh, a annoncé hier que les troupes syriennes devraient rester au Liban « pendant seulement deux ans ». « Mais pas définitivement, c'est sûr », a-t-il ajouté dans une déclaration à la chaîne américaine CNN. « Nous sommes au Liban pour aider les Libanais », a poursuivi M. Chareh, soulignant que « si les Libanais ne veulent plus de notre aide, nous ne resterons pas plus longtemps ». M. Chareh a par ailleurs rejeté les accusations américaines selon lesquelles son pays autorise le passage à la frontière syro-irakienne d'insurgés antiaméricains pour nourrir la rébellion en cours en Irak. « Il y a beaucoup d'exagération sur la question des insurgés. S'ils passent par la frontière syrienne, les insurgés le font contre la volonté du gouvernement syrien, il n'y a aucun doute », a-t-il déclaré. « Nous ne sommes pas bienveillants à l'égard des insurgés parce que ce n'est pas le bon moyen d'aider les Irakiens », a-t-il ajouté. « Au contraire, nous aidons les Irakiens à être unis, à aller voter, à accepter le processus politique », a-t-il encore dit. Il a également affirmé que les responsables du régime de Saddam Hussein n'étaient pas les bienvenus en Syrie. « Mais nous avons beaucoup d'Irakiens (sur notre sol). Je veux dire, beaucoup d'Irakiens qui fuient leur pays pour être en sécurité en Syrie, a-t-il ajouté en citant notamment les irakiens chrétiens. Nous ne pouvons pas les expulser au seul motif qu'ils sont irakiens. Ils n'ont rien à voir avec le terrorisme. » M. Chareh s'est par ailleurs félicité de la reprise des discussions de paix entre les Palestiniens et Israël. « La Syrie est prête à reprendre les négociations », a-t-il affirmé. « Le président Assad a tendu la main pour reprendre les négociations, et nous espérons toujours que les Israéliens vont répondre positivement », a-t-il dit.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 24 janvier 2005

14 Février 2005
Une quinzaine de morts et près de 140 blessés, dont le député Bassel Fleyhane Voiture piégée ou attentat-suicide ?
Le mécanisme de l'opération toujours inexpliqué
C'est à 12h50 d'hier qu'une énorme explosion a ébranlé Beyrouth, tuant l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, ainsi qu'un certain nombre de ses gardes du corps, et plusieurs passants. 15 morts et près de 140 blessés, selon un bilan provisoire. Comme l'a tout de suite indiqué l'épaisse colonne de fumée noire, la déflagration a eu lieu face à l'hôtel Saint-Georges, sur le très luxueux front de mer de la capitale, où se situent également plusieurs autres grands complexes touristiques. M. Hariri avait quitté quelques instants auparavant la place de l'Étoile, où il avait participé à la séance des commissions conjointes chargées de débattre le projet de loi électorale. Il avait également pris une pause-café dans l'un des restaurants de la place, en compagnie du député Bassel Fleyhane et de l'ancien ministre Samir Jisr, avant de prendre avec son convoi une route inhabituelle qui l'a mené vers l'emplacement fatidique. Une fois arrivé devant l'hôtel Saint-Georges, une explosion d'une violence inouïe a littéralement pulvérisé les voitures du convoi, causant également de très importants dommages dans les façades des hôtels environnants, et transformant les lieux en vision d'enfer. Selon des experts militaires, l'explosion serait due à une charge d'au moins 250 kg d'explosifs. L'hypothèse d'une voiture piégée a aussitôt été envisagée, même si l'enquête n'a toujours pas déterminé s'il s'agissait d'une charge placée dans un véhicule ou s'il s'agit d'un attentat-suicide. M. Hariri, ainsi que plusieurs de ses gardes du corps, dont Yehia Arab qui ne le quittait jamais, ont immédiatement péri sous la violence de l'explosion, qui a laissé dans la rue des corps calcinés et des véhicules en feu. Des informations préliminaires ont d'abord indiqué le décès de MM. Jisr et Fleyhane. Samir Jisr a cependant lui-même indiqué, quelques instants plus tard, qu'il était sain et sauf puisqu'il n'accompagnait pas M. Hariri lors de l'explosion. Quant à M. Fleyhane, qui faisait partie du convoi, il a bien survécu à l'accident, souffrant toutefois de très graves brûlures qui ont nécessité, en soirée, son transport en France pour y être soigné. Les forces de sécurité libanaises ont immédiatement installé un cordon de sécurité dans la zone atteinte. Les cadavres et les blessés ont été transportés par les ambulances vers les hopitaux environnants. Le Premier ministre libanais Omar Karamé s'est rendu sur les lieux de l'explosion, de même que le ministre de l'Intérieur, Sleimane Frangié, et un certain nombre de députés du bloc Hariri. Tous les députés ont d'ailleurs quitté le Parlement en catastrophe après avoir entendu l'explosion, la porte principale du bâtiment ayant été fermée. Selon l'Ani, l'accident aurait causé la mort de 15 personnes. Plus de 140 blessés auraient également été hospitalisés, parmi lesquels figurent : Rabah Nohra, Rania Wehbé, Imad Bakdache, Nadim Abou Najm, Ali Ahmed Chakr, Hekmat Terki Battan, Rida Sayed Ahmad, Naji Ghanimé, Majdi Abou Najm, Ali Khafchi, Talal Kbaissi, Saad Araissi, Zeina Chéhab, Ali Doughane, Khalil Arab, Samer Taleb, Youssef Mezher, Ahmad Miassi, Mazen Eid, Bilal Itani, Paul Rizk, Majdi Diab et Ali Cheikh. Par ailleurs, les rues de la capitale étaient désertes hier en soirée, alors que la plupart des établissements commerciaux ont fermé leurs portes dès la fin de l'après-midi. Plusieurs manifestations populaires spontanées ont également eu lieu, notamment à Hamra. Certains magasins et restaurants à Achrafieh auraient même eu leurs vitrines brisées par certains groupes furieux. Les FSI sont alors intervenues, obligeant les établissements à fermer leurs portes.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 15 février 2005

16 Février 2005
Unité nationale et rejet massif de la tutelle aux obsèques de Hariri
Un million pour la souveraineté
Hommes et femmes, jeunes et vieux, militants et désabusés, riches et pauvres, sunnites, druzes et chrétiens, ils étaient hier plusieurs centaines de milliers – près d'un million si l'on compte les villes du Nord, du Sud, de la Békaa-Ouest... – à rendre hommage à la mémoire de l'homme « aux semelles d'or », Rafic Hariri. Un million aussi, surtout, à crier d'une seule voix leur volonté d'un Liban souverain, indépendant et débarrassé de la tutelle syrienne, et à montrer leur engagement commun sur une même voie : celle de l'unité nationale.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 17 février 2005

21 Février 2005
Une marée humaine déferle sur Beyrouth et appelle au retrait syrien
Place des Martyrs, les Libanais entament un nouveau chapitre de leur histoire
La dignité de tout un peuple. Par sa mort, Rafic Hariri a restauré la dignité de tout un peuple qui s'est souvenu comme par miracle que le soulèvement pacifique est seul capable de changer le cours des choses. Et hier, de l'hôtel « Saint-Georges » à la place des Martyrs, les Libanais ont entamé un nouveau chapitre de leur histoire, saisissant leur destin à bras-le-corps, refusant désormais que tous les crimes commis depuis trente ans, au nom de la « fraternité », demeurent impunis. Un soulèvement pacifique qui ouvrira la porte à tous les changements et qui mènera sans aucun doute à une nouvelle indépendance, indestructible celle-là. Car l'indépendance s'acquiert à prix de sang. Et depuis 1977, le sang des Libanais et de leurs leaders n'a été que beaucoup trop versé. D'ailleurs, la foule qui a marché hier de l'hôtel Saint-Georges à la place des Martyrs a scandé, des dizaines et des dizaines de fois, que c'est la Syrie qui a assassiné Kamal Joumblatt, Béchir Gemayel, Hassan Khaled, René Moawad, et Rafic Hariri, qui a exilé Michel Aoun et qui a emprisonné Samir Geagea. Plus de cent cinquante mille Libanais ont répondu « oui » à l'appel de l'opposition, qui avait invité à commémorer, par un sit-in pacifique sur les lieux de l'attentat, la semaine marquant l'assassinat de l'ancien chef de gouvernement, Rafic Hariri. Et cette invitation au sit-in a mobilisé une foule immense. Une marée humaine qui a déferlé sur Beyrouth pour affronter et relever tous les défis : franchir les barrages de l'armée et de la police qui avaient quadrillé Beyrouth et sa banlieue, faire face à d'éventuelles répressions, comme c'était le cas lors d'autres manifestations, et être au-dessus de toutes les dissensions. Dès 11 heures, les manifestants ont commencé à affluer au secteur des grands hôtels, franchissant à pied les cordons de sécurité installés par l'armée, alors que d'autres patientaient encore dans leurs voitures, notamment aux barrages de l'armée installés à Damour, Choueifate, Hazmieh, Dora et Nahr el-Kalb. Il y avait certes des étudiants à la base de cette gigantesque manifestation, mais aussi des familles entières, des couples, des intellectuels, des cadres, voire une délégation de médecins et du corps infirmier de l'hôpital de l'Hôtel-Dieu, venus habillés de leurs blouses blanches. La manifestation a regroupé aussi des personnes qui n'étaient jamais descendues dans la rue, et d'autres qui n'avaient pas pris part à de tels rassemblements depuis le début de la guerre du Liban. Tel Wassim venu avec son épouse et ses enfants et racontant à qui veut l'entendre : « J'ai déjà 50 ans et je ne suis pas descendu dans la rue depuis que j'avais 20 ans. » Il y avait aussi des ressortissants français, venus soutenir le Liban. Danielle, la cinquantaine, explique qu'elle habite Beyrouth depuis 30 ans, qu'elle y a vécu toute la guerre. « J'étais ici quand Béchir Gemayel a été assassiné... Je veux soutenir les Libanais et crier au monde entier "ça suffit" », dit-elle, brandissant les drapeaux du Liban et de la France. Midi 55, la foule retient son souffle Les femmes de députés de l'opposition sont également présentes, notamment Nora Walid Joumblatt, pour distribuer des roses blanches et rouges – aux couleurs de ce soulèvement libanais – à l'armée et à la police qui ont quadrillé le secteur. Peu avant midi, plusieurs députés et responsables de l'opposition arrivent sur les lieux de l'attentat. Parmi eux, Pierre Gemayel qui indique que le « peuple libanais aspire à vivre dignement ». Le PDG d'an-Nahar, Gebrane Tuéni, souligne que « cette manifestation constitue une réponse à tous ceux qui prétendent que l'opposition est divisée ». Le chef du PNL, Dory Chamoun, relève que ce rassemblement reflète l'unité du Liban. Massoud Achkar, candidat aux législatives, relève que « tous les Libanais appellent au retrait des troupes syriennes ». Solange Béchir Gemayel est aussi présente sur les lieux de l'attentat. Vers midi trente, le secteur des hôtels est noir de monde. Les étudiants venus à titre personnel ou par
groupes à partir de toutes les universités du pays, et appartenant notamment au Courant du futur (Hariri), au PSP, aux courants de gauche, au CPL, aux FL, au PNL, brandissent des pancartes sur lesquelles ils ont inscrit : « La Syrie dehors », « 05 (2005) pour l'indépendance – Tous pour le Liban », « De Kamal Jomblatt à Rafic Hariri, un seul assassin de la liberté », « Nos martyrs ne meurent jamais », ou encore « 1559 ». Pour rallier tous les manifestants de l'opposition, les organisateurs de divers mouvements estudiantins ont opté pour des chansons patriotiques, plus ou moins neutres, plutôt gauchisantes ou datant des premières années de la guerre. Le drapeau libanais et le foulard rouge et blanc, couleurs adoptés vendredi dernier par l'opposition pour marquer ce soulèvement pacifique, ont certes fédéré les manifestants. Mais il y avait aussi côte à côte les étendards du PSP, des FL, du PNL, des Kataëb, même des Hourrass el-Arz (« Gardiens du Cèdre »), ainsi que les drapeaux du Liban frappés du sigle aouniste, ou encore d'une croix et d'un croissant entourant le cèdre. La foule agite les portraits de Kamal Joumblatt, Rafic Hariri, Béchir Gemayel, Samir Geagea, Dany Chamoun, et Michel Aoun, scandant les pires slogans contre la Syrie et le pouvoir. À midi 55, heure à laquelle Rafic Hariri a été assassiné, à l'appel des organisateurs, et après un compte à rebours, l'immense foule retient son souffle. Elle observe une minute de silence à la mémoire du Premier ministre assassiné. Une minute de silence qui se termine par un tonnerre d'applaudissements et l'hymne national entonné à pleins poumons. Puis c'est la marche vers la place des Martyrs. Des drapeaux de tous les partis de l'opposition flottent au-dessus de la foule qui scande « Liberté, souveraineté et indépendance », « L'occupant dehors », « La Syrie est criminelle » ou encore « Nous voulons dire la vérité, nous ne voulons pas de la Syrie ». À l'un des organisateurs, muni d'un haut-parleur, qui demande qui a assassiné Kamal Joumblatt, Sélim Lawzi, Béchir Gemayel, Hassan Khaled, Dany Chamoun, René Moawad et Rafic Hariri, les manifestants répondent : « La Syrie ». Manifester pour la dignité de l'armée Le cortège grossit au fur et à mesure qu'il avance vers la place des Martyrs. Les manifestants rassemblés au secteur des hôtels sont rejoints par d'immenses groupes venus d'Achrafieh ou encore par des employés et des cadres dont les bureaux se trouvent au centre-ville. Non loin du ring, un groupe brandissant des balais, clin d'oeil à la déclaration de Walid Joumblatt (qui avait assuré qu'un jour la saleté sera balayée hors du pays) se joint à la marche. À proximité du Sérail, où l'armée et la police se sont massées, les manifestants lancent : « Nous ne voulons qu'une seule armée au Liban, l'armée libanaise », ou encore « Nous manifestons pour votre dignité, pour le cèdre que vous arborez ». Arrivés au niveau de la Maison des Nations unies, un groupe de jeunes remet à la secrétaire exécutive de l'Escwa, Mirvat Tellawi, un message adressé au secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, l'appelant « à former un comité international d'enquête sur l'attentat et à agir au plus vite pour le Liban ». Alors que les premiers manifestants arrivent place des Martyrs, d'autres se trouvent toujours à proximité de l'hôtel Saint-Georges. En attendant l'arrivée du cortège, des filles voilées et des garçons arborant la croix portent un immense drapeau où sont épinglés des portraits de Rafic Hariri, Kamal Joumblatt, Béchir Gemayel, René Moawad, Michel Aoun et Samir Geagea. Les jeunes scandent « De Beyrouth à la montagne, nous ne voulons plus des Syriens », ou encore « Musulmans et chrétiens contre la présence syrienne ». Un peu loin de la cohue, des pères de familles portent sur les épaules leurs enfants. Les petits arborent en bandanas, pour se protéger du soleil, les brassards rouge et blanc de l'opposition. Il est presque 14 heures, la place des Martyrs est noire de monde. À la tribune, des députés et des responsables de l'opposition. On distingue notamment Nayla Moawad, Marwan Hamadé, Ghazi Aridi, Akram Chéhayeb, Farès Souhaid, Pierre Gemayel, Boutros Harb, Waël Abou Faour, Élie Karamé, Carlos Eddé, Nadim Gemayel et Gebrane Tuéni. La foule agite ses drapeaux, scande ses slogans, chante ses chansons partisanes, entonne l'hymne national. Abou Faour et Tuéni prennent la parole. Devant un microphone portant le sigle de la MTV, Ghazi Aridi donne lecture du message du chef du PSP, Walid Joumblatt : « Ce pouvoir est en faillite, il est sous
tutelle, et il a bafoué la Constitution », dit-il. Rendant hommage à Rafic Hariri, il indique « Abou Bahaa, ton cercueil, porté à bout de bras, est ton trône », et s'adressant indirectement aux dirigeants, il déclare : « Leur trône est leur cercueil », soulignant en conclusion que tous les Libanais se sont réunis pour réclamer un Liban libre et souverain. À la fin de la manifestation, les organisateurs rappellent que les sit-in se poursuivront tous les soirs à partir de 18 heures place des Martyrs, jusqu'à ce que le Liban recouvre sa souveraineté. Fin de la manifestation. La statue des Martyrs, qui avait arboré les banderoles de tous les courants de l'opposition lors du rassemblement, porte – à côté de la flamme de la liberté – plusieurs drapeaux du Liban. Probablement depuis leur première installation au centre-ville, bien avant la guerre, les éléments de la statue n'ont jamais paru aussi grands. Hier, dominant la mer, la montagne et la foule, les quatre géants de bronze avaient l'air fier pour une fois d'appartenir à un peuple qui a payé un trop lourd tribut, mais qui a décidé – après des années de déchirement – d'unifier le sang de ses martyrs.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 22 février 2005

28 Février 2005
Prochains objectifs de l'opposition : la démission des patrons des SR et un gouvernement neutre ; Karamé s'en va, la démocratie triomphe
L'instant où tout a basculé
Tout le monde s'attendait, à l'ouverture hier de la session nocturne du débat de politique générale, que se poursuive, sur le même rythme, comme en matinée, le bienfaisant et légitime jeu de massacre des députés de l'opposition contre le gouvernement. Sauf que c'est Omar Karamé lui-même qui a investi la tribune, concluant très théâtralement son intervention par ces quelques mots : « J'annonce ma démission », et provoquant une véritable surprise générale. Quelques secondes à peine plus tard, à quelques mètres, plus de 70 000 Libanais massés sur la place de la Liberté/des Martyrs ont hurlé de joie comme un seul homme. Ensuite, dans toutes les ruelles, les avenues, sur les autoroutes, ils se sont retrouvés, véritable peuple arc-en-ciel toutes tendances confondues, pour fêter le triomphe de la démocratie. Émile Lahoud a accepté la démission d'Omar Karamé, et, demain soir, l'on annoncerait, dit-on, le calendrier des consultations parlementaires obligatoires. Quant à l'opposition, qui se réunirait aujourd'hui à Moukhtara, elle a d'ores et déjà annoncé ses principaux objectifs : la démission des patrons des SR libanais, l'avènement d'un gouvernement neutre et une application immédiate et complète de Taëf.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 1er mars 2005

5 Mars 2005
Le président syrien reconnaît des erreurs commises au Liban, mais demande à ses alliés libanais de faire échouer « un nouveau 17 mai qui se profile »
Assad annonce un retrait en deux temps de ses troupes du Liban
Le président syrien Bachar el-Assad a annoncé hier un retrait en deux temps de toutes les forces syriennes stationnées au Liban : les soldats de Damas doivent d'abord se redéployer vers la Békaa, avant de se replier vers la frontière. Dans son discours d'une heure devant le Parlement syrien, M. Assad a expliqué qu'il a pris la décision de retirer ses troupes parce que « Damas ne peut pas rester au Liban si sa présence est un facteur de division interne ». Le mécanisme de ce repli, qu'il a situé dans le cadre de l'application de l'accord de Taëf, sera fixé au cours d'une réunion que le Conseil supérieur libano-syrienne tiendra cette semaine, a-t-il dit. Il n'a pas évoqué les services de renseignements dont le départ est principalement réclamé par l'opposition, mais a affirmé que « le retrait de la Syrie du Liban ne signifiait pas que celle-ci n'aurait plus de rôle dans ce pays ». M. Assad a aussi fait son mea culpa, admettant que la Syrie « avait commis des erreurs dans ce pays », tout en s'insurgeant contre d'« anciens alliés à Damas qui avaient exploité la présence syrienne au Liban à des fins personnelles ». Il s'en est pris au chef du PSP, Walid Joumblatt, sans le nommer, et a critiqué de manière plus générale l'opposition libanaise, lui reprochant, sans la nommer également, de vouloir « la souveraineté de n'importe quel pays, sauf la Syrie, sur le Liban ». Le président syrien a mis en garde contre les conséquences de la 1559, en rapport, selon lui, avec le Hezbollah et l'implantation des Palestiniens. Il a lancé un message indirect à l'Onu, lorsqu'il a souligné que le rapport Annan, prévu en avril prochain, sera déterminant dans la mesure où il donnera un indice sur la volonté internationale de concilier l'application de la 1559 et les impératifs de la stabilité au Liban, un point sur lequel il est revenu plusieurs fois dans son discours. L'intervention du chef de l'État syrien, qui est apparu détendu, plaisantant à plusieurs reprises, a été ponctuée par les applaudissements nourris et les ovations debout des députés syriens et les vivats d'une foule en liesse à l'extérieur. Son discours a porté sur trois sujets : les négociations de paix, l'Irak et le dossier libanais. Concernant le Liban, le président syrien a commencé par commenter la résolution 1559 du Conseil de sécurité « qui a créé auprès des Libanais, même chez ceux qui la soutiennent, de sérieux problèmes, en raison d'éventuelles répercussions négatives de son application sur le Liban et la stabilité dans ce pays ». « En dépit de nos réserves sur la 1559, qui consacre l'ingérence de parties étrangères sous prétexte du rétablissement de la souveraineté libanaise, nous avions décidé de réagir positivement vis-à-vis de ce texte parce que nous sommes soucieux de préserver la stabilité et l'unité du Liban (...) et que notre pays respecte les résolutions de l'Onu », a ajouté M. Assad, soulignant en substance que « certaines dispositions apparentes ou cachéees » de la 1559 « avaient été préparées à l'avance, juste après la guerre contre l'Irak ». Il a adressé sa première critique à l'opposition en déclarant : « Cette résolution n'a donc rien à voir avec la prorogation du mandat du président Émile Lahoud. Plus personne ne parle d'ailleurs de cette prorogation, sauf certaines parties qui en sont lésées et qui ont envoyé une note d'information tardive à ce sujet (aux États-Unis). Sauf que ce dossier est maintenant du passé. Qu'ils cherchent donc autre chose. » Selon le président Assad, l'appel au retrait des troupes syriennes est « l'élément le plus simple de la 1559, car la Syrie n'est pas par principe hostile à un retrait du Liban qu'elle a déjà entamé, en l'an 2000 ». « Ce sont les autres dispositions qui posent un problème, surtout au Liban qu'elles ramènent en arrière, vers les années 80 et 70 », a-t-il ajouté en allusion à la guerre, en précisant que c'est le rapport du secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, sur le degré d'application de la 1559, « qui déterminera l'orientation positive ou négative de ce texte ». Il a insisté sur le fait qu'» un retrait de la Syrie du Liban ne
signifiait pas que celle-ci n'aurait plus de rôle dans ce pays. Au contraire, nous serons plus libres et plus dynamiques pour traiter avec le Liban ». « Il n'est pas permis que Damas reste un jour de plus au Liban si une unanimité libanaise se forme autour du départ de la Syrie. Il n'est pas non plus permis que la Syrie reste si sa présence est une source de division interne, car nous sommes entrés au Liban pour éviter les divisions », a encore dit M. Assad, estimant qu'un retrait syrien « ne nuit pas aux intérêts syriens, mais les consolide. Voilà pourquoi nous avions entamé en l'an 2000 un repli ». « Que l'Onu nous dise ce qu'elle veut » Les retraits progressifs, au nombre de cinq, « ont eu l'avantage de maintenir la stabilité au Liban », selon le président syrien qui a mis l'accent à plusieurs reprises dans son discours sur le fait que la Syrie « n'a aucun problème avec l'Onu ou avec la 1559 ». « Le seul problème, a-t-il enchaîné, est que cette résolution ne prévoit aucun mécanisme (d'application) contrairement à l'accord de Taëf. ». « "Ils" exigent un retrait et chaque pays donne sa propre définition d'un repli. Nous sommes favorables à des retraits progressifs, organisés en coordination avec les institutions libanaises, mais si les Nations unies jugent en revanche que nous devons nous retirer rapidement en dépit d'éventuelles répercussions négatives sur le Liban, qu'elles assument la responsabilité de leur décision. Nous ne dirons non à rien, mais que l'Onu détermine ce qu'elle veut. Jusqu'à présent, elle ne l'a pas fait », a-t-il fait valoir. Selon lui, « les orientations des partisans de la 1559 vont à l'encontre du maintien de la stabilité au Liban, même si leurs déclarations vont dans ce sens ». Le président Assad a insisté sur le fait que le rapport Annan, prévu en avril prochain, sera déterminant dans la mesure où il donnera un indice sur la volonté internationale de concilier les impératifs de la stabilité au Liban et l'application de la 1559. « S'il s'avère, a poursuivi le chef de l'État syrien, que le rapport est soumis aux caprices de certains au sein de la communauté internationale, nous aurions perdu notre temps en espérant un développement positif. Si, au contraire, il est fondé sur la résolution, il sera impératif de répondre aux trois questions suivantes : comment sera-t-il possible de concilier l'application de la 1559 et le maintien de la stabilité ? Comment sera-t-il possible de trouver une plate-forme commune à la 1559 et à la souveraineté libanaise, s'il est vrai que cette résolution a été adoptée pour rétablir la souveraineté libanaise que représente normalement un État. Et si cet État demande quelque chose qu'il souhaite à l'Onu ? Est-ce que vous seriez prêts à vous conformer à sa volonté ? Par conséquent, quelle est la définition de la souveraineté ? Expliquez-nous ce concept. Dites-nous qui le détermine. Troisième question à laquelle il faudra répondre : comment sera-t-il possible de concilier l'accord de Taëf et la 1559, sachant que le Taëf est cité dans le texte de la résolution et qu'il est officiellement reconnu par l'Onu ? S'il est possible d'apporter des réponses objectives à ces trois questions, la 1559 pourra alors assurer la stabilité au Liban et servir les intérêts du Liban, de la Syrie et de la région. » Et de poursuivre : « Nous ne devons pas adopter une attitude négative vis-à-vis de cette résolution. En réalité, celle-ci se trouve actuellement dans une zone grise, ni noire ni blanche. Nous attendons l'arrivée de (l'émissaire spécial d'Annan chargé de la mise en oeuvre de la 1559, Terjé) Roed-Larsen, dans dix jours à Damas, afin de poursuivre le dialogue. Si vous l'avez remarqué, il avait tenu un discours positif sur Taëf et le traité de fraternité (libano-syrien), après notre dernier entretien. L'escalade a commencé juste après. » Damas n'est pas dans une mauvaise posture Après avoir rappelé les missions européennes à Damas, le président Assad a qualifié de « fausse l'impression selon laquelle la Syrie se trouvait dans une mauvaise posture et avait besoin d'être aidée pour qu'une issue honorable lui soit assurée dans le dossier libanais ». « Notre réponse a été la suivante : les forces syriennes auront la face sauve lorsque leur mission au Liban sera couronnée de succès et elle l'a été en 1990 », a-t-il asséné, sous un tonnerre d'applaudissements. Si, entre-temps, les forces syriennes sont restées au Liban « même après le succès de leur mission, c'est pour s'assurer de la préservation de la sécurité dans ce pays ». Et d'ajouter : « Il est normal, lorsque des forces militaires restent désoeuvrées, en dehors de leurs camps, dans un pays qui n'est pas
le leur, que leurs capacités régressent et qu'ils ne soient plus aptes à exécuter convenablement leurs missions. Elles représentent alors un poids sur le double plan matériel et politique. » Le président Assad a ensuite dit avoir retardé exprès son discours « parce que je voulais suivre de près l'évolution des événements et la volonté des gens ». Il a dénoncé « une campagne systématique, menée notamment par des médias, qui prend pour cible la Syrie ». « Je défie les auteurs, a-t-il martelé, de m'expliquer les raisons pour lesquelles nous avons entamé des retraits progressifs depuis l'an 2000, s'il est vrai que nous tenons à rester au Liban et que c'est sous la pression internationale que nous quittons ce pays, comme ils le prétendent. S'ils peuvent me le dire, je leur dirai "chapeau" (en français dans le texte). » « Certains médias évoquent des cartes que la Syrie brandit face à l'Onu et à la communauté internationale. Je ne pense pas que la Syrie ait jamais brandi une quelconque carte face aux Nations unies et je ne crois pas qu'un pays, même une superpuissance, peut le faire. L'expérience irakienne est claire à ce sujet. Même le plus grand pays du monde perd et échoue quand il contrecarre la volonté de la communauté internationale. » L'implantation, clause cachée de la 1559 Bachar el-Assad a également évoqué ceux qui ont essayé, les quelques jours passés, « de déformer le contenu des rencontres » qu'il avait eues avec certains responsables arabes. « Ils ont voulu faire croire que la Syrie a été leur demander de l'aide, et qu'ils ont fait pression sur la Syrie, qu'ils l'ont terrorisée ou convaincue. Que les choses soient claires : Roed-Larsen est venu deux fois ; en 2000, nous lui avons dit que nous allions coopérer, et le mois dernier, nous lui avons assuré que quand leur vision sera claire, nous serons prêts à nous retirer », a indiqué le chef de l'État syrien. « Alors, quand nous rencontrons un responsable arabe, nous lui expliquons que nous ne nous opposons ni à Taëf ni à la 1559 ; tous comprennent la position syrienne et l'appui, contrairement à ce que les médias prétendent », a-t-il assuré. Pour lui, le problème de la résolution onusienne ne réside pas dans la clause du retrait, « ça y est, c'est fait », a-t-il dit. Le problème, « c'est cette clause cachée non pas dans la 1599, mais dans l'utilisation que l'on en fera dans l'avenir ; le problème, c'est l'implantation et ce qui touche à la résistance, c'est tout ce qui a commencé après la guerre d'Irak, l'assassinat du président Arafat, du président Hariri sans doute pour faire pression sur la Syrie, la situation en Irak, etc. », a-t-il estimé. Évoquant « le crime abject » contre l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, il a déclaré que cela visait « l'unité et la stabilité du Liban, ainsi que le rôle et la place de la Syrie au Liban et dans la région », insistant sur la nécessité de faire la lumière sur l'identité des criminels. Pour Bachar el-Assad, ce crime à été utilisé par certains au Liban, « sous le choc, obéissant à un plan suspect préparé à l'avance, ou alors animés de mauvaises intentions, pour raviver l'animosité à l'encontre des Syriens et augmenter les accusations contre elle ». Chaque crime, a-t-il ajouté, entraîne plusieurs hypothèses, « sauf celui-là : on n'accuse que la Syrie, cela est bizarre, cela a permis à certaines parties internationales de multiplier leurs accusations et s'en prendre d'une façon injustifiable à la Syrie, qui n'a jamais été avare de ses moyens ou de son sang pour assurer la victoire de certains de ces accusateurs. Mais la Syrie est plus grande que cela et ne répondra pas », a affirmé Bachar el-Assad. Les erreurs Et dans une démarche assez inédite, le président syrien a reconnu, « clairement et en toute transparence », que « des erreurs ont été commises sur la scène libanaise. Nous sommes entrés dans un nombre de détails et de mesures, nous nous sommes enthousiasmés parfois dans nos relations avec une partie des Libanais au détriment d'une autre, nous croyions que notre façon de traiter avec la situation renforçait le soutien de la Syrie en faveur de la stabilité du Liban. Sauf que la réalité n'était pas ainsi », a-t-il avoué. « De même, le fait que certains ont profité de la présence syrienne pour consacrer des intérêts étroits, matériels, politiques, électoraux ou autres a contribué à augmenter les côtés négatifs. Mais nous n'oublions pas le rôle joué par les loyaux et les fidèles au Liban, qui ont combattu, avec nous, les ennemis du Liban et de la Syrie, et travaillé, avec nous, pour le bien » des deux pays, a ajouté Bachar el-Assad. « L'accord de Taëf s'est imposé à toutes les milices au Liban ; certains ont été convaincus que
l'État était l'abri naturel, d'autres pas, mais ils ont intégré cet État. Pour nous, la priorité après la réunification de Beyrouth était de garantir la paix civile, puis de lancer l'opération politique, avec les législatives de 1992. Nous voulions satisfaire tout le monde à l'époque, parce que nous ne voulions pas de problèmes, nous voulions que tous les Libanais se tiennent aux côtés de l'État », a enchaîné le président syrien, avant de commencer à s'en prendre sans la nommer à l'opposition libanaise en général et à Walid Joumblatt en particulier. « Après la guerre, certains ont accusé pendant des années l'État d'être milicien, et l'utilisation d'une façon directe de la Syrie a commencé à se répandre, certains s'autoproclamaient alliés de la Syrie, utilisant cette relation pour asseoir leurs intérêts personnels, des Libanais les accusant même d'être des commerçants politiques », a dit le n° 1 syrien. « Vous connaissez la plupart de ceux qui achetaient et vendaient des positions politiques, et lorsque nous avions tranché en faveur de l'État, les problèmes avec ceux-là ont commencé. Ils ont commencé à parler de souveraineté ; c'est certes honorable quand chaque citoyen évoque la souveraineté dans son pays, et lorsque les Libanais le font, nous les soutenons. Mais nous voulons savoir : de quelle souveraineté parlent-ils ? » s'est demandé Bachar el-Assad. « Il semble que ce ne soit pas la souverainté des Libanais sur le Liban qu'ils évoquent, mais la souveraineté de n'importe quel pays – sauf la Syrie – sur le Liban. Lorsque n'importe quel responsable étranger vient au Liban, qu'il tient, à partir d'une tribune officielle ou non officielle, des propos touchant le coeur de leurs affaires internes, vous remarquez qu'ils sont satisfaits, heureux. Et lorsque cela concerne la Syrie, cela implique immédiatement que nous sommes contre la souveraineté », a-t-il déclaré. « Cette image fait naturellement partie du Liban, depuis 200 ans il y a toujours des forces qui tendent la main à l'étranger, et elles échouent, comme en 58, comme en 69, comme en 83, lorsqu'elles n'ont pas pu donner vie aux accords du 17 mai. Ces forces échoueront à chaque fois, tant qu'il restera des forces nationales », a-t-il dit. « Je tiens à rappeler deux choses : nous n'avons aucun intérêt au Liban lorsque prime le marché des calculs mesquins et des intérêts étroits. Si intérêt il y a, c'est d'un intérêt national stratégique qu'il s'agit, nous avons supporté avec nos frères le poids de cette relation, à la lumière de notre vision et de notre conviction concernant la concomitance des deux destins. Mais nous supportons seuls le poids de notre présence armée au Liban », a-t-il estimé. Les retraits « Deuxième vérité, a enchaîné M. Assad, la force et le rôle de la Syrie au Liban ne dépendant pas de la présence des forces syrienes, mais des liens historiques et géographiques, politiques, spirituels et humains entre les deux pays. Nous ne voulons pas que les liens avec le Liban soient compromis par les erreurs de certains : il s'agit, le plus souvent, bien entendu, d'hommes politiques. » Le chef de l'État syrien s'en est ensuite pris violemment à la « traîtrise » et à « l'ingratitude » de certains Libanais à l'égard de Damas. Il a affirmé : « Je m'adresse aux Syriens et aux Syriennes pour leur dire que je comprends le sentiment d'amertume que vous ressentez devant tant d'ingratitude, de traîtrise et de manque de loyauté à l'égard de ce que la Syrie a offert au Liban. Mais ceux qui manifestent ces sentiments ne sont pas représentatifs (...) Nous savons tous la nature de ces groupes et de ceux qui les manipulent et je souhaite que vous ne réagissiez pas (...) Une nouvelle vision des rapports avec nos frères libanais est nécessaire (...) ». Après ces préambules, le chef de l'État syrien a ensuite entrepris d'annoncer le retrait de l'armée syrienne : « Dans le prolongement des mesures déjà prises dans le cadre de l'accord de Taëf (1989), qui est compatible avec la résolution 1559 du Conseil de sécurité, nous allons retirer toutes nos forces stationnées au Liban jusqu'à la Békaa et ensuite juqu'à la frontière syro-libanaise, a-t-il annoncé. J'ai convenu avec le président libanais Émile Lahoud de convoquer dans la semaine une réunion du Conseil supérieur syro-libanais dans le courant de cette semaine pour discuter du plan de retrait. » « Bien entendu, quand ces mesures seront achevées, la Syrie aura rempli tous ses engagements relatifs à l'accord de Taëf et exécuté les dispositions de l'accord 1559 », a-t-il enchaîné. S'adressant aux alliés de la Syrie au Liban, le président Assad leur a demandé d'être
vigilants : « Un nouvel accord du 17 mai se profile à l'horizon, a-t-il dit. Préparez-vous à le faire échouer comme vous avez fait échouer le premier accord, il y a un peu plus de deux décennies. »
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 6 mars 2005

11 Mars 2005
Les éléments des SR sont prêts à se retirer, déclare Mrad ; L'armée syrienne évacue tout le Liban-Nord et entame son repli du Metn
La première phase du redéploiement syrien, entamée à l'issue de la réunion du Haut Conseil libano-syrien, lundi dernier, est désormais bien visible sur le terrain. Les soldats syriens ont évacué, hier, la totalité de leurs positions au Liban-Nord, mais les six bureaux des services de renseignements dans la région sont toujours en place. Les troupes de Damas stationnées depuis 1976 dans le Metn, notamment au Bois de Boulogne et à Dhour el-Choueir, avaient bouclé leurs bagages dans l'après-midi et attendaient leur évacuation imminente. Dans le caza d'Aley, l'armée syrienne a quasiment terminé son repli et l'armée libanaise s'est déployée dans les anciennes positions syriennes, où elle a été accueillie avec joie par la population. Le ministre de la Défense sortant, Abdelrahim Mrad, a indiqué que « cette phase du repli, vers la Békaa et la Syrie, doit durer une semaine à dix jours », précisant que les troupes syriennes allaient se replier jusqu'à la localité de Jdita, dans la Békaa. M. Mrad a ajouté que les services de renseignements syriens, y compris leur commandement à Beyrouth, étaient fin prêt à se retirer.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 12 mars 2005

14 Mars 2005
Les manifestants sont venus en voiture, en bus, à pied ou... par la mer
Plus d'un million de Libanais ont marché hier sur la place de la Liberté
Les Libanais des quatre coins du pays ont marché hier sur Beyrouth. Plus d'un million de manifestants sont venus en voiture, en bus, à vélo, à pied ou même par voie de mer pour participer au plus grand rassemblement que le pays ait jamais connu. Ce chiffre n'englobe pas les centaines de milliers de citoyens bloqués sur les routes menant à la place de la Liberté. « Ce rassemblement est au moins deux fois et demie plus important » que celui organisé mardi dernier par le Hezbollah, selon le conseil municipal de Beyrouth. Couverte par les drapeaux libanais, la marée humaine a investi l'ensemble des 200 000 m2 de la place des martyrs, et débordait sur les places adjacentes et les grandes artères de la capitale. Les manifestants ont envahi la grue placée sur le chantier de la mosquée al-Amine, et occupé l'édifice et les toits des bâtiments entourant la place. Dans le périmètre de la sépulture de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et de ses sept compagnons, quelque cinq cents chaises ont été installées pour accueillir les dignitaires religieux, les personnalités et les députés, qui ont d'ailleurs participé massivement à ce rassemblement. Dès les premières heures de la journée donc, les foules, débordant d'enthousiasme, ont commencé à affluer par convois à la place des martyrs. De Baalbeck à Bourj-Hammoud, du Akkar à Saïda, de Zahlé, Batroun, Hazmieh, Ersal, Tripoli, Baabda, Zghorta, Jbeil, Minieh, Aley, Deir el-Qamar... toutes les composantes de la société libanaise s'étaient retrouvées place des Martyrs pour réclamer le « retrait syrien total », la « liberté », la « souveraineté », l'« indépendance » et la vérité sur les circonstances de l'assassinat de Rafic Hariri. Trente ans de divisions effacées « Nous participons régulièrement aux manifestations, confie un jeune de Baalbeck. Nous avons affrété des bus à cet effet. Nous continuerons à participer à ces rassemblements jusqu'à ce que le dernier soldat syrien quitte le territoire libanais. » Et de préciser que certains habitants du village sont même venus à cheval. Simone, une sexagénaire, confie que pour elle, qui a vécu l'avant-guerre, cette mobilisation « efface trente années de division ». « C'est magnifique, s'exclame-t-elle. La foule rassemblée aujourd'hui prouve que le peuple a toujours été uni. Ce sont en fait les chefs qui ont essayé de nous diviser. Nous avons vécu en subissant un lavage de cerveau de la part des dirigeants chrétiens et musulmans. Aujourd'hui, nous réalisons que nous ne sommes pas différents dans nos croyances politiques. Je porte les couleurs de l'opposition car je suis convaincue que le mouvement créé par Hariri est vital pour l'union nationale et l'essor économique. Grâce à lui, le Liban a été introduit dans les sphères internationales. Et les Libanais ne sont plus prêts à écouter des discours sectaires et fanatiques. » Et Simone de souligner que les manifestations doivent cesser « parce que nous devons continuer à travailler ». « D'ailleurs, la manifestation d'aujourd'hui prouve que nous avons atteint notre but », insiste-t-elle. Un avis que ne partagent pas un grand nombre de manifestants qui assurent que la mobilisation doit se poursuivre si « nos revendications ne sont pas atteintes ». « Nous sommes dans un pays démocratique et nous allons continuer à manifester. N'est-ce pas cela la démocratie ? » lance un jeune protestataire. Et une mère de trois enfants de renchérir : « Le Hezbollah a organisé une manifestation pour nous intimider. Nous avons relevé le défi et gagné le pari. Nous l'invitons à joindre les rangs de l'opposition avant qu'il ne soit trop tard. » Pertinence, patriotisme et humour Depuis vingt-huit jours que dure cette mobilisation, les slogans antisyriens, souverainistes et patriotiques étaient, comme d'habitude, au rendez-vous. Les Libanais se sont surpassés en matière de créativité, lançant ainsi des messages pertinents et percutants, souvent non sans humour : « Révolution antinatation », lit-on sur une banderole. Ou encore : « Non aux apparatchiks, Non au régime des mollahs », « Budapest 56, Prague 68, Beyrouth 2005 », « De Prague à Gdansk, à Tian'anmen, à Berlin, à Bucarest, à Kiev, à
Beyrouth, une seule bataille : liberté », « Prévisions 2005 : le lion (Assad) est l'horoscope le plus malchanceux », « Deux millions sans les frères », « Si vous voulez la vérité, appelez le 1559 », « Vive la Syrie en Syrie ». Certaines pancartes invitaient même le chef de l'État à démissionner. Dans un coin de la place, trois petits cousins, âgés de 9, 10 et 11 ans, chantaient, sous l'oeil amusé et fier de leurs parents tous venus de Ferzol dans la Békaa. Ils criaient qu'ils veulent uniquement « le drapeau libanais », « le peuple libanais » et « les légumes libanais ». Plus loin, des enfants de 3 et 4 ans, installés sur les épaules de leurs parents, scandaient des slogans antisyriens que répétait en choeur la foule qui les suivait. Unis pour défendre le Liban Comme tous les lundis depuis le funeste attentat du 14 février, une minute de silence a été observée en mémoire des victimes. Puis l'hymne national a été entonné à l'unisson, au son de l'orchestre de Michel Éleftériadès, suivi de chansons patriotiques au rythme desquelles la foule dansait la dabké. De temps à autre, des discours de Rafic Hariri étaient diffusés par haut-parleurs et, de sa voix enregistrée, on pouvait entendre : « Dans ce pays, la vérité finira toujours par apparaître » ou « Le Liban ne peut pas vivre sans démocratie ». Des ballons blancs et rouges ont été lâchés ainsi qu'un cerf-volant en forme de colombe portant le drapeau libanais. Un grand coeur bleu a été accroché sur l'une des façades de la mosquée sur lequel on lisait en langue arabe : « Ta mort a renforcé ta présence ». D'autres coeurs, portant la phrase « Nous serons unis de nouveau », ont été distribués, notamment aux enfants. Prenant la parole aux côtés de plusieurs représentants de l'opposition, le PDG du quotidien an-Nahar, Gébrane Tuéni, a fait prêter aux manifestants le serment suivant : « Nous jurons par Dieu tout-puissant, musulmans et chrétiens, de rester éternellement unis pour défendre le Liban. » Hier, plus d'un quart de la population libanaise est descendue dans la rue pour réitérer son attachement à un Liban libre et indépendant, pour « assumer son histoire et son destin », comme l'a souligné l'ex-Premier ministre socialiste français Pierre Mauroy. La révolution du Cèdre a indéniablement marqué de son empreinte le nouveau printemps du Liban.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 15 mars 2005

15 Mars 2005
Le patriarche maronite sera reçu aujourd'hui par Bush
Sfeir à Washington : « Je suis là en pèlerin de la paix et en ami de la démocratie »
Arrivé lundi soir à Washington pour une visite de huit jours aux États-Unis, à l'invitation du président américain, le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, sera reçu aujourd'hui à 13h40, heure de Washington ( 20h40 heure de Beyrouth) à la Maison-Blanche. « Je viens en pèlerin de la paix et en ami de la démocratie », a affirmé le chef de l'Église maronite, au cours d'une courte allocution prononcée à son arrivée, devant les officiels américains venus l'accueillir. En l'absence du chef du département d'État, Condoleezza Rice, le patriarche a rencontré hier soir M. Robert Zoellick, son premier adjoint. La rencontre entre le patriarche et le président George Bush, qui revêt en la circonstance une dimension historique, est la deuxième du chef de l'Église maronite avec un président américain. Le patriarche Sfeir a, en effet, rencontré en 1988 le président Ronald Reagan. Par ailleurs, le patriarche Sfeir n'est pas le seul patriarche maronite à avoir été reçu par un président américain, puisque le patriarche Méouchy avait été reçu en 1962 par le président Kennedy, tandis que le patriarche Khoreiche l'était, au début des années 80, par le président Reagan. Un voyage de 13 heures Le patriarche était arrivé à l'aéroport de Dulles hier, à 4 heures, heure locale (21 heures, heure de Washington), à bord d'un appareil privé mis à sa disposition par l'homme d'affaires Gilbert Chaghouri, au terme d'un voyage de 13 heures coupé par une escale de 30 minutes à l'aéroport irlandais de Shannon. À sa descente d'avion, il a été salué par tous les évêques maronites aux États-Unis, ainsi que par le directeur des Relations publiques du Conseil de sécurité américain, Simon Abinader, l'attaché militaire libanais à Washington, le général Tony Aboujaoudé, et des notables de la communauté libanaise aux États-Unis. Étaient également présents le président du conseil politique des Forces libanaises, Joseph Gebeïly, celui du Courant patriotique libre, Tony Haddad, ainsi que M. Jean Aziz, représentant de Kornet Chehwane. Accueilli avec les slogans de Beyrouth, « Hé, yalla » et « Syrie dehors », le patriarche a remarqué, dans un sourire : « Après 13 heures de vol, on se croirait toujours à Beyrouth. » Au salon d'honneur de l'aéroport, le patriarche Sfeir a prononcé une courte allocution dans laquelle il a déclaré : « Je remercie le président George Bush pour son invitation (...). Je suis aux États-Unis en pèlerin de la paix et en ami de la démocratie. Je viens d'un pays décrit par le pape comme étant plus qu'un pays, un message de fraternité et de coexistence pour le monde entier. » « Je ne peux vous cacher que nous avons connu les guerres, les conflits et les divisions dix-sept années durant. Mais je rends grâce à Dieu que nous avançons aujourd'hui vers la réconciliation véritable, la paix, le dialogue et l'unité. Donnons au Liban l'occasion de retrouver la place qui lui appartient dans la communauté des nations. Je suis venu aujourd'hui en tant que chrétien, en tant que patriarche des maronites et en tant que cardinal de l'Église universelle. Mais cela ne signifie pas que je suis loin de la société musulmane. » Et d'ajouter : « Je suis fier de la détermination des Libanais à vivre côte à côte et à oeuvrer ensemble pour un avenir meilleur, et je remercie Dieu de pouvoir me tenir devant les peuples du monde pour redire avec Thomas Jefferson : "Le Dieu qui nous a donné la vie, nous a donné aussi la liberté". Nous demeurerons attachés à notre liberté. Que Dieu bénisse le Liban et les États-Unis ».
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 16 mars 2005

Le 24 Mars 2005
Investigation sur les causes, les circonstances et les conséquences du drame
Le rapport des Nations- Unies sur l'assassinat de Rafic Hariri
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Nous publions ci-dessous la traduction intégrale non officielle du rapport de Peter Fitzgerald, chef de la mission d'investigation de l'Onu sur « les causes, les circonstances et les conséquences » de l'assassinat de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri. Le rapport officiel a été rédigé en anglais. La mission d'investigation a duré du 25 février au 24 mars 2005.
Introduction
1. Le 14 février 2005, une explosion dans le centre-ville de Beyrouth a tué vingt personnes, parmi lesquelles l'ancien Premier ministre, Rafic Bahaeddine Hariri. Ont également été tués Yahia Moustapha el-Arab, Mohammed Ben Saadeddine Darwich, Talal Nabil Nasser, Ziad Mohammed Tarraf, Omar Ahmed el-Masri, Mohammed Riad Hussein Ghalayini, Mazen Adnane el-Dahabi, Yamama Kamel Dharine, Haytham Khaled Osman, Alaa Hassan Asfour, Zahi Halim Abou Rjeyli, Joseph Émile Aoun, Rima Mohammed Raef Bazzi, Ryad Hussein Haidar, Sobhi Mohammed el-Khodr, Abdo Toufic Boufarah, Abdel Hamid Mohammed Ghalayini, Mahmoud Saleh el-Khalaf, Mohammed Saleh el-Hamad el-Mohammed. En sus des tués, Farhan Ahmed el-Issa est toujours porté disparu et présumé victime. 220 autres personnes ont été blessées.
2. Le 15 février, le président du Conseil de sécurité a publié, de la part du Conseil, une déclaration demandant au secrétaire général de « suivre de près la situation au Liban et d'établir d'urgence un rapport sur les circonstances, les causes et les conséquences de cet acte terroriste ». Le secrétaire général a annoncé, le 18 février, qu'il envoyait à Beyrouth une mission de recherche des faits pour réunir autant d'informations que nécessaire afin qu'il puisse faire rapport au Conseil de sécurité de manière diligente. Après un échange de lettres entre le secrétaire général et le président du Liban, une mission dirigée par Peter Fitzgerald, commissaire divisionnaire de la police irlandaise, la Garda Siochina, et comprenant deux policiers enquêteurs, un conseiller juridique et un conseiller politique, a été envoyée au Liban pour réunir les faits au sujet des causes, des circonstances et des conséquences de l'assassinat. En renfort, des experts en explosifs, en balistique, en ADN et en examen de la scène du crime ont été dépêchés le 6 mars, avec l'assentiment des autorités libanaises, pour examiner la scène du crime et les échantillons qui y ont été prélevés.
3. Depuis leur arrivée à Beyrouth le 25 février, les membres de la mission de recherche des faits (citée dans la suite du texte comme « la Mission ») ont rencontré un grand nombre d'officiels libanais, de représentants de différents groupes politiques. Ils ont passé en revue les investigations libanaises et les procédures légales, examiné la scène du crime et les preuves réunies par la police locale, collecté et analysé des échantillons prélevés sur la scène du crime, interviewé en relation avec le crime quelques témoins. Du moment que certaines personnes interviewées ont requis l'anonymat, ce rapport n'inclut pas une liste complète des interviewés. La Mission a clôturé son enquête au Liban le 16 mars 2005. Le présent rapport comprend ses découvertes et ses recommandations.
II. Découvertes
4. Les découvertes de la Mission s'inscrivent sous les trois catégories définies par le Conseil de sécurité : les causes, les circonstances et les conséquences.
Causes
5. Les « causes » spécifiques de l'assassinat de M. Hariri ne peuvent être établies d'une manière fiable avant que les coupables ne soient traduits en justice. Il est cependant clair que l'assassinat a eu lieu dans un contexte politique et sécuritaire marqué par une polarisation tenue autour de l'influence syrienne au Liban et par l'échec de l'État libanais à prodiguer une protection appropriée à ses citoyens.
Le contexte politique
6. Le Liban a fréquemment servi de champ de bataille aux protagonistes du conflit arabo-israélien, avec un impact dévastateur sur son unité nationale et sur son indépendance, comme le montrent la tragique guerre civile (1975-1990) et les campagnes militaires variées sur son sol. La Syrie a maintenu une présence militaire au Liban depuis mai 1976 avec le consentement du gouvernement libanais. Elle a aussi exercé une influence politique sur les affaires libanaises, une influence qui a sensiblement augmenté depuis 1990 et qui a été consacrée en 1991 par un traité de « fraternité, de coopération et de coordination ».
7. L'influence syrienne au Liban est généralement restée sans contestation jusqu'à ce qu'Israël retire ses forces du Liban-Sud en 2000. Des pôles politiques ont commencé à élever la voix pour exprimer leur opposition à la perpétuelle influence syrienne, en appelant à compléter l'application des clauses restantes de l'accord de Taëf (1989), qui si elle était parachevée aurait substantiellement réduit la présence syrienne au Liban, jusqu'à un possible retrait total. Bien que M. Hariri évitât soigneusement ces débats, ses relations avec le président Émile Lahoud, qui est généralement décrit comme le favori de la Syrie, étaient tendues. Comme l'a dit à la Mission un éminent officiel de sécurité proche de la Syrie, les deux hommes avaient de fréquents conflits durant le mandat de M. Hariri (2000-2004) à un point que cela nécessitait « une intervention extérieure et une médiation sur une base quotidienne ». Le conflit entre M. Lahoud et M. Hariri affectait la capacité de ce dernier à diriger le gouvernement, à mener à bien ses politiques, parfois jusqu'à la paralysie. Les difficultés de M. Hariri avec M. Lahoud étaient largement interprétées comme un signe de défiance de la Syrie à l'encontre du disparu.
8. Le mandat de M. Lahoud dans ses charges aurait dû venir à terme en 2004, sans possibilité de renouvellement, selon la Constitution. M. Hariri espérait clairement que la fin du mandat de M. Lahoud lui permettrait de regagner le contrôle de son gouvernement. Cependant, durant 2004, certaines voix au Liban ont suggéré que l'on amendât la Constitution pour permettre une extension du mandat de M. Lahoud. Cette possibilité est devenue une partie du débat sur la présence syrienne au Liban, qu'elle a alimenté par la suite. Selon la distribution des sièges au Parlement, un amendement constitutionnel nécessitait le soutien du bloc de M. Hariri, un appui qu'il n'était pas préparé à prodiguer. Plus encore, nous avons été informés par des sources fiables que M. Hariri s'était arrangé pour obtenir des dirigeants syriens un engagement à ne pas rallonger le mandat de M. Lahoud.
9. Cependant, la direction syrienne a décidé par la suite de soutenir un rallongement du mandat présidentiel de trois ans au lieu de six. La pression pour la prorogation était considérable, suscitait de la division et conduisait à des conséquences de longue portée. Comme l'a dit à la Mission un officiel libanais proche de la direction syrienne, la décision syrienne adressait à M. Hariri un message clair de devoir partir : « Il n'y avait pas moyen que les deux puissent travailler ensemble. » M. Hariri a rencontré le président Assad à Damas, dans une dernière tentative de le convaincre de ne pas soutenir la prorogation. La mission a reçu des échos de cette rencontre de diverses sources au Liban et ailleurs, toutes les sources affirmant avoir recueilli leurs données auprès de M. Hariri lui-même peu après l'entrevue. La mission n'a pas d'échos du côté de M. Assad : les autorités syriennes ont refusé la demande de la mission de le rencontrer. Les témoignages reçus se recoupent, se corroborent les uns les autres presque verbatim.
10. Selon ces témoignages, M. Hariri a rappelé à M. Assad sa promesse de ne pas chercher à étendre le mandat de M. Lahoud, et M. Assad a répliqué qu'il y avait eu un retournement politique, que la décision était déjà arrêtée. Il a ajouté qu'on devait considérer M. Lahoud comme son représentant personnel au Liban et que « s'opposer à lui revenait à s'opposer à Assad lui-même ». Il a ajouté qu'il (M. Assad) « casserait le Liban sur les têtes de (M.) Hariri et (du leader druze Walid) Joumblatt, plutôt que de voir sa parole cassée au Liban ». Selon les témoignages, M. Assad a alors menacé aussi bien M. Hariri que M. Joumblatt de sévices physiques s'ils s'opposaient à la prorogation pour M. Lahoud. L'entretien, indique-t-on, a duré dix minutes, et c'était la dernière fois que M. Hariri rencontrait M. Assad. Après la rencontre, M. Hariri a dit à ses supporters qu'ils n'avaient pas d'autre option que de soutenir la prorogation pour M. Lahoud. La Mission a également reçu des indications de menaces ultérieures proférées à l'encontre de M. Hariri par des officiels de sécurité au cas où il s'abstiendrait de voter en faveur de la prorogation « ou même au cas où il songerait à quitter le pays ».
11. Le 2 septembre 2004, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1559 qui, entre autres clauses, appelle « toutes les forces étrangères restantes à se retirer du Liban » et « déclare son soutien à un processus électoral libre et juste au Liban, à une élection présidentielle organisée conformément aux règles constitutionnelles libanaises en vigueur sans interférence ou influence étrangère ». On croit ferme, au Liban et ailleurs, que M. Hariri a prodigué un appui actif à cette résolution. De nombreuses sources au Liban ont informé la Mission que la direction syrienne a tenu M. Hariri personnellement responsable de l'adoption de cette résolution qui a marqué la fin d'une quelconque confiance ayant pu exister entre les deux parties. Le 3 septembre, le vote sur la prorogation a eu lieu au Parlement. M. Hariri et son bloc ont voté en sa faveur. Trois ministres ont voté contre, dont Marwan Hamadé, un proche allié aussi bien de M. Hariri que de M. Joumblatt. L'amendement a passé, et le mandat de M. Lahoud a été rallongé de trois ans. Le 9 septembre, M. Hariri a annoncé sa démission.
12. La tension politique a atteint un nouveau sommet avec cette démission. Un nombre croissant de pôles politiques ont alors rejoint ce que plus tard on a appelé l'« opposition ». Qui militait surtout pour un réexamen des relations syro-libanaises. Certains leaders opposants préféraient que la révision de ces relations se fasse en base de la résolution 1559 ; d'autres, en base de l'accord de Taëf. Les prochaines élections législatives étaient largement considérées comme devant constituer un tournant, et il était clair que les protagonistes se préparaient pour une lice finale. Jusqu'à la prorogation pour M. Lahoud, l'opposition était principalement composée de politiciens et de groupes chrétiens. La décision de M. Joumblatt et de son bloc de s'y rallier, d'y unir leurs forces a constitué un développement majeur dans la mesure où la coalition opposante débordait désormais les lignes confessionnelles, particulièrement en regard de l'alliance traditionnelle de M. Joumblatt avec la Syrie. La démission de M. Hariri a apporté à l'opposition un surcroît de force en y faisant entrer la large et influente communauté sunnite.
13. Le 2 octobre, l'ancien ministre Marwan Hamadé a échappé à la mort de justesse quand une bombe a explosé près de sa voiture. Son garde du corps a été tué dans l'explosion. L'attentat contre la vie de M. Hamadé a soulevé une vague de choc à travers le Liban et a rajouté au clivage. Les coupables de la tentative d'assassinat n'ont pas été identifiés, et l'impression générale était qu'ils ne le seraient pas. Une atmosphère tendue a régné sur une scène libanaise « où chacun était sous la menace », comme plus d'un officiel de sécurité l'a dit à la Mission. Une large frange de gens, au Liban et ailleurs, ont dit à la Mission que M. Hariri et M. Joumblatt craignaient pour leur vie et voyaient dans l'attentat contre la vie de M. Hamadé une résultante de la lutte de pouvoir engagée avec la direction syrienne.
14. Dans le sillage de cette escalade de la tension, la consolidation de la coalition de l'opposition se poursuivait, en même temps que les préparatifs pour les prochaines élections
législatives. Des contacts et des négociations ont eu lieu entre M. Joumblatt, M. Hariri et le leader maronite exilé M. Michel Aoun. Fin janvier 2005, il y avait un formidable bloc puissant émergent au Liban, du fait que se retrouvaient ensemble, pour la première fois, des représentants de presque toutes les communautés politiques ou religieuses, à l'exception notable des groupes chiites Amal et le Hezbollah. Ce bloc de pouvoir était indépendant de l'influence syrienne, sinon hostile à cette influence, et se montrait confiant de remporter une claire majorité lors des élections à venir. Il bénéficiait aussi du soutien de joueurs principaux de la communauté internationale et semblait confiant dans ses capacités de forcer la Syrie à appliquer les engagements restants sous le couvert de l'accord de Taëf et/ou de la 1559. Au centre de ce bloc de pouvoir, un homme se dressait comme architecte reconnu : l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Le 14 février, il a été assassiné.
15. Il est clair que l'assassinat de M. Hariri s'est inscrit dans la trame de sa lutte de pouvoir avec la Syrie, nonobstant qui a bien pu perpétrer cet assassinat et dans quel but. Il est toutefois important de garder en tête que seule une enquête véritable – et non une analyse politique – peut mener à l'identification de ceux qui ont ordonné, planifié et exécuté ce crime abject. Ce serait une violation des principes de base de la justice de sauter aux conclusions au sujet des coupables de cet assassinat sans une enquête véritable, des preuves convaincantes et un procès en règle.
Le contexte sécuritaire
16. M. Hariri a été unanimement décrit à la Mission comme « la personnalité la plus importante de la vie publique libanaise ». Son assassinat soulève donc la question du niveau de protection qui lui était assuré par l'appareil sécuritaire libanais. Le système sécuritaire libanais est formé de plusieurs agences. Les services de renseignements militaires y occupent une place primordiale ; ils sont chargés de la sécurité nationale, des missions de contre-espionnage et contre-terrorisme. De plus, ils sont une force de frappe. Ils disposent également d'une section d'interception des communications. La Sûreté générale s'occupe des questions relatives aux étrangers, aux passeports et aux frontières, sans parler des questions de sécurité liées à la politique. Les Forces de sécurité intérieure comprennent une force de police et un service de collecte d'informations. La sécurité de l'État est responsable des questions sécuritaires liées à la politique. La garde républicaine est chargée d'assurer la protection du président, sous le contrôle du commandant en chef de l'armée. Les services de renseignements militaires syriens ont un bureau central en Syrie, avec des bureaux dans plusieurs endroits, y compris Beyrouth. Contrairement aux affirmations faites à la Mission par le chef de ces services, les preuves et les témoignages nous poussent à croire sans aucun doute que cette branche (des SR syriens) jouait un rôle crucial dans la vie politique libanaise et participait activement, pour ne pas dire supervisait directement, la gestion des questions sécuritaires au Liban.
17. Selon les règles et lois en vigueur, ces différentes agences coordonnent leurs activités entre elles et font toutes partie d'un Conseil central de sécurité qui se réunit une fois par mois sous la direction du ministre de l'Intérieur. Toutefois, de nombreuses sources, y compris des responsables sécuritaires, des ministres et d'anciens présidents, ont affirmé qu'en pratique, les choses se passaient différemment. D'abord, la coopération entre les différents services est quasi inexistante : ledit Conseil est plus un organe formel qu'un mécanisme de coordination. Ensuite, la transmission des informations suit les allégeances personnelles et politiques plutôt que les dispositions constitutionnelles. Les responsables sécuritaires transmettent les informations importantes à « ceux qui les ont nommés, à qui ils portent allégeance », en laissant au Conseil central de sécurité les formalités et les questions superflues. De plus, on note un grave manque de supervision ou/et de révision judiciaire de l'activité des agences de sécurité. Par exemple, la section d'interception des communications des renseignements
militaires est autorisée à intercepter n'importe quelle communication qu'elle juge nécessaire, et cela ne nécessite que la signature du chef de l'agence sans aucune supervision ou révision externe. Parallèlement, le manque, voire l'absence de responsabilisation semble évident, excepté celle qui s'inscrit dans le cadre des allégeances informelles et extraconstitutionnelles.
18. Ce contexte explique partiellement le manque de confiance que semblent éprouver les Libanais vis-à-vis de leurs agences de sécurité. Toutes les personnes interrogées par la Mission, presque sans exception, y compris certains responsables sécuritaires, ont déclaré douter de la capacité et/ou de la volonté des agences de sécurité d'assurer la protection des personnalités politiques menacées. Alors que certains ont accusé l'appareil sécuritaire d'être directement impliqué dans les menaces adressées aux hommes politiques, d'autres ont affirmé que les hommes politiques devaient se protéger par leurs propres moyens, ou encore, que l'appareil sécuritaire n'était pas assez puissant pour protéger les personnes menacées. Beaucoup ont souligné qu'un grand nombre d'assassinats politiques se sont produits au Liban au cours des trente dernières années dont la plupart n'ont pas été élucidés jusqu'à ce jour.
19. Suite aux entretiens effectués avec nombre de responsables sécuritaires, y compris les chefs des services de renseignements militaires, du Département des forces spéciales et de contre-terrorisme, du Département d'interception des communications, de la Sûreté générale, des Forces de sécurité intérieure, et de la garde républicaine, la Mission a conclu que l'appareil de sécurité libanais avait gravement failli à sa responsabilité de prévoir et d'empêcher l'assassinat de M. Hariri. Malgré les rumeurs sur des menaces d'atteinte physique à M. Hariri et/ou à M. Joumblatt, ou même d'atteinte à leur vie et/ou à celle de membres de leurs familles, et malgré l'attentat contre l'ancien ministre Marwan Hamadé, aucun service de sécurité n'a pris de mesures supplémentaires pour les protéger.
20. Tous les services de sécurité nient avoir reçu des informations sur une menace réelle ou éventuelle contre MM. Hariri, Joumblatt, ou leurs familles. Néanmoins, toutes les personnes en dehors des services de sécurité interrogées par la Mission semblaient être au courant de telles menaces. De plus, en dépit de la tension accrue, aucun service de sécurité n'a préparé une « évaluation de risque » sur la sécurité de M. Hariri, « la personnalité politique la plus importante au Liban ». Aucun de ces services n'a proposé, conseillé, ou essayé d'augmenter le niveau de protection assurée à M. Hariri. Bien au contraire, l'équipe de protection personnelle assurée par les Forces de sécurité intérieure et composée de quarante membres a été réduite à huit personnes peu après son départ du pouvoir. Bien que cette réduction soit conforme aux réglementations en vigueur, elle néglige les circonstances du moment. Au moment de l'assassinat, la protection de M. Hariri était presque entièrement assurée par son équipe de sécurité privée.
21. Lorsque laMission a évoqué ce point avec des responsables sécuritaires libanais, beaucoup d'entre eux ont affirmé que le concept de « prévention » était étranger à la gestion de la sécurité au Liban. Cet argument est inadmissible : la prévention est essentielle et fait partie intégrante de tout système de sécurité actif. De plus, cet argument est faux : la garde républicaine nous a déclaré qu'elle préparait régulièrement des « évaluations de risques » relatives à la sécurité du président, comprenant une évaluation des menaces et risques auxquels il fait face, en se basant sur l'analyse de la situation politique, des rumeurs, et de la situation sécuritaire en général. Un système de sécurité actif, crédible et professionnel aurait préparé et entretenu une telle évaluation de risques portant sur la sécurité de la « personnalité politique la plus importante au Liban ».
22. Pour toutes les raisons sus-mentionnées, la Mission estime que l'appareil sécuritaire libanais n'a pas pu assurer la protection qu'il fallait à M. Hariri, créant ainsi un contexte qui facilitait son assassinat.
B- Les Circonstances
23. En enquêtant sur les faits liés aux circonstances, la Mission a identifié les derniers déplacements de M. Hariri juste avant l'attentat, déterminé l'origine de l'explosion, le type et le poids des explosifs utilisés, et révisé les principales pistes de l'enquête menée par les autorités libanaises, selon les normes internationalement reconnues. La révision de l'enquête porte sur les éléments essentiels suivants : la gestion de la scène du crime, la préservation des preuves, l'enquête sur la vidéo revendiquant l'attentat et diffusée par la chaîne de télévision al-Jazira, l'enquête sur l'auteur soupçonné de l'attentat et sur le véhicule suspect, ainsi que sur des remarques générales sur l'honnêteté de l'enquête.
Les derniers déplacements de Hariri
24. Lundi 14 février 2005, vers 12h30, M. Hariri est sorti du Parlement situé au centre de Beyrouth et a marché environ 70 mètres en direction d'un café (place de l'Étoile) de la place de l'Étoile où il a rencontré des gens. Vers 12h50, il a quitté le café en compagnie de l'ancien ministre et député Bassel Fleyhane. Son convoi sécuritaire était composé de 6 véhicules : le 1er, une jeep avec quatre hommes de police libanais (la tête de convoi) ; le 2e, une Mercedes noire avec trois agents de sécurité privés ; le 3e, une Mercedes noire blindée que conduisait Hariri accompagné de M. Fleyhane ; le 4e, une Mercedes noire avec à son bord trois agents de sécurité privés ; le 5e, une Mercedes noire avec à son bord trois agents de sécurité privés ; et le 6e, une jeep noire (une ambulance) clôturant le convoi avec à son bord trois agents de sécurité privés. Trois des véhicules étaient équipés de brouilleurs de signaux à forte puissance (4GHz), qui étaient en activité au moment du drame. Tous les véhicules étaient équipés d'armes à feu et tous les gardes du corps étaient bien entraînés.
25. L'itinéraire choisi n'a été communiqué à la tête du convoi qu'au moment où M. Hariri quittait le café. Le convoi est sorti de la place de l'Étoile et a pris la rue Ahdab et la rue Foch. Au croisement de la rue Foch et de la rue du Port, le convoi a bifurqué à gauche et a pris la route côtière en direction de Aïn Mreïssé et de l'hôtel Saint-Georges.
26. À 12h56 pile, le convoi de M. Hariri passait directement devant l'hôtel Saint-Georges, une route qu'il n'avait prise que six fois au cours des trois derniers mois. Une grande explosion s'est produite, causant la mort de M. Hariri, de sept de ses gardes du corps, et de douze civils dans les alentours immédiats. M. Hariri a été transporté à l'hôpital de l'Université américaine (AUH) où son corps a été identifié par son médecin personnel et par le médecin légiste désigné par le gouvernement. L'identification a été possible grâce à des marques corporelles, aux rayons X et aux registres dentaires de M. Hariri. La cause du décès est une lésion directe au cerveau ayant provoqué un arrêt cardiaque.
L'explosion
27. La Mission a examiné, analysé et effectué des tests sur la scène de l'explosion durant une période de sept jours. Son avis sur la nature et le type de l'explosion se base sur l'interprétation fournie par ses experts sur base de quatre éléments essentiels : a) la dispersion, la taille et la forme des fragments résultants de l'explosion ; b) la taille et la forme du cratère créé par l'explosion ; c) des interprétations balistiques et d) des interprétations des dommages causés aux immeubles dans et autour de la scène de l'explosion.
28. L'analyse des fragments causés par l'explosion et de la forme du cratère donne des indices qui soutiennent aussi bien l'hypothèse d'une explosion en surface que celle d'une explosion souterraine. Toutefois, l'analyse du dommage causé aux immeubles dans et autour de la scène du crime suggère une explosion en surface. Les fragments de métal fondu sont un indice certain d'une grande charge explosive ; le fait que les experts de la Mission aient retrouvé des traces de métal fondu sur les véhicules et sur des barrages métalliques placés devant l'hôtel Saint-Georges favorisent la thèse d'une explosion en surface. Des fragments métalliques
retrouvés collés sur le bord des voitures indiquent l'explosion d'un véhicule lourd et la dispersion de ces fragments dans cette direction.
29. Plusieurs indices marquant une explosion souterraine, comme les fragments d'asphalte, des plaques d'égouts ou autres retrouvés dans les étages supérieurs de l'hôtel Saint-Georges, l'impact sur le dos des véhicules et le dommage infligé aux parties supérieures des immeubles adjacents, n'écartent pas la thèse d'une grande explosion en surface.
30. Après avoir mené et débattu de toutes les analyses des échantillons recueillis, les experts de la Mission ont conclu qu'il s'agissait très probablement d'une explosion en surface, que l'explosif utilisé était le Trinitrotoluène (TNT), d'un poids d'environ 1 000 kg.
La scène du crime
31. La scène du crime est située à Aïn Mreïssé, Beyrouth, devant l'hôtel Saint-Georges. Le résultat immédiat de l'explosion est une scène de chaos, avec des services d'urgence de plusieurs agences, des journalistes, et des centaines de passants ou de résidents de Beyrouth qui se précipitent sur le lieu du drame pour aider et observer. L'évacuation des corps et des blessés a commencé presqu'immédiatement. Une grande partie de ces efforts a été effectuée par des personnes arrivées sur place avant les services d'urgence.
32. Immédiatement après l'explosion, le 14 février, le tribunal militaire et le juge Rachid Mezher dudit tribunal ont été saisis de l'enquête et le tribunal s'est chargé de l'entière responsabilité de l'enquête, y compris la gestion de la scène du crime et la préservation et la collecte des preuves par les autorités locales compétentes. Comme il s'agit d'une question touchant à la sécurité de l'État, le dossier a été transmis à la Cour de justice conformément aux lois en vigueur et le 21 février, le juge Michel Abou Arrage, juge principal de la cour pénale, a été chargé de l'enquête à la place du juge Rachid Mezher.
33. Les faits suivants ont clairement montré dès le début que les principales démarches liées à cette responsabilité n'avaient pas été effectuées :
a) La découverte, le 15 février, du corps d'une personne ayant survécu près de douze heures à l'attentat.
b) La découverte d'un corps par hasard le 22 février 2005.
c) La découverte du corps d'une personne par les membres de sa famille le 1er mars 2005.
d) Une personne a été portée disparue et l'on soupçonne qu'elle soit encore sur la scène de l'explosion.
La préservation des preuves
34. La préservation des preuves, élément vital pour le succès de toute enquête, demeure secondaire par rapport à la préservation de la vie et la récupération des corps. Dans ce cas comme dans toute autre situation d'urgence majeure, la préservation de la scène du crime n'était pas la première préoccupation des membres des services d'urgence arrivés sur place. Toutefois, après le chaos initial et l'évacuation des corps et des blessés, les services de sécurité, sous la direction et le contrôle du juge chargé de l'enquête, Rachid Mezher, devaient avoir évacué toutes les personnes présentes sur le terrain et interdit tout accès non autorisé au site. Après une recherche détaillée dans la zone pour s'assurer que tous les corps et les blessés ont été retrouvés, le site aurait dû être suffisamment sauvegardé pour préserver toutes les preuves disponibles. Les autorités compétentes ne l'ont pas fait.
35. La Mission a également noté les défaillances suivantes :
a) Le 14 février, peu avant minuit, les six véhicules formant le convoi de M. Hariri et une BMW (non liée au convoi) ont été évacués de la scène de l'explosion et transportés à la caserne Hélou à Beyrouth. Bien que les véhicules aient été couverts après leur évacuation, ils n'étaient plus désormais dans leur emplacement respectif sur les lieux de l'explosion, empêchant ainsi toute analyse balistique, analyse d'explosifs et collecte de preuves sur le site.
b) La police militaire et les services de renseignements, y compris les experts en explosifs, sont intervenus et ont retiré de possibles preuves sans les répertorier ni les documenter et sans informer quiconque de leurs agissements et initiatives.
c) Les médias ont eu immédiatement accès au site après l'explosion. Le juge Mezher leur a également accordé des permis d'accès officiels au lendemain de l'attentat (le 15 février) après que les services de sécurité eurent encerclé le site.
d) Le cratère de l'explosion a été inondé au cours des jours suivant l'assassinat. Les autorités locales / la police n'ont pas réussi à endiguer le flot des eaux en provenance des canalisations endommagées. Ainsi, des indices de première importance ont été perdus.
e) Après l'attentat, des membres des services de sécurité ont apporté des débris de camion sur le lieu du crime ; ils les ont déposés dans le cratère, puis photographiés et consignés comme étant des preuves.
f) La Mission a également observé que jusqu'au 6 mars 2005, un grand nombre de civils ou de personnes en uniforme ont circulé sur les lieux du crime. Les personnes ayant pénétré ou quitté le site n'ont pas été répertoriées. De plus, aucun contrôle n'a été exercé lors du dépôt ou retrait des objets / échantillons sur le lieu du crime.
g) Le 8 mars 2005, au cours d'une rencontre avec l'équipe en charge de l'enquête locale, les membres de la Mission ont demandé un rapport chronologique relatif au lieu du crime ; c'est-à-dire le personnel ayant eu accès au site, les indices rassemblés, les pièces à conviction, les tests et les informations sur la gestion des lieux. Le 15 mars 2005, la Mission fut informée qu'un tel rapport n'existait pas et n'était pas, par conséquent, disponible.
h) Il existe des preuves attestant que les juges en charge de l'enquête n'avaient aucun contrôle sur le processus d'investigation.
i) Les agences du gouvernement / des services de renseignements ont accédé au site de l'attentat sans la supervision d'une autorité légale et n'ont donc pas réussi à coordonner leurs recherches.
36. La Mission estime donc que le lieu du crime n'a pas été convenablement géré ou préservé. Ainsi, des indices importants ont été retirés ou détruits sans avoir été répertoriés. Les personnes responsables de cette mauvaise gestion devraient en rendre compte.
Diffusion par la chaîne câblée al-Jazira.
37. Le 14 février 2005 à environ 13h30, le directeur et présentateur principal de la chaîne al-Jazira à Beyrouth a reçu un appel téléphonique d'un homme qui, selon lui, parlait mal l'arabe ou prétendait ne pas maîtriser cette langue. L'homme lui a déclaré qu'« au nom des opprimés, le groupe Nasra et Jihad de la Grande Syrie revendiquait la responsabilité de la mise à mort de l'agent Hariri». La chaîne al-Jazira a diffusé cette déclaration à environ 14 heures. À 14h19, un autre homme « parlant un très bon arabe » a contacté al-Jazira affirmant qu'un film vidéo avait été déposé près du bâtiment des Nations unies à Beyrouth. Un employé fut dépêché sur place pour retirer ce film, mais ne réussit pas à le faire. Un autre employé fut alors envoyé pour retrouver cette vidéo ; la cassette fut retirée et envoyée au directeur. À 15h27, la chaîne reçut un troisième appel d'un homme qui demandait pourquoi la vidéo n'avait pas été diffusée. Le directeur l'informa qu'il fallait d'abord obtenir l'autorisation du quartier général au Qatar. L'homme, qui s'était mis à hurler, menaça le directeur, lui disant qu'il regretterait de ne pas avoir diffusé cette vidéo. À 17h04, al-Jazira reçut un dernier appel téléphonique ; la même voix masculine, très en colère, demanda au directeur si la vidéo serait diffusée. Le directeur mit l'appel en attente puis fut informé qu'elle le serait. L'interlocuteur fut alors prié de regarder la télévision. La vidéo, diffusée par la chaîne al-Jazira, montrait un jeune homme barbu annonçant sa responsabilité dans l'assassinat de M. Hariri au nom du groupe « Nasra et Jihad de la Grande Syrie ». La personne sur la vidéo a été identifiée ; il s'agissait d'Ahmed Abou Adas, résidant à Beyrouth et âgé de 22 ans.
38. À la même date, le 14 février 2005 à 14h11, une consultante de l'agence Reuters reçut un appel téléphonique d'une personne ayant une voix masculine et n'ayant pas l'accent libanais mais « imitant l'accent palestinien ». Elle déclare que l'interlocuteur criait et qu'il lui avait enjoint d'une voix autoritaire : « Écris, écris et ne parle pas », « nous sommes le groupe Nasra et Jihad de la Grande Syrie ; en ce jour, nous avons infligé à l'infidèle Rafic Hariri le châtiment qu'il méritait, et que cela serve d'exemple aux autres gens de son espèce. » Suivant les instructions reçues, les employés de Reuters ne diffusèrent pas le contenu de cet appel car ce dernier n'avait pas été authentifié.
39. Sur les cinq appels adressés à al-Jazira et à Reuters, il a été possible de localiser la source / le lieu d'origine de quatre appels seulement. D'après la police, il s'agissait de téléphones publics dans la ville de Beyrouth. Le fait qu'une ou plusieurs personnes liées à l'assassinat de M. Hariri aient fait parvenir une vidéo représentait une piste importante pour les forces de sécurité libanaises. Cependant, les autorités chargées de l'enquête n'ont quasiment pas exploité cette piste. À aucun moment l'enquête n'a porté sur les caméras de surveillance placées à deux endroits stratégiques, mentionnés par les membres de la Mission. Les témoins travaillant dans le secteur n'ont pas été interrogés bien qu'ils aient été également identifiés par la Mission. Les enquêtes de base n'ont pas non plus été menées. Les personnes responsables de cette partie de l'enquête ont fait preuve d'une grosse négligence.
Le suspect
40. Ahmed Abou Adas est un jeune homme d'origine palestinienne. Né à Djeddah (Arabie saoudite) le 29 août 1982, il est arrivé au Liban avec sa famille en 1991. Ses parents sont Tayssir Abou Adas et Nohad Moussa Fateh. Il a deux soeurs (toutes deux résidant à Beyrouth) et un frère (actuellement en Allemagne). Il était au chômage. L'enquête a révélé que le 16 janvier 2005 à environ 07h00, Ahmed Abou Adas a quitté son domicile au premier étage de l'immeuble Iskandarani 6, dans le quartier de l'Université arabe à Beyrouth. Il fut officiellement porté disparu le 19 janvier 2005.
41. D'après l'enquête menée par la Mission, Ahmed, l'adolescent insouciant, est devenu un fondamentaliste religieux il y a trois ans. Environ un mois avant d'avoir été porté disparu, Ahmed avait raconté à sa famille qu'il avait fait la connaissance d'un nouvel ami à la mosquée al-Houri où il faisait parfois ses prières. D'après la mère d'Abou Adas, le 15 janvier à environ 21h00, l'ami en question avait appelé la maison pour donner rendez-vous à son fils le 16 janvier 2005 à 07h00, disant qu'il lui avait préparé une surprise. Toujours d'après la mère, le 16 janvier à 07h00, quelqu'un avait klaxonné en dessous de l'immeuble pour appeler Ahmed. Ce dernier était déjà debout. Il avait fait sa prière du matin. Il a demandé de l'argent à sa mère mais n'a pris que 2 000 livres libanaises (l'équivalent d'un dollar et 33 cents) et a annoncé qu'il serait absent pour quelques heures seulement. Ahmed aurait demandé à sa mère de s'excuserde sa part auprès d'un autre ami à qui il avait donné rendez-vous le même jour.
42. Le 14 février 2005, la famille Abou Adas regardait la télévision lorsque la chaîne al-Jazira diffusa la vidéo montrant Ahmed endossant la responsabilité de l'assassinat de M. Hariri au nom du groupe « Nasra et Jihad de la Grande Syrie ». Le 14 février à 20h30, le père, la mère et la jeune soeur se rendirent à la police et furent arrêtés tous les trois. Les parents furent détenus environ sept jours, mais la jeune soeur fut libérée dès le deuxième jour. Dans le cadre de l'enquête sur Ahmed Abou Adas, sa famille fut arrêtée et interrogée, les amis furent interrogés, les appels téléphoniques examinés et la maison perquisitionnée. D'après les informations résultant de l'enquête, Ahmed Abou Adas possédait un ordinateur chez lui ; il fut confisqué comme pièce à conviction. Les autres objets confisqués comprenaient : 11 vidéos, 55 CD, une disquette floppy et un disque dur. Mis à part les données / informations subversives soi-disant trouvées sur le disque dur, il y a très peu de preuves qu'Ahmed Abou Adas avait des tendances violentes ou subversives.
43. L'enquête sur cette partie du crime a révélé les manquements suivants :
a) Les officiers chargés de l'enquête avaient assuré à la Mission qu'Ahmed Abou Adas avait accès à l'Internet à partir de sa maison et que les informations contenues sur le disque dur de l'ordinateur avaient été téléchargées directement sur l'ordinateur à la maison dudit Ahmed. Cependant, l'enquête effectuée par la Mission a révélé qu'Ahmed Abou Adas n'avait pas accès à l'Internet à partir de sa maison et qu'il ne pouvait pas par conséquent avoir eu accès aux sites susmentionnés à partir de son ordinateur. L'enquête menée par la Mission prouve que les forces de sécurité n'ont pas enquêté auprès des cybercafés afin de déterminer l'origine des données soi-disant trouvées sur l'ordinateur d'Ahmed Abou Adas.
b) Il existe très peu d'indices soutenant la théorie qu'Ahmad Abou Adas avait des tendances de militant extrémiste.
c) Il n'y a aucune preuve qu'Ahmed Abou Adas avait planifié son départ ou bien qu'il ne reviendrait pas après avoir quitté son domicile le 16 janvier 2005.
d) Il n'y a aucun renseignement disponible sur un groupe intitulé « Nasra et Jihad de la Grande Syrie », que ce soit avant ou après l'explosion.
e) Cet assassinat nécessite l'accès à d'importantes ressources financières. Sa mise en application nécessite également une précision militaire et un support logistique important. Il dépasse donc les capacités d'un simple individu ou un petit groupe terroriste. Aucun indice ne suggère qu'Ahmed Abou Adas disposait des ressources financières ou des moyens de planifier et de perpétrer seul cet assassinat.
Le véhicule suspect
44. Une branche de la banque HSBC est située près du lieu de l'explosion. La banque dispose de son propre système de caméras de sécurité. Ces dernières ont enregistré les mouvements du convoi de Hariri juste avant l'explosion sans pour autant enregistrer l'explosion. Plusieurs services libanais de sécurité ont pris des copies de l'enregistrement de ces caméras après le début de l'enquête. Un examen minutieux des images montre qu'un camion pick-up blanc avait pénétré l'aire d'explosion juste avant le convoi de M. Hariri. L'enregistrement montre clairement que ce camion avançait six fois plus lentement que tous les autres véhicules traversant le même tronçon de route. Une analyse du rapport temps / vitesse a été menée sur les 50 à 60 mètres couverts par la caméra. Une voiture normale mettrait 3 à 4 secondes à couvrir ce tronçon. Un grand camion avançait besoin de 5 à 6 secondes pour couvrir la même distance. Le pick-up suspect, quant à lui, a mis environ 22 secondes pour traverser cette distance et pénétrer l'aire d'explosion une minute 49 secondes avant le convoi de Hariri. D'après les estimations, si le pick-up avait continué à la même vitesse, il aurait été exactement au centre de l'explosion environ une minute neuf secondes avant le convoi de Hariri. Toujours d'après les estimations, si le pick-up avait poursuivi sa route à la même vitesse et sans s'arrêter, il aurait été touché par l'explosion et serait probablement resté sur le lieu du crime. S'il avait voulu éviter l'explosion, le pick-up aurait dû considérablement accélérer après être sorti du champ de vision des caméras de surveillance de la HSBC. Il n'y a aucune preuve de cela.
45. Les officiers libanais chargés de l'enquête ont estimé que ce pick-up et son comportement suspect ouvraient la voie à une importante piste pour l'enquête. La marque et le modèle du véhicule ont été identifiés : il s'agit d'un Mitsubishi Canter (modèle datant probablement de 1995-1996).
Dans le cadre de leur enquête, les forces de sécurité libanaises ont surtout tenté d'identifier le propriétaire : ils ont tenté de retrouver la liste de ses précédents propriétaires grâce aux papiers de la voiture, aux contrôles aux frontières ou aux documents de vente ou de construction. Au cours des recherches sur le site, les forces de sécurité ont supposément découvert des débris de pick-up conformes au modèle du véhicule suspect et ayant
apparemment subi une explosion. D'après la police, 21 débris de ce véhicule auraient été trouvés sur le lieu de l'explosion et dans les alentours. Les forces de sécurité chargées de l'enquête se concentrent principalement sur cette piste. La Mission a déterminé que le pick-up, tel qu'il est apparu sur les écrans des caméras de surveillance de la HSBC, a bel et bien existé et qu'il était sur le lieu du crime juste avant l'explosion qui a causé la mort de Rafic Hariri. La Mission reconnaît également que la théorie selon laquelle ce camion aurait eu un rôle à jouer dans cette opération d'assassinat est crédible ; elle requiert une enquête complète et plus approfondie. Les forces de sécurité libanaises ont retrouvé à l'intérieur du cratère et dans les alentours de petits débris appartenant à un camion Mitsubishi. Elles ont également trouvé des débris du camion dans la mer qui est adjacente au lieu de l'explosion. La Mission a également retrouvé un bout de métal à l'intérieur du cratère ; il est similaire au genre de métal utilisé dans la fabrication des pièces de camion ; il porte des traces qui permettent d'appuyer la théorie d'une explosion en surface / au-dessus du sol.
46. Cependant, l'enquête à ce niveau n'a pas été complète. Il est de l'avis de la Mission que ce que les forces de sécurité ont fait ou ont omis de faire sur le terrain a considérablement nui à l'enquête :
a) Environ un mois après l'assassinat, les forces de sécurité ont peu ou n'ont pas tenté de déterminer les mouvements de ce camion suspect avant, vou juste après l'explosion. Cette partie de l'enquête aurait pu permettre de découvrir des indices d'une importance capitale tels que l'identité du (ou des) coupable(s), le lieu de stationnement du camion juste avant l'explosion et, surtout, si ce dernier avait continué son chemin sans être impliqué dans l'assassinat de quelque manière que ce soit.
b) La Mission estime que peu, voire pas d'efforts ont été faits pour savoir si le pick-up suspect avait continué son chemin. De plus, les efforts pour retrouver les séquences des caméras de surveillance ou les témoins présents sur la route après l'explosion ont été quasiment nuls.
c) La Mission peut affirmer sans le moindre doute que peu de temps après l'assassinat, un membre des forces de sécurité a apporté des pièces de camion et les a déposées sur le cratère. Les forces de sécurité ont ensuite photographié les débris dans le cratère. Cette ligne de conduite fait naître de sérieux doutes quant au rôle joué par ce camion dans l'assassinat. De plus, elle sape la crédibilité de la piste d'enquête la plus probante. Cette dernière est désormais quasi inutilisable, sans parler du fait qu'elle ouvre la voie à des questions sur la crédibilité et les initiatives judiciaires.
47. En somme, la manière dont a été menée cette partie de l'enquête montre de grosses négligences, peut-être accompagnées d'actions criminelles dont les responsables devront répondre.
Évaluation globale de l'enquête
48. Outre les déficiences mentionnées ci-dessus, la Mission a noté les manquements suivants dans l'enquête libanaise :
a) Les membres de l'équipe en charge de enquête locale ont fait preuve d'un manque flagrant de communication.
b) Les juges en charge de l'enquête et les forces de sécurité chargées de l'enquête ont souffert d'un manque de coordination.
c) Les hauts responsables chargés d'enquêter sur la totalité du meurtre ont fait preuve d'un manque de rigueur et de contrôle.
d) Les techniques employées au cours de l'enquête ont été utilisées avec un manque de professionnalisme.
e) Il n'existe aucune information provenant des services de renseignements. De plus, les divers services travaillant sur cette enquête ont peu, voire pas du tout, communiqué entre elles.
f) Les équipements et le matériel technique nécessaires dans ce genre d'enquête ont fait défaut.
49. À la lumière de ce qui précède, la Mission tire les conclusions suivantes : l'enquête n'a pas été menée avec volonté d'effectuer une investigation efficace ; elle n'est également pas conforme aux normes internationales en vigueur. La Mission estime également que l'enquête locale n'a ni les capacités ni l'engagement qui lui permettent d'aboutir aux résultats escomptés, sans parler du fait qu'elle ne jouit pas de la confiance du peuple qui ne lui accorde que peu de crédibilité.
50. L'assassinat de M. Hariri a eu l'effet d'un séisme au Liban. Perplexité, anxiété et incrédulité caractérisaient la principale réaction des gens avec lesquels nous avons parlé. Perplexité car les pratiques que la plupart pensaient être révolues semblaient réapparaître. Incrédulité face au meurtre d'un homme que les gens plaçaient au rang des figures immortelles. Enfin, anxiété que le Liban ne replonge dans le chaos à la suite de ce « séisme ». Ces sentiments ont vite fusionné en un cri fort et unifié réclamant « la vérité ». Tous ceux qui ont parlé à la Mission ont clairement signalé que la vérité sur l'assassinat de M. Hariri était leur plus grande priorité et que la paix et la sérénité ne pouvaient être rétablies au Liban si cette question n'était pas dûment résolue. Beaucoup ont rappelé à la Mission les assassinats politiques précédents qui n'ont pas fait l'objet d'enquêtes convenables et n'ont pas abouti à des résultats convaincants. Tous les interlocuteurs ont convenu que cet assassinat était la goutte qui a fait déborder le vase, que ce qu'ils ont qualifié de « culture d'intimidation et de force brutale » devait prendre fin et que les Libanais et leurs chefs politiques méritaient de vivre loin de la peur, de l'intimidation et de la menace physique.
51. Les familles des victimes étaient toujours sous le choc quand la Mission les a rencontrées. La famille de M. Hariri n'arrivait toujours pas à croire qu'un homme qui a consacré sa vie au service de son pays puisse être éliminé aussi simplement et que la vérité concernant son meurtre dépende d'une enquête dont la crédibilité est mise en question. Les familles des autres victimes – les gardes du corps, les ouvriers, les passants, et tous ceux qui ont été accidentellement tués – n'arrivent toujours pas à comprendre ce qui leur est arrivé ou pourquoi ceci leur est arrivé. Parler des capacités des services de sécurité, de la coordination ou des scénarios envisagés par la population ne faisait qu'augmenter leurs souffrances. Ils n'aspirent qu'à la vérité, un moyen de clore ce chapitre pour leur permettre de pleurer leurs proches.
52. Les familles des victimes et les chefs politiques et communautaires, y compris des responsables et des membres du gouvernement, ont tous indiqué que la formation d'une commission d'enquête internationale et indépendante était le seul moyen de révéler la vérité concernant l'assassinat de M. Hariri. Certains interlocuteurs ont accusé les services de sécurité libanais et syriens d'être impliqués dans cet attentat, d'avoir intentionnellement dérouté l'enquête libanaise afin de couvrir leur propre crime. D'autres, du côté du gouvernement, ont indiqué qu'une enquête internationale était nécessaire pour, justement, prouver l'innocence des services de sécurité libanais, ce qui ne peut être vrai sans aide externe vu la crédibilité contestée des services de sécurité et des enquêteurs libanais.
53. Durant notre séjour au Liban, les gens nous arrêtaient dans les rues de Beyrouth pour nous remercier des efforts que nous déployions afin de dévoiler la vérité, nous suppliaient de ne pas laisser cette question en suspens et nous rappelaient l'importance de traduire les coupables en justice « pour le bien du Liban ». Des posters dans les rues de Beyrouth montraient un mot écrit en deux langues : « la vérité, al-haqiqa ». Des politiciens, des responsables du gouvernement à tous les niveaux, et même des responsables au sein des services de sécurité
nous ont dit qu'il fallait dévoiler la vérité « cette fois » pour réinstaurer la paix dans le pays, diminuer la tension et permettre au Liban d'avancer normalement.
54. De même, l'assassinat de M. Hariri semble avoir fait éclater les tensions politiques qui couvaient l'année dernière. Les accusations et les contre-accusations se multiplient et entretiennent un débat politique profondément polarisé. Certains accusent le commandement et les services de sécurité syriens d'avoir assassiné M. Hariri qui était devenu un obstacle insurmontable à leur influence au Liban. Ils considèrent que l'élimination de cet homme était devenue une nécessité pour la Syrie afin qu'elle reprenne le contrôle de la scène politique libanaise, surtout si elle est forcée de retirer ses troupes. Les partisans de cette théorie affirment que le commandement syrien se souciait peu de ne pas apparaître comme « le premier suspect » et qu'il avait employé des tactiques similaires par le passé sans se soucier de ne pas laisser des traces. Selon ces sources, cette attitude fait partie de la manoeuvre syrienne dans la gestion coercitive des affaires du Liban. D'autres prétendent que le commandement syrien ne s'attendait pas à une telle réaction de la part des Libanais et de la communauté internationale. À leur avis, la décision d'éliminer M. Hariri était « une erreur stratégique » similaire aux autres erreurs commises par le gouvernement syrien.
55. Les partisans de la Syrie ripostent en déclarant que M. Hariri a été assassiné par « les ennemis de la Syrie » ; ceux qui voulaient créer une pression internationale sur le commandement syrien afin d'accélérer le déclin de l'influence syrienne au Liban et/ou provoquer des réactions en chaîne qui aboutiraient en fin de compte « au changement du régime » en Syrie. Selon les tenants de cette théorie, l'assassinat de M. Hariri est une erreur trop flagrante pour être commise par le commandement syrien. Non seulement la Syrie serait « le premier suspect », mais elle serait également le premier perdant. Ceux qui prônent cette théorie ont rappelé à la Mission que les assassinats politiques ne sont pas commis par revanche, mais pour aboutir à certaines conséquences. Les conséquences de l'assassinat de M. Hariri sont, à leur avis, clairement défavorables à la Syrie.
56. L'assassinat a vite élargi le clivage entre les factions politiques libanaises et a gravement polarisé la scène politique. Après l'assassinat, celle-ci s'est divisée entre « opposants » et « loyalistes ». Elle est marquée par un débat au sujet du gouvernement/président libanais actuel et des relations libano-syriennes. Deux semaines après l'assassinat, un grand nombre de Libanais est descendu dans la rue pour exprimer sa tristesse, sa colère, son anxiété et son opposition politique à l'ingérence syrienne dans les affaires du Liban. Les protestataires et les chefs de l'opposition ont accusé les services de sécurité libanais d'être impliqués dans l'assassinat et ont demandé au gouvernement de démissionner et aux troupes et services de sécurité syriens de quitter le Liban. Bien que le Premier ministre Karamé dispose de la majorité au Parlement et soit sûr de pouvoir remporter le vote de confiance, il a prêté l'oreille à la rue et a annoncé la démission de son gouvernement alors que les manifestants étaient toujours rassemblés non loin du Parlement.
57. Les manifestants et les chefs de l'opposition ont poursuivi leur campagne appelant à la révocation de tous les chefs des services de sécurité, au retrait des troupes syriennes et des agents de sécurité, à la formation d'un gouvernement « neutre » ayant pour mission l'organisation des prochaines élections législatives et à la conduite d'une enquête internationale indépendante. Les loyalistes se sont hâtés de répondre en descendant dans la rue le 8 mars lors d'une manifestation regroupant plus de 500 000 personnes qui ont affiché leur soutien au gouvernement et à la Syrie. Juste après, le président syrien a annoncé l'intention de son gouvernement de retirer ses troupes jusqu'à la vallée de la Békaa en application des accords de Taëf signés en 1989, et de poursuivre ultérieurement le retrait jusqu'à la frontière syrienne. Toutefois, l'annonce n'a pas clos le débat sur la présence syrienne. Les chefs de l'opposition sont demeurés sceptiques sur les intentions syriennes et
ont exigé un calendrier du retrait total ; certains ont appelé à achever le retrait avant les élections législatives.
58. Selon les estimations disponibles, un million de personnes environ se sont rassemblées le 14 mars place des Martyrs à Beyrouth, réclamant « l'indépendance » du Liban, la création d'une commission d'enquête internationale et indépendante, le renvoi des chefs des agences de sécurité et la constitution d'un gouvernement « neutre » chargé de l'organisation des prochaines élections législatives. Les craintes d'un vide constitutionnel sont parvenues à la Mission ainsi que l'incapacité de voter une loi électorale à temps ou l'organisation adéquate des élections législatives de mai. Selon plusieurs responsables, une supervision internationale des élections serait nécessaire pour garantir leur intégrité. Ils ont en effet affirmé que des élections crédibles contribueraient à stabiliser la situation politique. L'on craint également le déclenchement d'une guerre civile puisque le clivage entre le camp des opposants et celui des loyalistes est chargé de sentiments communautaires. Ces bouleversements politiques menacent la paix et la sécurité du Liban et ont des retombées évidentes sur la stabilité de la région toute entière.
59. Par ailleurs, les hommes politiques libanais, toutes tendances confondues, ont exprimé à la Mission leur inquiétude de voir le Liban se transformer de nouveau en un champ de bataille tiraillé entre les forces étrangères. Nombreux ont pris la guerre civile tragique comme exemple de la lutte menée par des pouvoirs étrangers par l'intermédiaire d'acteurs libanais. Ils ont signalé que l'édifice libanais était fragile et que sa capacité à subir les pressions était limitée. Nombre de personnalités politiques ont souligné leur inquiétude de voir le Liban s'embourber dans une confrontation probable entre la Syrie et la communauté internationale, confrontation qui aurait de graves retombées sur la paix et la sécurité du Liban. Tous les chefs politiques libanais ont prié la Mission d'appeler la communauté internationale à ne pas se servir du Liban comme outil de pression. Selon l'un des interlocuteurs rencontrés par la Mission, « cet outil est très fragile et risque de rompre facilement ».
Remarques
et recommandations
60. La Mission estime que les services de sécurité libanais et les services de renseignements syriens sont les premiers responsables de la défaillance au niveau de la sécurité, de la protection, de la loi et de l'ordre au Liban. Les services de sécurité libanais ont fait preuve de graves négligences systématiques dans l'exercice des missions qui incombent d'habitude à un dispositif de sécurité nationale. Ainsi, ils ont gravement manqué à leur mission d'assurer aux citoyens libanais un niveau acceptable de sécurité et ont ainsi contribué à la propagation d'une culture d'intimidation et d'impunité. Les services de renseignements militaires syriens partagent au plus haut degré cette responsabilité vu leur implication dans la gestion des services de sécurité au Liban.
61. Deuxièmement, la Mission considère que le gouvernement syrien est le premier responsable de la tension politique ayant précédé l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafic Hariri. Le gouvernement syrien a explicitement exercé une influence qui va au-delà d'une relation de coopération ou de bon voisinage. Ce gouvernement s'est mêlé dans les moindres détails de la gouvernance au Liban, il a eu la main lourde et s'est montré inflexible, ce qui a conduit à la polarisation politique qui a suivi. Sans prévoir les résultats de l'enquête, il est évident que cette atmosphère a tissé la toile de fond qui a entraîné l'assassinat de Hariri.
62. Troisièmement, il est évident pour la Mission que le processus d'enquête libanaise souffre de graves imperfections. Il est invraisemblable que ce processus aboutisse à des conclusions satisfaisantes, que cela soit dû à un manque de capacités ou d'engagement. De plus, la crédibilité des autorités libanaises chargées de l'enquête est remise en question par nombre de Libanais, aussi bien au sein de l'opposition que du gouvernement. La Mission considère ainsi
qu'il faut mener une enquête internationale indépendante pour dévoiler la vérité. À cette fin, il faudrait constituer une équipe autonome comprenant l'ensemble des experts et spécialistes généralement impliqués dans la conduite de telles enquêtes ayant comme cadre un système national. Elle aura besoin de l'aide de l'équipe de soutien et des ressources nécessaires, ainsi que du savoir-faire du système judiciaire concerné.
Elle pourrait être assistée et conseillée juridiquement par des Libanais sans que cela ne touche en quoi que ce soit son indépendance. Il est cependant plus que douteux qu'une telle enquête puisse être menée à bien – et recevoir la nécessaire et efficace coopération de la part des autorités locales – tant que l'actuelle hiérarchie des services de sécurité libanais restera en place.
63. Quatrièmement, et en conclusion, la Mission pense que la restauration de l'intégrité et de la crédibilité de l'appareil sécuritaire libanais est d'importance vitale pour la sécurité et la stabilité du pays. Un effort soutenu de restructuration, de réforme et d'entraînement des services de sécurité libanais sera nécessaire pour atteindre cet objectif, ce qui nécessitera certainement l'assistance de la communauté internationale et un engagement actif de sa part.
En base de l'appréciation de l'état présent de l'appareil sécuritaire libanais, la Mission a identifié six principaux points de réforme prioritaires de l'appareil sécuritaire libanais :
a) séparer sécurité et politique et établir un service professionnel ;
b) nationaliser l'appareil sécuritaire en le désengageant de toute influence externe et en le hissant au-dessus des allégeances sectaires ;
c) établir un service policier démocratique, spécialement attentif au règne de la loi et aux droits de l'homme ;
d) définir des structures claires de responsabilité et de comptes à rendre ;
e) établir des structures de capacitation (capacity-building) ;
f) introduire des mécanismes clairs de responsabilité et de supervision judiciaire.
64. Finalement, la Mission est également d'avis qu'un appui international et régional sera nécessaire pour protéger l'unité nationale libanaise et en défendre la fragile constitution des pressions indues. Améliorer les perspectives de paix et de sécurité dans la région offrirait aussi de meilleures conditions pour la restauration de la vie normale au Liban. Retour
26 Avril 2005
L'indépendance retrouvée reste incomplète tant que le dossier des détenus en Syrie n'est pas réglé. Le Liban, enfin, aux Libanais
Avec le départ du dernier soldat syrien, hier, une page de l'histoire du Liban, qui a duré trente ans, a été tournée et une nouvelle, pleine d'espoir pour le futur, s'est ouverte. L'avenir s'annonce désormais différent, même s'il reste encore beaucoup de problèmes à régler. Mais au moment où le Liban officiel rendait hommage aux soldats et aux officiers syriens, saluant un départ sans gloire à la faveur d'une cérémonie solennelle organisée dans la matinée à Rayack, la population de la Békaa a patiemment attendu que le dernier bus transportant les soldats syriens traverse la frontière au niveau de Masnaa, pour laisser éclater sa joie et célébrer sans retenue l'indépendance retrouvée. De Anjar à Masnaa, en passant par Bar Élias, une ambiance de fête régnait dans les rues et la joie se lisait sur tous les visages. Une joie qui reste cependant incomplète tant que le sort des centaines de Libanais détenus dans les prisons syriennes demeure inconnu et, surtout, tant que les officiels libanais continuent de réagir comme si ce problème n'existait pas. Les familles des détenus qui observent toujours un sit-in de protestation contre l'indifférence officielle, au niveau de l'Escwa, ont tenté hier de sensibiliser les autorités à leur cause, mais leur démarche s'est heurtée à l'intransigeance des forces de l'ordre qui ont fait sept blessés dans les rangs des manifestants.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 27 avril 2005 

2 Juin 2005
Une foule indignée s'en prend au Premier ministre et aux officiels accourus sur les lieux du drame ; Samir Kassir tué dans un attentat à la voiture piégée devant son immeuble à Achrafieh
Dans le quartier paisible de Zahret el-Ihsan, à Achrafieh, l'indignation et surtout la colère l'emportaient sur tout autre sentiment. Samir Kassir, journaliste au « an-Nahar » et membre de la Gauche démocratique, venait d'être assassiné dans un lâche attentat à l'explosif. Victime de ses audacieuses prises de position contre le régime syrien ? Victime de ses nombreux démêlés avec les services libanais auxiliaires de Damas, dont il dénonçait inlassablement les pratiques ? Quelles que soient les causes pour lesquelles il a été liquidé, Samir Kassir aura surtout payé de sa vie le fait que l'opposition et le pouvoir se sont suffi de la mise à pied des chefs des services de sécurité, laissant pour après les élections législatives le démantèlement en bonne et due forme de la structure sécuritaire tissée par la Syrie au Liban. Et c'est ce que la foule en colère n'a pas manqué de lancer à la figure du chef du gouvernement, Nagib Mikati, des ministres accourus sur les lieux du drame et des agents de l'ordre qui avaient bouclé le secteur, empêchant les badauds et les journalistes de s'approcher du lieu du drame. « Qu'est-ce que vous faites ici ? Allez vous faire pendre bande d'inutiles, incapables d'empêcher qu'on assassine les honnêtes gens. » Une phrase lancée par une dame très BCBG et reprise comme un leitmotiv, en arabe et en français, par d'autres personnes, que l'incapacité des autorités à mettre fin au cycle infernal des actes terroristes rendait folles de rage. Lorsqu'une détonation sourde retentit peu avant 11h, les habitants d'Achrafieh sont loin d'imaginer qu'un attentat à l'explosif venait de se produire dans leur quartier. La déflagration est plutôt faible et ce n'est que lorsque les sirènes des ambulances et des camions-citernes des pompiers commencent à retentir qu'ils réalisent que l'explosion est plus proche qu'ils ne pensaient. Dans le quartier jouxtant l'école Zahret el-Ihsan, c'est le branle-bas de combat. Des parents paniqués accourent pour retirer leurs enfants du collège, sans même prendre la peine de s'arrêter pour savoir ce qui se passe. Bouclé par les soldats de l'armée et les agents des services de sécurité, le secteur est presque inaccessible à cause du nombre impressionnant d'ambulances, de véhicules militaires et de camions-citernes. Une odeur âcre de chair brûlée et de sang, odeur de la mort, flotte dans l'air. La voiture de Samir Kassir, une Alpha Roméo blanche, est garée juste devant l'entrée du supermarché Achrafieh, dont une partie des baies vitrées a volé en éclats. Samir Kassir résidait dans le même immeuble. Son assassin avait bien monté son coup. De toute évidence, son objectif était de tuer le journaliste en occasionnant le moins de dégâts possible. Les dommages matériels ne sont pas en effet importants. Garé juste devant la voiture de Samir Kassir, un 4x4 est presque intact. Seul le pare-brise arrière est en mille morceaux. Le véhicule parqué derrière la Alpha Roméo n'est même pas égratigné. Il est juste recouvert d'une poussière blanche, la même qui enveloppe la partie supérieure du corps de Kassir, étalé sur le siège avant du passager, la tête reposant sur le bras gauche. On aurait dit qu'il dormait. Quelques témoins, encore sous le choc, reprennent le même récit : une lumière éblouissante a jailli et une poussière blanche a recouvert l'air avant que le bruit de vitres cassées ne soit entendu. Aucun d'eux n'a entendu l'explosion. Au supermarché Achrafieh, la caissière, dont le siège est à près de trois mètres de la voiture piégée, n'a rien eu. Elle était cependant en état de choc. Livide, le regard hagard, elle n'arrivait pas à articuler le moindre mot. Dans les immeubles du quartier, quelques vitres seulement sont brisées. Les agents de l'ordre interdisent aux photographes de presse de trop s'approcher du véhicule pour permettre aux agents du service d'anthropométrie des FSI de relever d'éventuels indices. Sur le trottoir jouxtant le véhicule, des secouristes de la Croix-Rouge libanaise ramassent quelques débris de
chair qu'ils déposent soigneusement dans un sac en plastique. Selon les enquêteurs, la charge télécommandée était placée directement sous le siège du conducteur, ce qui explique le fait que la partie inférieure du corps était déchiquetée et que Samir Kassir ait été éjecté vers le siège du passager. « Vous êtes une honte » Les rumeurs selon lesquelles une autre personne se trouvait à ses côtés sont vite démenties. Les témoins assurent qu'il était seul. La dépouille ne sera évacuée que deux heures plus tard, le temps que les agents du service d'anthropométrie achèvent leur mission. Entre-temps, les officiels défilent l'un après l'autre. Premiers arrivés sur les lieux, le vice-président de la Chambre, Michel Murr, et le ministre de l'Intérieur, Hassan Sabeh, observent, immobiles, la voiture sérieusement endommagée. Le Premier ministre Nagib Mikati les suit. Au moment où il entame une déclaration dénonçant l'innommable acte, une voix féminine fuse : « C'est tout ce que vous savez faire. Mais à quoi servent vos condamnations ? Elles n'ont jamais empêché les gens honnêtes de mourir. Vous êtes une honte. Qu'est-ce que vous faites ici ? Allez vous faire pendre bande d'inutiles, incapables d'empêcher qu'on assassine les honnêtes gens. » La dame qui profère ses mots est excessivement élégante. Les bras croisés sur la poitrine, elle ne bouge pas d'un pouce, en dépit des injonctions répétées des soldats de l'armée. À quelques mètres d'elle, le PDG d'an-Nahar, Gebrane Tuéni, qui a du mal à cacher son émotion, accuse sans ambages le régime syrien et les résidus du système sécuritaire syrien au Liban d'avoir tué Samir Kassir. « La criminalité se poursuit. Ils commencent à Damas, en passant par Baabda, pour arriver à Beyrouth. Ce crime a un seul prix : que Émile Lahoud soit délogé de Baabda et que les immixtions syriennes continues au Liban finissent », rugit de son côté Marwan Hamadé. À quelques mètres de lui, Élias Atallah, secrétaire général de la Gauche démocratique à laquelle appartenait Samir Kassir, n'arrive pas à cacher son émotion et éclate en sanglots. Michel Pharaon dénonce une volonté d'hypothéquer la souveraineté et les libertés libanaises, et Ghazi Aridi s'en prend violemment au chef de l'État. Les personnalités politiques et diplomatiques qui arrivent sur le lieu du drame sont nombreuses. Incident Pour le ministre de la Justice, Khaled Kabbani, le spectacle est insoutenable. Il fait un effort pour s'approcher de la carcasse où gît encore Samir Kassir, mais s'arrête net à mi-chemin, se cache les yeux avec les mains et semble être pris de malaise. Ses gardes du corps le soutiennent et l'éloignent du site. Deux anciens collaborateurs de Samir Kassir à L'Orient Express suivent du regard le défilé d'officiels, la mine défaite, les larmes aux yeux et laissent éclater toute la colère qui gronde en eux, lorsque la même voix féminine s'élève de nouveau, pour vilipender un Nagib Mikati qui s'éclipse discrètement. La dame, ainsi qu'un jeune homme à côté d'elle semblent incapables d'arrêter leurs vociférations, huant les officiels et les agents de l'ordre. Lorsque les soldats s'approchent d'eux et les somment de partir, un des anciens collaborateurs bondit pour les rejoindre, hurlant de toutes ses forces : « Vendus, assassins, agents syriens. Honte à vous. Allez vous faire pendre », tonne-t-il, les yeux injectés de sang, avant de se tenir aux côtés de la dame. La colère de la foule Leurs cris s'emmêlent. Un des agents de l'ordre, en civil, bondit sur eux et assène au jeune homme une gifle retentissante. Les hurlements s'amplifient. La foule en colère explose. Des injures fusent contre le pouvoir accusé d'être inféodé à la Syrie. Gebrane Tuéni s'interpose entre les agents et les civils, pour éviter que la situation ne dégénère. « Non ! Pas de bagarre ! C'est ce que les assassins veulent, diviser nos rangs », lance M. Tuéni. « Il faut rester unis, montrer aux meurtriers que leur scénario ne marchera pas », dit-il, sans parvenir à calmer la foule, qui n'étouffe ses cris que lorsque les secouristes de la CRL évacuent le corps. Un peu plus tard, la foule se disperse. L'armée recouvre la voiture piégée d'une bâche. Carlos Eddé, qui s'éloigne du lieu de l'attentat, établit un lien entre l'assassinat de Samir Kassir et ses récents articles antisyriens. « Ces gens ont la dent dure, déclare-t-il à L'Orient-Le Jour. Un homme comme Samir Kassir qui avait le courage de ses opinions et qui allait jusqu'au bout de ses convictions avait fait beaucoup de mécontents, surtout avec ses derniers articles dans lesquels il attaquait la situation interne en Syrie et le
régime syrien. » « Nous ne devons pas oublier, ajoute Carlos Eddé, à qui nous avons affaire et combien les moyens utilisés peuvent être violents. Est-ce un règlement de comptes de la part des résidus de l'ancien système, un message adressé au Nahar pour ses prises de position, ou les deux ensembles ? Toujours est-il qu'il est urgent de procéder à un nettoyage au sein du système sécuritaire libanais et dans le leadership politique, à commencer par le président de la République. »
L'épouse de Kassir réclame une enquête internationale avec la participation de la France L'épouse du journaliste assassiné, Samir Kassir, Mme Gisèle Khoury, qui se trouvait aux États-Unis au moment de l'attentat, a réclamé une enquête « internationale » avec la participation de la France sur l'assassinat de son mari, a rapporté hier la chaîne de télévision al-Arabiya. Samir Kassir « est également citoyen français » et « les autorités françaises doivent participer à l'enquête sur son assassinat », a ajouté al-Arabiya, citant Mme Khoury, qui est l'une de ses journalistes. Une heure de silence, aujourd'hui place des Martyrs, en guise de protestation L'équipe de notre confrère an-Nahar appelle les journalistes et les photographes « libres » de la presse écrite, de l'audiovisuel et de la radio à se joindre à elle pour une heure de silence, aujourd'hui, de 10h à 11h, place des Martyrs, en guise de « deuil » et de « protestation » contre l'attentat qui a coûté la vie au journaliste Samir Kassir.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 3 juin 2005

25 septembre 2005
Une nouvelle figure médiatique victime du cycle de la terreur, May Chidiac grièvement blessée dans un attentat à la voiture piégée
L'audace a son prix au Liban et pas le moindre. Primée et applaudie ailleurs, cette vertu est châtiée par le sang au pays du Cèdre. Hommes politiques, penseurs, intellectuels et journalistes sont désormais appelés à faire acte de soumission ou à périr. Un message que s'obstinent à refuser ceux qui continuent de croire à la résurrection de leur pays, jusqu'à en oublier leur propre survie. Hier l'ultime avertissement a été adressé à notre consoeur May Chidiac, dont le franc-parler a désarçonné plus d'un téléspectateur et irrité les ennemis de la liberté. Faisant suite à une série noire d'attentats qui ont ôté la vie à nombre de décideurs et d'esprits libres, cet attentat, qui a visé l'une des plus éminentes journalistes du pays, a un parfum de barbarie que le Liban ne peut plus sentir. C'est le deuxième attentat à l'explosif en quatre mois à viser les professionnels des médias connus pour leurs positions antisyriennes. De retour d'une visite qu'elle effectuait à Jounieh chez la famille Farès, des amis de longue date, May Chidiac prend le volant pour quitter les lieux. C'est à ce moment-là qu'une charge de 400 gr placée sous le siège de sa voiture explose, blessant grièvement la journaliste qui était restée consciente après la déflagration. « S'il vous plaît, sauvez-moi des flammes », a-t-elle lancé à un passant qui l'a secourue en utilisant une couverture pour éteindre le feu. L'intérieur de la voiture, sérieusement endommagée, était maculé de sang. Sur son siège pendait un chandail blanc qu'elle avait laissé traîner en prévision d'une nuit fraîche. Dépêchées sur place, les forces de sécurité ont encerclé les lieux à la recherche d'un indice quelconque. Selon un expert qui a requis l'anonymat, « la technique aussi bien que les explosifs sont similaires à ceux qui ont été employés lors des attentats qui ont visé Samir Kassir et Georges Hawi ». Cette source indique que la charge explosive aurait été placée en plein jour, entre 13 heures et 17 heures, lorsque May Chidiac avait abandonné sa voiture pour aller déjeuner. « La journaliste avait été probablement filée pendant plusieurs heures par le poseur de bombe », a précisé l'expert. Selon des témoins sur place, sa jambe gauche et son bras gauche ont été sérieusement touchés. Conduite dans un premier temps à l'hôpital Notre-Dame du Liban à Jounieh où elle a reçu les premiers soins, May Chidiac a été ensuite transportée à l'hôpital de l'Hôtel-Dieu de France où elle a subi pendant des heures plusieurs interventions chirurgicales délicates. Les premières informations de la soirée ont fait état d'une amputation de la jambe gauche alors qu'une équipe chirurgicale pluridisciplinaire tentait de lui sauver le bras gauche qui était resté relié au corps. Plus tard dans la soirée, le chirurgien Ramzi Achouch a lu un communiqué dans lequel il a affirmé que May Chidiac a été gravement atteinte. « Elle a subi une amputation de la jambe gauche et du bras gauche et souffre de deux fractures du bassin et de la jambe droite, de brûlures à la main droite et d'autres contusions bénignes », a-t-il dit. À l'heure d'aller sous presse, on devait apprendre que son état général était stable en ce qui concerne les fonctions vitales essentielles, « mais elle nécessite une période de surveillance pendant plusieurs jours », a précisé le Dr Achouch. Les interventions chirurgicales se sont poursuivies durant toute la soirée. La famille Hariri a mis à la disposition de Pierre Daher, PDG de la LBC, un de ses avions personnels pour faire venir de France des équipes médicales spécialisées en greffe. L'avion atterrira ce matin à l'aube avec, à son bord, le professeur Patrick Keffler et le médecin personnel de la famille Hariri, Hani Kanaan. Le prince Walid ben Talal avait également offert de mettre à la disposition de la journaliste son jet privé pour l'amener se faire soigner à l'étranger si besoin en était. La prière collective Il a fallu à peine quelques heures pour qu'une foule de sympathisants envahissent l'hôpital et forment en quelques heures un solide front de
solidarité. Un élan spontané et cordial devenu quasi familier aux Libanais meurtris au quotidien. Au fur et à mesure que tombait la nuit, les cierges s'allumaient l'un après l'autre, comme pour défier l'obscurité vers laquelle les poussent les partisans de la terreur. Interviewé dimanche matin par May Chidiac, le journaliste du quotidien an-Nahar, Sarkis Naoum, a affirmé à la LBC avoir abordé avec elle la question de sa sécurité. « Je ne prends pas de précautions particulières. Les contrôles de sécurité ont été réduits autour du bâtiment de la LBC », à Adma, près de Jounieh, a dit M. Naoum, citant Mme Chidiac. Pour la plupart des anciens membres des FL, les journalistes et employés de la LBC ont été longtemps contraints de suivre la ligne rédactionnelle dictée par les services syro-libanais en dépit de leurs convictions antisyriennes. Lors de l'interview, Mme Chidiac a interrogé M. Naoum sur une éventuelle implication de la Syrie dans l'attentat qui a tué Rafic Hariri. Elle l'avait également interrogé sur un éventuel changement de régime à Damas. Attentat prémédité ou acte de représailles suite à son intervention du matin ? La réponse ne viendra pas de sitôt, d'autant qu'il s'agit de la douzième explosion – à part celle qui a tué Rafic Hariri – dont les auteurs n'ont toujours pas été dévoilés. Ironie du sort, M. Naoum venait de mettre en garde la journaliste, quelques heures plus tôt, de l'éventualité d'un attentat. Une fois de plus, c'est Damas et les services de sécurité libanais qui étaient sous la coupe de la Syrie qui sont pointés du doigt dans ces attentats. « May représentait l'image des médias libres. Elle a été visée pour son engagement politique », a déclaré le député Boutros Harb. « Je me sens personnellement visé et May était une des plus importantes journalistes », a affirmé le ministre de l'Information Ghazi Aridi. Autant de mots de consolation qui n'expliquent cependant pas le mutisme ou l'impuissance des services de sécurité qui, à ce jour, n'ont avancé aucun nom des criminels en cause, ni éclairci l'énigme macabre qui endeuille le Liban, comme l'ont relevé plusieurs responsables politiques. Pour le député du courant aouniste, Ibrahim Kanaan, le ministre de l'Intérieur, Hassan Sabeh, « doit révéler la vérité aux citoyens ou démissionner ». « Cette situation d'instabilité n'est plus acceptable », a-t-il dit en rappelant que partout au monde, sauf au Liban, « les services de sécurité jouent la transparence ». Même son de cloche chez le chef du PSP, Walid Joumblatt, qui a dénoncé le laxisme sur le plan sécuritaire et le retard mis à effectuer les nominations à la tête des services compétents. M. Siniora avait pourtant réuni – suite à l'attentat de la rue Monnot qui avait dévoilé plusieurs bévues au niveau de la gestion de la scène du crime – les responsables des services en charge de la sécurité en vue de coordonner et de centraliser les efforts à ce niveau tout en accentuant les contrôles sur le terrain. Une initiative louable qui ne semble toutefois pas avoir eu de suivi et qui s'est avérée inefficace à ce jour. M. Siniora n'a pas attendu pour tenter de remédier à cette lacune en annonçant hier, de l'hôpital où il se trouvait avec le chef de l'État, Émile Lahoud, la tenue aujourd'hui d'un conseil central de la sécurité. La question sécuritaire sera également évoquée au prochain Conseil des ministres au cours duquel ces derniers devront prendre connaissance d'un rapport conjoint établi par les ministères de la Défense et de l'Intérieur. Un rendez-vous qui apparaît de plus en plus pressant à la lumière du climat de terreur qui tente de s'approprier l'âme du Liban et de son intelligentsia.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 26 septembre 2005

22 Octobre 2005
Le rapport Mehlis : 54 feuillets pour résumer 16 000 pages d'enquête
Les investigations nécessiteront des mois, pour ne pas dire des années, afin d'être menées à leur terme
Le rapport de 54 pages remis jeudi soir par le juge Detlev Mehlis au secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, n'est qu'un résumé très succinct de l'ensemble des documents se rapportant aux résultats enregistrés à ce jour par la commission internationale d'enquête. Ces documents comptent non moins de 16 000 pages, y compris la retranscription des interviews de 450 témoins et suspects. Ce rapport est particulièrement accablant aussi bien pour les services syriens que libanais, les indices et témoignages recueillis mettant en évidence de fortes présomptions sur l'implication de cet appareil sécuritaire libano-syrien. Le document fait état à ce propos de « preuves convergentes montrant l'implication libanaise et syrienne dans cet acte terroriste », soulignant que les services syriens avaient infiltré la société libanaise et en avaient contrôlé tous les rouages. Le document ajoute que l'enquête devrait se poursuivre et être menée à son terme afin de lever toute équivoque quant à la responsabilité des services syriens et libanais dans l'attentat du 14 février. Le rapport relève sur ce plan qu'un attentat d'une telle envergure n'aurait pas pu être planifié et exécuté à l'insu des services en question. Les copies du rapport Mehlis remises aux ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité étaient accompagnées d'une lettre personnelle de Kofi Annan. Exprimant ses remerciements au gouvernement libanais pour « son soutien et sa coopération avec la commission » d'enquête, M. Annan souligne dans sa lettre qu'il a l'intention de prolonger le mandat de la commission jusqu'au 15 décembre. « Durant cette période, précise M. Annan, la commission pourra poursuivre ses investigations au sujet du crime et aider les autorités libanaises dans leur enquête. La demande de cette prorogation a été faite par le Premier ministre Fouad Siniora, dans une lettre qu'il m'a adressée le 13 octobre », indique M. Annan dans sa lettre d'introduction. Le rapport Mehlis est divisé en six chapitres, précédés d'une chronologie des événements s'étendant du 26 août 2004 (date du fameux entretien explosif entre Bachar el-Assad et Rafic Hariri) et le 25 septembre 2005 (l'attentat contre May Chidiac). Les six chapitres sont divisés comme suit : préface (qui retrace les principales étapes onusiennes de la formation et de la mise en chantier de la commission d'enquête) ; le background ; le crime ; l'enquête libanaise ; les investigations de la commission internationale ; les conclusions. Le juge Mehlis souligne dans la préface que pour des considérations de sécurité, le rapport ne mentionne pas les identités des témoins cités. Le document relève en outre qu'« en dépit des moyens humains, techniques et financiers mis en oeuvre en vue de l'enquête, et malgré les énormes progrès et les résultats significatifs réalisés à ce jour, l'enquête portant sur un tel acte terroriste, ayant une dimension internationale à multiples facettes, nécessite des mois (pour ne pas dire des années) afin d'être menée à son terme, de manière à établir les bases solides d'un procès ». Et le juge Mehlis d'ajouter : « Jusqu'à ce que l'enquête soit achevée, que tous les indices soient analysés, et qu'un mécanisme de procès indépendant et impartial soit mis en place, nul ne peut avoir une idée complète de ce qui s'est produit, comment cela s'est produit et qui est responsable de l'assassinat de Rafic Hariri et de 22 personnes innocentes. De ce fait, la présomption d'innocence reste de rigueur. En élaborant ce rapport, la commission a pris soin d'éviter que rien de ce qu'elle accomplit ou dit ne porte préjudice à l'enquête en cours ou aux procès qui pourraient suivre. Dans ce cadre, la commission ne peut pas dévoiler tous les détails et faits en sa possession. La commission a tenté d'exposer (dans son rapport) les faits et leur analyse de manière à expliquer, de façon la plus rigoureuse possible, ce qui s'est passé ». Dans la
préface, le juge Mehlis rappelle que la résolution 1595, sur l'enquête internationale, a été adoptée le 7 avril 2005. Le Conseil de sécurité avait examiné au préalable, le 24 mars, le rapport Fitzgerald élaboré par la commission d'information préliminaire (qui avait été chargée d'effectuer une première investigation sur les circonstances ayant entouré l'attentat). Le 26 mai, une première mission de la commission d'enquête internationale, présidée par Detlev Mehlis, est arrivée à Beyrouth. Le 13 juin, un accord a été signé entre la commission et le gouvernement libanais pour fixer les conditions et les modalités pratiques de l'action des enquêteurs de l'ONU. Peu après la signature de cet accord, les autorités libanaises ont remis à la commission des documents de 8 000 pages sur les informations et les indices assemblés depuis le 14 février. Le 16 juin, le secrétaire général de l'ONU déclarait que la commission était opérationnelle. Le mandat de la commission a été prolongé une première fois jusqu'au 26 octobre. Nous reproduisons ci-dessous de très larges extraits du rapport, dans une traduction non officielle, en préservant quasiment intégralement les passages importants.
RÉSUMÉ
(...)
4 – La commission a concentré son enquête sur la scène du crime, les aspects techniques du crime, l'analyse d'interceptions téléphoniques, le témoignage de plus de 500 témoins et sources, ainsi que sur le contexte institutionnel dans lequel s'est déroulé le crime. (...)
7 – La commission estime que l'assassinat du 14 février 2005 a été perpétré par un groupe de personnes disposant de grandes capacités d'organisation, de ressources et de moyens considérables. La préparation du crime a duré plusieurs mois. Les horaires et les trajectoires des déplacements de M. Rafic Hariri ont ainsi été contrôlés, de même que les itinéraires suivis par ses convois, qui ont été enregistrés en détail.
8 – Sur la base des résultats du travail réalisé par la commission et de l'enquête libanaise à ce jour ; sur la base des preuves matérielles et documentaires collectées et des pistes suivies jusqu'à présent, des preuves convergentes ont été réunies pour conclure à une implication à la fois libanaise et syrienne dans cet acte terroriste. C'est un fait bien connu que la présence des Renseignements militaires syriens au Liban était imposante, au moins jusqu'au retrait des forces syriennes consécutif à la résolution 1559. Ils avaient nommé les anciens haut responsables sécuritaires libanais. Étant donné l'infiltration des institutions et de la société libanaise par les services de renseignements libanais et syriens, travaillant en tandem, il est difficile d'envisager un scénario suivant lequel les préparatifs d'un assassinat aussi complexe auraient pu avoir lieu à leur insu.
9 – La commission conclut que les autorités sécuritaires et judiciaires adéquates devraient poursuivre les investigations. Ces autorités ont prouvé au cours de l'enquête qu'avec le soutien et l'assistance internationale, elles étaient en mesure d'avancer, voire de prendre l'initiative de façon efficace et professionnelle. Parallèlement, les autorités libanaises devraient se pencher sur toutes les ramifications de l'affaire, y compris les transactions bancaires. L'explosion du 14 février doit être envisagée clairement dans le cadre de la séquence d'explosions qui l'ont précédée et suivie, car il pourrait y avoir un lien entre certaines, voire la totalité d'entre elles.
10 – La commission considère donc qu'il est essentiel que la communauté internationale fournisse un effort soutenu pour établir une plate-forme d'assistance et de coopération avec les autorités libanaises en matière de sécurité et de justice. De tels efforts renforceront
considérablement la confiance de la population libanaise dans leur système sécuritaire, tout en les aidant à prendre confiance dans leurs propres capacités.
(...)
II - BACKGROUND
Relations entre
M. Hariri et la Syrie
25 – L'enquête de la commission a confirmé ce que beaucoup de gens au Liban ont longtemps affirmé, à savoir que les officiers supérieurs des renseignements syriens exerçaient une puissante influence quotidienne et stratégique sur la gestion gouvernementale du Liban. Le conflit apparemment croissant entre M. Hariri et de haut responsables syriens, dont le président syrien Bachar el-Assad, a représenté un aspect central de l'information fournie à la commission à travers des entretiens et des documents. Une rencontre à Damas entre M. Hariri et le président Assad, le 26 août 2004, semble avoir porté le conflit « à son paroxysme ». Lors de cette réunion qui aurait duré 10 à 15 minutes, le président Assad a informé M. Hariri, qui était alors Premier ministre, qu'il souhaitait que le Liban proroge le mandat du président Émile Lahoud, ce à quoi M. Hariri s'opposait.
26 – Des témoins libanais et syriens, et la transcription d'une réunion entre M. Hariri et le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, ont fourni à la commission des versions très différentes de ce qui s'est dit lors de cet entretien. Un certain nombre de témoins libanais – dont Ghazi Aridi et Marwan Hamadé, anciens ministres à l'époque, le chef druze du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, le député Bassem Sabeh, et le fils de M. Hariri, Saad – ont rapporté que M. Hariri leur a dit avoir été brusquement informé par le président Assad de sa décision de proroger le mandat du président Lahoud et qu'il l'avait menacé de « casser le Liban sur votre (celle de M. Hariri) tête et celle de Walid Joumblatt », si M. Hariri (et probablement M. Joumblatt) n'acceptait pas de soutenir cette prorogation. Des responsables syriens ont apporté une version différente de la réunion. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk el-Chareh, et le général Ghazalé, chef des Services des renseignements syriens au Liban, en ont fait un compte rendu positif. Le général Ghazalé a déclaré à la commission que M. Hariri lui avait dit que le président Assad le considérait comme un « ami » et qu'il avait fait état d'une rencontre cordiale et respectueuse au cours de laquelle le président Assad avait consulté M. Hariri sur la question de la prorogation.
27 – Ci-dessous des extraits des entretiens conduits par la commission à propos de la réunion du 26 août 2004, des extraits appropriés d'une lettre adressée à la commission par M. Chareh et une partie enregistrée de la conversation entre M. Hariri et M. Moallem.
Ministre des Affaires
étrangères de la République arabe syrienne, lettre à la commission, en date du 17 août 2005 :
« Une rencontre a eu lieu entre le président Bachar el-Assad et le défunt Premier ministre Rafic Hariri à Damas, le 26 août 2004, dans le cadre des consultations politiques en cours entre les dirigeants libanais et syriens (...). Les développements régionaux et locaux ont été passés en revue, y compris la possibilité d'une extension du mandat d'Émile Lahoud, président du Liban, au regard des conditions régionales troublées et en partant d'un intérêt mutuel pour le maintien de la stabilité au Liban. M. Hariri a demandé qu'au cas où un consensus émerge en Conseil des ministres à propos de la prolongation du mandat, la Syrie
oeuvre à pousser le président Lahoud à davantage de coopération dans la période à venir. Le président (syrien) a demandé à M. Hariri de consulter son groupe et qu'il jugerait nécessaire afin de prendre la position qui convient. »
Rustom Ghazalé, déclaration écrite non datée, soumise à la commission par une lettre du 17 août 2005 :
« J'ai rencontré à deux reprises le Premier ministre Hariri à Anjar ce jour-là (26 août 2004). Le premier entretien a eu lieu le matin du 26 août 2004, alors qu'il se dirigeait vers Damas pour rencontrer le président Bachar el-Assad et le second a eu lieu sur le chemin du retour entre Damas et Beyrouth, après la réunion avec le président Bachar el-Assad à Damas. La dernière rencontre a également eu lieu dans nos bureaux à Anjar. »
(...)
« Nous avons évoqué son entrevue avec le président Bachar el-Assad. Il (Hariri) paraissait détendu. Le Premier ministre Hariri a qualifié sa rencontre avec le président Bachar el-Assad de cordiale et brève. Selon le Premier ministre Hariri, le président Assad lui a dit : Abou Baha', nous, en Syrie, avons toujours traité avec vous comme un ami et comme le Premier ministre du Liban. Aujourd'hui, je vous reçois aussi en tant qu'ami et en tant que Premier ministre du Liban. Étant donné les circonstances difficiles que traverse la région, le Liban en étant le coeur, nous pensons qu'il est dans l'intérêt du Liban de préserver la continuité du régime en prorogeant le mandat du président Lahoud. En tant qu'ami, nous voudrions que vous clarifiez votre position sur ce sujet. Nous ne sommes pas pressés de connaître la réponse, et vous pouvez souhaiter un temps de réflexion, à votre convenance. »
Marwan Hamadé, déposition du 27 juin 2005 :
« Mercredi 24 ou 25 août, M. Hariri, M. Joumblatt et M. Berry ont été invités à se rendre à Damas afin d'être informés de la décision de proroger le mandat de M. Lahoud. M. Joumblatt a informé R. Ghazalé qu'il souhaitait en discuter avec le président Assad. R. Ghazalé a insisté sur le fait que la réponse devrait être "oui" avant de fixer un rendez-vous. Il a en fait conseillé à M. Joumblatt de répondre positivement, car il s'agissait d'une question stratégique pour le président Assad. La réponse de M. Joumblatt a été négative. Une heure plus tard, M. Joumblatt m'a appelé pour me dire que les renseignements syriens avaient annulé son rendez-vous.
« Dans la soirée, M. Joumblatt et moi-même sommes allés rendre visite à M. Hariri. Ce dernier a déclaré que R. Ghazalé avait insisté pour dire qu'il n'aurait pas non plus de rendez-vous tant que sa réponse ne serait pas positive. On lui a demandé d'aller à Damas, de rester à son domicile (...) jusqu'à nouvel ordre. Le lendemain, il a été appelé pour une brève rencontre. »
(...)
« Le jour de la rencontre entre M. Hariri et le président Assad, je me trouvais dans la résidence de M. Joumblatt à Beyrouth, avec Bassem Sabeh et Ghazi Aridi. Nous avons vu que le convoi de M. Hariri était de retour à 13h00, ce qui signifiait que la rencontre à Damas avait été très brève. Nous avons vu M. Hariri, l'air fatigué. Il transpirait. Il nous a dit qu'il fallait réélire le président Lahoud, sinon "il en paierait chèrement le prix". (...) Il nous a dit que le président Assad lui avait déclaré : Je vais casser le Liban sur votre tête et sur celle de Joumblatt. »
Ghazi Aridi, déposition
du 1er juillet 2005 :
« M. Hariri nous a raconté que le président Assad lui avait dit : "Si Jacques Chirac me sort du Liban, je vais considérer différentes options et vous tiendrai au courant. Ou vous êtes avec nous, ou vous êtes contre nous. Mon choix s'est porté sur Émile Lahoud pour la présidence. Je vais m'assurer qu'il sera président. J'attendrai votre réponse. (...) Dites à Walid Joumblatt que s'il a des druzes au Liban, j'ai aussi une communauté druze en Syrie. Je suis prêt à tout. »
Walid Joumblatt,
déposition du 28 juin 2005 :
« Selon M. Hariri, Assad lui a dit : « Lahoud c'est moi. Je veux renouveler son mandat. (...) Si Chirac me veut hors du Liban, je casserai le Liban. (...) Au cours de sa visite chez moi, M. Hariri était très tendu et déçu. Il était en très mauvais état. »
Gebran Tuéni, déposition
du 25 juin 2005 :
« Plus tard, en 2004, lorsque la question de la prorogation du mandat du président Lahoud a été soulevée, M. Hariri m'a également dit que le président Assad l'avait menacé directement et qu'il lui avait dit qu'un vote contre la prorogation serait considéré comme étant dirigé contre la Syrie. Selon M. Hariri, le président Assad a ajouté que, dans ce cas, les Syriens le "feraient sauter" lui et sa famille et qu'ils le retrouveraient partout dans le monde. »
Bassem Sabeh, déposition du 30 juin 2005 :
« Quand M. Hariri est revenu de sa réunion avec le président Assad, je l'ai rencontré au domicile de Walid Joumblatt. »
(...)
« Il nous a rapporté les propos du président Assad qui a présenté les choses brutalement : "Je suis personnellement impliqué dans cette affaire. Il ne s'agit pas d'Émile Lahoud, mais de Bachar el-Assad".
« Nous lui avons demandé s'il avait eu l'occasion de discuter du sujet avec le président Assad. Il a répondu que le président Assad l'avait informé que le sujet n'était pas ouvert à la discussion, que les choses iront ainsi, ou bien je casserai le Liban. » (...) Il était extrêmement préoccupé. Il m'a dit que dans l'intérêt du Liban, il fallait réfléchir à ce qu'il allait faire, car nous faisions face à une bande de fous capables de tout. »
Saad Hariri, déposition
du 9 juillet 2005 :
« J'ai discuté avec mon père, le défunt Rafic Hariri, de la prorogation du mandat du président Lahoud. Il m'a dit que le président Assad l'avait menacé en ces termes : "C'est ce que je veux. Si vous croyez que le président Chirac et vous allez diriger le Liban, vous vous trompez. Cela n'arrivera pas. Le président Lahoud c'est moi. Quoi que je lui dise, il exécute. Cette prorogation se fera, sinon je casserai le Liban sur votre tête et sur celle de Walid Joumblatt. (...) Donc, soit vous faites ce qu'on vous dit, soit nous vous aurons, vous et votre famille, où que vous soyez".
Conversation téléphonique enregistrée entre Rafic Hariri et Walid al-Moallem, le 1er février 2005 :
« À propos de la prorogation, il (le président Assad) m'a convoqué et m'a reçu pendant 10 à 15 minutes. »
(...)
« Il m'a convoqué et m'a dit : "Vous avez toujours dit que vous étiez avec la Syrie. Le temps est venu de prouver que vous pensez ce que vous dites ou non". (...) Il ne m'a pas demandé mon avis. Il a dit : "J'ai décidé". Il ne s'est pas adressé à moi en tant que Premier ministre, ou en tant que Rafic, ou quoi que ce soit du genre. Il a simplement dit : "J'ai décidé". J'étais complètement perturbé et désorienté. C'était le pire jour de ma vie. »
(...)
« Il ne m'a pas dit qu'il souhaitait proroger le mandat de Lahoud. Tout ce qu'il a dit c'est : "J'ai décidé de faire ceci, ne me répondez pas, réfléchissez et revenez me voir". »
(...)
« Je n'ai pas été traité comme un ami ou une connaissance. Non, j'ai été soumis à la question suivante : "Êtes-vous avec ou contre nous", c'est tout. Quand je suis sorti de la réunion, je vous le jure, mes gardes du corps m'ont regardé et m'ont demandé pourquoi j'étais pâle. »
28 – Lors de sa rencontre avec M. Moallem, M. Hariri a déclaré qu'il croyait le président Assad délibérément mal informé par les services de sécurité syriens et par M. Chareh. Une traduction de certains extraits de la réunion contient les déclarations suivantes de M. Hariri :
– « Je ne peux pas vivre avec un régime sécuritaire qui s'est fait une spécialité d'interférer avec Hariri et de répandre de fausses informations à propos de Rafic Hariri dans des rapports à Bachar el-Assad. »
– « Mais le Liban ne sera jamais dirigé à partir de Syrie. Cela n'arrivera plus. »
29 – Pendant la discussion, M. Moallem a déclaré à M. Hariri que « nous et les services (de sécurité) vous avons coincé ». Et il a ajouté : « S'il vous plaît, ne prenez pas les choses à la légère. »
30 – L'enregistrement de l'entretien contredit clairement le compte rendu qu'en fait M. Moallem dans sa déposition du 20 septembre 2005 au cours de laquelle il qualifie faussement l'entretien du 1er février « d'amical et de constructif » et il évite de répondre directement aux questions qui lui sont posées.
La coopération
syrienne avec
la commission
31 – Les informations établies ci-dessus et les preuves réunies par la commission, telles que décrites dans la section ci-dessous intitulée La planification de l'assassinat, permettent d'envisager la possibilité d'une implication de responsables syriens dans l'assassinat de M. Hariri. Lorsque la commission a essayé d'obtenir la coopération du gouvernement syrien pour poursuivre l'enquête sur ces pistes, cette coopération a été formelle et non pas substantielle.
32 – Le premier contact entre la commission et les autorités syriennes a été établi le 11 juin 2005, lorsque le commissaire a envoyé une lettre au ministre syrien des Affaires étrangères, réclamant une rencontre avec un représentant du gouvernement syrien. M. Chareh a répondu
le 11 juillet, promettant en des termes généraux que le gouvernement syrien soutiendrait l'enquête. Le 19 juillet, la commission a demandé à interroger plusieurs témoins, y compris le président de la République arabe syrienne. Le 26 août, à la demande du gouvernement syrien, une rencontre a été organisée à Genève, en Suisse, entre le commissaire (Mehlis) et un représentant du ministère syrien des Affaires étrangères. Lors de la réunion, une lettre contenant les déclarations de quatre témoins a été remise au commissaire. Il a alors été précisé que le président Assad n'était pas disponible pour un entretien. Le commissaire a réitéré sa requête concernant des interrogatoires directs des témoins. La réponse a été que sa demande était sous étude mais que le président Assad ne serait pas disponible.
33 – Le 30 août, la commission a envoyé une autre requête au ministre syrien des Affaires étrangères, demandant d'interroger plusieurs autres témoins et suspects en Syrie. La lettre sollicitait le soutien du gouvernement syrien pour perquisitionner chez les suspects. Le 7 septembre, le ministre Chareh a écrit au commissaire que son gouvernement acceptait que la commission interroge les personnes recensées dans les lettres du 19 juillet et du 30 août, à l'exception du président Assad, bien que les éléments dont elle disposait reposent sur de faux témoignages.
34 – Le 12 septembre, la commission et un représentant du ministère syrien des Affaires étrangères ont discuté les détails des interrogatoires à venir. La commission a demandé d'organiser les entretiens dans un pays tiers qui ne soit ni le Liban ni la Syrie, mais ceci lui a été refusé. Les autorités syriennes ont insisté pour que les interrogatoires aient lieu en présence de responsables syriens. Les entretiens ont eu lieu entre les 20 et 23 septembre. Chaque entretien a été conduit en présence du conseiller judiciaire du ministère syrien des Affaires étrangères ou d'un autre représentant du ministère, d'un interprète, de deux rapporteurs et, parfois, d'une personne supplémentaire dont l'affiliation n'était pas précisée. Au terme des entretiens, il était évident que les personnes interrogées avaient répondu uniformément aux questions. Plusieurs de leurs réponses étaient contredites par des éléments de poids réunis par la commission auprès de sources diverses. La commission n'a pas encore eu l'occasion de donner suite à ces entretiens ou de poursuivre son enquête à propos d'une possible implication syrienne dans le crime.
35 – La commission conclut que l'absence de coopération substantielle de la part du gouvernement syrien avait fait obstacle à l'enquête et rendu difficile de suivre des pistes établies par des éléments provenant de diverses sources. Si l'enquête doit se poursuivre, il est essentiel d'obtenir la pleine coopération du gouvernement syrien, y compris à travers l'autorisation d'organiser des interrogatoires hors de Syrie, sans que les personnes interrogées ne soient accompagnées de responsables syriens.
III – LE CRIME
(...)
IV - L'ENQUÊTE
LIBANAISE
Mesures initiales
39 – Résoudre un crime de cette ampleur exige de fortes capacités de gestion, des rôles clairs, une coordination et un accès à des compétences, une puissance de travail, des équipements et
des moyens d'assistance. Le bref exposé suivant résume les mesures prises par les autorités libanaises au cours de la période allant de l'exécution du crime jusqu'à la formation de la commission d'enquête innernationale.
Le juge d'instruction
40 – Le premier juge d'instruction militaire Rachid Mezher a été chargé de l'enquête durant la période du 14 au 21 février 2005. À cette dernière date, le gouvernement libanais a pris la décision de considérer le crime comme un acte terroriste visant la République. Cela a conduit à transférer l'affaire à une nouvelle juridiction compétente, la Cour de justice, qui est la plus haute instance criminelle au Liban. En conséquence de cette décision, un nouveau juge d'instruction a été désigné pour conduire les investigations, le juge Michel Abou Arraj, représentant du bureau du procureur général.
41 – Le juge Mezher est arrivé sur la scène du crime moins d'une heure après l'explosion, en compagnie du juge Jean Fahd, du bureau du procureur général. Il a décrit la situation sur la scène du crime comme étant chaotique. Ses premières décisions ont été de confier au numéro deux de la police de Beyrouth, le général Naji Moulaeb, la charge de superviser le lieu du crime, lui assignant la tâche de retirer les morts et les blessés, de faire éteindre les feux et, ensuite, d'évacuer la scène du crime et de la boucler totalement (déclaration de témoin).
42 – À 17h00, le juge Mezher a convoqué une réunion regroupant tous les organismes concernés, à la fois des FSI et de l'armée, représentés en tout par dix officiers. Au cours de la réunion, le juge Mezher a réparti les tâches sur les différents corps et donné des instructions supplémentaires sur le cours de l'enquête (déclaration de témoin).
43 – Les représentants des FSI à cette réunion étaient : le général Aawar, en sa qualité de commandant en charge de la police de Beyrouth, le général Salah Eid, en tant que responsable du site de l'explosion, et le lieutenant-colonel Fouad Osman, en tant que chef de la division d'information.
44 – Après la réunion, vers 19h00, le juge Mezher est retourné sur la scène du crime pour la deuxième fois. Il n'était pas satisfait de ses observations sur la scène du crime, mais il espérait qu'il en saurait davantage le lendemain du fait que les responsabilités ont été partagées au cours de la réunion. Les lacunes se résumaient notamment à l'absence d'équipements et de moyens d'assistance ainsi qu'à l'inexpérience. De plus, il y avait des failles de communication entre les divers organismes concernés, les instructions du juge n'étaient pas respectées et il ne recevait pas de rapports adéquats sur le progrès des investigations (déclaration de témoin).
45 – Durant la période de ses fonctions en tant que juge d'instruction, le juge Mezher a convoqué une dizaine de personnes à son bureau pour les interroger, y compris des membres du personnel de l'hôtel Saint-Georges, des officiers de la garde rapprochée de Hariri, le père et la mère d'Abou Adas et des témoins. Il a également, en concertation avec le juge Jean Fahd, pris la décision de demander l'assistance de la Suisse concernant une équipe d'expertise légiste afin d'aider les autorités libanaises dans l'enquête. Quand le juge Mezher a été déchargé du dossier, le 21 février 2005, aucun résultat substantiel n'avait été atteint dans les investigations.
46 – Le dossier a été remis au nouveau juge d'instruction, le juge Abou Arraj. Ce dernier a été en charge de l'affaire du 22 février jusqu'au 23 mars 2005. Il a été nommé par le premier juge Tanios Khoury au Conseil supérieur de la magistrature (...) (déclaration de témoin). Ses premières opinions en examinant le dossier étaient que le crime constituait une attaque terroriste qui exigeait beaucoup de temps et des mesures d'investigation extensives, ainsi que la mise en oeuvre de ressources substantielles. À son point de vue, toutes les mesures initiales prises dans le cadre de l'enquête ont été menées d'une façon professionnelle et précise. Mais il a été surpris de voir que les voitures du convoi avaient été retirées. Il n'a pas rencontré le juge Mezher mais il l'a appelé au téléphone chaque fois qu'il avait besoin de clarifications (déclaration de témoin).
(...)
Les FSI
51 – Le 14 février 2005, le général Ali Hajj occupait les fonctions de directeur des FSI. Il avait été promu à ce poste en novembre 2004. Selon certaines allégations, il a été nommé par les Syriens. Il a abandonné ses fonctions au cours du printemps 2005, après l'attentat contre Hariri. Selon ses déclarations, il était présent à son bureau lorsqu'il a été alerté à propos de l'explosion. Il s'est alors rendu immédiatement sur la scène du crime en voiture. Pendant le trajet, il a appelé le général Chahid Khoury, chef du département des opérations au sein des FSI, qui lui a dit qu'il s'agissait d'une grande explosion. Le général Hajj a alors ordonné à M. Khoury de dépêcher toutes les unités responsables sur le site. Ces unités étaient composées de l'unité légiste sous le commandement du général Hicham Aawar, l'unité d'artificiers, dirigée par le général Abdel Badih Soussi, et l'unité d'investigation commandée par le lieutenant-colonel Fouad Osman. Cela était son unique responsabilité, d'assurer les ressources nécessaires. Après l'arrivée du juge d'instruction, tout le personnel des FSI était sous les ordres du magistrat et le général Ali Hajj ne pouvait pas s'ingérer dans l'enquête (déclaration de témoin).
52 – À son point de vue, les problèmes créés sur la scène du crime étaient dus à la présence de plusieurs organismes, comme l'armée, les FSI, la Sécurité de l'État et la Sûreté générale.
53 – Plus tard cet après-midi-là, le général Hajj s'est joint à une réunion du Conseil supérieur de la défense au palais présidentiel. La réunion était dirigée par le président de la République. Les autres participants étaient le vice-président du Conseil, les ministres de l'Intérieur, de la Défense, des Affaires étrangères, de la Justice, de l'Économie et des Travaux publics, le mohafez de Beyrouth et les chefs des divers services de sécurité. La réunion a été axée sur le crime, sur ses ramifications et sur la question de transmettre le dossier à la Cour de justice.
54 – À la suite de la réunion, le général Hajj est retourné à son bureau ; aussitôt après, la chaîne al-Jazira a diffusé une vidéo sur laquelle Ahmad Abou Adass a revendiqué la responsabilité de l'explosion et du meurtre de Hariri. À partir de ce moment, toutes les ressources disponibles des FSI, à l'exception de celles occupées sur la scène du crime, ont été concentrées sur la piste d'Abou Adass.
Les services de renseignements militaires
55 – Le 14 février 2005, le général Raymond Azar était le chef des services de renseignements de l'armée. Il avait été promu à ce poste en décembre 1998 et a présenté sa
démission au printemps 2005 après l'attentat contre Hariri. Selon ses déclarations, il a été prévenu de l'explosion par le colonel Mohammed Fehmi, chef du département de la Sécurité militaire. Il ne s'est pas rendu sur la scène du crime, mais il a suivi l'affaire en détail de son bureau, en compagnie du colonel Albert Karam, chef de la branche des SR de Beyrouth. Il a informé le président Lahoud et le général Ghazali de l'explosion au moment où elle s'est produite. (déclaration de témoin).
56 – Des membres du personnel des SR de l'armée (principalement des experts artificiers) ont visité la scène du crime et mené leur partie du travail d'investigation. Ils ont confirmé que les explosifs utilisés étaient du TNT et ont estimé la quantité à 300 kg. Toutes les pièces à conviction trouvées sur le site ont été par la suite remises aux FSI (le général Hicham Aawar) et, à la connaissance du général Azar, il y avait quelques fragments de métal et un pistolet. À son point de vue, c'était principalement les FSI, mais aussi le bureau du procureur général et le juge d'instruction qui avaient la responsabilité globale de l'enquête.
57 – L'après-midi du 14 février 2005, le général Azar a pris part à la réunion du Conseil supérieur de défense. Au cours de la réunion, un exposé a été fait sur l'assassinat de Hariri, avec tous les détails disponibles à ce moment-là. Chaque participant a présenté son point de vue.
58 – Ultérieurement, sa direction a été assignée à la tâche de suivre les trois éléments suivants :
La vidéo d'Abou Adas
Les communications cellulaires dans la zone de l'explosion
Le type et la quantité d'explosifs utilisés.
La Sûreté générale
59 – Le 14 février 2005, le brigadier Jamil Sayyed occupait les fonctions de directeur général de la Sûreté générale. Il avait été nommé à ce poste en décembre 1998 et a démissionné au printemps 2005 après l'attentat contre Hariri. Selon ses déclarations, il se trouvait à son bureau lorsqu'il a entendu l'explosion, mais il croyait qu'il s'agissait de chasseurs israéliens crevant le mur du son. Entre 13h15 et 13h30, le lieutenant-colonel Ahmad Assir l'a informé de l'explosion et lui a dit que le convoi de Hariri avait été visé. Il est resté à son bureau et aucun membre du personnel de la Sûreté générale n'a été dépêché sur les lieux. Il a téléphoné au chef de l'État, au ministre de l'Intérieur et au général Ghazalé.
60 – Plus tard, dans l'après-midi, le général Sayyed a participé à la réunion du Conseil supérieur de défense, axée sur les répercussions immédiates sur le terrain. Des suggestions ont été soumises au gouvernement, qui s'est réuni le même soir.
61 – Dans la matinée de mardi 15 février 2005, il a reçu un appel téléphonique d'un journaliste d'al-Jazira l'informant que personne n'était venu encore chercher la cassette d'Abou Adas. La vidéo lui a été apportée le 16 février. Il en a fait une copie et remis l'original au juge Abou Arraj.
L'enquête sur
le lieu du crime
Le rapport des FSI
62 – Comme pour toute affaire criminelle, une inspection des lieux du crime et des environs est d'une importance primordiale pour les conclusions de l'enquête. L'officier en charge, le général Naji Moulaeb des FSI, est allé sur les lieux à 13h05, le 14 février 2005. Il a ensuite publié un rapport le 3 mars 2005 sur l'inspection menée par les autorités libanaises (la Direction générale des Forces de sécurité de intérieure, la police de Beyrouth, n° de réf. : 95) contenant ce qui suit :
(...)
« Le 14 février 2005, à environ 12h50, une explosion a eu lieu à Beyrouth près de l'hôtel Saint-Georges, comme indiqué par le centre opérationnel. Toutes les unités de patrouille ont reçu l'ordre de se rendre sur les lieux. J'y suis arrivé quelques minutes plus tard. Les voitures garées à proximité avaient pris feu et il y avait beaucoup de fumée. Les véhicules de la Défense civile, des pompiers et ceux de la Croix-Rouge se sont tout de suite dirigés vers le site et ont pris part à l'extinction du feu, à la recherche des corps et à l'évacuation des blessés vers les hôpitaux. La scène était chaotique ; les membres de l'armée et des FSI s'étaient confondus avec les civils, les pompiers, les secouristes et les journalistes. Tout le monde accourait vers les lieux du crime. J'ai alors donné l'ordre à tous les officiers, policiers et membres des forces de l'ordre de faire tout le nécessaire afin d'assurer un couloir de sécurité et afin de prendre les mesures appropriées pour sécuriser les lieux du crime et pour éloigner les curieux. J'ai donné au chef du second secrétariat régional de Beyrouth la responsabilité d'appliquer ces ordres.
(...)
En plus des politiciens et des officiers de sécurité, le commissaire du gouvernement près la Cour militaire, Rachid Mezher, le premier juge d'instruction de la Cour militaire de Beyrouth sont arrivés sur les lieux avec une équipe de travail. M. Mezher m'a ensuite confié, en tant que responsable en charge de la police pendant l'absence du chef de police qui était en mission à l'étranger depuis le 12 février 2005, la tâche de mener une enquête sur l'attentat et de le garder informé de l'affaire. L'autorisation orale est ensuite devenue écrite.
J'ai informé le directeur général de la Sécurité intérieure de tout cela dès son arrivée sur les lieux du crime.
Compte tenu de l'autorisation orale citée ci-dessus, j'ai donné l'ordre au major Salah Eid, le commandant du second secrétariat régional de Beyrouth, de prendre les mesures nécessaires pour l'enquête et de me garder au courant des nouvelles données.
L'évacuation des blessés vers les hôpitaux et la recherche des corps étaient toujours en cours tout comme le travail du personnel de l'Office central des accidents et des experts en explosifs. Une inspection approfondie a été effectuée sur la scène de l'attentat et ses environs. Un groupe d'ingénieurs de l'armée libanaise est aussi arrivé et a pris des échantillons des lieux du crime afin de les examiner. Un groupe de l'armée a aussi inspecté le site et ses bâtiments et a aidé à assurer un cordon de sécurité.
(...)
Sur les ordres du premier juge d'instruction de la Cour militaire, et avec l'autorisation du directeur général des Forces de sécurité intérieure, les voitures du convoi de M. Hariri ont été envoyées vers la caserne Hélou après avoir été photographiées et filmées sur les lieux du crime en présence des chefs du second secrétariat général de Beyrouth, de la seconde équipe
de trafic de Beyrouth, de la branche al-Bourj et de l'équipe des investigateurs criminels et se basant sur les données fournies par la Défense civile, conformément au rapport n° 144/302 datant du 14 février 2005. Les véhicules ont ainsi été évacués vers la caserne Hélou.
Dans notre télégramme n° 2122 datant du 15 février et qui a été adressé au chef des services d'urgence, nous avons demandé que les véhicules soient sécurisés et que personne ne soit autorisé à les toucher.
À 15h00, le 15 février 2005, le major Omar Mekkawi, le chef de l'unité de police de Beyrouth, a rapporté et a exécuté ces ordres. Il m'a informé de toutes les mesures qui ont été prises et de tous les incidents qui ont été signalés et nous avons été tenus informés des progrès de l'enquête menée par le major Salah Eid. Nous avons ensuite dûment informé le premier juge d'instruction de la Cour militaire des informations qu'on avait.
Conformément à l'accord n° 2F206/1736 datant du 18 février 2005, le premier juge d'instruction de la Cour militaire nous a fait parvenir l'autorisation réf. 36/2005 datant du 18 février 2005, contenant un ordre pour contacter le mohafez de Beyrouth qui devait nous fournir les noms de ceux qui travaillaient récemment dans le chantier sur les lieux de l'explosion. »
Le rapport légiste suisse
63 – Étant donné que les experts libanais qui ont inspecté les lieux du crime représentent différentes agences, ils sont parvenus à des résultats et des conclusions différents de l'inspection. Par conséquent, ils ont été appelés à une réunion en présence du procureur général (déclarations de témoins). La réunion a résulté en une demande au gouvernement en vue d'une assistance dans l'inspection des lieux du crime. Une équipe d'experts légistes suisses a visité le Liban en mars 2005 et a entrepris une enquête légiste. Le rapport final de l'équipe suisse indique ce qui suit :
« Nos conclusions sur une explosion souterraine ou au-dessus de la terre sont basées sur les points suivants :
– Analyses basées sur la dispersion des fragments et sur la taille et la forme des fragments.
– Analyses basées sur la taille et la forme du cratère.
– Analyses balistiques.
– Analyses des dommages infligés aux bâtiments (structure, vitres...)
Suite à l'analyse de la dispersion des fragments, nous ne pouvons pas donner une preuve irréfutable sur le fait de savoir si l'explosion était au-dessous ou au-dessus de la terre. Nos analyses et nos recherches portant sur la taille et la forme du cratère ne nous donnent pas non plus de preuves claires sur le fait de savoir si l'explosion était au-dessous ou au-dessus de la terre.
D'un autre côté, la forme et la taille du cratère nous donnent une certaine information sur la charge d'explosifs possiblement utilisée au-dessous ou au-dessus de la terre.
Comme nous l'avons déjà cité dans notre rapport, il est possible qu'une charge d'explosifs de 1 000 kg utilisée au-dessus de la terre produise un cratère semblable à celui su les lieux du crime.
(...)
Si la charge était placée dans un véhicule, elle devrait peser plus que cela. Si, en effet, un tel véhicule a été utilisé, nous aurions trouvé de plus gros fragments de ce véhicule (un fragment du cadre, par exemple) à proximité du centre de l'explosion.
L'étendue des dommages remarqués sur les fragments en métal que la police nous a montrés (des fragments du van Mitsubishi, selon la police) est en conformité avec les fragments que nous aurions trouvés si un tel véhicule avait réellement explosé au centre du site.
(...)
Après avoir mené toutes les analyses et discussions sur les données que nous avons récoltées, nous sommes parvenus à la conclusion que l'explosion était probablement au-dessus de la terre. Par conséquent, nous estimons à 1 000 kg la charge hautement explosive.
Les résultats préliminaires non officiels des analyses d'un échantillon du cratère ont démontré des traces de TNT. »
Le rapport de Rifi
– En mars 2005, l'actuel chef des FSI, le général Ashraf Rifi, avait préparé un rapport sur les mesures initiales prises par les autorités libanaises sur les lieux du crime, et qui a été ensuite remis à la mission d'enquête des Nations unies. Le rapport contenait ce qui suit (extraits) :
II. Les mesures prises:
L'importance de cet événement tragique qui a coûté la vie à l'ancien Premier ministre Rafic Hariri a eu une influence sur les décisions et les mesures qui ont été prises.
A- Les opérations de secours et la recherche des corps :
Immédiatement après l'explosion, les organismes sécuritaires, militaires et la Défense civile, ainsi que la Croix-Rouge se sont précipités sur les lieux du crime pour remplir leur mission. En dépit de toutes les mesures prises, celles-ci n'ont malheureusement pas été à la hauteur de ce qui aurait été souhaitable pour que ces organismes puissent sauver la face. Ces mesures étaient défectueuses. Ainsi, le ministère de l'Intérieur et des Municipalités a publié un mémorandum 137(sad)2, daté du 25 février 2005, ordonnant à l'Inspection générale des Forces de sécurité intérieure d'enquêter sur les actes et actions. Se fondant sur les résultats, il a suggéré la révocation du chef de la police de Beyrouth et du chef de la police judiciaire.
B. Préservation des lieux
du crime :
Immédiatement après l'explosion, le juge d'instruction militaire a été chargé de l'enquête. Tout le personnel de la police judiciaire et de la sécurité a été mis à sa disposition. Il a ordonné des commissions rogatoires et indiqué les mesures qui devaient être prises, et ce spécifiquement en ce qui concerne la préservation des lieux du crime. Cependant, les mesures prises ont été en deçà du niveau requis et contraires aux règles évidentes et fondamentales selon lesquelles un crime d'une telle ampleur, et même de moindre ampleur, doit être traité. Dans ce cas, des mesures strictes doivent être prises afin d'empêcher toute altération des lieux du crime ou des preuves qui pourraient être utilisées comme preuves criminelles afin d'aider l'enquête et de découvrir la vérité. Cela aurait pu être effectué sans négliger l'aspect humain de la tâche à remplir, c'est-à-dire en accordant la priorité à la recherche des victimes et des blessés, et en fournissant à ces derniers les premiers soins nécessaires.
De nombreuses erreurs ont été notées en la matière :
a) Les lieux du crime ont été le théâtre d'un chaos non seulement durant les premières heures suivant l'explosion, pendant lesquelles l'attention est portée sur l'extinction de l'incendie,
l'aide aux blessés et la recherche des disparus, mais aussi, de manière regrettable et non nécessaire, durant une période beaucoup plus longue.
b) Il n'y eut aucune coordination entre tous les organes sécuritaires présents sur les lieux du crime.
c) La recherche des disparus a été conduite de manière irresponsable, non professionnelle et négligente. Certaines personnes ont ainsi été découvertes plus tard par hasard ou par leurs familles. Les éléments controversés suivants ont été enregistrés :
– Le corps de Zahi Abu Rujaili, un citoyen libanais, a été découvert le 15 mars 2005. Selon un expert médical, la victime avait survécu à l'explosion pendant environ 12 heures.
– Le corps d'une des victimes a été découvert par hasard 8 jours après l'explosion.
– Le corps de Abdel-Hamid Ghalayini, un citoyen libanais, a été trouvé 16 jours après l'explosion par sa famille et non par les officiers de la Défense judiciaire ou civile
– Le sort de Farhan Ahmad al-Issa est toujours inconnu, il est toujours porté disparu. Il est à craindre que la découverte de son corps ne provoque encore un nouveau scandale.
d) Quelques heures après l'explosion, vers 23h00, des preuves essentielles ont été retirées des lieux du crime. Les voitures du convoi de l'ancien Premier ministre ont été transférées à la caserne Hélou sous prétexte de leur protection alors que ce qui restait des véhicules ne justifiait pas leur protection sauf en ce qui concerne leur valeur en tant que preuve criminelle. Cela n'est pas le seul cas prouvant l'altération des lieux du crime. Une voiture de marque BMW, qui ne faisait pas partie du convoi, a également été retirée alors que l'attention aurait dû être portée sur le non-retrait de quelque voiture que ce soit, et sur le maintien des véhicules à leur emplacement exact afin de déterminer comment le crime avait été commis.
e) Un bulldozer a été introduit sur les lieux du crime le jour de l'explosion, le 14 février 2005, en soirée, sans aucune justification. Dès que le ministère de l'Intérieur et des Municipalités en a été informé, il a ordonné son retrait et la préservation des lieux du crime en l'état.
C. La conduite de l'enquête, ses conditions et la détermination des modalités du crime :
a) Il est connu que des erreurs majeures ont été commises lors de la conduite de l'enquête, parmi lesquelles la fuite d'informations qui a entraîné une certaine confusion. Avec pour conséquence de compromettre la crédibilité de l'enquête locale.
-Responsabilités
a) La responsabilité d'un crime si tragique ne peut être limitée à un aspect. Comme mentionné ci-dessus, cela englobe des aspects politiques, judiciaires et sécuritaires.
Décision de retirer le convoi de véhicules
65 – La décision de remplir le cratère sur les lieux du crime, de retirer les véhicules du convoi et de rouvrir la rue au lendemain de l'explosion, laisse perplexe si l'on suppose qu'il existait une volonté générale de procéder à un examen professionnel des lieux du crime afin de dépister les auteurs du crime et de les traduire en justice. Une perplexité, reflétée dans les différentes déclarations des officiels les plus impliqués, qui parle d'elle-même.
Juge d'instruction Mezher
66 – À 22h30, le 14 février, le juge Mezher était chez lui, quand il a reçu un appel téléphonique du général Naji Mulaeb, qui l'a informé que des représentants de différents organismes étaient sur les lieux du crime et avaient commencé à collecter des morceaux de métal du convoi de véhicules afin de procéder à leurs propres examens légaux. Le général Mulaeb n'a rien pu faire pour les en empêcher. Il a suggéré que le convoi soit transféré dans un endroit sûr et a proposé la caserne Hélou à Beyrouth. Le juge Mezher a accepté cette proposition sous les conditions suivantes : les véhicules devaient être filmés sur le site, répertoriés et numérotés. Ils devaient également être filmés durant leur transfert et lors de leur arrivée à la caserne Hélou, où ils devaient être couverts et gardés 24 heures sur 24 afin d'éviter toute altération des preuves. Le juge Mezher n'a eu aucune information sur la décision de remplir le cratère et de rouvrir la rue (déclaration d'un témoin). Les véhicules ont été retirés des lieux du crime le 14 février.
Général Jamil al-Sayyed
67 – Le matin du 15 février 2005, le général al-Sayyed a lu les journaux au sujet du retrait des véhicules du convoi. À 08h00, il a appelé le général Ali al-Hajj, chef des FSI, et lui a demandé ce qui se passait. Le général al-Hajj lui a répondu que deux équipes travaillent sur le nettoyage de la route qui devait rouvrir à 10h00. En réponse à une question directe, le général al-Hajj a déclaré que les ordres venaient de Moustapha Hamdane, le commandant de la garde présidentielle (déclaration de témoin).
Général Ali al-Hajj
68 – Le 14 février 2005 à 22h30, M. Saddik a reçu un appel téléphonique à son bureau (où il était avec le général Hisham Aouar) de la part du directeur général du ministère des Travaux publics, M. Fadi Nammar. M. Nammar lui a dit qu'une décision avait été prise de rouvrir la route le lendemain et que son équipe était prête à commencer les travaux au lever du soleil le lendemain matin. L'appel était effectué sur une ligne fixe et entendu par le général Aouar. Il a prétendu avoir été surpris par cet appel téléphonique car M. Nammar n'avait pas d'autorité en la matière. Il a été publiquement reconnu que Fadi Nammar était très proche du palais présidentiel, ce qui signifiait qu'il prenait ses ordres de là-bas. M. Nammar a prétendu qu'il avait réglé le problème avec le juge d'instruction. Il a appelé le chef de la police de Beyrouth, le général Naji Mulaeb, et l'a informé de l'appel téléphonique de M. Nammar et lui a demandé de vérifier que le juge Mezher était au courant de cette décision. Le général Mulaeb a appelé le juge Mezher, qui était au courant de la décision de rouvrir la route et n'y voyait pas d'objection. Le général Mulaeb a alors demandé ce qui devrait être fait avec les véhicules. Le juge Mezher a répondu qu'ils devaient être transférés dans un endroit sûr, et il a proposé la caserne Hélou (déclaration de témoins).
69 – Le lendemain matin, le 15 février 2005, M. Nammar a rencontré le mohafez de Beyrouth, M. Yaacoub Sarraf, afin d'organiser la réouverture de la route Minet el-Hosn. Sarraf est très proche du palais présidentiel et était également au courant de la décision (déclaration de témoin).
Général Hisham Aouar
70 – Au sujet du retrait du convoi, le général Aouar a indiqué qu'il ne savait pas qui avait donné les ordres. Il lui a été demandé d'aider au filmage du retrait du convoi le 14 février
durant une rencontre avec le juge d'instruction, mais rien d'autre n'a été mentionné au sujet du retrait des véhicules du convoi des lieux du crime. Le même soir, entre 22h30 et 23h00, il était dans les bureaux du directeur général des FSI, le général Ali al-Hajj, et lui a dit que les voitures allaient être retirées. Il lui a aussi dit que les FSI allaient apporter leur aide avec le marquage des emplacements des véhicules et leur filmage (déclaration de témoin).
Directeur général
Fadi Nammar
71 – M. Nammar ne se souvient pas si le général al-Hajj lui a téléphoné le 14 février 2005, mais il se souvient d'avoir appelé le général al-Hajj le lendemain, comme il le fait toujours en pareille situation. Au moment du coup de téléphone, il était dans le bureau du mohafez de Beyrouth. Il a indiqué au général al-Hajj qu'ils étaient prêts, si nécessaire, à offrir leur aide. Le général al-Hajj l'a transféré à un général travaillant pour les FSI qui lui a dit qu'une étude était en cours sur les lieux du crime. Le général a indiqué qu'il recontacterait M. Nammar en temps voulu. M. Nammar ne se souvenait pas du nom du général, mais il était avec al-Hajj. Il n'avait pas le pouvoir nécessaire pour décider de rouvrir les routes à Beyrouth et il n'a pas donné d'ordres visant à retirer les voitures du convoi. Il a également nié avoir eu des contacts avec le palais présidentiel (déclaration de témoin).
72 – En conséquence, il a été confirmé (grâce à des listes téléphoniques) que le général Ali al-Hajj a appelé d'une ligne fixe M. Nammar sur son téléphone cellulaire le soir du 14 février 2005. Il a également été confirmé que M. Nammar a appelé le général Ali-al Hajj le lendemain (déclaration de témoin).
Le mohafez de Beyrouth, Yaacoub Sarraf
73 – Selon son témoignage, il n'a donné aucune instruction. L'armée et la police ont tout pris en charge. Il a pris contact au téléphone avec M. Fadi Nammar, le 14 février 2005.
Le commandant de la
gendarmerie de Beyrouth, Naji Moulaeb
74 – Entre 20h30 et 22h, le 14 février 2005, le général Moulaeb a reçu un appel téléphonique à son bureau du général Ali Hajj qui lui a ordonné d'ôter les voitures du convoi de la scène du crime et de les placer dans un endroit sûr, partant du principe que la route sera rouverte dans les deux jours qui suivront. Les voitures seraient disponibles au cas où les experts voudraient les examiner. Le général Moulaeb a été surpris par cette décision et ne l'a pas acceptée. Il a informé le général Hajj qu'il n'avait rien à voir avec la scène du crime et que ce site relevait du juge Mezher. Le général Hajj a alors demandé au général Moulaeb de prendre contact avec le juge. C'est ce que ce dernier a fait. Le magistrat a également été surpris par cette requête et a interrogé le général sur les raisons de cette précipitation. Le général Moulaeb lui a dit qu'il a reçu ses ordres du général Hajj et qu'il en avait été également surpris. Le juge lui a alors demandé de lui donner quelque temps et lui a dit qu'il le rappellera. Peu de temps plus tard, entre 10 et 30 minutes, le magistrat a rappelé (le général) et lui a dit que les véhicules pouvaient être déplacés.
Le général
Moustapha Hamdane
75 – Après l'attentat du 14 février 2005, le général Hamdane a pris toutes les mesures nécessaires pour protéger le président et le périmètre du palais présidentiel. Il ne se rappelle pas des détails, mais il ne s'est pas rendu sur le site. Il n'a pas donné des ordres ou des directives concernant les activités sur la scène du crime, dans la mesure où celle-ci ne relève pas de ses responsabilités. Aussi, n'a-t-il rien à voir avec tout ordre donné pour dégager la rue, combler le cratère et enlever les voitures (déposition d'un témoin).
Le chef des Forces de sécurité intérieure, Achraf Rifi
76 – Lors d'une réunion avec la commission internationale d'enquête, le général Rifi a déclaré que la personne qui a donné l'ordre de dépêcher un ou des bulldozers sur la scène du crime afin de combler le cratère provoqué par l'attentat est le général Moustapha Hamdane qui, à l'époque, était le chef de la garde présidentielle et qui, conformément aux lois libanaises, n'avait rien à voir avec des questions relatives à l'enquête sur la scène du crime (déposition d'un témoin).
L'enquête libanaise :
Ahmed Abou Adass
77 – Vers 14h11, le 14 février 2005, presque une heure après l'attentat, Leyla Bassam, de l'agence Reuters, a reçu un appel téléphonique anonyme d'un homme qui n'avait pas l'accent libanais mais qu'elle n'a pas pu identifier. Selon Mme Bassam, dès qu'elle a reçu l'appel, l'homme lui a demandé « d'écrire ce qui suit » et de rester calme, avant de lire la déclaration suivante en arabe littéraire : « Nous, al-Nasra wal Jihad fi bilad al-Islam, déclarons que nous avons infligé une punition à Rafic Hariri l'infidèle, pour qu'il soit un exemple aux autres. » L'interlocuteur a conclu avec une citation islamique avant de raccrocher.
78 – M. Ghassan ben Jeddou, chef du bureau d'al-Jazira à Beyrouth, se rappelle avoir reçu quatre appels téléphoniques ce jour-là, revendiquant la responsabilité de l'attentat. Dans le premier, un homme que M. ben Jeddou a décrit comme s'exprimant lamentablement en arabe, avec un accent africain, afghan ou pakistanais, a annoncé que al-Nasra wal Jihad revendiquait la responsabilité de la liquidation de M. Hariri dans un attentat-suicide (1). Un peu plus tard, al-Jazira a informé son public de cette revendication. Un peu plus tard, al-Jazira a reçu un autre appel téléphonique anonyme d'une personne prétendant appartenir au même groupe, mais s'exprimant parfaitement en arabe. Cette dernière a expliqué à M. ben Jeddou et à ses collègues, où ils pouvaient trouver une vidéocassette contenant des informations supplémentaires sur l'attentat – plus précisément dans un arbre près du siège de l'Escwa, au centre-ville – et leur a demandé de récupérer la vidéocassette dans un délai de 15 minutes. M. ben Jeddou a envoyé un collègue pour localiser la cassette. Une enveloppe blanche contenant une déclaration détaillée dactylographiée ainsi qu'une vidéocassette a été trouvée. Après plusieurs appels du même groupe, qui voulait savoir pourquoi la vidéocassette n'avait toujours pas été diffusée, al-Jazira l'a diffusée en fin d'après-midi.
(1) M. ben Jeddou se rappelle qu'al-Jazira avait reçu quatre appels téléphoniques cet après-midi, le premier autour de 13h40 et le dernier vers 16h. Cependant, les enregistrements téléphoniques ont révélé trois appels téléphoniques cet après-midi, à 14h19, à 15h27 et à 17h04.
79 – La lettre accompagnant la cassette, émanant soi-disant du groupe al-Nasra wal Jihad en Grande Syrie, affirme en partie : « Dieu soit loué car le drapeau d'al-Nasra wal Jihad est
victorieux en Grande Syrie. Avec la bénédiction de Dieu, l'agent des infidèles à La Mecque et à Médine, Rafic Hariri, a subi sa punition à travers une opération-suicide exécutée par le moudjahid Ahmed Abou Adass, qui portait le drapeau d'al-Nasra wal Jihad en Grande Syrie, le lundi 14 février 2005, le 5 du mois de Mouharram 1426, suivant le calandrier musulman à Beyrouth... Ci-joint, un enregistrement de la déclaration du martyr Ahmed Abou Adass, l'auteur de l'opération. »
Sur la cassette, un individu qui se présente comme étant Abou Adass utilise la même terminologie.
80 – Quelque temps après la diffusion de la cassette, les autorités libanaises avaient rassemblé un nombre important d'informations à propos de M. Abou Adass et ont commencé à interroger sa famille et ses associés. La majorité de ces informations proviennent apparemment de cheikh Ahmed Abdel-Al, des Ahbaches, un groupe islamique actif dans le secteur des camps palestiniens où M. Abou Adass aurait vécu. Cheikh Abdel-Al a déclaré devant la commission internationale d'enquête qu'il avait reçu un appel téléphonique du palais présidentiel, quelque temps après la diffusion de la vidéocassette d'Abou Adass, lui demandant s'il avait des informations sur M. Abou Adass. Selon M. Abdel-Al, ce dernier avait obtenu des informations sur la vie de Abou Adass, dont son adresse, le fait qu'il se rendait souvent à Aïn el-Héloué, qu'il était instruit, ayant probablement suivi des cours de sciences informatiques, qu'il était un wahhabite et qu'il avait visité Abou Obeyda (chef adjoint de Jound el-Cham). Cheikh Abdel-Al a également obtenu les noms des membres de la famille et des amis de M. Abou Adass. Il a envoyé ces informations par fax au président Lahoud, à Ali Hajj, à Albert Karam, à Jameh Jameh et Maher al-Toufayli. Cheikh Abdel-Al aurait, en outre, tenu une réunion avec un officier des services de renseignements syriens, Jameh Jameh, le 14 février 2005 au soir, et lui aurait remis des informations relatives à M. Abou Adass et que Jameh Jameh devait, par la suite, relayer aux Forces de sécurité intérieure.
81 – Les FSI ont perquisitionné la maison de Abou Adass, accompagnées d'un membre des Ahbaches. Ils ont saisi de chez lui un ordinateur, ainsi qu'un certain nombre de disques compacts qui étaient tous à caractère islamique fondamentaliste. Bien que le rapport de perquisition précisait que les documents trouvés étaient pour la plupart téléchargés d'Internet, il n'y avait aucune indication sur un accès à Internet dans la maison de Abou Adass. Plusieurs membres de la famille et amis de Abou Adass ont été interrogés par les autorités (dont les Forces de sécurité intérieure et les services de renseignements de l'armée) au cours des jours qui ont suivi l'attentat. M. Abou Adass n'a pas pu cependant être localisé. Le jour de l'attentat, 10 personnes ont été interrogées et une quarantaine d'autres au cours des deux mois qui ont suivi. L'enquête libanaise a révélé que M. Abou Adass a été employé, au cours de l'été 2004, dans un magasin d'ordinateurs qui appartenait en partie à cheikh Ahmed al-Sani, un membre du réseau d'Ahmed Mikati et d'Ismaël al-Khatib.
82 – Dans un rapport datant du 17 février 2005 et soumis par le général Sayyed au juge Mezher, le général Sayyed affirme que la vidéocassette est authentique et que « Ahmed Abou Adass, qui apparaît dans la cassette était... clairement impliqué dans l'attentat ». Le seul élément fourni pour étayer cette conclusion est que « la façon avec laquelle il avait fait sa déclaration et s'était montré sans se cacher le visage est adoptée par les kamikazes dans des cas similaires. Le fait qu'il n'ait pas dissimulé son visage en faisant sa déclaration prouve qu'il devait être personnellement responsable de l'attentat » (information relative à des faits en rapport avec la diffusion par al-Jazira, de la vidéocassette sur laquelle l'attentat avait été revendiqué, n° 606/A'A, 17 février 2005).
L'enquête
australienne
83 – Le 15 février 2005, une demande a été transmise à la police fédérale australienne de la part du procureur général exigeant l'arrestation de six individus en tant que suspects dans l'assassinat de Hariri. Le responsable des Forces de sécurité intérieure à l'aéroport international de Beyrouth a informé le directeur des Forces de sécurité intérieure, le général al-Hajj, du cas de ces six individus. Le général al-Hajj a directement transmis l'information au procureur général, la juge Rabiha Kaddoura, qui a contacté les autorités australiennes. L'investigation australienne a écarté toute implication de ces six suspects dans ce crime, une position que les autorités libanaises en charge de l'investigation ont approuvée.
84 – Les dossiers indiquent que les autorités libanaises ont basé leurs soupçons sur les facteurs suivants :
a) Les six personnes en question sont parties de l'aéroport international de Beyrouth une heure et demie après l'explosion de la bombe ;
b) les six personnes n'avaient pas de bagages ; et
c) l'une des six personnes présentait une ressemblance avec M. Abou Adass, qui avait été filmé dans une vidéo d'un groupe extrémiste ayant revendiqué l'attentat.
85 – Les autorités australiennes ont mené une investigation extensive pour assister les autorités libanaises. Dans le cadre de l'enquête, des alertes ont été données à l'aéroport, les six individus et d'autres membres du groupe ont été interrogés, des relevés de résidus d'explosifs ont été effectués (explosive residual swabbing), incluant les individus, leurs sièges de passagers et leurs bagages, et l'avion a été examiné à la recherche d'explosifs possibles. Bien qu'il ait été reporté que les six personnes identifiées comme « suspectes » n'avaient pas de bagages, en fait elles avaient des bagages.
86 – Les résultats de l'investigation australienne ont révélé : (1) le groupe voyageait à Djeddah dans le cadre d'un pèlerinage religieux ; (2) aucune trace d'explosifs, organiques ou non organiques, ou de résidus post-explosifs n'a été détecté dans aucun des échantillons prélevés ; et (3) aucune personne interrogée par les autorités australiennes n'était impliquée ou au courant de la moindre implication dans l'assassinat de Hariri.
V- L'enquête
de la commission
Aperçu général
87 – La commission d'enquête internationale (UNIIIC) des Nations unies a été déclarée opérationnelle par le secrétaire général le 16 juin 2005. Entre le 16 juin et le 6 octobre, 244 déclarations de témoins, 293 notes d'investigateurs et 22 déclarations de suspects ont été publiées. Un certain nombre de recherches ont été menées et 453 éléments de la scène du crime ont été saisis. Un total de 16 711 pages de documents a été produit. Trente investigateurs venus de 17 pays différents ont été impliqués dans les mesures d'investigation de la commission d'enquête internationale des Nations unies, ainsi que des experts externes.
88 – Au départ, il faut souligner que le facteur temps a affecté le travail de la commission. La commission d'enquête internationale a été déclarée opérationnelle quatre mois après le crime, ce qui signifie que les auteurs du crime et leurs complices avaient eu largement de temps de détruire les preuves et/ou de se concerter. La possibilité de rappeler les témoins potentiels avait été réduite, et les précédentes omissions et inadvertances ou la perte délibérée et la destruction de preuves ne pouvaient pas être rattrapées.
89 – Le premier mois après que le secrétaire général eut déclaré la commission opérationnelle a consisté à mettre à jour les investigateurs sur le statut courant de l'enquête, et évaluer les mesures prises par les autorités libanaises. Beaucoup de temps a été consacré à l'analyse des éléments transmis à la commission par le procureur général, suivi d'interrogatoires pour clarifier les propos de témoins-clés, basés sur des éléments écrits concernant les sujets suivants :
– La reconstitution des actions et déplacements de M. Hariri avant l'explosion.
– Les résultats des actions menées par les autorités libanaises sur la scène du crime et les régions voisines.
– La manipulation des preuves.
– Les travaux de la route sur la scène avant l'explosion.
– La piste Abou Adass.
– La camionnette Mitsubishi Canter.
– La collecte et l'analyse de listes téléphoniques.
– La collecte et l'analyse de matériel CCTV, vidéo et photos collectés par divers propriétaires dépeignant la scène avant et après l'explosion.
– Les transactions financières.
90 – Ces mesures tour à tour ont mené à de nouveaux témoins. Une « hot line » a été mise à la disposition de quiconque souhaite contacter la commission à propos de l'affaire : cette initiative a entraîné de nouveaux témoignages et de nouveaux indices qui ont eu besoin d'être suivis.
91 – La compilation et l'organisation des documents et des preuves ont pris du temps, notamment la maintenance et l'amélioration du système de stockage et d'enregistrement des données, des milliers de pages de documents et témoignages ainsi que de nombreuses vidéos et photos. Les questions judiciaires ont nécessité des recherches sur la loi criminelle libanaise et les procédures afin d'appliquer le protocole approprié pour les recherches, les arrestations, l'interrogatoire des suspects et les documents à charge. L'aide des autorités libanaises dans ce domaine a été précieuse.
92 – Le deuxième mois a été caractérisé par un changement de direction et de priorité dans les investigations, dans le sens où les enquêteurs ont suivi de nouvelles pistes et de nouveaux témoins en se basant sur les conclusions des mesures précédentes et de leur analyse
professionnelle. Plusieurs sources différentes ont approché la commission et fourni des informations utiles. Une grande majorité de responsables haut placés au niveau des autorités libanaises a été interrogée pour clarifier l'attribution des compétences, le commandement, l'étendue de leurs implications, ainsi que les décisions prises (ou celles qui ont été négligées). Pendant cette période, la base de support de la commission a été renforcée et de nouveaux logiciels informatiques ont été installés, ce qui a rendu la base de données plus opérationnelle.
93 – Pendant le troisième mois, un examen à grande échelle de la scène a été mené par une équipe d'experts germano-anglo-japonaise sur le site et dans les régions voisines, incluant les fonds marins adjacents à la scène de l'explosion. Le but de cette opération était de trouver des preuves matérielles sur la scène du crime, de reconstruire le dispositif explosif improvisé (improvised explosive device IED) utilisé et d'identifier la camionnette Mitsubishi Canter. L'opération a été menée in situ en septembre.
Planification de l'assassinat
94 – Dans le cadre des mesures et des efforts entrepris par la commission internationale d'enquête, aucune nouvelle trace concernant les motifs ou les raisons de l'assassinat de M. Hariri n'a émergé pour compléter celles qui peuvent être attribuées aux événements qui ont eu lieu au cours de la seconde moitié de 2004 et qui ont culminé avec la décision de M. Hariri de démissionner de son poste de Premier ministre et le pronostic des résultats des élections au Liban. De très forts indices concernant cette dernière question est la campagne électorale massive du Courant du futur ; la réaction des autorités libanaises concernant l'affaire de l'huile d'olive, en février 2005, lorsque les distributeurs ont été arrêtés (par les autorités libanaises alors qu'ils distribuaient gratuitement des olives selon les ordres de M. Hariri) (notes de l'enquêteur) : enfin les résultats des élections. De nouveaux témoins ont approché la commission, hésitant de prendre contact avec les autorités libanaises en raison de leur méfiance, et ont déclaré que l'assassinat de l'ancien Premier ministre ne pouvait pas avoir eu lieu à l'insu des autorités libanaises et sans l'approbation de la Syrie.
95 – La structure et l'organisation des services de renseignements libano-syriens au Liban au moment de l'attentat montrent un impact pesant sur la vie quotidienne du Liban. Des exemples probants demeurent les documents recueillis de l'ancien poste des services de renseignements syriens, villa Jabre, au Bois de Boulogne, et une conversation téléphonique interceptée entre le général Ghazalé et une éminente personnalité libanaise le 19 juillet 2004, à 09h45 (extraits) :
« Ghazalé : Je sais qu'il est encore tôt, mais j'ai pensé que nous devons vous tenir au courant. Le président de la République m'a dit ce matin qu'il y a deux personnes qui régissent le pays, le Premier ministre et lui-même. Il a dit que les choses ne peuvent pas continuer de cette façon. Le Premier ministre ne cesse de l'irriter et nous sommes en train de le faire taire et nous lui hurlons dessus. Il a été clair que les choses ne peuvent pas continuer ainsi.
(...)
X : Ménagez-moi. Vous pouvez désigner un nouveau gouvernement maintenant ?
Ghazalé : Oui, nous pouvons en désigner un. Quel est le problème ? Nous pouvons nommer Boutros Harb.
(...)
Ghazalé : Laisse-moi te dire un truc. Que des manifestations soient organisées le 20 à Solidere et à Koraytem.
X : Reprenons. Doucement. Je dois prendre en considération les intérêts de la Syrie et du Liban.
Ghazalé : Nous sommes soucieux des intérêts de la Syrie, mais je parle maintenant de Rafic Hariri.
X : Alors, la décision est prise.
Ghazalé : J'aimerais te dire une chose. À chaque fois que nous avons besoin de parler à Hariri, nous devons lui faire la lèche et il ne répond pas toujours.
X : Qu'il aille au diable. Pourquoi dois-je me soucier de lui ?
Ghazalé : Pourquoi dois-je me soucier de lui ? Le président ne peut pas le supporter, alors pourquoi devrais-je le faire ?
X : Bon, qu'il brûle en enfer...
(...)
Ghazalé : Non. Qu'il soit la risée de tous et qu'on le désigne comme étant la personne qui a ruiné et endetté le pays. Que les gens manifestent à Koraytem et à Solidere ; que les manifestations continuent jusqu'à ce qu'il soit obligé à démissionner comme un chien.
X : Que penses-tu d'une alternative. Je lui envoie un message lui disant : Démissionne, bon Dieu.
Ghazalé : Non, ne lui envoie pas un message ni rien d'autre, il dira qu'on l'a obligé à démissionner. Que les manifestations... tu comprends ce que je veux dire. Sinon, il jouera cette carte avec ses maîtres américains et français.
X : Alors, est-ce qu'il faut s'en remettre à la rue ?
Ghazalé : C'est mieux.
X : Fonçons alors. »
96 – Un témoin d'origine syrienne mais résidant au Liban, indique qu'environ deux semaines après l'adoption de la résolution 1559 par le Conseil de sécurité, de hauts responsables officiels libanais et syriens ont décidé d'assassiner Rafic Hariri. Il a prétendu qu'un haut responsable libanais de sécurité s'est rendu à plusieurs reprises en Syrie pour planifier le crime, se réunissant une fois à l'hôtel Méridien à Damas et plusieurs fois au palais présidentiel et au bureau d'un haut responsable syrien de sécurité. La dernière réunion s'est tenue à la maison du même haut responsable syrien de la sécurité environ sept à dix jours
avant l'assassinat et comprenait un autre haut responsable libanais de sécurité. Le témoin entretenait des relations étroites avec des officiers syriens supérieurs en poste au Liban.
97 – Au début de janvier 2005, l'un des officiers supérieurs a dit au témoin que Rafic Hariri constituait un grand problème à la Syrie. Près d'un mois plus tard, l'officier a dit au témoin qu'un « tremblement de terre » se produira bientôt et qu'il aura pour effet de réécrire l'histoire du Liban.
98 – Le témoin a visité plusieurs bases militaires syriennes au Liban. Dans l'une de ces bases, à Hammana, il a remarqué une camionnette Mitsubishi de couleur blanche, avec une bâche blanche couvrant le plateau. Les observations ont été faites les 11, 12 et 13 février 2005. La Mitsubishi a quitté la base militaire de Hammana le 14 février 2005 au matin. La camionnette Mitsubishi Canter, qui avait été utilisée comme porte-bombes, est entrée au Liban en provenance de Syrie, par la frontière de la Békaa et une voie militaire le 21 janvier 2005, à 13h20. Elle était conduite par un colonel syrien de la dixième division de l'armée.
99 – Le 13 février 2005, le témoin a conduit les officiers syriens dans la région du Saint-Georges à Beyrouth dans une opération de reconnaissance, comme il l'a plus tard compris, après que l'attentat a eu lieu.
100 – En ce qui concerne M. Abou Adass, le témoin a déclaré qu'il n'a joué aucun rôle dans le crime, sauf qu'il a été un appât. Il a été détenu en Syrie et forcé sous la menace d'un pistolet d'enregistrer la vidéocassette. Plus tard, il a été tué en Syrie. La vidéocassette a été envoyée au Liban le 14 février 2005 au matin, et remise à Jamil al-Sayyed. Un civil au passé criminel et un officier de la Sûreté générale ont été chargés de mettre la cassette quelque part à Hamra et d'appeler ensuite Ghassan ben Jeddo, un reporter de la chaîne télévisée al-Jazira.
101 – Le général Jamil al-Sayyed, selon le témoin, a coopéré étroitement avec le général Moustapha Hamdane et le général Raymond Azar dans la préparation de l'assassinat de M. Hariri. Il a également coordonné avec le général Ghazalé (et, entre autres, des personnes proches de M. Ahmed Jibril au Liban). Le général Hamdane et le général Azar ont assuré le soutien logistique, l'argent, les téléphones, les voitures, les talkies-walkies, les armes, les cartes d'identité, etc. Ceux qui étaient au courant du crime à l'avance étaient, entre autres, Nasser Kandil et le général Ali Hajj.
102 – Quinze minutes avant l'assassinat, le témoin était dans les environs de la région du Saint-Georges. Il a reçu un appel téléphonique de l'un des hauts officiers syriens, qui lui avait demandé où il se trouvait. Quand il a répondu, il lui a conseillé de quitter la région immédiatement.
103 – Un autre témoin a approché la commission et déclaré qu'il a rencontré le général Hamdane à la mi-octobre 2004. Le général Hamdane a parlé négativement de M. Hariri, l'accusant d'être pro-israélien. Le général Hamdane a mis fin à la conversation, en déclarant : « Nous allons l'envoyer dans une promenade, bye bye Hariri. » Après l'assassinat, on lui a enjoint vivement de n'évoquer cette conversation avec personne.
104 – Un autre « témoin » qui est devenu par la suite un suspect, Zouheir ibn Mohammed Saïd Saddik, a donné des informations détaillées à la commission concernant le crime, plus particulièrement en ce qui concerne la phase de planification. Les paragraphes de 105 à 110 présentent les principaux points de la déposition de M. Saddik.
105 – L'un des principaux faits relevés de la déposition de M. Saddik était un rapport écrit, selon ses propos, par Nasser Kandil. Selon ce rapport, MM. Hariri et Marwan Hamadé se sont réunis en Sardaigne. À la fin du rapport, Kandil déclare qu'une décision doit être prise pour éliminer M. Hariri. Nasser Kandil a été chargé de planifier et de mettre à exécution une campagne visant à ruiner la réputation de M. Hariri sur les plans religieux et médiatique. Le parti Baas au Liban a décidé qu'il devait se débarrasser de M. Hariri par n'importe quel moyen et de l'isoler, puisque la tentative du président Lahoud visant à l'éloigner de la scène politique a échoué.
106 – M. Saddik a déclaré que la décision d'assassiner M. Hariri a été prise en Syrie, suivie par des rencontres clandestines à Beyrouth entre de hauts officiers libanais et syriens, qui ont été chargés de planifier et de paver la voie pour l'exécution de l'attaque. Ces réunions ont commencé en juillet 2004 et duré jusqu'en décembre 2004. Les sept hauts responsables syriens et les quatre hauts responsables libanais sont accusés d'être impliqués dans le complot.
107 – Les réunions de planification ont commencé dans l'appartement de M. Saddik à Khaldé et déplacées par la suite dans un appartement à Dahié, une banlieue de Beyrouth. Certains de ces individus ont visité la région entourant le Saint-Georges sous différents déguisements et à des heures différentes pour des buts de planification et de préparation de l'assassinat.
108 – M. Saddik a de même donné des informations concernant la Mitsubishi, notant que le chauffeur éventuellement engagé était un Irakien induit en erreur. On lui a fait croire que la cible était le Premier ministre irakien Iyad Allaoui (qui était à Beyrouth avant l'assassinat).
109 – M. Saddik a été informé que du TNT et d'autres explosifs spéciaux ont été utilisés afin de diriger les soupçons vers les groupes islamistes libanais, puisque ces genres d'explosifs ont été utilisés uniquement dans les opérations en Irak.
110 – Un voyage entrepris par M. Saddik en compagnie de Adbel-Karim Abbas a mené à un camp à Zabadane. Saddik a prétendu avoir vu la camionnette Mitsubishi Canter dans ce camp : des mécaniciens travaillaient dessus et vidaient les côtés. Les côtés du plateau de la voiture ainsi que les portières de la Mitsubishi ont été agrandis et remplis avec des explosifs, qui ont également été posés sous le siège du chauffeur. Au camp, il a vu un jeune homme qu'il a pu identifier comme étant M. Abou Adass, après avoir vu la vidéocassette à la télévision le 14 février 2005.
111 – Le 30 août 2005, la commission a envoyé une lettre officielle à la Syrie avec des questions relatives au camp de Zabadane. La réponse a été remise personnellement au commissaire à New York, confirmant l'existence du camp, mais niant qu'il soit utilisé pour d'autres buts que ceux visant l'organisation d'activités éducatives destinées aux enfants. Toutefois, selon d'autres informations données à la commission, de forts indices montrent qu'il y a eu des activités au sein du camp durant la période allant du 5 au 9 septembre 2005, visant à changer les caractéristiques et les opérations au sein des lieux. Des images satellitaires montrent aussi de hauts murs et des tours d'observation dans la région.
112 – Le 26 septembre 2005, des enquêteurs de la commission internationale d'enquête avaient une réunion avec M. Saddik. Le 27 septembre, M. Saddik a avoué dans un document écrit à la main qu'il a participé à la phase de planification immédiate avant l'assassinat
(janvier et février 2005) et qu'il a joué le chauffeur pour plusieurs des suspects ci-haut mentionnés tout au long de la journée du 14 février.
113 – Par conséquent, le 13 octobre 2005, à la demande de la commission, le procurer général libanais a émis un mandat d'arrêt contre M. Saddik, qui a abouti à son arrestation le 16 octobre.
114 – Au stade actuel de l'enquête, un certain nombre d'informations données par M. Saddik ne peuvent être confirmées par d'autres preuves.
115 – L'épouse de M. Saddik a affirmé que, durant la période allant de juillet à décembre 2004, son mari a rencontré un grand groupe de personnes à différentes occasions dans leur maison située à Khaldé, comme dans d'autres endroits. Il ne voulait pas qu'elle soit présente à ces réunions, puisque ces personnes ne voulaient pas être identifiées. Elle a également affirmé que Dhafer al-Youssef a effectué plusieurs visites à leur domicile en compagnie de trois autres hommes qu'elle ne connaissait pas.
116 – Le fait que M. Saddik se dise impliqué dans l'assassinat, ce qui a abouti plus tard à son arrestation, renforce sa crédibilité.
117 – D'autres témoins ont informé la commission qu'un jour avant l'assassinat de M. Hariri, le défunt responsable de la protection de M. Hariri (M. Yehia al-Arab, alias Abou Tareq), a tenu une réunion avec le général Ghazalé. Il semble que M. al-Arab ait été très secoué par cette réunion. Au lieu de faire un rapport immédiat à M. Hariri comme à son habitude, il est rentré chez lui, a éteint son téléphone et est resté à la maison durant plusieurs heures. La version donnée par le général Ghazalé sur cette réunion n'est pas compatible avec l'information fournie par d'autres témoins à la commission.
D'autres éléments
devant être pris en compte
118 – D'autres circonstances devant être retenues sur la phase de planification du crime sont les mesures de surveillance exercées sur M. Hariri par les Forces de sécurité intérieure, et les écoutes sur les téléphones de M. Hariri effectuées par les services de renseignements de l'armée (voir la section Surveillance et écoutes téléphoniques sur M. Hariri).
119 – L'une des premières mesures prises par le général al-Hajj après sa nomination à la tête des Forces de sécurité intérieure a été de réduire de 40 à huit le nombre du personnel de sécurité officiel autour de M. Hariri en novembre 2004. La raison invoquée était une lettre du président et du Premier ministre libanais précisant que la loi libanaise devait être appliquée à tous les niveaux et en toutes circonstances. Selon un décret (n° 3509, datant de 1993), le nombre de personnel de sécurité pour une personne de la catégorie de Hariri devait être de huit. La commission n'a pu établir si le décret avait été appliqué sur d'autres personnalités.
120 – Des activités s'étant déroulées dans la rue Minet el-Hosn à Beyrouth peu avant l'explosion n'ont pas fait l'objet d'enquêtes approfondies, et pourraient fournir certains détails sur la planification, menant par le fait même aux coupables.
121 – L'enquête montre que huit numéros de téléphone et dix téléphones portables ont été utilisés pour exercer la surveillance sur M. Hariri et commettre l'assassinat. Les lignes ont été
mises en circulation le 4 janvier 2005 au Liban-Nord, entre Terbol et Menié. Elles ont été utilisées quotidiennement pour surveiller les habitudes de M. Hariri, en grande partie dans la région de Beyrouth.
122 – Le 14 février 2005, six de ces lignes téléphoniques ont été utilisées dans le périmètre allant de la place du Parlement à l'hôtel Saint-Georges, et sur les axes de Zoqaq el-Blat et Bachoura. Les appels ont été effectués à 11h. Ils ont couvert toutes les routes menant du Parlement au palais de Koraytem. La ligne téléphonique localisée au Parlement a effectué quatre appels aux autres numéros à 12h53, heure à laquelle le convoi de Hariri a quitté la place de l'Étoile. Ces lignes n'ont plus été employées depuis l'explosion à 12h56. Elles ont seulement servi pour des appels entre elles pour toute la période allant de début janvier au 14 février 2005.
123 – En tenant compte de toutes ces circonstances, y inclus la conversation datant du 26 août 2004 précédemment rapportée, il est peu probable qu'une tierce partie ait pu exercer des mesures de surveillance et d'écoutes téléphoniques contre M. Hariri pour plus d'un mois avant l'explosion, tout en ayant pu continuer à avoir les ressources, la logistique et la capacité nécessaires pour prendre l'initiative de planifier et commettre un crime de cette ampleur, à l'insu des autorités libanaises compétentes. Cela inclut le fait de se procurer, de manipuler et d'entretenir une grande quantité d'explosifs très puissants et une camionnette Mitsubishi volée, ainsi que de recruter des ressources humaines et d'établir une station de base pour les préparations nécessaires.
Conclusion :
Il existe de bonnes raisons de croire que la décision d'assassiner l'ancien Premier ministre Rafic Hariri n'aurait pas pu être prise sans l'assentiment de responsables sécuritaires syriens haut placés, et n'aurait pas pu être menée plus avant sans la complicité de leurs homologues dans les services de sécurité libanais.
Écoutes téléphoniques
sur Hariri
124 – Selon un témoin, des ordres ont été donnés au personnel des FSI de garder M. Hariri sous surveillance à la fin de janvier et au début de février 2005. Aucune documentation à ce sujet n'a été trouvée durant l'enquête de la commission d'enquête internationale indépendante des Nations unies.
125 – Le colonel Ghassan Toufeili était responsable du département technique du service de renseignements de l'armée libanaise. Ce département comprend le service de télécommunications et d'écoutes téléphoniques. Il surveillait des personnalités politiques, militaires et des personnes suspectes. Son supérieur était le chef du service de renseignements de l'armée, le général Raymond Azar. Le colonel Toufeili recevait les ordres de son supérieur oralement et non par écrit. Plusieurs personnalités importantes tels des anciens présidents, Premiers ministres et députés étaient mises en permanence sous écoute. Même si M. Hariri n'était plus Premier ministre au début de 2005, il demeurait une figure politique et économique très importante au Liban et au Moyen-Orient. D'où le fait qu'il était constamment mis sous écoute. Le département technique surveillait et enregistrait les conversations. Une équipe de la Sûreté générale libanaise aidait l'unité militaire de Toufeili. Les protocoles étaient transmis quotidiennement au général Raymond Azar et au commandant
en chef de l'armée, le général Michel Sleimane. Le chef de la Sûreté générale, Jamil al-Sayyed, était également notifié des résultats. Selon les déclarations du colonel Toufeili, le général Raymond Azar envoyait les protocoles au président libanais et au général Ghazalé, le chef des services de renseignements syriens au Liban.
126 – Le colonel Toufeili a mentionné que la garde républicaine possédait également son propre service d'écoutes téléphoniques.
Conclusion :
À travers les écoutes continuelles sur les lignes téléphoniques de M. Hariri, les services de renseignements et de sécurité syriens et libanais étaient informés en permanence de ses mouvements et de ses contacts.
Travaux de routes
127 – La commission a également investigué s'il y avait eu des travaux d'excavation sur la route devant l'hôtel Saint-Georges avant l'assassinat. Il avait été suggéré que d'inhabituels travaux de routes – comprenant l'installation de câbles et de bouches d'égout – avaient eu lieu sur la route devant l'hôtel Saint-Georges peu avant l'assassinat, ce qui induit que des individus impliqués dans l'assassinat auraient pu avoir l'opportunité d'installer une bombe ou un dispositif de bombe à télécommande sous la route, causant ainsi l'explosion.
128 – Les archives de la municipalité ont montré que les derniers permis de travaux dans le secteur proche de la scène du crime octroyés avant la déflagration avaient été délivrés en janvier 2005. Par exemple, du 3 au 8 janvier 2005, l'Office des eaux de Beyrouth s'était vu accorder des permis de creuser pour une conduite d'eau et de procéder à des excavations sur les routes principales autour de l'hôtel Saint-Georges. Ogero, la compagnie de télécommunications, s'était vu accorder un permis pour installer un câble de télécommunications entre le 13 et le 20 jjanvier 2005. Cependant, certains témoins ont déclaré qu'il a pu y avoir en fait des travaux de routes dans le secteur devant le Saint-Georges à une date plus rapprochée du jour de l'explosion, y compris la nuit d'avant. Par exemple, un chauffeur de taxi a rapporté qu'il avait déposé deux passagers à l'hôtel Phoenicia le 12 février 2005 à 06h15 du matin environ. Comme il tournait à gauche vers Minet el-Hosn, il a réalisé que la route était coupée juste devant l'hôtel Saint-Georges, en face de la banque HSBC, et que quelques travaux de routes étaient en train, comprenant deux regards devant le Saint-Georges, et que des ouvriers et des militaires étaient présents sur les lieux. Un autre témoin, un travailleur de marina, a noté que pendant que l'installation des câbles de téléphone avait commencé à la marina, ils n'étaient pas en service car ils n'avaient pas été connectés à un câble extérieur et qu'il n'y avait pas de câbles connectés pour la télévision ou les computers. Un autre individu a rapporté que dimanche après-midi, le jour avant l'assassinat, comme lui et sa femme s'approchaient du site de l'explosion, ils avaient vu trois jeunes gens travaillant au milieu de la route et glisser dans un trou dans le terrain près de l'hôtel Saint-Georges, ce qui semblait être un grabat, observant également que deux câbles noirs d'un inch de diamètre environ couraient du trou à l'hôtel Saint-Georges. Par contraste, d'autres témoins étaient sûrs qu'il n'y a pas eu de travaux de routes dans le voisinage les jours précédant l'explosion.
Conclusion :
La question de savoir s'il y a eu des excavations devant l'hôtel Saint-Georges demeure ouverte, la commission n'ayant pu la résoudre ni aller au-delà de certaines réminiscences de
témoins qui n'ont pas été substantielles de manière indépendante. Les archives de la municipalité semblent apparaître comme rendant clair, cependant, que des excavations proches du lieu du crime n'étaient pas conduites par les détenteurs de permis délivrés par l'hôtel de ville.
L'exécution
de la déflagration
129 – Une branche de la banque HSBC est située près de la scène de l'explosion. Elle disposait de son propre système de sécurité CCTV, contrôle télévisé, qui a enregistré les mouvements du cortège Hariri immédiatement avant l'explosion, mais n'a pas enregistré la scène de la déflagration elle-même. En scrutant, la séquence enregistrée a montré un van blanc Mitsubishi Canter pénétrant dans le secteur de l'explosion peu avant le convoi de M. Hariri.
130 – L'enregistrement a montré clairement que cette Mitsubishi Canter évoluait à peu près six fois moins vite que tous les autres véhicules traversant le même tronçon. Une analyse chrono indique que pour environ 50 mètres de route couverte par la caméra, une voiture normale met 3-4 secondes, tandis qu'un poids lourd met 5-6 secondes pour couvrir la distance. La Mitsubishi Canter a mis à peu près 22 secondes pour traverser la distance et elle est entrée dans le secteur une minute et 49 secondes avant le convoi Hariri.
131 – Des échantillons recueillis sur la scène du crime pour des examens légistes ultérieurs ont réussi à identifier le van Mitsubishi Canter. À travers une partie du bloc moteur, trouvée et recueillie sur la scène du crime, l'on a pu conclure que le moteur vient d'un véhicule Mitsubishi volé le 12 octobre 2004 à Sagamathira City, Japon.
132 – La commission a interviewé tous les survivants qui se trouvaient dans le cortège Hariri, les témoins oculaires présents sur les lieux et dans les secteurs adjacents aussi bien que les propriétaires de magasins, les employés, les vendeurs, les résidents, etc. dans le voisinage de la scène du crime.
133 – Aucune des personnes interrogées n'a fait des observations sortant de l'ordinaire le 14 février 2005, dans la rue Minet el-Hosn ou dans les secteurs adjacents, concernant des activités différentes de la situation normale dans ces lieux.
134 – L'une des interrogations principales pour la commission était de déterminer comment l'on avait su que M. Hariri emprunterait la route côtière pour retourner de sa réunion parlementaire au palais de Koraytem.
135 – Il était notoire que M. Hariri allait assister à la séance de préélection au Parlement ce matin particulier. Il était également connu qu'il regagnerait le palais de Koraytem après la réunion, car il avait invité à déjeuner, au palais, plus de vingt personnes.
136 – De la place de l'Étoile à Koraytem, il y avait trois options de trajets. La décision de prendre la voie côtière a été prise juste avant le départ par un cadre supérieur de l'équipe de sécurité privée de M. Hariri et communiquée à la voiture de tête, mais il avait été envisagé le matin que si le convoi pouvait regagner Koraytem avant 14h00, ils choisiraient la voie côtière. Sinon, un autre parcours aurait été suivi. Le cortège a quitté la place de l'Étoile et a suivi la rue Ahdab et l'avenue Foch. À la jonction de l'avenue Foch et de la rue du Port, le convoi a été retardé pendant plusieurs minutes à la suite d'un encombrement de trafic. À la susdite
jonction, le convoi a tourné à gauche et a pris la voie côtière vers Aïn Mreyssé et l'hôtel Saint-Georges.
137 – Le cortège se composait de six voitures. La première, une Toyota Land Cruiser, avait à son bord quatre officiers des Forces de sécurité intérieure, la seconde était une Mercedes S avec trois personnes de l'équipe de sécurité privée de M. Hariri. La troisième voiture était une Mercedes blindée conduite par M. Hariri, avec M. Fleyhane comme passager. La quatrième et la cinquième voiture étaient des Mercedes 500 S, chacune ayant trois éléments de la garde de sécurité privée de M. Hariri, et elles roulaient sur les flancs de la troisième voiture. La dernière voiture du convoi était une Chevrolet, complètement équipée en ambulance et transportant trois membres de l'équipe Hariri, dont deux étaient des paramédicaux. La deuxième, la quatrième et la cinquième voiture étaient équipées de systèmes de brouillage qui étaient ouverts et fonctionnaient.
138 – Quand le convoi a passé l'hôtel Saint-Georges rue Minet el-Hosn, une énorme explosion s'est produite, tuant M. Hariri et 21 autres personnes. De plus, plus de 220 personnes ont été blessées et les immeubles ou véhicules du voisinage ont subi de lourds dégâts. M. Hariri a été transporté à l'hôpital de l'Université américaine, où sa dépouille mortelle a été identifiée, la cause de la mort étant une immédiate lésion du cerveau consécutive à un arrêt cardiaque.
139 – Une Opel qui avait suivi le cortège de la place de l'Étoile à la jonction de l'avenue Foch et de la rue du Port n'a pas été identifiée. L'on devrait noter que parce que le cortège avait été retardé à un croisement, il avait pour un court moment emprunté un sens interdit dans une rue à sens unique allant de la place de l'Étoile à l'avenue Foch, suivi par l'Opel. La commission n'a pas réussi à savoir pour quelle raison le cortège avait été retardé au croisement.
140 – Le rapport Fitzgerald avait indiqué que dans les trois mois précédant l'explosion, M. Hariri avait emprunté la voie côtière à six reprises, mais il faut se souvenir que durant la même période il était apparu en public, dans la région de Beyrouth, moins d'une dizaine de fois.
141 – La commission n'a pas trouvé d'indications qu'il y ait eu des fuites, ou des complicités, parmi les proches membres de l'équipe de M. Hariri. Cependant, la commission a déterminé que M. Hariri était sous surveillance au moins un mois avant l'explosion, par des gens planifiant le crime (voir l'analyse téléphonique dans la section plus haut).
142 – La faiblesse des mesures initiales prises par les autorités libanaises et le traficotage des indices durant le premier examen de la scène du crime ont entravé l'identification du type d'explosifs utilisés dans la déflagration. Les premiers échantillons de résidus ont été testés dans un « itemizer », un indicateur de genre d'explosifs qui ne donne pas d'autres indications. Dans ce cas, il indiquait le TNT, mais il n'y a pas eu d'examen légiste en laboratoire des échantillons. Ce fait a entravé l'investigation car il a été impossible de retracer l'origine des explosifs, ce qui aurait pu conduire aux auteurs du crime.
143 – De plus, il n'y a pas eu dans le secteur de saisie, à part ceux de la banque HSBC, d'autres prises par CCTV, système de contrôle télé vidéo. Cette négligence aurait conduit à la perte d'indices importants.
Conclusion :
Il n'aurait pas été difficile pour des individus hors le premier cercle de Hariri de prévoir le trajet que son convoi devait suivre le 14 février 2005. Le van Mitsubishi Canter montré sur la vidéo du système de sécurité CCTV de la banque HSBC transportait les explosifs. La négligence des autorités libanaises à prendre les mesures d'enquête appropriées et un examen professionnel total de la scène du crime immédiatement après l'explosion ont rendu difficile la solution de questions-clés concernant l'exécution de l'attentat à la bombe, comme le type d'explosif utilisé, ou a pu produire la perte d'indices importants, comme d'utiles vidéos CCTV.
L'utilisation de cartes
de téléphone prépayées
144 – Les investigations des FSI et du renseignement militaire ont conduit à six cartes d'appel prépayées, avec des enregistrements téléphoniques montrant l'utilisation de ces instruments dans la planification de l'assassinat. Commençant à environ 11h00, le 14 février 2005, les complications de sites cellulaires montrent que des portables utilisant ces six cartes d'appel ont été localisés dans un secteur allant de la place de l'Étoile à l'hôtel Saint-Georges, dans un périmètre limité à quelques blocs, et ont communiqué plusieurs fois entre eux, et uniquement entre eux. Les téléphones étaient placés de manière à couvrir chaque route menant du Parlement au palais de Koraytem : les enregistrements cellulaires démontrent que ces appareils étaient placés pour couvrir tout parcours que M. Hariri aurait pu suivre ce jour-là. L'un des téléphones localisé près du Parlement a appelé quatre fois les autres lignes téléphoniques à 12h53, au moment où le convoi de M. Hariri quittait la place de l'Étoile. Les appels – et tout usage des cartes – ont pris fin à 12h53, le 14 février, quelques minutes avant l'explosion. Les lignes ont été toutes désactivées depuis lors.
145 – Des investigations supplémentaires ont révélé que ces six lignes – ainsi que deux autres – ont été mises en circulation le 4 janvier 2005, après qu'un numéro d'appel 1456 les eut activées. Elles ont été toutes enclenchées en un même lieu au Liban-Nord entre Terbol et Minié. Bien qu'elles aient été achetées début janvier 2005, jusqu'au moment de l'explosion, ces lignes n'ont communiqué qu'entre elles. Durant cette période jusqu'à l'assassinat, il semble qu'il y ait une corrélation entre leur localisation et les mouvements de Hariri, ce qui laisse penser qu'elles ont pu être utilisées pour suivre les mouvements de Hariri pendant cette période.
146 – La commission, en conjonction avec les autorités libanaises, a continué les investigations sur l'origine de ces lignes téléphoniques. Les six cartes prépayées, et quatre autres, provenaient de la Powegroupe Company, Beyrouth, un établissement possédé par un membre actif des Ahbache, étroitement lié à cheikh Ahmed Abdel-Al. Selon les livres de la compagnie, les lignes ont été délivrées au magasin de la branche de Tripoli. L'un des employés de ce magasin de Tripoli a rapporté que le 30 décembre 2004, il a reçu un appel téléphonique de Raed Fakhreddine, le propriétaire d'une autre échoppe de cellulaires à Tripoli, neveu de Tarek Ismat Fakhreddine, un notable homme d'affaires conseiller de l'ancien Premier ministre Omar Karamé. Selon les indications, Raed Fakhreddine avait urgemment besoin d'acheter 10 cartes prépayées ; l'employé du magasin de Tripoli a noté que la requête elle-même était inhabituelle, car Raed Fakhreddine n'achetait pas ordinairement des lignes du magasin de Tripoli et il n'avait pas non plus des échanges commerciaux avec cet établissement autres que les achats d'équipements de mobile. Cependant, les dix cartes d'appel portant ces lignes particulières ont été localisées et Raed Fakhreddine a envoyé un
messager pour prendre ces cartes d'appel portant ces lignes du magasin de Tripoli. Le messager a indiqué à la commission qu'il a payé cash 700 dollars américains pour ces dix cartes au magasin de Tripoli et les a remises à Raed Fakhreddine.Cependant, les formalités légales requises pour acheter des lignes de cellulaire n'ont pas été remplies ce jour-là, mais quelque deux semaines plus tard après la vente, le 12 janvier 2005. L'identification de base requise pour l'achat fournie par Raed Fakhreddine est apparue falsifiée. Le 14 septembre 2005, les FSI ont arrêté Raed Fakhreddine, qui a été subséquemment interrogé en tant que suspect par la commission. Dans cet interrogatoire, il a admis avoir acheté les lignes mais a nié toute connaissance de l'utilisation de six d'entre elles en rapport avec l'assassinat de Hariri.
147 – Sur les dix téléphones mobiles utilisés en connexion avec ces dix cartes de cellulaire, cinq ont été retracés dans un magasin à Tripoli.
Conclusion :
L'investigation sur les cartes de téléphone prépayées est l'un des fils conducteurs les plus importants de l'enquête en termes de savoir qui était physiquement sur les lieux, exécutant l'assassinat. C'est une ligne d'investigation qui a besoin d'être suivie à fond.
Les instruments
de brouillage
148 – Le convoi de Hariri comprenait trois véhicules équipés d'instruments de brouillage ayant la capacité de fausser les signaux émis par les commandes à distance IED.
149 – La commission d'enquête internationale a reçu des informations d'une source, selon laquelle un proche de Hariri a manipulé les instruments de brouillage avant l'explosion, mais la commission n'a pas été capable de vérifier ces informations. De fait, tout porte à croire que ces instruments de brouillage étaient opérationnels et dans un bon état de fonctionnement au moment de l'attentat. Les personnes qui avaient la responsabilité de ces instruments ont affirmé qu'elles procédaient à des vérifications en détail de ces instruments chaque trois mois et que la dernière opération avait été effectuée au début de janvier 2005 sans qu'aucun problème ne soit détecté. De plus, le système a été vérifié par un membre de la garde de Hariri deux jours avant l'explosion et a été jugé en bonne condition. Des trois instruments de brouillage, l'un a été complètement détruit, un autre a été brûlé, mais a pu être réparé et est maintenu comme pièce à conviction. Quant au troisième, il était toujours opérationnel et, à la suite d'un test, a été trouvé en bon fonctionnement. De plus, le rapport établi par des experts néerlandais sur les deux appareils sauvés conclut sur le fait que l'appareil resté intact a été opérationnel. Enfin, les sociétés de télécommunications mtc touch et alfa ont affirmé que leurs réseaux ont été interrompus le 14 février entre 12h00 et 13h00 entre la place de l'Étoile et l'hôtel Saint-Georges. Les enquêteurs de la commission internationale ont procédé à une reconstitution, le 19 août 2005, en coopération avec mtc touch et alfa., en utilisant trois véhicules similaires à ceux du convoi de Hariri et en les équipant d'instruments de brouillage similaires. Les véhicules ont pris la même route que le convoi, de la place de l'Étoile à l'hôtel Saint-Georges. La reconstitution a abouti relativement aux mêmes conclusions concernant l'interruption provisoire des télécommunications qui s'est produite le 14 février, y compris en tenant compte d'autres facteurs qui auraient pu affecter les télécommunications dans le secteur. En conséquence, il peut être établi qu'au moins l'un des instruments de brouillage était opérationnel et fonctionnel au moment de l'explosion.
150 – Toutefois, même si au moins l'un des appareils était en fonction, l'enquête a révélé qu'il existe des moyens de passer outre ces instruments, de les éviter, d'y échapper ou même d'en utiliser.
Les diverses possibilités incluent l'attaque-suicide, l'explosion sans fil utilisant des fréquences différentes de celles des instruments de brouillage, ou utilisant les mêmes fréquences, une explosion sans fil par le recours à un téléphone satellitaire de Thuraya, la seule compagnie de téléphone opérant sur le territoire libanais avec des liens satellisables, une explosion par câble TNT, ou bien une explosion par l'utilisation d'un autre type de câble comme, par exemple, une ligne de téléphone servant de câble de connexion. Bien qu'il apparaisse à la commission, sur la base de ses investigations conduites jusqu'ici, et plus spécifiquement des conclusions de l'enquête des experts néerlandais, qu'il est possible que l'explosion soit le fait d'une attaque-suicide, les autres possibilités réclament un surcroît d'investigation afin de savoir s'il était possible qu'un seul homme ait pu les mener ou bien s'il fallait le concours d'un kamikaze.
Conclusion :
Il apparaît que les instruments de brouillage dans le convoi de Hariri étaient opérationnels et fonctionnels le 14 février au moment de l'explosion. Un surcroît d'enquête pourrait fournir des informations sur la façon dont l'IED a été activé.
Les interférences dans les télécommunications dans le centre de Beyrouth
151 – La commission d'enquête internationale a reçu des informations selon lesquelles des interférences ont été enregistrées le 14 février 2005 de 9h00 à 14h00 sur l'antenne de télécommunications couvrant le secteur de Riad el-Solh, comprenant le site du crime. La question a fait l'objet d'investigations avec le ministère des Télécommunications. Ces informations ont été confirmées par d'autres renseignements fournis par l'opérateur mtc touch. En conséquence, les usagers de téléphone mobile dans le secteur du crime n'étaient pas en mesure d'utiliser cette antenne et ont été déviés vers d'autres. Jusqu'ici, aucune preuve n'a été fournie établissant clairement l'existence d'une manipulation interne à mtc touch, mais une telle manipulation ne peut toujours pas être écartée. Il reste également possible qu'un individu de l'extérieur, une organisation criminelle, une compagnie ou une autorité ait pu générer ces interférences, par exemple avec des instruments de téléphonie mobile. Plus globalement, on ne peut écarter la possibilité d'un lien direct entre les interférences et l'attentat.
Conclusion :
Il apparaît qu'il y avait des interférences sur une antenne de télécommunications dans le secteur du crime et au moment du crime. Cela constitue une ligne d'enquête qui devra être approfondie.
La scène du crime
152 – Jusqu'à la formation de la commission internationale d'enquête, les autorités n'avaient pas encore procédé à un examen approfondi de la scène du crime. Or un examen de ce type étant à la base de toute enquête criminelle, la commission a estimé nécessaire de réclamer
l'assistance de l'ONU pour seconder les experts dans le but de déterminer, d'abord, et entre autres, si l'explosion s'était produite en surface ou sous terre.
L'équipe médicolégale
allemande
153 – Le 6 juillet 2005, l'équipe médico-légale allemande comprenant quatre experts soumit son rapport à la commission.
Voici les conclusions des paragraphes les plus importants :
« Les éléments et conclusions rassemblés par l'équipe d'experts suisses sont tout à fait crédibles. En raison de la distribution des pièces de la camionnette Mitsubishi retrouvées jusqu'à présent, on peut estimer que le véhicule a joué un rôle important dans le cours de l'action et a été probablement utilisé comme le véhicule porteur de la bombe.
« Tout bien considéré, la possibilité la plus forte c'est qu'il s'agit d'une explosion en surface. Et dans ce cas, le poids de la matière explosive devait être d'environ 1 000 kilos. Un puissant explosif a été utilisé. Le résultat d'un échantillon-A du mur du cratère montre que du TNT a été utilisé. Mais ce résultat n'a pas été obtenu en présence d'un expert de la mission d'enquête de l'ONU (Fact finding mission) et doit donc être considéré comme préliminaire et non définitivement confirmé. Notre travail sur la scène du crime ne nous a pas permis de détecter quel type de détonateur a été utilisé. »
L'équipe médicolégale hollandaise
154 – Entre le 12 août et le 25 septembre 2005, une équipe médicolégale hollandaise a effectué un examen de la principale scène du crime et de certaines surfaces périphériques d'intérêt. L'objectif était de retrouver des évidences matérielles du système de mise à feu de l'explosif. L'examen du site d'un crime presque six mois après les faits n'est pas chose commune. En outre, il est notoire que la scène du crime a été modifiée plus d'une fois. Cela réduit de façon significative les conclusions que l'on peut tirer des sites où les pièces ont été trouvées. On ne peut jamais exclure le fait que les pièces trouvées sur le site ont été manipulées par quelqu'un ou intentionnellement placées là où elles se trouvent. En dépit de ces réserves, il a paru utile d'effectuer une fouille exhaustive de la scène du crime, d'abord parce qu'il était probable que certaines parties de la scène du crime n'avaient pas été modifiées, comme par exemple les étages supérieurs des hôtels Byblos et Saint-Georges. Selon les FSI, la scène du crime avait été entourée d'un cordon de sécurité le 15 février 2005, et était gardée, depuis, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
155 – L'équipe médico-légale hollandaise a été assistée par de nombreuses personnes dans l'enquête sur la scène du crime, par exemple par des membres de l'équipe médicolégale des FSI, une équipe de plongeurs britanniques, un expert français en explosif, un expert médicolégal d'Irlande du Nord, un ingénieur électricien allemand spécialisé dans les équipements de brouillage, une équipe japonaise d'enquête sur la scène du crime, un expert automobile allemand, un expert hollandais et un certain nombre de spécialistes libanais.
156 – Un rapport cohérent et exhaustif des résultats de la fouille de la scène du crime a été soumis à la commission. S'étalant sur 87 pages, le rapport offre quatre conclusions principales :
1. Détonation de puissants explosifs
Les dégâts provoqués aux édifices, véhicules, réverbères et autres objets au voisinage du site démontrent que de grandes quantités d'un puissant explosif ont été mises à feu sur le côté gauche, en face de l'entrée principale de l'hôtel Saint-Georges, rue Minet el-Hosn. L'explosion a provoqué des incendies dans plusieurs véhicules situés à une distance de 20 ou 30 mètres du centre de la déflagration. Des dégâts provoqués, il est clair que l'explosif utilisé était très puissant.
2. La camionnette Mitsubishi
Compte tenu des évidences matérielles retrouvées, des restes humains identifiés par l'équipe médicolégale libanaise, de la vidéo de la HSBC et des dégâts occasionnés aux véhicules garés sur la route, le scénario le plus vraisemblable c'est que le système de mise à feu placé dans la camionnette Mitsubishi a été actionné au passage du convoi de six véhicules de Hariri. Le numéro du moteur de la camionnette a été découvert parmi les débris sur la scène du crime. Ce numéro a permis de connaître le numéro matricule et la date de production du véhicule.
Aucune trace du système de mise à feu n'a été retrouvée parmi les débris, à part les parties de la Mitsubishi où ce système avait été placé. Vu l'importance de la charge explosive, il n'y a là rien de surprenant. Quelques morceaux du circuit du tableau de bord ont été retrouvés, qui pourraient être en rapport avec l'activation du mécanisme. Toutefois, ces circuits doivent d'abord être examinés par des experts en électronique, qui pourraient fournir des indications sur leur utilisation.
3. Locations respectives du convoi et du véhicule piégé
Quand l'explosion a été actionnée, la camionnette Mitsubishi était garée presque au même niveau que les autres véhicules garés sur la chaussée, en face du Saint-Georges. L'avant du véhicule était dirigé vers l'ouest. Il ne se trouvait pas tout à fait au niveau des autres voitures, à en juger par les marques laissées par le souffle de l'explosion sur la Ford rouge qui était probablement garée devant la Mitsubishi. Ce véhicule a été très sévèrement endommagé sur son côté arrière gauche, ce qui prouve que la Mitsubishi n'était pas garée tout à fait au même niveau qu'elle.
Parmi les six véhicules du convoi, la Mercedes numérotée 404 était la plus proche du centre de l'explosion, au moment de la mise à feu. Les effets sur ce véhicule se situent sur le côté droit, ce qui signifie qu'il se trouvait au niveau de la Mitsubishi. De la configuration des dégâts, on peut conclure que les véhicules 400, 402 et 403, ce dernier emportant MM. Hariri et Fleyhane, venaient de dépasser la Mitsubishi quand l'explosion s'est produite. Les véhicules 405 et 406 ont été le plus gravement endommagés sur le côté droit avant, ce qui prouve qu'ils n'avaient pas encore passé la Mitsubishi quand l'explosion s'est produite.
4. L'activation du système de mise à feu
Au regard des évidences physiques figurant dans ce rapport, du fait que de petits morceaux de restes humains ont été retrouvés et du fait qu'aucune partie du corps, jambes, pieds ou mains n'a été retrouvée, le scénario de mise à feu le plus vraisemblable c'est qu'il s'agissait d'un attentat-suicide. Une autre possibilité, un peu moins vraisemblable, est qu'il s'agissait d'un système de mise à feu télécommandé. Mais aucune trace de ce système n'a été retrouvée sur la scène du crime.
L'équipe médicolégale britannique
157 – Le 5 septembre 2005, l'équipe médicolégale britannique a soumis son rapport à la commission. L'équipe britannique était formée de sept experts. La mission de l'équipe était d'effectuer une recherche du fond sous-marin et de la marina adjacents à la scène de
l'explosion. Dans l'accomplissement de sa mission, l'équipe était assistée de plongeurs de la Défense civile libanaise. Quarante morceaux ont été retrouvés sous la mer, pour la plupart des morceaux de voitures.
L'équipe médicolégale japonaise
158 – Le 27 septembre 2005, l'équipe japonaise a soumis son rapport à la commission. L'équipe était formée de quatre experts et d'un interprète. Sa mission était d'identifier la camionnette Mitsubishi.
159 – Les experts japonais ont examiné tous les indices recueillis sur la scène du crime et ont répertorié 69 morceaux apparternant à la camionnette Mitsubishi. De ces 69 pièces, 44 ont été formellement reconnues comme appartenant à une camionnette par la Mitsubishi Fuso Corporation, au Japon.
160 – La camionnette Mitsubishi a finalement été identifiée. Le véhicule a été volé à Sagamihara City (Japon), le 12 octobre 2004.
Les experts électroniciens irlandais et français
161 – Ces experts étaient d'accord avec les commentaires et conclusions de l'équipe médicolégale hollandaise.
Conclusion :
L'explosion qui a tué M. Hariri et 22 autres personnes était en surface. À cette fin, une quantité d'explosif militaire non inférieure à 1 000 kg a été utilisée.
Après le crime :
Analyse et évaluation
162 – La commission avait entrepris des mesures extensives pour retracer les activités et les déplacements de M. Hariri avant le crime ainsi que d'éventuelles occurrences, afin de déceler les motifs et raisons derrière le crime.
163 – Des entretiens ont été menés auprès de ses proches, de ses employés, de ses associés, de ses amis et de ses collègues. Tous ces efforts n'ont mené qu'à la seule conclusion que M. Hariri n'allait plus occuper le poste de Premier ministre.
164 – Cette information a renforcé l'idée qu'il existait une relation tendue entre M. Hariri d'un côté et le président Lahoud et les autorités syriennes de l'autre.
Ces arguments sont crédités par les entretiens téléphoniques entre le général Ghazalé et un responsable libanais haut placé, le 19 juillet 2004 ; la conversation entre le président Assad et M. Hariri le 26 août 2004 ; en Syrie, la consolidation de la sécurité de M. Hariri par Yehya el-Arab, Wissam el-Hassan et Salim Diab en octobre-novembre 2004 en raison de la tension politique régnante, et la réponse de M. Hariri, selon laquelle, « ils n'osent pas me toucher » ; la rencontre entre le général Ghazalé et Yehya el-Arab le 13 février 2005 ; et enfin la réponse des autorités libanaises à la question de la distribution d'huile d'olive en février 2005.
165 – Toutes les personnes-clés, et parmi elles les autorités libanaises, ont été interrogées, ainsi que leurs experts impliqués dans les mesures préliminaires de l'enquête.
L'enquête préliminaire a montré que tout le monde avait prétendu ne pas avoir la moindre idée que la vie de M. Hariri était en péril. Les efforts déployés par la commission durant une période de temps limitée sont arrivés à une conclusion diamétralement opposée. M. Hariri a reçu de son entourage proche un certain nombre d'avertissements concernant sa sécurité après les événements du second semestre de 2004, à la lumière notamment des attentats visant précédemment d'autres personnalités libanaises.
166 – Le 30 août 2005, les autorités libanaises ont arrêté et placé en détention quatre hauts responsables de l'appareil sécuritaire libanais, conformément à des mandats d'arrêt émis par le procureur général libanais basés sur les recommandations de la commission. Cette dernière a souligné qu'il y avait un motif suffisant d'arrêter ces personnes et de les placer en détention pour complot et volonté de commettre un crime, en connexion avec l'assassinat de Rafic Hariri.
Les individus placés aux arrêts étaient : le général Jamil al-Sayyed, ancien directeur général de la Sûreté générale, le général Ali Hajj, ancien chef des Forces de sécurité intérieure, le général Raymond Azar, ancien chef des services de renseignements militaires, et enfin le général Moustapha Hamdane, chef de la garde républicaine.
167 – Les quatre généraux ont été interrogés en présence de leurs avocats. Ces derniers ont continué à nier avoir participé à la planification ou éventuellement la mise à exécution de l'assassinat de Hariri, avoir pris connaissance au préalable d'une telle conspiration, et enfin avoir entrepris certaines actions ou donné des ordres pouvant entraver ultérieurement l'enquête.
168 – Comme dans toute investigation, les points de départ de l'enquête menée par la commission internationale ont été les victimes, la scène du crime et les témoins. En outre, la commission s'est penchée sur les sous-enquêtes suivantes :
1. Ahmad Abou Adass
169 – L'investigation menée par la commission d'enquête internationale concernant la piste Abou Adass a tablé sur les déplacements de M. Abou Adass en vue d'examiner l'éventualité de sa participation effective au crime en tant que kamikaze présumé.
170 – La commission d'enquête internationale n'a pas pu interroger le père de M. Abou Adass qui avait préalablement été interrogé par les autorités libanaises le 14 février 2005, car il est décédé le 7 mars 2005, soit peu de temps après avoir été convoqué par le juge d'instruction.
171 – La mère de M. Abou Adass, Nouhad Moussa, a été interrogée par la commission d'enquête internationale le 7 juillet 2005. Elle avait été auparavant interrogée à quatre reprises au moins par les autorités libanaises, notamment le 14 février 2005, la première fois. La mère de M. Abou Adass avait été détenue illégalement pendant 10 jours. Elle a affirmé devant la commission d'enquête avoir révélé aux autorités libanaises ce qui suit : M. Abou Adass a disparu le 16 janvier 2005 et personne n'a plus eu de ses nouvelles depuis. D'après elle, au début du mois de janvier 2005, M. Abou Adass lui avait dit avoir rencontré une personne sous le nom de « Mohammed », un chrétien qui voulait se convertir à l'islam avec l'aide de M. Abou Adass. Ce dernier avait affirmé que Mohammed semblait riche et disparaissait par
moments pour une affaire d'une semaine. À l'occasion d'une de ses disparitions, le samedi 15 janvier 2005 au soir, Mohammed a appelé au domicile de M. Abou Adass. Il a affirmé à ce dernier qu'il viendrait le chercher le lendemain matin pour lui faire une surprise. M. Abou Adass a quitté avec Mohammed le dimanche 16 janvier 2005, indiquant à sa mère – qui lui avait demandé de l'aider à nettoyer un grand tapis – qu'il sortait pour quelques heures seulement. M. Abou Adass n'est plus jamais retourné chez lui. Lundi matin, la mère a reçu un appel téléphonique d'un inconnu lui disant de ne pas s'inquiéter pour Ahmad qui se trouvait à Tripoli, soulignant que leur voiture était tombée en panne et qu'ils attendaient qu'elle soit réparée. Mme Moussa a cru comprendre qu'il s'agissait du même « Mohammed » qui lui avait parlé au téléphone deux jours plus tôt. Elle lui a alors demandé à parler à son fils. L'inconnu lui a répondu que son fils attendait dans une maison où il n'y avait pas de téléphone, précisant qu'il appelait du garage. L'inconnu a affirmé à Mme Moussa que son fils serait de retour à temps pour aider au nettoyage du tapis. Le même jour à 21 heures, la mère a reçu un autre appel d'une personne du nom de « Mohammed », qui lui a affirmé qu'il n'y avait eu ni accident ni panne. Le correspondant a poursuivi en indiquant que M. Abou Adass voulait partir en Irak et qu'il ne reviendrait plus. Mme Moussa lui a fait part de son étonnement, précisant que son fils n'avait jamais exprimé un tel intérêt auparavant. Son correspondant lui a répondu qu'il tenterait de retrouver son numéro de téléphone pour le lui donner afin qu'elle puisse lui parler et lui faire changer d'avis. Le correspondant a raccroché et n'a plus jamais rappelé. La famille s'est rendue le 19 janvier auprès des FSI pour notifier de la disparition de M. Abou Adass.
172 – Dans une interview ultérieure accordée à la commission d'enquête internationale, Mme Moussa a ajouté que le meilleur ami de M. Abou Adass était un certain Ziad Ramadan, qui avait été son collègue dans une société d'informatique, deux ans auparavant. Le dernier contact qu'elle avait eu avec M. Ramadan, c'était plusieurs jours après la disparition de son fils, lorsque ce dernier avait appelé pour lui demander si elle avait eu de ses nouvelles. Lors de son interrogatoire par les autorités libanaises, Mme Moussa avait déclaré que son fils n'avait pas de permis de conduire et qu'il n'avait pas une connexion Internet à la maison.
173 – La commission internationale d'enquête n'a pas été capable de localiser Ziad Ramadan pour l'interroger. Après avoir été interrogé par les autorités libanaises, le 14 février 2005, il apparaît que M. Ramadan est retourné en Syrie avec sa famille. Dans l'interrogatoire réalisé par les autorités libanaises, M. Ramadan a indiqué qu'il connaissait M. Abou Adass depuis environ deux ans, car ils avaient travaillé ensemble dans la même entreprise durant deux mois. M. Ramadan a vu Abou Adass la dernière fois le jeudi ou le vendredi précédant sa disparition, alors qu'Abou Adass discutait des reliures de livres de son nouvel emploi.
174 – Une personne que ni la commission internationale d'enquête ni les autorités libanaises n'ont eu la possibilité d'interroger jusque-là est Khaled Medhat Taha, un autre religieux associé à M. Abou Adass, qui est significativement intéressant, vu le rapport sur ses voyages et l'apparition de certaines coïncidences inhabituelles. M. Taha a fait la connaissance de M. Abou Adass lorsqu'ils étaient étudiants à l'Université arabe. Ils se retrouvaient alors à la mosquée de l'université. Selon le rapport sur ses voyages, M. Taha a quitté l'aéroport international de Beyrouth pour les Émirats arabes unis le 21 juillet 2003. Il est retourné à Beyrouth le 17 octobre 2003. Le rapport suivant montre qu'il est entré au Liban en provenance de Syrie par voie terrestre le 15 janvier 2005, le jour précédant la disparition de Abou Adass. Le lendemain, M. Taha a quitté le Liban en direction de la Syrie par voie terrestre. Le rapport ne montre aucun départ à partir du Liban avant le 15 janvier 2005, ce qui indique qu'il est illégalement entré en Syrie avant cette date. Une investigation plus poussée a
révélé que trois des adresses e-mail de M. Taha ont été créées à partir de Damas et que la quatrième a été créée à partir du Liban, alors qu'elle était présentée comme ayant été enregistrée à partir de la Turquie. De plus, la date de son départ définitif en Syrie à partir du Liban – 16 janvier 2005 – est la même date que celle de la disparition de M. Abou Adass. Cela suggère un lien possible entre le voyage de M. Taha au Liban et la disparition de M. Abou Adass. De plus, comme les autorités libanaises l'ont déclaré dans leur rapport, il n'a jamais été arrêté pour son apparente entrée illégale en Syrie avant le 15 janvier 2005, même à son retour en Syrie le 16 janvier 2005. Un événement inhabituel, qui suggère que son départ et son entrée le jour suivant ont été facilités par quelqu'un. Les autorités syriennes ont récemment été approchées par la commission internationale d'enquête pour obtenir des renseignements détaillés sur Khaled Taha, et plus précisément sur le rapport de ses rentrées et sorties de Syrie.
175 – Comme précédemment mentionné, les enquêteurs libanais ont, au cours de leurs investigations, inclus dans les interrogatoires les amis et associés de M. Abou Adass, ses anciens voisins, ses connaissances de la mosquée, et ses anciens collègues et camarades de classe. Nombre de ces personnes ont été de nouveau interrogées par la commission internationale d'enquête. Nul n'a jamais entendu parler de al-Nasra wal jihad, le groupe auquel était supposé appartenir M. Abou Adass, selon le message vidéo de l'attentat-suicide. Nombreux sont ceux qui ont rapporté des histoires similaires, racontant qu'ils ont été pris par les FSI, menottés, les yeux bandés, déshabillés et détenus durant un certain temps, alors qu'ils étaient interrogés sur M. Abou Adass et sur ses affiliations avec des groupes islamistes. D'autres ont rapporté qu'ils ont partagé avec leurs interrogateurs leur point de vue sur M. Abou Adass, selon lequel c'était un individu solitaire et introverti, qui n'avait pas l'intelligence nécessaire pour être capable de commettre un tel crime.
176 – En réponse à une demande effectuée à travers les autorités libanaises, le gouvernement syrien a informé la commission d'enquête internationale que leurs documents informatisés n'ont pas fourni des indications relatives à l'entrée ou à la sortie de Abou Adass de Syrie. Les autorités irakiennes ont pour leur part informé les autorités libanaises, à travers l'ambassade irakienne à Beyrouth, que Abou Adass n'a pas obtenu un visa pour l'Irak.
177 – La commission d'enquête a aussi soumis une demande détaillée auprès des organisations au Liban qui auraient pu surveiller Abou Adass, entre septembre 2004 et janvier 2005. Les documents obtenus en réponse à cette demande ont confirmé qu'il n'y a aucun département au Liban qui avait Abou Adass sous une quelconque surveillance durant cette période.
178 – Un certain nombre de sources, confidentielles et autres, ont fourni des informations à la commission d'enquête internationale sur le rôle et l'endroit où se trouve Abou Adass. Même si les informations fournies n'ont pas été vérifiées indépendamment et d'une manière significative, aucune information n'a soutenu la théorie selon laquelle c'était un kamikaze solitaire agissant pour le compte d'un groupement fondamentaliste islamique. En effet, toutes les informations fournies par les sources interrogées ont convergé vers la probabilité que Abou Adss a été utilisé par les autorités libanaises et syriennes comme bouc émissaire du crime, plutôt que d'en avoir été l'instigateur. Par exemple, un témoin a affirmé avoir vu Abou Adass dans le corridor menant au bureau du général Rustom Ghazalé en décembre 2004 à Anjar. Un autre témoin a affirmé que Abou Adass est actuellement emprisonné en Syrie et qu'il sera tué une fois l'enquête terminée. Selon lui, Abou Adass n'avait pas de rôle dans l'assassinat sauf qu'il a été utilisé comme un leurre et que la cassette vidéo a été enregistrée
sous la menace des armes, environ 45 jours avant l'attentat. Il a ensuite indiqué que le général Assef Chawkat a forcé Abou Adass à enregistrer la cassette vidéo environ 15 jours avant l'assassinat, à Damas. Il a également indiqué que la cassette a été remise à la chaîne al-Jazira par une femme connue sous le nom de « Oum Alaa ».
Un autre témoin a indiqué qu'au lendemain de l'assassinat, Fayçal al-Rachid a souligné que l'affaire est résolue et que celui qui a commis le crime est Abou Addas, qui est un kamikaze, et que le corps de Abou Adass se trouvait toujours sur la scène du crime. Zouheir Saddik a indiqué qu'au début de février 2005, il a vu Abou Adass dans le camp d'entraînement de Zabadane en Syrie, et qu'il avait des informations selon lesquelles Abou Adass avait initialement planifié l'assassinat, mais qu'il avait changé d'avis à la dernière minute. Il a indiqué que Abou Adass a été en conséquence tué par les Syriens et que son corps a été placé dans un véhicule contenant la bombe et qu'il a été ainsi détruit sur la scène du crime.
179 – Jusqu'à présent, aucune preuve d'analyse ADN pouvant être liée à Abou Adass n'a été trouvée sur la scène du crime.
180 – Malgré des mois d'investigations menées par la commission d'enquête et les autorités libanaises, M. Abou Adass demeure une figure mystérieuse. Quelques points significatifs peuvent cependant être relevés et liés à l'enquête Abou Adass.
181 – Mis à part la vidéocassette qui montrait en effet Abou Adass, il existe très peu d'éléments soutenant l'idée qu'il a commis l'attentat par le biais d'une bombe-suicide. Il n'existe pas de preuve, mis à part la vidéocassette, sur l'existence d'un groupe appelé Al-nasra wal jihad fi bilad al-Cham. Il n'existe aucune information relative à ce groupe auprès des sources disponibles avant le 14 février 2005, par exemple. Ni les autorités libanaises ni les amis et les connaissances de Abou Adass n'ont entendu parler de ce groupe avant le jour de l'attentat. Les autorités sécuritaires de pays voisins au Liban, qui ont été interrogées par la commission d'enquête pour fournir des informations relatives à l'assassinat, n'ont pas connaissance de ce groupe. De plus, la disparition de Abou Adass le 16 janvier 2005 n'a pas été expliquée d'une manière significative donnant à penser qu'il aurait pu être un kamikaze un mois plus tard. Notamment, aucun individu le connaissant bien estime qu'il puisse commettre un tel crime, vu sa nature et le niveau de son intelligence. Finalement, même s'il y a toujours une possibilité relative au fait qu'il n'existerait pas des traces ADN d'un kamikaze menant un important attentat, il est à noter qu'il n'y a aucune preuve d'ADN de Abou Adass sur la scène du crime ou encore aucune preuve, notamment des témoins, ayant affirmé qu'il était présent sur la scène du crime au moment de l'attentat.
182 – Cependant, un aspect de l'enquête jusqu'à ce jour est clair : la plupart des informations entourant Abou Addas et sa disparition pointent en direction de la Syrie. Les documents relatifs aux voyages particuliers de Khaled Taha, montrant une entrée au Liban à partir de la Syrie, un jour avant la disparition de Abou Adass, ainsi que la tentative de cacher sa présence en Syrie, en faisant en sorte de montrer que ses e-mails étaient émis de Turquie alors que réellement ils provenaient de Syrie, sont indicatifs du type de preuves qui pointent vers l'implication de la Syrie dans le sort qui a été réservé à Abou Adass et qui ne peuvent être mis sur le compte de simples coïncidences.
De plus, l'information vague disponible au sujet de « Mohammed » indique qu'il était probablement syrien, ainsi que le retour soudain en Syrie du meilleur ami de Abou Adass, Ziad Ramadan, peu après avoir été interrogé par les autorités libanaises, tout cela suggère la présence de liens syriens avec la disparition de Abou Adass. Finalement, plus d'une source
d'information relative au sort réservé à Abou Adass pointe vers la Syrie et des officiels syriens, et vers certains officiels libanais.
Il est vrai que peu de sources d'information ont été corroborées de façon indépendante. Il est significatif qu'il n'existe pas d'informations qui pointent vers une autre entité comme étant impliquée dans sa disparition ou qu'il était un kamikaze. Bien que cela ne soit pas définitif, ces liens à répétition avec la Syrie nécessitent une enquête plus poussée.
Conclusion :
Il n'existe pas de preuve que Abou Adass appartenait au groupe Al-nasra wal jihad fi bilad al-Cham, comme cela a été affirmé dans la vidéocassette d'al-Jazira, ou même qu'un tel groupe ait jamais existé ou qu'il existe actuellement. Il n'existe aucune indication (mis à part la vidéocassette) qu'il a conduit le camion contenant la bombe qui a tué Rafic Hariri. Les preuves montrent que Abou Adass a probablement quitté sa maison le 16 janvier 2005 et qu'il a été amené, volontairement ou non, en Syrie, où il a disparu depuis.
2 – Analyse téléphonique
183 – L'un des aspects les plus importants de l'enquête a été l'analyse des communications téléphoniques. Un logiciel spécialisé a été utilisé pour analyser et enquêter sur de nombreux appels téléphoniques effectués par ceux qui ont été identifiés comme les plus importants dans l'enquête, ce qui a permis à la commission internationale de parvenir à un résultat optimal avec un personnel limité et des délais courts. L'assistance des compagnies de téléphone libanaises et des autorités était essentielle pour rendre cette analyse effective. Par exemple, les compagnies mtc touch et alfa ont rapidement répondu aux demandes d'informations sur les abonnés au cellulaire et les registres d'appels. Des informations similaires sur les lignes fixes ont été fournies à la commission par les services du ministère des Télécommunications. Cette assistance rapide a été d'une valeur immense, parce qu'elle a permis aux investigateurs d'analyser rapidement des appels téléphoniques spécifiques de la part de certains abonnés et d'établir des types de communication entre des groupes particuliers d'abonnés. Au total, la commission a demandé des informations sur environ 2 235 abonnés et a obtenu des données de connexion téléphonique sur environ 70 195 appels téléphoniques. L'analyse téléphonique, qui a déjà été décisive dans l'établissement des lignes directrices et dans la détermination de liens entre des figures-clés, continuera à être un aspect central de cette enquête, à mesure qu'elle évolue.
184 – Selon Ghassan ben Jeddo, directeur d'al-Jazira, la chaîne a reçu quatre appels dans l'après-midi du 14 février, avant la diffusion de la vidéo d'Abou Adass. Les enregistrements n'ont toutefois révélé que trois appels à al-Jazira cet après-midi-là, à 14h11, 15h27 et 17h04.
185 – Il n'a pas été possible d'identifier le temps ni l'origine du présumé quatrième appel à al-Jazira.
186 – Leila Bassem, de l'agence Reuters, a affirmé que l'agence a reçu un appel téléphonique le 14 février concernant la revendication de l'attentat par Abou Adass. L'enregistrement montre que cet appel a eu lieu à 14h11.
187 – Les enregistrements téléphoniques révèlent que tous les appels précédemment mentionnés à al-Jazira et Reuters proviennent de la même carte prépayée. Cette carte a été achetée à Beyrouth (...) le 10 février 2005. Les appels à al-Jazira et Reuters ont été faits à
partir de quatre postes de téléphones différents, tous situés à Beyrouth. L'un d'eux se trouvait près du siège de l'Escwa, dans le centre-ville de Beyrouth, à près de deux kilomètres de la scène du crime. Cette carte prépayée a uniquement été utilisée pour appeler al-Jazira et Reuters et il n'existe aucun enregistrement montrant qu'elle aurait été utilisée pour d'autres appels.
188 – La vidéocassette d'Abou Adass avouant le crime a été placée dans un arbre faisant face à l'immeuble de l'Escwa. La commission a pu obtenir et visionner les enregistrements des caméras de surveillance de l'Escwa pour la journée du 14 février, dans le but d'identifier toute personne ou véhicule successible d'être lié au dépôt de la vidéocassette et les appels ultérieurs à al-Jazira. Après l'examen des images, cependant, il a été établi qu'il n'était pas possible d'identifier, à partir de cet enregistrement, des véhicules ou des individus approchant l'arbre en question. Les enquêteurs de la commission ont également interrogé les gardes de sécurité de Protectron Security, en charge des terrains de parkings situés à proximité des immeubles de l'Escwa et d'al-Jazira dans le centre-ville. Toutefois, aucun des gardes interrogés et qui étaient de service ce jour-là n'a constaté une quelconque activité inhabituelle relative au dépôt d'un objet sur un arbre en face de l'Escwa.
Conclusion :
Il n'a pas été possible jusqu'ici d'identifier l'individu ou les individus à l'origine des appels à al-Jazira et Reuters le 14 février, pas plus que l'individu ou les individus en charge de la vidéocassette d'Abou Adass.
3 – L'usage de cartes
de téléphone prépayées
189 – Le juge d'instruction Élias Eid a obtenu des enregistrements et examiné tous les appels du 14 février à al-Jazira. Le juge Eid a noté qu'un appel à partir d'un téléphone mobile était particulièrement significatif : il s'agissait d'un appel à al-jazira à partir d'une carte prépayée le 14 février à 22h07. Cette même carte prépayée avait reçu un appel une minute après l'explosion, à 12h57, à partir d'un poste de téléphone situé à Tripoli, près d'un immeuble abritant les services de renseignements syriens. Le 30 janvier, un appel avait été effectué sur la ligne fixe au domicile d'Abou Adass du même poste téléphonique à Tripoli.
190 – La commission d'enquête internationale a obtenu et examiné les enregistrements de la carte prépayée n° 03925152 sur base de cette information fournie par le juge Eid. Les investigations de la commission ont révélé jusqu'ici qu'en dépit du fait qu'il n'existe pas d'abonné identifiable, la carte elle-même mène à des connexions significatives. Le 8 février 2005, par exemple, cette carte a eu un contact avec un numéro de téléphone mobile appartenant à Tarek Esmat Fakhreddine. M. Fakhreddine, un homme d'affaires important, est un associé proche du Premier ministre de l'époque, Omar Karamé. Ce même M. Fakhreddine a effectué des appels quelques heures après l'explosion aux généraux Hamdane, Azar et Hajj et à l'officier des SR syriens Jameh Jameh. De plus, il a eu un contact téléphonique avec son neveu Raëd Fakhreddine à 13h37 le 14 février. Raëd Fakhreddine est lourdement soupçonné d'avoir acheté les cartes prépayées qui ont été utilisées pour organiser l'attentat. La même carte prépayée a aussi eu des contacts avec un autre numéro de téléphone qui était lui-même en contact avec le mobile de Raëd Fakhreddine en décembre 2004 et en janvier, février et mars 2005.
191 – La carte prépayée a aussi été en rapport avec d'importants responsables officiels libanais et syriens. Par exemple, la carte a été en contact avec trois différents numéros qui, à leur tour, ont eu des contacts avec le mobile de Moustapha Hamdane en janvier, mars et juillet 2005. Deux jours avant l'explosion, le 12 février 2005, cette même carte prépayée était également en contact avec un numéro de mobile appartenant à l'ancien ministre Abdel Rahim Mrad. Le mobile de M. Mrad est, à son tour, entré en contact avec Ali Hajj après l'explosion. Les mobiles de M. Mrad et de Tarek Esmat Fakhreddine étaient en contact ensemble le 17 janvier 2005, le lendemain de la disparition d'Abou Adass. La carte prépayée a eu aussi des contacts avec un numéro de téléphone qui, à son tour, était en contact régulier avec le mobile appartenant à l'homme politique Nasser Kandil. La carte a également été en contact avec deux autres numéros mobiles en février et mars 2005 eux-mêmes ayant contacté les 14 et 17 février 2005 le numéro utilisé par l'officier syrien Jameh Jameh.
192 – La carte prépayée a eu le 5 janvier 2005 des contacts avec un numéro de téléphone qui était lui-même en contact avec le numéro de Younès Abdel-Al, des Ahbache, frère d'Ahmed Abdel-Al cité plus haut. La carte prépayée a aussi été en contact le 5 janvier avec un autre numéro de téléphone qui a eu deux contacts le 10 janvier avec un numéro appartenant à Walid Abdel-Al, frère de Younès et Ahmed et membre de la garde républicaine de Moustapha Hamdane.
Conclusion :
L'utilisateur ou les utilisateurs de cette carte prépayée le 14 février 2005 est ou sont significatif(s) et l'identification de cet individu ou de ces individus est une priorité pour cette enquête.
4 – L'enquête australienne
193 – Dans une interview à la commission, Adnane Addoum, ministre de la Justice à l'époque de l'attentat, a déclaré qu'il croyait nécessaire que les enquêteurs de la commission poursuivent leurs investigations et interrogent les six Australiens considérés comme suspects pour les motifs de leur voyage. Il a aussi indiqué son point de vue, selon lequel le fait que le véhicule présumé ayant été utilisé dans l'attentat avait le volant à droite (comme c'est le cas en Australie), il fallait mettre davantage de soupçons sur ces six suspects. Il a ajouté qu'à son opinion, « en raison de la pression exercée par les médias et les milieux religieux, le juge d'instruction n'a pas donné suffisamment d'importance à ce fait ».
194 – Les enquêteurs de la commission internationale ont examiné intensivement les résultats des enquêtes libanaise et australienne au sujet des six suspects et, comme expliqué plus loin, ont conclu qu'il n'y avait aucune base laissant croire à l'éventualité d'une implication de leur part dans l'assassinat de Hariri. En menant cet examen, les enquêteurs de la commission étaient aussi conscients de l'existence de six cartes SIM utilisées en relation avec l'attentat, et que le recours à ces cartes SIM a pris fin au moment de l'explosion. Prenant note du fait qu'il existait six suspects australiens, et six cartes SIM suspectes, ce qui constitue une singulière coïncidence, la commission a estimé qu'un examen des enquêtes libanaise et australienne dans ce domaine serait prudent.
195 – Ayant étudié de près le dossier, la commission est en mesure de mettre en relief les points suivants :
– Les autorités libanaises ont demandé l'assistance d'Interpol pour localiser et interroger les suspects identifiés en accord avec le protocole établi.
– Le protocole suivi par Interpol était correct.
– Les autorités australiennes ont été contactées par le biais d'Interpol pour suivre l'affaire.
– Les autorités australiennes ont procédé à des investigations intensives et ont présenté un rapport de leurs conclusions aux autorités libanaises.
– Les autorités libanaises ont suspendu cette ligne d'enquête à la lumière du rapport présenté par les autorités australiennes.
Conclusion :
Sur la base de ce qui précède, l'enquête menée par les autorités australiennes et les résultats obtenus peuvent être considérés comme probants. Les soupçons de M. Addoum ne sont pas fondés ni étayés par une quelconque preuve. La poursuite de l'enquête sur cette voie a empêché les autorités libanaises de suivre d'autres voies.
5 – Ahmed Abdel Aal
196 – Cheikh Ahmed Abdel Aal, figure de proue des Ahbache, était responsable des relations publiques et des renseignements militaires des Ahbache, l'Association des oeuvres de bienfaisance islamiques, un groupement libanais ayant historiquement des liens étroits avec les autorités syriennes. Il est apparu que Abdel Aal était un personnage important, à la lumière de ses liens avec plusieurs aspects de cette enquête et de son téléphone portable qui lui a servi à entrer en contact avec toutes les personnes importantes figurant dans cette enquête. En fait, nul plus que Abdel Aal n'était autant lié à tous les aspects de cette enquête.
197 – Abdel Aal a été entendu par la commission d'enquête internationale en tant que témoin puis de suspect. Par moment, son comportement et certaines de ses déclarations durant son audition permettent de croire à un recel d'informations. Ainsi, il a tenté d'occulter son nom en cédant, le 12 mars 2005, la puce prépayée de son téléphone mobile à son ami, Ahbache également, Mohammed Halouani, demandant que la carte soit enregistrée au nom de ce dernier. Durant son interrogatoire par la commission d'enquête internationale, il a hésité plusieurs heures avant de reconnaître que le numéro de téléphone en question était en fait utilisé par Ahmed Abdel Aal. En outre, selon sa déclaration, le 14 février 2005, Abdel Aal a quitté son domicile pour se rendre au bureau des Ahbache. Le relevé de ses contacts téléphoniques indique qu'à 11h 47 il a reçu une communication émanant d'un correspondant qui avait appelé son domicile plusieurs fois juste avant l'explosion – à 12 h 26, 12 h 46 et 12 h 47. Alors que Abdel Aal a indiqué à la commission d'enquête internationale avoir appelé chez lui peu après l'explosion, à 12 h 56, le relevé téléphonique indique que l'appel a été fait à 12 h 54, deux minutes avant l'explosion. Abdel Aal a affirmé n'avoir pas quitté le bureau des Ahbache, le jour de l'explosion, pour des raisons de sécurité. Le relevé de ses appels révèle quatre appels à l'officier des renseignements syriens Jameh Jameh, à 11 h 42, 18 h 14, 20 h 23 et 20 h 26. Selon un témoin, Abdel Aal se trouvait dans le bureau de Jameh Jameh à 19 h 30 le soir de l'attentat, pour parler de M. Abou-Adass. En outre, peu après s'être rendu dans le bureau de Jameh Jameh, le téléphone portable de Abdel Aal a enregistré un appel adressé à 19 h 56 au général Ghazali. Abdel Aal a tenté par ailleurs d'aiguiller l'enquête sur la piste de M. Abou-Adass non seulement en fournissant aux autorités libanaises, peu après l'explosion, d'amples informations sur celui-ci, mais aussi en déclarant à la commission d'enquête internationale que le service de sécurité des Ahbache avait noté la présence de M.
Abou-Adass, avant l'assassinat, dans le camp de Aïn el-Héloué en compagnie d'Abou-Obeida, l'adjoint du chef du groupe terroriste Esbat al-Ansar.
198 – Il y a eu également de nombreux contacts, le jour de l'explosion, entre Ahmed Abdel Aal et la Sécurité d'État libanaise. Par exemple, il téléphonait presque quotidiennement au général de brigade Fayçal Rachid, chef de la sécurité pour la ville de Beyrouth. Le 14 février 2005, ils ont eu des contacts par téléphone à 10 h 35, 20 h 08, 21 h 13, 21 h 40 et 22 h 16. Ahmed Abdel Aal a eu des contacts avec le suspect Raymond Azar, de l'armée libanaise, le 14 février 2005 ainsi que les 16 et 17 février 2005. Il y a eu un appel téléphonique à partir du portable d'Albert Karam, un autre membre des services de renseignements de l'armée libanaise, et Ahmed Abdel Aal le 14 février à 12 h 12, près de 44 minutes avant l'explosion.
199 – À partir du téléphone de Abdel Aal, de très nombreux contacts ont été établis avec la ligne de Moustapha Hamdane et 97 appels ont été enregistrés entre ces deux, entre janvier et avril 2005. Parmi ces appels, quatre ont été effectués le 14 février 2005 après l'explosion. Ahmed a eu deux contacts téléphoniques avec son frère, Walid Abdel Aal, un membre de la garde républicaine, le jour de l'explosion à 16 h 15 et à 17 h 29. En outre, Abdel Aal a reçu un appel le 11 février 2005 à 22 h 17 à partir de la cabine téléphonique utilisée pour appeler al-Jazira peu après l'explosion, le 14 février. Il a également reçu un appel le 14 février 2005 à 19 h 34 et le 26 février 2005 à 9 h 33 à partir de la cabine utilisée pour appeler Reuters peu après la déflagration.
200 – Abdel Aal était en fréquent contact avec son frère Mahmoud Abdel Aal, qui est un membre actif des Ahbache. Les appels téléphoniques effectués à partir du numéro de Mahmoud Abdel Aal sont eux aussi intéressant : il a effectué un appel quelques minutes avant l'explosion, à 12 h 47, au téléphone portable du président libanais Émile Lahoud puis à 12 h 49 au téléphone portable de Raymond Azar.
201 – Abdel Aal avait des attaches notables avec une cache d'armes découvertes au sud de Beyrouth en juillet 2005 où une descente des Forces de sécurité intérieure a été effectuée le 26 juillet 2005. Cinq personnes avaient alors été arrêtées, ayant des liens étroits avec l'ancienne milice des mourabitoun. L'une des personnes arrêtées était le garde du corps et chauffeur de Majed Hamdane, frère de Moustapha Hamdane, qui dirige une société fournissant du personne de sécurité à l'hôtel Saint-Georges. Abdel Aal aurait trouvé un emploi d'électricien au palais présidentiel à l'une de ces personnes arrêtées. De plus, immédiatement après ces arrestations, une autre personne avait réussi à s'enfuir et avait téléphoné à Ahmed Abdel Aal.
Conclusion :
Les preuves, y compris ses liens avec d'autres noms importants, notamment Moustapha Hamdane et la garde présidentielle, ses appels téléphoniques et son implication dans l'enquête sur M. Abou-Adass font d'Ahmed Abdel Aal un élément-clé de toute enquête à venir.
VI. CONCLUSIONS
202 – Il est de l'avis de la commission que l'attentat du 14 février 2005 a été réalisé par un groupe disposant d'une organisation étendue et de ressources et de possibilités considérables. Le crime avait été préparé pendant plusieurs mois. À cette fin, les mouvements de M. Rafic Hariri avaient été surveillés, et les itinéraires de son convoi notés de manière détaillée.
203 – Compte tenu des résultats de la commission et des investigations libanaises à ce jour, sur la base du matériel et des preuves écrites rassemblées ainsi que des fils de l'enquête suivis jusqu'ici, il existe des preuves convergentes montrant à la fois l'implication libanaise et syrienne dans cet acte terroriste. C'est un fait bien connu que le renseignement militaire syrien a eu une présence envahissante au Liban au moins jusqu'au retrait des forces syriennes, à la suite de la résolution 1559. Les anciens hauts responsables de la sécurité au Liban étaient désignés par lui. Vu l'infiltration des institutions et de la société libanaises par les services de renseignements syrien et libanais oeuvrant en tandem, il serait difficile d'imaginer un scénario où un complot en vue d'un assassinat aussi complexe aurait pu être mené à leur insu.
204 – Il est également de l'avis de la commission que l'assassinat de M. Hariri s'est déroulé dans un contexte de polarisation et de tension politiques extrêmes. Les accusations et les contre-accusations visant principalement M. Hariri au cours de la période précédant son assassinat corroborent la conclusion de la commission que le motif probable de l'assassinat était politique. Cependant, puisque le crime n'était pas l'oeuvre des individus mais plutôt d'un groupe sophistiqué, il est fort possible que la fraude, la corruption et le blanchiment d'argent aient également constitué des raisons pour que certains individus participent à l'opération.
205 – La commission considère que l'enquête doit se poursuivre durant un certain temps. Durant la période de temps courte de quatre mois, plus de 400 personnes ont été interrogées, 60 000 documents ont été passés en revue, plusieurs suspects identifiés et quelques fils conducteurs principaux établis. Cependant, l'enquête n'est pas complète.
206 – La commission conclut que l'enquête continue devrait être poursuivie et poussée par les autorités judiciaires et sécuritaires appropriées, qui ont prouvé durant l'investigation qu'avec l'aide et le soutien internationaux, elles peuvent aller de l'avant et parfois prendre l'initiative d'une façon efficace et professionnelle. En même temps, les autorités libanaises devraient examiner l'ensemble des ramifications de l'affaire, y compris les transactions bancaires. L'explosion du 14 février doit être prise en compte dans le cadre de la série d'attentats qui l'ont précédé et qui ont suivi, puisqu'il pourrait y avoir des liens entre certains d'entre eux, sinon entre tous.
207 – La commission est donc d'avis qu'un effort soutenu de la part de la communauté d'enquête internationale pour établir une plate-forme d'assistance et de coopération avec les autorités libanaises dans le domaine de la sécurité et de la justice est essentielle, si les autorités libanaises le souhaitent. Ceci renforcera considérablement la confiance des Libanais dans leur système de sécurité, tout en restaurant leur propre confiance dans leurs capacités.
208 – La décision récente de procéder à de nouvelles nominations de hauts responsables sécuritaires a été bien accueillie par toutes les parties libanaises. C'était une étape importante vers l'amélioration de l'intégrité et de la crédibilité de l'appareil sécuritaire. Cependant, cette étape s'est produite après un mois de vide sécuritaire et au terme d'un long débat politico-communautaire. Beaucoup doit être fait pour surmonter les divisions sectaires, pour démêler la sécurité de la politique, et pour restructurer l'appareil sécuritaire, dans le but d'éviter les interférences dans les prérogatives et l'action menée, pour accroître l'efficacité de cette action.
209 – Après avoir interrogé des témoins et des suspects de la République arabe syrienne et établi que beaucoup d'indices conduisent directement à une implication de responsables sécuritaires syriens dans l'assassinat, la commission conclut qu'il incombe à la Syrie de
clarifier une partie considérable des problèmes restés sans solution. Si les autorités syriennes ont coopéré à un certain degré avec la commission après avoir hésité au départ, plusieurs personnes interrogées ont tenté de fausser le cours de l'enquête, en donnant des déclarations erronnées ou imprécises. Il s'est avéré que la lettre adressée à la commission par le ministre syrien des Affaires étrangères de la République arabe syrienne contenait des informations fausses. Tous les tenants et les aboutissants de l'assassinat ne peuvent être déterminés que par une enquête exhaustive et crédible qui devrait être conduite de manière entièrement transparente, de façon à satisfaire pleinement la volonté internationale de rigueur.
210 – En conséquence de l'enquête menée par la commission à ce jour, un certain nombre de personnes ont été arrêtées et accusées de conspiration de meurtres et de crimes liés à l'assassinat de M. Hariri et de vingt-deux autres personnes. La commission est naturellement d'avis que toutes les personnes, y compris celles chargées de crimes sérieux, devraient être considérées innocentes jusqu'à ce que leur culpabilité soit établie et prouvée à l'issue d'un procès équitable.
Les passages épurés du rapport
Voici certains passages, reproduits dans notre édition en caractère gras, qui ont été épurés de la version officielle du rapport Mehlis remise dans la nuit de jeudi à vendredi à la presse. La délégation britannique a toutefois laissé filtrer la version originelle du rapport à plusieurs organes de presse. Ces passages citent des noms de responsables syriens et libanais, ainsi que la Banque al-Madina :
96 – Un témoin, d'origine syrienne mais résidant au Liban, prétend qu'environ deux semaines après l'adoption de la résolution 1559 par le Conseil de sécurité, de hauts responsables officiels libanais et syriens, Maher el-Assad, Assef Chawkat, Hassan Khalil, Bahjat Sleimane et Jamil al-Sayyed, ont décidé d'assassiner Rafic Hariri. Il a prétendu qu'un haut responsable libanais, Sayyed, de sécurité, s'est rendu à plusieurs reprises en Syrie pour planifier le crime, se réunissant une fois à l'hôtel Méridien à Damas et plusieurs fois au palais présidentiel et au bureau d'un haut responsable syrien de sécurité, Shawkat. La dernière réunion a été tenue à la maison du même haut responsable syrien, de la sécurité, Shawkat, environ sept à dix jours avant l'assassinat et comprenait un autre haut responsable libanais de sécurité, Moustapha Hamdane. Le témoin entretenait des relations étroites avec des officiers syriens supérieurs en poste au Liban.
204 – Il est également de l'avis de la commission que l'assassinat de M. Hariri s'est déroulé dans un contexte de polarisation et de tension politiques extrêmes. Les accusations et les contre-accusations visant principalement M. Hariri au cours de la période précédant son assassinat corroborent la conclusion de la commission, selon laquelle le motif probable de l'assassinat était politique. Cependant, puisque le crime n'était pas l'oeuvre des individus mais plutôt d'un groupe complexe, il est fort possible que la fraude, la corruption et le blanchiment d'argent, impliquant probablement la Banque al-Madina, aient également constitué des raisons pour que certains individus participent à l'opération.
206 – La commission conclut que l'enquête continue devrait être poursuivie et poussée par les autorités judiciaires et sécuritaires appropriées, qui ont prouvé durant l'investigation qu'avec l'aide et le soutien internationaux, elles peuvent aller de l'avant et parfois prendre l'initiative d'une façon efficace et professionnelle. En même temps, les autorités libanaises devraient examiner l'ensemble des ramifications de l'affaire, y compris les transactions bancaires, à
travers la Banque al-Madina. L'explosion du 14 février doit être prise en compte dans le cadre de la série d'attentats qui l'ont précédée et qui ont suivi, puisqu'il pourrait y avoir des liens entre certains d'entre eux, sinon entre tous.

12 Décembre 2005
Le champion des libertés assassiné Beyrouth réclame un tribunal international et une enquête élargie à tous les attentats, Amal et le Hezbollah se dérobent
Gebran Tuéni a payé hier de sa vie son militantisme acharné pour un Liban libre et souverain ainsi que son engagement farouche en faveur des causes qu'il défend depuis des années avec un franc-parler légendaire. Peu après 9h, sur une route secondaire de Mkallès qu'il emprunte tous les jours pour se rendre aux locaux d'an-Nahar dont il est le PDG, un attentat à la voiture piégée met fin à ses jours. Son chauffeur et son garde du corps sont également tués. Gebran Tuéni a rejoint le long cortège des martyrs et le Liban a replongé dans le cycle noir des attentats terroristes qui semblent ne pas devoir prendre fin. Sa mort, comme celle de Samir Kassir, une autre plume libre, engagée et farouchement antisyrienne, met en exergue la nécessité de nettoyer le Liban des « mines » plantées par le régime syrien tout au long de trente ans d'occupation et qui continuent de semer la mort dans le pays. Un régime syrien directement mis en cause dans l'odieux assassinat de Gebran Tuéni par le ministre des Télécommunications, Marwan Hamadé, oncle maternel du jeune parlementaire et première victime miraculée de la série d'attentats terroristes. Si M. Hamadé a sans ambages pointé un doigt accusateur en direction de « l'hégémonie dictatoriale de Bachar el-Assad », le Premier ministre, Fouad Siniora, a tenu un discours peut-être un peu plus nuancé, au moment où plusieurs voix locales et internationales mettaient en cause plus ou moins indirectement la Syrie dans l'abominable attentat, condamné « en des termes très forts » par le Conseil de sécurité. Ce dernier s'est dit prêt à « examiner de manière positive toute demande d'assistance du gouvernement libanais pour traduire en justice tous les responsables de cet assassinat et de ceux commis auparavant ». Le Liban n'a pas tardé à solliciter cette assistance. Faisant fi des protestations du Hezbollah et d'Amal dont les ministres se sont retirés de la réunion de Baabda et suspendu leur participation au Conseil des ministres, le gouvernement a annoncé qu'il compte demander au Conseil de sécurité d'élargir à tous les attentats la tâche de la commission d'enquête internationale sur l'assassinat de Hariri ou de créer une commission indépendante pour aider les autorités libanaises dans l'enquête sur la série de crimes terroristes qui frappent le pays. Il a également appelé à la création d'un tribunal international chargé de juger les personnes incriminées dans l'attentat de Rafic Hariri.
Article paru dans « L'Orient-Le Jour » le 13 décembre 2005

14 Décembre 2005
Toutes les archives des Renseignements syriens sur le Liban auraient été détruites
La commission d'enquête avance de nouvelles preuves sur l'implication de Damas
Dans son deuxième rapport remis au Conseil de sécurité et rendu public peu après à New York, la commission d'enquête de l'ONU sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri a fait état de nouvelles preuves de l'implication de responsables syriens dans l'attentat du 14 février et émis des doutes quant à la réalité de la coopération apportée par la Syrie à l'enquête. Le chef de la commission, Detlev Mehlis, affirme notamment qu'un certain nombre de témoins interrogés ces dernières semaines avaient fourni « des informations cruciales » à propos de l'assassinat. Ces témoignages se rapportaient directement aux auteurs, commanditaires et organisateurs de l'opération coordonnée ayant abouti au meurtre de Hariri, y compris le recrutement d'agents spéciaux par les services de renseignements libanais et syriens, souligne le document. « Les déclarations des témoins renforcent les indices confirmés à ce jour contre les responsables libanais actuellement détenus, ainsi que contre des responsables syriens de haut rang », dit le texte. M. Mehlis se prononce en outre pour l'extension, pour au moins six mois, du mandat de la commission d'enquête, conformément au souhait du gouvernement libanais. Dans le cadre d'une prolongation éventuelle de son mandat, la commission compte sur « une coopération entière et inconditionnelle » de la Syrie au cours de la prochaine étape de son enquête, « avant qu'on puisse établir si elle se conforme pleinement aux exigences de la résolution 1636 ». « Jusqu'à présent, la commission a fait des progrès continus sur le volet libanais de son enquête. Ce n'est pas encore le cas sur le volet syrien », affirme le texte. Celui-ci rappelle notamment qu'aux termes de la résolution 1636, adoptée le 31 octobre et exigeant une pleine coopération de Damas à l'enquête, sous peine de sanctions internationales, la Syrie doit arrêter les Syriens que la commission considère comme suspects dans l'assassinat. Le rapport expose, dans son préambule, les difficultés de coopération avec Damas qui ont suivi l'adoption de cette résolution. Il parle notamment de « délais considérables » dans les réponses aux demandes de la commission et de « manoeuvres procédurales parfois contradictoires de la part des autorités syriennes ». Il précise que six Syriens, considérés comme suspects et dont les noms ne sont pas divulgués, avaient été convoqués pour interrogatoire à Vienne, mais que seuls cinq d'entre eux ont pu être interrogés. L'interrogatoire du sixième a été reporté. Le rapport note néanmoins que « malgré leurs réticences et leurs atermoiements, les autorités syriennes ont rendu possible l'interrogatoire de cinq responsables syriens convoqués, aux conditions de la commission ». Le rapport souligne que les conclusions du premier rapport d'étape de la commission, remis en octobre, « restent valides ». Ce rapport, rappelle-t-on, avait mis en cause les services de sécurité libanais et syriens. « Il est important que l'enquête se poursuive à un rythme soutenu (...) et que la commission bénéficie à tout moment d'une coopération totale et inconditionnelle des autorités syriennes », ajoute le texte. La commission a interrogé plus de 500 témoins, confirmé une liste de 19 suspects, analysé un matériel volumineux et produit un total de 37 000 pages supplémentaires de documents, selon le préambule du rapport.
I. Préface
1. Conformément à la résolution 1595 (2005) du Conseil de sécurité, la Commission indépendante internationale d'investigation des Nations unies (CIINU ou la commission) a remis le 19 octobre 2005 un rapport (S/2005/662) reflétant le déroulement de son travail depuis qu'elle a été déclarée opérationnelle, le 16 juin 2005.
2. Dans une lettre datée du 14 octobre 2005 (S/2005/651), le Premier ministre du Liban a transmis au secrétaire général des Nations unies une requête du gouvernement libanais d'étendre le mandat de la commission à la mi-décembre 2005. Le but de cette prorogation était de permettre à la commission d'assister davantage les autorités libanaises à traiter les diverses lignes de la recherche qui avaient pris corps à travers l'investigation pour atteindre le principal objectif de la mission : aider à identifier les auteurs, les commanditaires, les organisateurs et les complices de l'attentat terroriste qui avait tué l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et 22 autres personnes le 14 février 2005, à Beyrouth.
3. Par suite de la présentation du rapport de la commission et du briefing effectué sur son contenu par le commissionnaire devant le Conseil de sécurité, le 25 octobre 2005, le Conseil de sécurité, agissant sur demande du gouvernement libanais et prenant en considération la recommandation de la commission qu'une assistance devait continuer à être prodiguée aux autorités libanaises, a adopté le 31 octobre 2005 la résolution 1636 (2005), dans laquelle le Conseil accueillait favorablement le rapport de la commission et du secrétaire général sur la décision d'étendre le mandat de la commission jusqu'au 15 décembre 2005.
4. La résolution 1636 (2005) du Conseil, un suivi de la résolution 1595, a étendu la portée de l'autorité de la commission dans la mesure où elle a donné, entre autres, à la commission les mêmes droits et pouvoirs vis-à-vis de la République arabe de Syrie que ce qu'elle avait obtenu au Liban, et l'autorité de déterminer le lieu et les modalités de l'interrogatoire d'officiels et de particuliers syriens qu'elle juge concernés par l'enquête. La résolution a invité les autorités syriennes à coopérer pleinement et inconditionnellement avec la commission et à détenir tout officiel ou ressortissant syrien considéré comme suspect par la commission.
5. Conformément aux deux résolutions, la commission a poursuivi son travail sur les mêmes bases de recherche adoptées depuis sa création. La commission, en coopération étroite avec les autorités judiciaires et policières libanaises, a suivi de nouvelles donnes, entendant un nombre supplémentaire de témoins (dont le total s'élève aujourd'hui à plus de 500), confirmant une liste de 19 suspects, analysant un volumineux échafaudage de matériel, avec l'aide des Forces de sécurité intérieure (FSI) et continuant à échanger avec le bureau du procureur général du Liban toutes les informations, le matériel et les preuves affluant.
6. Pour ce qui est de la piste syrienne de l'investigation, la commission a agi en conformité avec la résolution 1636 (2005) du Conseil, qui a avalisé la conclusion de la commission qu'il incombe aux autorités syriennes de clarifier une part considérable de questions restées sans solution. Une fenêtre d'opportunité était ouverte aux autorités syriennes de mener leur propre investigation sur l'assassinat de M. Hariri et des autres dans la mesure où une implication syrienne pouvait être concernée.
7. En vertu du décret législatif n° 96 (20 octobre 2005), une commission judiciaire syrienne a été mise sur pied pour mener sa propre investigation sur l'affaire Hariri. La CIINU a bien accueilli cette initiative, considérant que la commission judiciaire syrienne allait se concentrer sur l'investigation interne de l'affaire pour clarifier le tableau que la CIINU tentait avec beaucoup d'efforts de comprendre. La commission judiciaire syrienne ne peut invalider ou se substituer au travail propre à la CIINU. La commission, pour sa part, va continuer ses contacts avec les autorités syriennes pour avancer sur la piste syrienne.
8. En créant une commission judiciaire, les autorités syriennes semblaient vouloir partager leur part de responsabilité et faire plus de lumière sur les circonstances de l'assassinat pour aider à établir la vérité. Que cette mesure eût été dictée par une authentique volonté de coopérer à fond ou qu'elle eût été le résultat du ferme message émis par la résolution 1636 (2005) du Conseil, il reste qu'elle doit être vue comme un renforcement substantiel légal pour que l'investigation aboutisse. En outre, c'est seulement une coopération effective et continue des autorités syriennes qui peut lever tout doute à propos de l'initiative syrienne dans cette affaire.
9. Suite à l'adoption de la résolution 1636 (2005) du Conseil, la commission a immédiatement assigné à comparaître six officiels syriens qu'elle considérait comme suspects. Après des discussions ardues et un retard considérable dû à des manoeuvres de procédure, et parfois à des retournements contradictoires de la part des autorités syriennes, un lieu a été déterminé pour interroger cinq officiels syriens. L'interrogatoire du sixième suspect a été ajourné. La commission attend toujours aussi la fourniture d'autres éléments requis. Entre-temps, la commission judiciaire syrienne a organisé une conférence de presse avec un témoin syrien qui a donné aux journalistes l'occasion de l'interroger avant que la commission judiciaire syrienne ne le fasse et qui a rétracté de précédentes preuves avancées sous serment devant la commission internationale. Les déclarations syriennes officielles qui ont succédé, appelant la CIINU à reconsidérer des erreurs passées et à réviser son rapport, étaient une claire indication que pendant qu'un canal officiel de communication fonctionnait entre la commission et les autorités syriennes au sujet de la coopération, la commission judiciaire et les autorités syriennes cherchaient à semer le doute sur le contenu du rapport de la CIINU. C'était pour le moins une tentative d'entraver l'investigation de l'intérieur et sur le plan de la procédure.
10. Cependant, il convient de noter que malgré leur réticence et leurs atermoiements, les autorités syriennes ont permis que l'interrogatoire des cinq officiels syriens assignés soit réalisé. Les interrogatoires extensifs ont eu lieu hors de Syrie, conformément aux conditions déterminées par la commission. Les enquêteurs de la CIINU ont pu également interviewer un témoin en Syrie sans interférence. Comme c'est le début d'un processus longuement attendu, il appartient aux autorités syriennes d'être plus diligentes pour ouvrir la voie à un déroulement qui va probablement être long, si l'on en juge par l'étendue des progrès réalisés à cette date.
11. Jusqu'à présent, la commission a fait des progrès réguliers sur le volet libanais. Il reste à en accomplir sur le volet syrien. Pour cette raison, la commission estime que la Syrie doit poursuivre sa propre investigation sérieusement et de manière professionnelle en coopérant, totalement et inconditionnellement, avec la commission, avant que l'on ne détermine si (la Syrie) s'est conformée complètement aux dispositions de la résolution 1636 (2005).
II. Les progrès dans l'enquête
12. Durant la courte période qui s'est écoulée depuis son dernier rapport, la commission a continué à suivre les pistes de l'enquête qui se sont profilées au cours des six mois d'investigation et a suivi un certain nombre de nouvelles pistes, sources et autres éléments. Une forte coopération s'est poursuivie avec les autorités libanaises, et en particulier avec le bureau du procureur général et le juge d'investigation chargé de ce dossier : le transfert d'éléments concernant le dossier a eu lieu à intervalles réguliers ; des réunions de liaison hebdomadaires ont été tenues ; les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont participé à l'examen et à l'analyse des activités en relation étroite avec les enquêteurs ; et un représentant du
bureau du procureur général a participé à la préparation des interrogatoires des suspects syriens.
13. La commission a établi une stratégie visant à transmettre, étape par étape, les découvertes et résultats de ses efforts aux autorités libanaises, afin de renforcer leur tutelle sur le processus de l'enquête. Pour les mêmes raisons et pour accroître la transparence, un nombre accru d'opérations conjointes ont eu lieu.
14. Du 7 octobre au 10 décembre 2005, 52 déclarations de témoins, 69 notes d'enquête et 8 déclarations de suspects ont été enregistrées. Trois perquisitions ont été conduites et 7 pièces à conviction ont été obtenues. Un total de 37 000 pages de documents ont été ajoutées au dossier. Quatorze enquêteurs de dix pays membres ont été impliqués dans le travail d'enquête de la commission, de même qu'un certain nombre d'experts externes.
15. Au moment du renouvellement de son mandat fin octobre, l'équipe d'investigation de la commission a été consolidée et renforcée par des experts en recherches, analyses et gestion des bases de données informatiques. L'association étroite avec Interpol s'est poursuivie. L'équipe de soutien a été augmentée afin d'offrir un éventail plus large de langues et services liés aux enquêteurs.
Actuellement, la commission est composée d'un total de 93 personnes. Le partenariat avec des organisations soeurs des Nations unies et d'autres organisations internationales, ainsi que l'utilisation d'apports spécialisés en expertise nationale, ont contribué à renforcer la plate-forme de soutien de cette mission. La commission, une fois encore, exprime sa gratitude pour ces contributions.
16. La commission, en accord total avec les autorités libanaises, répète que pour enquêter sur un dossier tellement complexe, plusieurs mois de travail sont requis afin de s'assurer que toutes les pistes ont été totalement explorées et ce, de manière approfondie. C'est par le biais du croisement de plusieurs pistes d'enquête que des schémas émergent et se concentrent sur les éléments les plus importants.
17. La commission continue de suivre différentes pistes qui sont apparues lors des précédents mois d'investigation en relation avec des suspects syriens et libanais et leurs associés, des témoins, des preuves découvertes sur les lieux du crime concernant la nature et le type d'explosifs utilisés lors de l'assassinat, et des informations concernant les autres preuves trouvées sur la scène du crime, ainsi qu'au sujet d'individus associés de près aux événements du 14 février 2005.
18. À ce jour, la CIINU a interviewé et obtenu les déclarations de 19 suspects. Des analystes sont en train de revoir ces déclarations, en se concentrant sur chaque point ou piste qui puisse être identifié, afin de les comparer avec ceux obtenus dans d'autres interrogatoires. L'un des domaines sur lesquels se concentre l'attention est l'information relative à la préparation de l'assassinat, et notamment les lieux, dates, heures des rencontres ainsi que les personnes participant à ces rencontres. L'analyse se penche également sur les contacts téléphoniques de ces suspects immédiatement avant, pendant et immédiatement après l'assassinat. Ce processus de vérification croisée vise à tester, de manière exhaustive et cohérente, la crédibilité des sources et la fiabilité des informations collectées. Ce processus aidera la commission à développer une meilleure image de l'évolution des événements précédant ou suivant immédiatement l'assassinat, et ce notamment en ce qui concerne les personnes impliquées et leurs contacts.
19. La commission est également en train de revoir toutes les déclarations des témoins, de déterminer précisément les mesures qui doivent être prises – par le biais d'interviews, d'analyses téléphoniques ou d'autres preuves – afin de corroborer ces déclarations ou de poursuivre les recherches sur des pistes ouvertes. En ce qui concerne les points importants identifiés lors de l'investigation, les analystes sont en train de recouper les déclarations et autres preuves que la CIINU a enregistrées afin de déterminer quels points requièrent un suivi spécifique.
20. Dans ce but, la CIINU a développé une base de données visant à aider les enquêteurs et analystes à filtrer les déclarations des témoins et suspects. Cette base de données permettra de créer des rapports sur les points significatifs couverts par ces déclarations et permettra des recherches rapides lors de nouveaux interrogatoires de suspects et témoins ainsi que la détermination de futures preuves.
A-Suspects
21. La CIINU, en collaboration étroite avec les autorités judiciaires libanaises, a à ce jour identifié 19 individus comme « suspects » dans le cadre de cette enquête, et indiqué, en se fondant sur les preuves accumulées, qu'il y a des raisons de croire que ces individus ont pu être impliqués d'une manière ou d'une autre dans la préparation ou l'exécution de ce crime ou encore dans des tentatives d'induire en erreur l'enquête en ce qui concerne les auteurs du crime. Ces individus ont été informés de leur statut de suspects et sont présumés innocents jusqu'à ce que soit prouvée leur culpabilité après jugement. Lors de leurs interrogatoires, ils ont bénéficié des droits accordés aux suspects par la loi libanaise.
22. La commission a continué d'enquêter sur les preuves contre ces individus identifiés comme des suspects en recoupant leurs déclarations avec celles d'autres témoins et en confrontant leurs déclarations avec d'autres preuves, afin d'évaluer leur crédibilité. C'est un processus en cours, étant donné le fait que, lors de l'évolution d'une enquête d'une telle complexité, de nouvelles preuves, de nouvelles pistes et de nouveaux témoins vont apparaître qui devront être corroborés et recoupés avec la totalité des preuves accumulées.
23. Comme indiqué dans le rapport précédent de la commission (S/2005/662, paragraphe 174), du 30 août 2005, les autorités libanaises détiennent quatre hauts responsables libanais de sécurité et des services de renseignements conformément aux mandats d'arrêt émis par le procureur général libanais. Ces quatre personnes restent en état d'arrestation préventive. Elles n'ont pas été réinterviewées au cours des sept dernières semaines, en attendant la poursuite de la collecte et l'analyse des preuves concernant leur implication dans le crime.
24. La commission a poursuivi ses investigations portant sur des personnes au sujet desquelles il existe de solides indications concernant leur implication dans le crime ou qui pourraient avoir des informations supplémentaires sur l'assassinat. Comme noté dans le rapport précédent (S/2005/662, paragraphe 208-214), le rôle de cheikh Ahmed Abdel-Al des Ahbache et ses associés demeure un volet fondamental d'investigations, à la lumière d'un ensemble de contacts téléphoniques et d'associations. La commission a continué à enquêter sur ces complices, tout comme sur les liens des Ahbache avec un nombre de suspects-clés. Les interviews se sont concentrées sur les membres de famille dont les numéros de téléphone et les associations professionnelles montrent des liens rapprochés avec le suspect Moustapha Hamdane et les autres officiels libanais.
B- Les suspects syriens
a) Les officiels syriens de haut rang
25. Basé sur la demande de la commission du 4 novembre 2005 d'interroger six officiers syriens de haut rang, la commission et le représentant du ministère syrien des Affaires étrangères ont abouti à un accord en vertu duquel la commission devrait interroger initialement cinq officiels syriens dans les locaux des Nations unies à Vienne, en Autriche. Il a été agréé ultérieurement que les procédures légales libanaises seraient appliquées à ces interrogatoires.
26. Conformément à cet accord, entre le 5 et le 7 décembre 2005, cinq officiels syriens ont été interrogés à titre de suspects. Chaque interrogatoire a été conduit en présence d'un avocat syrien et un autre avocat international et un interprète international assermenté.
Après les interrogatoires, les personnes interrogées ont signé leurs dépositions et des échantillons d'ADN leur ont été prélevés. L'interrogatoire de ces personnes a porté sur un large éventail de questions relatives aux preuves que la commission avait rassemblées lors de son investigation. Les dépositions faites par deux des suspects ont indiqué que tous les documents des services de renseignements syriens concernant le Liban ont été brûlés. Il a été aussi confirmé, par une lettre envoyée à la commission par la présidente de la commission syrienne spéciale d'enquête, le juge Ghada Murad, datée du 8 décembre 2005, qu'aucun document concernant l'assassinat de Hariri n'a été trouvé dans les archives des services de renseignements syriens. Ces questions exigent une investigation supplémentaire de la part de la commission.
b) M. Zouhair Mohammed Saddik
27. M. Saddik s'est présenté à la CIINU initialement en tant que témoin confidentiel avec des informations détaillées sur l'assassinat de Hariri (S/2005/662, paragraphes 104-116).
Se basant sur les dépositions qu'il avait faites à la commission, il a été ultérieurement considéré comme étant un suspect lié à l'enquête (ibid. paragraphe 112).
Le 12 octobre 2005, un mandat d'arrêt international a été émis à l'encontre de M. Saddik, qui réside en France, à la demande du gouvernement libanais qui a également exigé son extradition.
M. Saddik a été arrêté par la police française le 16 octobre 2005. La CIINU avait depuis déposé à travers le gouvernement libanais une demande aux autorités françaises pour interroger M. Saddik, qui demeure dans les prisons françaises. Des arrangements sont actuellement entrepris avec les autorités françaises afin de réaliser cet entretien.
28. Dans le but de poursuivre les investigations sur les dépositions de M. Saddik au sujet de la planification et de l'exécution du crime, la commission a obtenu des échantillons d'ADN de M.Saddik, de sa femme, de ses enfants et de son beau-frère.
Ces échantillons ont été analysés afin de déterminer s'ils concordent soit avec des preuves puisées dans l'appartement de la banlieue de Beyrouth, dans lequel M. Saddik a déclaré avoir assisté à des réunions, soit à des preuves récupérées de la scène du crime. Les résultats de la comparaison des échantillons se sont avérés négatifs.
c) Des témoins sensibles
29. Dans toute investigation criminelle, les informations fournies par des témoins sensibles, avec des connaissances personnelles au sujet de la planification et de l'organisation du crime et de ses auteurs, sont essentielles.
Le précédent rapport avait détaillé quelques informations pertinentes qui ont été fournies à la CIINU par un nombre de témoins sensibles (S/2005/662, paragraphes 96-117).
Ces témoins se retrouvent souvent en danger, du fait de la nature des organisations criminelles au sujet desquelles ils sont en train de fournir des informations.
1. Houssam Taher Houssam
30. Depuis la publication du dernier rapport, l'identité d'une source précédemment confidentielle a été révélée. Cette source, M. Houssam Taher Houssam, est récemment apparue à la télévision syrienne pour revenir sur son témoignage auprès de la commission d'enquête et dire que ce témoignage, qui impliquait de hauts responsables syriens dans l'assassinat, avait été obtenu sous la contrainte. Son apparition à la télévision syrienne a apparemment été faite à la demande de la commission d'enquête syrienne en charge de l'assassinat de Hariri. Les investigations de la commission d'enquête des Nations unies sur les dernières déclarations de M. Houssam se poursuivent. La commission a appris qu'avant son dernier voyage en Syrie, M. Houssam avait fourni à des amis proches des informations similaires à celles fournies à la CIINU. La commission a également reçu des informations fiables indiquant qu'avant la récente rétractation publique de M. Houssam, des officiels syriens avaient arrêté et menacé certains proches parents de M. Houssam en Syrie. L'enquête préliminaire aboutit à la conclusion que M. Houssam est manipulé par les autorités syriennes, ce qui soulève des questions sérieuses sur l'engagement de la commission d'enquête syrienne à mener une investigation indépendante, transparente et professionnelle sur ce crime.
2. Nouveaux témoins
31. La commission d'enquête des Nations unies a été approchée par un certain nombre de nouveaux témoins qui détiennent potentiellement des informations cruciales sur l'assassinat. Ces témoins ont été interrogés ces dernières semaines et, en coordination avec les autorités libanaises, la commission poursuit les investigations et corrobore leurs informations. Étant donné que ces informations sont encore en cours d'évaluation, et que l'identité de ces témoins doit être tenue secrète pour assurer leur sécurité, ce rapport ne détaille pas les informations qu'ils ont fournies.
32. Fin octobre 2005, la commission a été approchée par un autre nouveau témoin, qui a fait une déposition exhaustive et cohérente concernant les plans d'assassinat de M. Hariri. Le témoin a été évalué comme crédible et les informations qu'il a fournies comme fiables. Les informations sont détaillées et des recoupements ont été effectués, lesquels ont confirmé, jusqu'à présent, les informations contenues dans la déposition. La déposition recoupe d'autres informations indépendantes obtenues par la commission.
33. Les informations détaillées pointent du doigt les auteurs, les commanditaires et les organisateurs d'une opération organisée visant à tuer M. Hariri, incluant le recrutement, par les services de renseignements syriens et libanais, d'agents spéciaux, la manipulation de matériels explosifs (Improvised Explosive Device), un modèle de menace contre des personnes ciblées et la planification d'autres activités criminelles.
34. La déposition du témoin renforce les preuves, confirmées jusque-là, contre les officiers libanais en détention ainsi que contre des officiers syriens haut placés.
35. L'enquête a également découvert d'autres informations spécifiques sur la manière dont l'appareil sécuritaire syrien contrôlait et manipulait la situation sécuritaire au Liban. Par exemple, il a été reporté à la commission, qu'après l'assassinat de M. Hariri, un officiel syrien haut placé a fourni des armes et des munitions à des groupes et des individus au Liban afin de créer du désordre public, en réponse à une quelconque accusation d'implication syrienne dans l'assassinat de Hariri. Les autorités libanaises ont ouvert une enquête séparée sur la planification d'attaques terroristes liées à cette information.
C. La scène du crime
36. L'examen minutieux et l'analyse de la scène du crime sont un élément important dans une enquête sur une explosion de l'ampleur de celle du 14 février. Cela inclut une analyse médico-légale d'articles retrouvés après l'explosion, qui pourraient apporter des indices sur la nature et le type de l'explosion et des explosifs employés, ainsi que les moyens par lesquels l'opération a été exécutée. Cela comprend également des auditions de témoins qui pourraient détenir des informations cruciales à propos d'événements ayant eu lieu sur la scène du crime, que ce soit avant, pendant ou après le crime, ainsi que l'interrogatoire d'individus qui auraient été surpris en train d'agir d'une manière suspecte près du lieu de l'explosion. La commission a continué de suivre chacune de ces pistes dans l'objectif de reconstruire, d'une manière aussi globale et précise que possible, le cours des événements qui ont mené à l'explosion du 14 février et ceux qui l'ont suivie.
37. En octobre 2005, la commission d'enquête internationale a remis environ 600 pièces à conviction prélevées sur la scène du crime au bureau du procureur général du Liban, après un examen médico-légal. Certaines pièces à conviction avaient été à l'origine collectées du bureau du procureur général au début de l'enquête. Ces pièces comprennent des centaines de débris de voitures.
1. Enquête sur le mécanisme de déclenchement
38. Le rapport précédent (S/2005/662, paragraphes 159-169) a fourni une analyse complète de la scène du crime. Au cours de cette investigation, plusieurs pièces électroniques ont été recouvrées. Trois articles pouvant constituer une source de renseignements sur le mécanisme de déclenchement du dispositif utilisé pour provoquer l'explosion ont été soumis à un examen intensif d'experts. Cette méthode d'enquête comprend un recoupement des résultats de cette analyse avec des pièces à conviction retrouvées sur la scène du crime, qui, comme cela a été confirmé, font partie d'un camion Mitsubishi Canter.
39. Il a résulté de l'examen que l'une de ces pièces électroniques a appartenu à un ordinateur portable. Mais comme cette pièce n'était pas très endommagée, elle n'aurait pas pu être assez proche du lieu de l'explosion, et n'aurait donc pas pu faire partie du mécanisme de déclenchement. L'origine et la fonction des deux autres pièces électroniques, qui ont été extrêmement endommagées, n'ont pas pu être déterminées : aucune conclusion n'a pu être tirée sur leur éventuelle connexion au mécanisme de déclenchement de l'explosion.
2. Explosifs (résidus)
40. Le précédent rapport (S/2005662, paragraphe 145) avait indiqué que les mesures confuses prises par les autorités libanaises directement après l'explosion ont rendu difficile
l'identification avec précision du type d'explosifs utilisés. Avec l'assistance d'un expert en analyse des scènes d'explosions et avec les examens de laboratoires adéquats, la commission a reçu des données d'experts permettant d'identifier le type d'explosifs utilisés. La commission prendra des mesures d'investigation supplémentaires fondées sur des expertises médico-légales, en vue de remonter jusqu'à l'origine des explosifs.
3. Le camion Mitsubishi
41. Comme il est indiqué dans le précédent rapport (S/2005/662, paragraphes 132 – 134), l'enregistrement vidéo de la caméra de la banque HSBC, qui surplombe la scène du crime, montre un camion Mitsubishi qui entre dans le périmètre de l'explosion peu avant l'arrivée du convoi de M. Hariri. Durant ses recherches sur la scène du crime, l'équipe médico-légale hollandaise a découvert une pièce d'un bloc moteur, parmi d'autres pièces appartenant à des véhicules. Avec l'aide de l'équipe médico-légale japonaise, ce bloc moteur a été identifié comme appartenant à un véhicule volé au Japon le 12 octobre 2004. Les FSI ont confirmé qu'elles ne possèdent pas de registre concernant un véhicule au Liban portant le numéro de châssis ou la plaque d'immatriculation identifiés sur les restes du véhicule.
42. À la demande de la commission, la police nationale japonaise a ouvert une enquête sur le véhicule volé. Elle en a conclu qu'il avait été transporté par mer, en entier ou en pièces détachées, du Japon à un autre pays, le plus vraisemblablement les Émirats arabes unis (EAU). Depuis septembre, la commission d'enquête internationale a collaboré étroitement avec les autorités japonaises et émiraties pour retracer les mouvements de ce véhicule, ce qui a inclus des documents de navigation procurés par les EAU, et, avec l'aide des autorités émiraties, une tentative de localiser et d'interroger les consignataires du navire à bord duquel le véhicule, ou les pièces détachées pourraient avoir été transportés. Cette piste d'investigation en est toujours à ses débuts.
4. Travaux routiers/excavations
43. Comme il a été précédemment indiqué (S/2005/662, paragraphes 129 – 131), des témoins ont fourni des informations concernant des travaux routiers dans la région de l'hôtel Saint-Georges durant les jours qui ont précédé l'explosion, en dépit du fait qu'aucun permis de travail officiel pour de telles excavations n'avait été délivré durant cette période. Quelques témoins ont affirmé que des membres des Forces de sécurité libanaises étaient présents dans le périmètre des travaux d'excavation. Ces témoins ont semblé cohérents et crédibles dans leur reconstitution des travaux routiers entrepris durant cette période dans la région. Cette piste d'investigation est significative.
5- La vidéo de la HSBC
44. Dans la cadre de l'enquête et en collaboration avec les Forces de sécurité intérieure, la commission a suivi une nouvelle piste : l'examen des caméras de surveillance avait révélé l'existence d'un groupe d'individus au comportement suspect en face de la banque HSBC près de l'hôtel Saint-Georges peu de temps avant l'explosion le 14 février. Bien que la commission estime qu'aucune des personnes interrogées n'ait, à ce jour, joué un rôle dans l'explosion, il n'en demeure pas moins que cette piste ne pourra être définitivement close à moins que la commission n'obtienne un supplément d'enquête.
6- Restes humains non identifiés
45. Le rapport précédent (S/2005/662, paragraphe 163 (d)) mentionnait une petite part de restes humains appartenant à une personne non identifiée retrouvée sur la scène du crime. La commission, en collaboration avec des experts en médecine légale, continue d'analyser les indices et preuves.
D. Les circonstances du crime (et nouvelles pistes)
46. Comme dans toutes les enquêtes criminelles de ce genre, la commission a tenté d'identifier tous les auteurs possibles, leur mode d'opération et leurs motivations. C'est ainsi que la CIINU est en train de revoir un nombre important de documents en provenance des différentes institutions gouvernementales qui avaient entrepris des opérations de surveillance ; il s'agissait d'interroger les témoins afin de comprendre en profondeur la relation entre M. Rafic Hariri et d'autres personnes importantes ; de continuer l'enquête relative à M. Abou Adass, de renforcer l'analyse des écoutes téléphoniques et de suivre toutes les pistes pouvant mener à un quelconque motif ou auteur. Les preuves rassemblées à ce jour convergent dans le même sens : l'atmosphère de plus en plus tendue qui a atteint son apogée lorsque M. Hariri a pris la décision de présenter sa démission de son poste de Premier ministre fin 2004 (S/2005/662, paragraphe 94). De même, la commission n'a trouvé aucune preuve qui contredise les précédents résultats de l'enquête concernant le rôle joué par des officiels libanais et syriens de haut niveau (S/2005/662, paragraphe 118-124).
Influence des services de renseignements et de sécurité libanais et syriens
47. Dans le précédent rapport présenté au Conseil de sécurité, il est clairement stipulé qu'étant donné le degré d'infiltration des services de renseignements libanais et syriens dans la vie quotidienne des Libanais et étant donné que ces mêmes services avaient particulièrement entouré Rafic Hariri d'une étroite surveillance, il demeure quasi impossible qu'une troisième partie ait entrepris d'épier les faits et gestes de ce dernier ; il est fort peu probable qu'une quelconque partie ait pu planifier, obtenir les moyens logistiques et les ressources nécessaires pour organiser un crime de cette magnitude sans que les services de renseignements libanais et syriens n'en aient eu connaissance (S/2005/662. paragraphe 123-0124).
48. La commission a obtenu des compléments d'informations concernant la manière dont ces services et organismes contrôlaient la vie de la société libanaise grâce à certaines institutions libanaises. Ces informations sont venues corroborer les théories auxquelles la commission était déjà parvenue. Bien que l'analyse de ces informations soit toujours en cours, les preuves déjà existantes montrent clairement comment ces institutions – y compris les services des renseignements militaires, la Sûreté générale et les Forces de sécurité intérieure – ont entrepris de vastes opérations de surveillance à l'intérieur des territoires libanais, dont M. Rafic Hariri et les écoutes téléphoniques (S/2005/622, paragraphes 118, 123, 125 -128) ne représentaient qu'une infime part.
Les écoutes téléphoniques (services de renseignements militaires)
49. Dans le précédent rapport (S/2005 /662, paragraphes 125-128), il était clairement stipulé que le directorat technique des services de renseignements militaires avait entrepris de surveiller les lignes téléphoniques appartenant à M. Hariri sur une longue période : les transcriptions de ces conversations étaient envoyées quotidiennement à des officiels libanais et syriens, y compris MM. Raymond Azar, Jamil Sayyed et Rustom Ghazalé.
50. En novembre 2005, la commission a présenté une demande aux services de renseignements de l'armée libanaise pour obtenir une liste complète des écoutes téléphoniques de M. Rafic Hariri au cours de la période octobre–mars 2005. En réponse à cette demande, la CIINU a reçu une partie des transcriptions des écoutes téléphoniques (environ 14 pages) retraçant les conversations de M. Hariri et de sa maison. Ultérieurement, la commission a également appris que les écoutes téléphoniques visaient bon nombre de personnalités importantes et des officiels de haut niveau. Les archives ont été effacées mais actuellement, en vue de plus amples analyses, des mesures sont prises afin de recouvrer les données effacées.
51. L'analyse de ces transcriptions pourra au moins apporter des informations quant à la manière dont les services de renseignements libanais et les services de sécurité libanais surveillaient les officiels libanais importants. Elle permettra également de savoir comment ces informations étaient ensuite partagées avec les services de renseignement syriens. Ces écoutes pourront au moins montrer à quel point les services de sécurité libanais et syriens surveillaient M. Hariri de près.
Les écoutes téléphoniques interceptées (Sûreté générale)
52. La commission a obtenu une copie d'une conversation téléphonique déjà mentionnée dans le rapport précédent (S/2005/662, paragraphe 95), entre Rustom Ghazalé et un officiel libanais de haut niveau. En octobre, la commission a obtenu un CD-rom comprenant les transcriptions des écoutes téléphoniques interceptées par la section des services de renseignements de la Sûreté générale. L'enquête a montré que la Sûreté générale conservait des écoutes téléphoniques de nombreux officiels libanais et de personnalités en vue. Ce CD-rom est actuellement en cours d'analyse. Il contient les écoutes téléphoniques pour la période de janvier 2003 à juin 2005.
53. Grâce à l'assistance des enquêteurs des Forces de sécurité intérieure, environ 26 000 pages de conversations téléphoniques ont été passées en revue et révisées ; les conversations qui couvrent la période décembre 2004-mars 2005 ont été résumées. Un petit groupe de conversations ont été identifiées comme importantes et ont été comparées avec d'autres informations qui ont déjà été rassemblées par la commission. Une partie (ex : un appel effectué par la mère de Abou Adass) apporte des éléments d'enquête importants. Une autre est révélatrice quant au degré d'implication de personnalités-clés dans cet assassinat. De plus, ces informations apportent la preuve que les autorités libanaises étaient au courant des moindres faits et gestes et des conversations entretenues par d'éminentes personnalités libanaises.
Les dossiers des Forces de sécurité intérieure
54. L'ancien directeur des Forces de sécurité intérieure (le général Ali el-Hajj) a été arrêté par les autorités libanaises à la demande de la commission le 20 août 2005, pour participation et conspiration de meurtre dans l'assassinat de M. Hariri (S/2005/662, paragraphe 174). Le 30 août 2005, les enquêteurs de la commission et des officiers des Forces de sécurité intérieure ont entrepris une perquisition dans la résidence privée de M. Ali el-Hajj et ont découvert un nombre de médias électroniques (y compris des bandes magnétiques) enfermés dans un coffre-fort. Un examen préliminaire de ces fichiers électroniques ainsi que des autres documents enfermés dans le coffre-fort a révélé qu'il s'agissait d'informations classées ; des
rapports secrets sur une variété de sujets que le général Ali el-Hajj avait obtenus des Forces de sécurité intérieure et qu'il conservait illégalement.
55. Avec l'aide des officiers des Forces de sécurité intérieure, la commission a entrepris de réviser ces fichiers. Une première révision a permis d'isoler 1 000 fichiers contenant des informations importantes pour l'enquête qu'il s'agissait de revoir en profondeur ultérieurement. L'analyse de ces dossiers est toujours en cours. Ils apportent des informations de poids sur la situation au Liban, les plans politiques et sécuritaires au cours de la période précédant l'assassinat et l'enquête menée par les Forces de sécurité intérieure. Ces fichiers révèlent particulièrement à quel point les services de renseignements et les services sécuritaires syriens et libanais étaient liés entre eux et à quel point les premiers tenaient les seconds sous leur influence.
Le protocole de Damas
56. Dans le précédent rapport, l'enquête de la CIINU a confirmé que durant la période précédant l'assassinat, la tension montait entre M. Hariri et les officiels syriens, y compris le président syrien Bachar el-Assad (S/2005/622, paragraphe 25). L'ancien rapport mentionnait une réunion le 26 août 2004 entre M. Hariri et le président Bachar el-Assad, réunion qui avait tourné à la confrontation. La suite de l'enquête et les informations rassemblées à propos de ces tensions ont appris à la commission l'existence d'un soi-disant pacte oral entre certains officiels syriens de haut niveau et M. Hariri. Cet accord, appelé « protocole de Damas », définissait ce que M. Hariri avait le droit de faire ou de ne pas faire dans sa relation avec la Syrie.
57. Une conversation téléphonique entre M. Ghazalé et M. Hariri le 3 août 2004, à 10h30 contient encore une autre allusion au protocole de Damas.
Ghazalé : « Excellence, suite à la réunion qui avait eu lieu et à l'accord auquel nous étions parvenu à propos d'une trêve et à propos de la cessation des campagnes politiques entre vous et le président, je viens de lire dans le quotidien al-Mustakbal ce qui suit (...) :" Des officiels protègent la corruption ." Ceci représente une violation directe de la trêve. Pourquoi donc Excellence ? Je croyais pourtant que nous avions un accord ? »
Hariri : « (...) Cette déclaration était dans tous le journaux et en fait... j'étais le premier à... »
Ghazalé : « Je voudrais vous poser une question, Excellence : Êtes-vous toujours prêt à respecter cet accord ? »
Hariri : « Bien sûr .»
58. La commission poussera l'enquête encore plus loin afin d'élucider les bases de cet accord et ses conséquences en ce qui concerne les motivations du crime et son exécution.
Ahmed Abou Adass
59. Le précédent rapport de la commission (S/2005 /662. paragraphe 180 – 182) avait développé toutes les mesures prises par la commission dans le cadre de l'enquête concernant les mouvements de Ahmed Abou Adass. Cette enquête a été entravée par l'absence de deux témoins-clés : Ziad Ramadan et Khaled Mihdat Taha. L'enquête a révélé que ces deux individus proches de Abou Adass avaient quitté le Liban en direction de la Syrie avant que la commission ne puisse les interroger. Suite à quoi, la commission a présenté une demande aux autorités syriennes afin d'obtenir des informations détaillées sur les mouvements de Taha et particulièrement ses voyages en Syrie. Dernièrement, la commission a reçu des informations à
travers les médias stipulant que Ramadan avait été emprisonné en Syrie. Elle a donc à nouveau présenté une demande aux autorités syriennes le 4 novembre 2005 afin d'obtenir des informations sur la raison de l'arrestation et la mise en détention de Ramadan.
60. Les autorités syriennes n'ont toujours remis aucune information à la commission concernant Taha, à part que ce dernier a traversé les frontières syriennes.
61. En ce qui concerne Ramadan, la commission judiciaire syrienne a informé la CIINU qu'elle avait interrogé Ramadan le 8 novembre 2005 à propos de sa relation avec Abou Adass. La commission s'est ensuite arrangée avec les autorités syriennes afin de pouvoir interviewer Ramadan. Cette interview a eu lieu le 1er décembre 2005.
62. Au cours de son interrogatoire, Ramadan a déclaré qu'il avait rencontré Abou Adass vers la fin de 2002. À l'époque, ils travaillaient ensemble dans la même compagnie informatique. Abou Adass lui avait parlé à l'époque d'un dénommé « Mohammed », un ami qu'il s'était fait à la mosquée. Cette information venait confirmer ce que la mère de Abou Adass avait déclaré aux autorités libanaises et à la commission. Lorsque la famille d'Abou Adass lui avait appris que ce dernier avait disparu le 16 janvier 2005 avec une personne non identifiée, Ramadan s'est automatiquement demandé si cette personne pouvait être Mohammed. Ramadan ne connaissait pas les autres amis et partenaires d'Abou Adass et par conséquent, il ne pouvait apporter aucune autre information sur les mouvements de ce dernier ou sur l'identité de « Mohammed ». Il a néanmoins confirmé qu'Abou Adass ne savait pas conduire de voiture et qu'il ne possédait pas de connexion Internet à la maison.
63. Ramadan a affirmé qu'il avait quitté le Liban pour la Syrie en mars 2005 parce qu'il était de nationalité syrienne et surtout parce que l'on supposait que la Syrie était impliquée dans l'assassinat de M. Hariri. Il savait également qu'il était recherché par les services de renseignements de l'armée. Après quoi, Ramadan s'est remis lui-même entre les mains des autorités syriennes le 21 juillet 2005 après avoir su que ces dernières étaient à sa recherche. M. Ramadan affirme que depuis, il est détenu sans raison et qu'il a été interrogé 6 fois par les services de renseignements syriens. La CIINU attend toujours de recevoir les comptes-rendus de ces interrogatoires. De plus, lorsqu'en septembre 2005 la commission avait interrogé des officiels syriens, elle leur avait demandé si la Syrie avait lancé une quelconque forme d'enquête dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri. Les officiers ont tous répondu par la négative. C'est seulement en décembre 2005 après avoir interrogé Ramadan que la CIINU a appris que ce dernier (apparemment une figure intéressante dans l'affaire) avait été détenu en Syrie depuis juillet 2005 et qu'il avait été interrogé 6 fois par les services de renseignements syriens.
64. L'interrogation de Ramadan a apporté des compléments d'informations importants qui ont confirmé les informations préalablement rassemblées par la commission en ce qui concerne Abou Adass. Cependant, cette partie de l'enquête ne pourra pas être considérée comme définitivement close avant d'avoir pu retrouver et interroger Taha et avant d'identifier, localiser et interroger le dénommé « Mohammed ».
Analyses téléphoniques
65. Le précédent rapport (S/2005/662, paragraphe192) avait mentionné que les analyses téléphoniques représentaient un pilier important de l'enquête. Depuis octobre, la commission a transformé les données téléphoniques en banques de données dont l'analyse serait plus
facile à gérer à l'avenir. Ce processus implique de compiler environ 400 000 documents de 195 fichiers différents (basés sur des demandes de données en provenance des compagnies de télécommunications) dans une seule banque de données centrale. Une autre banque de données contient plus de 97 millions de registres téléphoniques de tous les appels effectués au Liban entre le 7 et le 21 février 2005. Ces deux banques de données permettront de mettre en place un système de recherche standardisé pour n'importe quel numéro de téléphone et des informations qui lui sont relatives d'une manière efficace facilitant ainsi les projets d'analyse téléphoniques à l'avenir.
66. La commission a analysé en parallèle les appels téléphoniques reçus et émis par certains individus dans le cadre des travaux de préparation pour des interrogatoires de témoins et de suspects afin de confirmer des informations déjà disponibles auprès de la commission. Ces projets deviendront à présent de plus en plus complexes maintenant que la banque de données des registres téléphoniques est terminée. De plus, à la demande des autorités libanaises, la CIINU est en train de comparer les numéros de téléphone rassemblés dans sa banque de données avec les numéros réunis par les autorités libanaises dans le cadre de leur enquête sur les explosions qui ont eu lieu au Liban dans les mois qui ont précédé et suivi le 14 février 2005. Ainsi, il sera possible de déterminer s'il y a un lien entre ces explosions et celle ayant visé M. Rafic Hariri.
La carte téléphonique prépayée utilisée pour contacter al-Jazira
67. La chaîne al-Jazira avait été contactée le 14 février 2005 au soir à travers une carte téléphonique prépayée. Il s'agissait en effet d'une piste intéressante car il a été possible de retracer les appels téléphoniques établis par cette carte (S/2005/662, paragraphe 199-203). Son utilisateur a été identifié et interrogé par la commission. Il semble avoir une explication crédible pour justifier ces appels. Cependant, il est nécessaire d'avoir un complément d'enquête avant de corroborer ces informations.
Les transactions financières
68. Dans le précédent rapport remis au Conseil de sécurité (S/2005/662, paragraphe 217), il apparaît clairement que les fraudes, la corruption et le blanchiment d'argent peuvent avoir représenté un motif pour certains individus ; ces derniers auront voulu participer de manière directe ou indirecte à l'assassinat de M. Rafic Hariri. Dans le cadre de l'enquête, la commission a suivi des pistes qui l'ont menée jusqu'au crash de la banque al-Madina vers la mi-2003. Ce crash avait des liens avec les officiels syriens et libanais, sans parler de M. Hariri.
69. La commission ne doit pas détourner son attention de sa raison d'être. Elle ne doit pas se lancer dans des enquêtes parallèles sur la fraude, la corruption ou le blanchiment d'argent. Cependant, elle demeure consciente que ces affaires peuvent apporter des informations cruciales sur les motifs ayant poussé bon nombre d'individus à vouloir participer à l'assassinat de M Hariri. Ces personnes sont précisément celles que recherche la commission d'autant plus que feu Rafic Hariri avait déclaré qu'il prendrait les mesures qui s'imposent pour enquêter dans l'affaire de la banque al-Madina en profondeur si jamais il devait revenir au pouvoir.
70. Les dossiers de l'enquête font état de 120 personnes qui sont localisées et sont à présent sujettes aux analyses et interrogatoires.
La Sûreté générale
71. Depuis le dernier rapport présenté au Conseil de sécurité, la commission a reçu des informations stipulant qu'un suspect, à savoir l'ancien directeur de la Sûreté générale, avait constitué à partir de son bureau un fonds illégal qui a financé des opérations secrètes et qui pourrait avoir été utilisé afin de financer l'assassinat de M. Hariri. En se fondant sur ces informations, les enquêteurs ont saisi 21 dossiers relatifs à des documents, des registres ainsi que d'autres preuves de la Sûreté générale, de même qu'ils ont interrogé plusieurs témoins. L'analyse de ces preuves est encore en cours, elles sont aussi comparées à d'autres pistes qui sont en cours d'investigation.
Autres explosions
72. La commission, depuis sa création, a axé son travail à aider les autorités libanaises à mener leur enquête portant sur l'explosion du 14 février 2005. D'autres explosions qui ont eu lieu au Liban avant et depuis cet attentat et jusqu'à aujourd'hui ne font pas directement partie de l'enquête de la CIINU. Toutefois, à la demande des autorités libanaises, la CIINU a effectué des comparaisons entre des numéros de téléphone que les autorités libanaises ont récoltés au cours de leur enquête portant sur d'autres explosions et des numéros de la base de données de la CIINU afin de déterminer la présence de tous liens communs dans les contacts téléphoniques pouvant être identifiés et qui peuvent être le sujet d'une enquête. Une enquête plus approfondie devrait porter sur tous liens et modèles communs entre l'explosion de Hariri et ces autres explosions.
D'autres pistes à poursuivre
73. La commission n'a pas eu le temps, dans la période limitée depuis la fin du mois d'octobre 2005, d'enquêter profondément sur les questions suivantes qui ont été mentionnées dans le rapport précédent :
• La nature du camp à Zabadané et les activités qui y ont lieu, sachant que des témoins ont fourni des informations établissant que la camionnette Mitsubishi Canter y a été vue peu avant l'explosion (S/2005/662, paragraphes 110-111).
• Si d'autres personnes à part M. Hariri ont été affectées par le présumé décret présidentiel de novembre 2004 stipulant la réduction du personnel de sécurité pour un individu de l'envergure de M. Hariri (ibid., paragraphe 119).
• L'identification, le lieu et d'autres contacts liés au cercle des cartes téléphoniques prépayées, y compris huit numéros téléphoniques importants et dix appareils de téléphone portable, qui auraient été utilisés afin d'organiser la surveillance de M. Hariri ainsi que son assassinat (ibid., paragraphes 121, 148-152).
• La documentation contenant les ordres au personnel des FSI de laisser M. Hariri sous surveillance à partir de la fin de janvier 2005 jusqu'au début de février 2005 (ibid., paragraphe 125).
• La raison du retard du convoi de M. Hariri à un croisement en forme de T peu avant l'explosion (ibid., paragraphe 142).
• La cause de l'interférence apparente sur les communiqués sur les lieux de la scène du crime le 14 février 2005 (ibid., paragraphe 157).
• L'identification du temps ou de l'origine du quatrième appel signalé à al-Jazira le 14 février 2005 (ibid., paragraphe 194).
III. Coopération de la Syrie avec la commission
74. Dans son rapport précédent présenté au Conseil de sécurité, la commission a fait état des difficultés qu'elle rencontrait vis-à-vis de la coopération assurée par les autorités syriennes. Des retards sérieux ont été accumulés en raison d'une coopération de forme plutôt que de fond. Le Conseil a traité cette question à travers sa résolution 1636 (2005) et en particulier la section III. Le Conseil a appuyé la conclusion de la commission stipulant qu'il incombait aux autorités syriennes de clarifier une partie considérable des questions qui sont restées sans réponse. Dans ce contexte, le Conseil a décidé ce qui suit :
a) La Syrie doit détenir les responsables ou les particuliers syriens que la commission soupçonne d'être impliqués dans la planification, le soutien, l'organisation ou la mise en place de cet acte terroriste, et les mettre à l'entière disposition de la commission.
b) La commission aura vis-à-vis de la Syrie les mêmes droits et prérogatives mentionnés au troisième paragraphe de la résolution 1595 (2005). Ainsi la Syrie doit coopérer avec la commission entièrement et inconditionnellement sur cette base.
c) La commission aura les prérogatives de déterminer le lieu et les modalités de rencontre avec les responsables et les particuliers syriens que la commission trouve nécessaires à l'enquête.
75. La commission, étant consciente du besoin d'avancer rapidement dans son enquête, a déployé tous les efforts visant à l'application de la décision du Conseil dans les plus brefs délais.
76. À son retour à Beyrouth pour poursuivre le travail nécessaire afin de faire progresser l'enquête sous le mandat prolongé jusqu'au 15 décembre 2005, le commissaire a immédiatement repris ses contacts avec les autorités syriennes visant à solliciter leur coopération entière et inconditionnelle.
77. Le 4 novembre 2005, dans une communication adressée au ministre syrien des Affaires étrangères, le commissaire a convoqué six responsables syriens pour une entrevue au quartier général de la CIINU à Beyrouth entre le 15 et le 17 novembre 2005. Le commissaire a demandé des informations concernant le lieu où se trouvait un autre citoyen syrien, M. Ziad Ramadan (cf. paragraphes 59-64 ci-dessus), que la commission souhaitait convoquer en tant que témoin. La commission a aussi exprimé son désir de rencontrer le ministre de Affaires étrangères au bureau des Nations unies à Genève le 23 ou le 24 novembre 2005. Elle a également demandé l'accès aux archives des services secrets de l'armée concernant des documents en relation avec le Liban couvrant la période entre février et mars 2005. La commission avait aussi demandé aux autorités syriennes de lui transférer toute information ou preuve concernant les personnes ayant planifié et/ou commis l'assassinat de M. Hariri.
78. Le ministre syrien des Affaires étrangères a répondu à la communication du commissaire le 7 novembre 2005. Il a indiqué que les autorités syriennes souhaitaient lancer de leur côté une enquête judiciaire sur l'assassinat de M. Hariri. Le président de la République arabe syrienne a signé le 29 octobre 2005, le décret législatif n° 96, stipulant la création d'une commission judiciaire présidée par le procureur général de la République. La commission syrienne commencerait son enquête par les personnes de nationalité syrienne, qu'elles soient militaires ou civiles, elle porterait sur toutes les questions concernant la mission de la CIINU
et coopérerait avec cette dernière et les autorités judiciaires libanaises pour toutes les questions relatives aux procédures de l'enquête. Le ministre des Affaires étrangères a indiqué que la commission syrienne serait en contact direct avec la CIINU pour coopérer afin de dévoiler la vérité sur l'assassinat de M. Hariri, de même il a indiqué qu'atteindre un cadre de travail avec la CIINU aiderait à atteindre la coopération requise.
79. Le 8 novembre 2005, la présidente de la commission syrienne d'enquête spéciale, la juge Ghada Mourad, a invité la CIINU en Syrie afin d'explorer les meilleurs moyens de coopération avec la commission syrienne. Elle a aussi suggéré la signature d'un mémorandum d'entente à cet égard.
80. De même le 8 novembre 2005, le commissaire a répondu aux communications du ministre des Affaires étrangères et de la présidente de la commission syrienne. Il a indiqué que la commission a pris note de la création de la commission judiciaire syrienne, et qu'elle attendait de recevoir des informations et/ou des conseils que le gouvernement syrien aimerait partager avec elle en tant que résultat du travail de la commission, ainsi que les archives et les autres documents demandés dans sa lettre du 4 novembre 2005.
81. La commission a toutefois souligné que la création d'une commission judiciaire syrienne n'annulait pas et n'était pas un substitut à la demande que la commission a effectuée dans sa lettre du 4 novembre 2005. Le commissaire attendait des autorités syriennes une coopération entière et inconditionnelle. Conformément à la résolution 1636 du Conseil de sécurité, section III, paragraphe 11(c), la commission avait déterminé la date et le lieu des entrevues d'un certain nombre de responsables syriens. Vu l'urgence de la question, il était capital que la commission reçoive une réponse avant le 10 novembre 2005, afin de faciliter les préparatifs logistiques liés à l'entrevue à Beyrouth et la rencontre à Genève.
82. Le 9 novembre 2005, le commissaire a reçu une communication du ministre syrien de la Justice, le juge Mohammed al-Ghofri, proposant la signature d'un protocole de coopération négociable. Le ministre a indiqué que la Syrie considérait que la commission d'enquête spéciale créée par le décret législatif n° 96 était l'organisme qui avait exclusivement le mandat de coopérer et coordonner avec la CIINU. La commission spéciale avait mené un interrogatoire des personnes suspectes et leur avait interdit de quitter le pays afin qu'elles soient disponibles quand elles sont convoquées par la CIINU. Le ministre a déclaré que le paragraphe 11(c) de la résolution 1636 ne signifiait pas nécessairement que le lieu doit être à l'extérieur de la Syrie, mais plutôt qu'il pourrait être en Syrie ou tout autre lieu choisi par la CIINU (par exemple le quartier général de l'UNDOF). Il a indiqué que l'interrogatoire des personnes suspectes et des témoins syriens pourrait avoir lieu dans une tierce location afin d'éviter toute émotion négative entre les peuples syrien et libanais. Ainsi, et dans un but de la coopération, la partie syrienne considérait nécessaire la signature d'un protocole de coopération entre le gouvernement syrien et la CIINU, en précisant le mécanisme d'application de la résolution 1636. Le protocole devrait être l'autorité gérant la coopération entre la République arabe syrienne et la CIINU.
83. Le 10 novembre 2005, le commissaire en exercice de la CIINU a envoyé un communiqué au ministre syrien des Affaires étrangères lui rappelant que la commission a établi le 10 novembre 2005 comme dernier délai pour recevoir une réponse à la demande que la commission a formulée le 4 et le 8 novembre 2005. Le même jour, le représentant permanent de la République arabe syrienne auprès des Nations unies a informé qu'il était incapable de
transmettre ce message au ministre des Affaires étrangères étant donné que l'autorité qui traite toutes les questions en rapport avec l'enquête était la commission judiciaire syrienne.
84. Le 18 novembre 2005, à la demande officielle du conseiller légal du ministère syrien des Affaires étrangères, le commissaire a accepté de rencontrer deux représentants du ministère à Barcelone. Les sujets étudiés étaient axés sur les entrevues demandées des responsables syriens, le lieu des entrevues et le protocole de coopération proposé. La partie syrienne a promis de transmettre une réponse officielle dans les jours à venir.
85. Le 21 novembre 2005, le représentant permanent de la Syrie a présenté au président du Conseil de sécurité une note verbale concernant l'application de la résolution du Conseil de sécurité 1636 (2005). La note verbale fut transmise aux membres du Conseil de sécurité le 22 novembre 2005.
86. Le 22 novembre 2005, le conseiller légal auprès du ministère syrien des Affaires étrangères a contacté le commissaire afin d'avoir un délai supplémentaire pour se pencher sur les questions étudiées à Barcelone. Le commissaire a indiqué qu'il aimerait une réponse définitive dans les jours à venir. Dans une communication téléphonique avec le conseiller légal le 24 novembre 2005, le commissaire a réitéré le besoin d'une réponse rapide pas plus tard que le 25 novembre 2005. Le 25 novembre 2005, le commissaire a reçu une réponse positive.
87. Le 5 et le 7 décembre 2005, de hauts responsables syriens ont été interrogés aux Nations unies à Vienne.
IV. Conclusions et recommandations
88. Les conclusions de la commission établies dans son rapport précédent (S/2005/662, section VI) restent valides. Dans l'intervalle, depuis la présentation de ce rapport, l'enquête a poursuivi le développement de plusieurs pistes qui renforcent ces conclusions.
89. Il est important de maintenir le rythme stable des pistes de l'enquête. Le processus de convergence des preuves, la comparaison minutieuse et la révision des témoignages nécessitent du temps. Les événements externes ne peuvent ni ne doivent distraire la commission du mandat qui lui a été accordé par le Conseil de sécurité afin d'aider à identifier les personnes qui ont commis, soutenu, organisé cet acte terroriste qui a eu lieu à Beyrouth le 14 février 2005 ainsi que leurs complices.
90. Les prochaines étapes à suivre dans l'enquête sont claires, concernant le travail de la commission pour aider les autorités libanaises : continuer à enquêter sur les pistes sous tous les aspects de l'affaire, évaluer et suivre les nouveaux éléments dont elle est informée, écarter toutes les pistes qui n'ont plus d'influence directe sur l'affaire, recevoir à tout moment la coopération entière et inconditionnelle des autorités syriennes et présenter au Conseil de sécurité à intervalles réguliers un rapport sur le progrès de l'enquête. Tout retard dans l'un de ces éléments aura inévitablement un impact sur tous les autres. À cet égard, il serait utile si un nombre d'États membres dont l'aide spécifique a été sollicitée répondent favorablement aux demandes de la commission.
91. La commission maintient les avis exprimés dans son rapport précédent, selon lesquels il existe un nombre de motifs personnels et politiques pour l'assassinat de M. Hariri. Cette
vision a été corroborée à plusieurs égards par des preuves et des témoignages recueillis depuis octobre 2005.
92. La commission, le corps judiciaire libanais et les autorités de sécurité ont renforcé leur coopération au cours des dernières semaines dans leur poursuite d'un objectif commun, à savoir la vérité. Les autorités libanaises ont la volonté et la capacité grandissante de mener les enquêtes au Liban. Toutefois, vu les implications plus larges de certaines pistes, il est nécessaire que la communauté internationale poursuive son soutien à ces enquêtes à la fois au Liban et au-delà des frontières afin d'enquêter sur tous les aspects et aboutir à une conclusion.
93. La résolution 1636 (2005) du Conseil de sécurité, particulièrement la section III, constitue pour la commission un mandat clair pour la poursuite de l'enquête. À cet égard, la commission a la possibilité, dans sa recherche de témoins et de témoignages à l'extérieur du Liban, de demander des informations et de les recevoir, de convoquer des témoins et des suspects (et en cas de besoin de réclamer leur arrestation et leur détention), et de demander des preuves sans aucune condition, pression ou ingérence dans ce processus. Toutefois, la commission ne peut pas contrôler le temps : il est tout aussi important que la coopération avec la commission se fasse à temps et sans aucune ambiguïté.
94. La commission a pris note de la demande datée du 5 décembre 2005 du gouvernement libanais, suite au paragraphe 8 de la résolution 1636 du Conseil de sécurité, d'étendre la durée du travail de la commission. Étant donné que les pistes essentielles de l'enquête sont loin d'être complétées, et vu le rythme lent de l'application des engagements syriens vis-à-vis du Conseil, la commission recommande une extension du mandat d'une période minimale de six mois. Une telle décision éviterait la rupture dans le travail de la commission qui est due à des renouvellements de plus courte durée.
95. La commission compte sur la coopération entière et inconditionnelle des autorités syriennes dans la période à venir de son enquête afin que tous les aspects du dossier de l'enquête soient certifiés. 

 

12 Juillet 2006
État d'urgence diplomatique, Siniora prend contact avec Chirac, Condoleezza Rice et Kofi Annan ; la conférence de dialogue convoquée
Le Liban désavoue l'attaque du Hezbollah L'armée placée en état d'alerte au Sud
Le Hezbollah a capturé hier deux soldats israéliens et huit autres ont été tués à la suite d'une opération destinée, selon sayyed Hassan Nasrallah, à obtenir la libération de détenus libanais en Israël. L'État hébreu a riposté par une série de raids contre le Liban-Sud. Son armée s'est ainsi acharnée contre l'infrastructure libanaise, bombardant les ponts et les artères reliant le Liban-Sud au reste du pays. Dans la nuit d'hier, l'ancien pont de Damour, le pont de Aouali, reliant Saïda à Beyrouth, ainsi que le pont de Dalhamiyé dans l'Iqlim el-Kharroub ont été bombardés, l'armée israélienne voulant ainsi isoler le Sud du reste du Liban. Durant la journée, ce sont notamment les ponts de Zahrani et de Qasmiyé qui ont été touchés par les tirs de l'aviation et de la marine israéliennes.
L'aviation israélienne a donc détruit dans la nuit de mercredi à jeudi le vieux pont de Damour. Elle a également bombardé un pont reliant les localités de Wadi Zeiné et de Jadra, sur le littoral de l'Iqlim el-Kharroub, entre Beyrouth et Saïda.
Dans le même temps, les appareils israéliens menaient un cinquième raid sur le pont de la rivière Aouali, qui commande l'entrée de Saïda.
Au total, dix ponts ont été visés par les raids aériens israéliens, selon un décompte de source policière.
Les bombardements se sont également poursuivis dans la nuit de mercredi à jeudi des deux côtés de la ligne bleue, l'armée israélienne bombardant Kfrachouba et Aïtaroun ainsi que des localités proches de Naqoura.
À l'heure de mettre sous presse, le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir bombardé la position de Bramit, relevant du « commandement de l'armée israélienne » en Galilée, dans le nord d'Israël, assurant l'avoir touchée de plein fouet. Cette position, faisant face au village de Rmeich, à Bint Jbeil, est considérée comme l'une des plus importantes de la zone.
Cet embrasement a commencé par une opération du Hezbollah tôt hier matin menant à une riposte de grande envergure entreprise par l'armée israélienne. Selon des sources militaires libanaises, l'opération du Hezbollah a été effectuée en deux étapes : des tirs de Katioucha ont ciblé, à partir du Liban, une position israélienne. Ils ont été accompagnés d'une attaque contre un kibboutzim à la frontière avec le Liban, où les deux soldats ont été capturés.
Les forces mixtes, formées de l'armée et des FSI, stationnées au Liban-Sud ont indiqué que le Hezbollah avait franchi hier matin la ligne bleue, pénétrant en Israël. Dans un communiqué publié par l'armée, ces forces ont « formellement démenti les rumeurs selon lesquelles les troupes israéliennes ont pénétré en territoire libanais ». Dans la matinée d'hier, certaines sources avaient affirmé que c'est en territoire libanais que les deux soldats avaient été capturés.
De son côté, la télévision publique israélienne avait indiqué qu'ils avaient été enlevés près du moshav (ferme collective) Zarit, en territoire israélien, tout près de la frontière avec le Liban. Soulignons que ce kibboutz fait face, côté libanais, au village de Aïta el-Chaab, et que la frontière entre le Liban et Israël près de cette localité est constituée d'un fil barbelé perdu entre des herbes folles qui poussent dans des terrains vagues.
Pour sa part, le Hezbollah a annoncé dans un communiqué, publié tôt dans la matinée, son opération qu'il a baptisée « promesse tenue ».
« Conformément à son engagement d'obtenir la libération des prisonniers et détenus, la Résistance islamique a capturé deux soldats israéliens à la frontière avec la Palestine occupée et les deux prisonniers ont été transférés dans un lieu sûr », a indiqué le texte signé par le parti intégriste.
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a indiqué que les deux soldats, capturés à la frontière, ne seraient libérés que par le biais de « négociations indirectes, dans le cadre d'un échange » de prisonniers, alors que le Premier ministre israélien Ehud Olmert a accusé le gouvernement libanais et rejeté toute négociation pour leur libération.
Après l'annonce de la capture de ses deux soldats, l'armée israélienne a lancé une opération – sur terre, par mer et dans les airs – sans précédent depuis son retrait du Liban-Sud en mai 2000.
Deux civils libanais, dont l'un est propriétaire d'un restaurant à Qasmiyé, et un militant du Hezbollah ont été tués. Une trentaine de personnes ont été blessées, dont trois membres de la Défense civile, un secouriste de la Croix-Rouge, quatre journalistes et un militaire. On a compté jusqu'à tard dans la nuit d'hier une quarantaine de raids aériens sur des ponts au Liban-Sud, notamment ceux de Qasmiyé, de Zahrani, de Kaakaiyé, bloquant les routes reliant divers cazas du Liban-Sud entre eux et coupant durant quelques heures le caza de Tyr de la région de Saïda. La marine israélienne est également entrée en action, tirant sur des axes routiers.
À la frontière, où six mille réservistes israéliens avaient auparavant dans la journée été mobilisés, les troupes de l'État hébreu ont détruit diverses positions du Hezbollah. L'armée israélienne a bombardé à l'artillerie Aïta el-Chaab et des localités frontalières. Le Hezbollah a, à son tour, bombardé des positions israéliennes dans le secteur des fermes de Chebaa.
Lors du bombardement par l'aviation israélienne du pont de Zahrani, ouvrage reliant Beyrouth au Liban-Sud, six personnes ont été blessées, dont trois grièvement. Une ambulance et trois voitures civiles, très endommagées, étaient abandonnées sur le pont de Zahrani, touché par six missiles air-sol.
L'armée avait interdit en fin d'après-midi, hier, l'accès à ce pont, édifié à la fin des années 1990, d'une soixantaine de mètres de large, où les bombardements ont creusé quatre cratères.
Deux adultes et un enfant ainsi que trois ouvriers syriens ont par ailleurs été blessés par les bombardements de l'artillerie de campagne israélienne dans le secteur oriental du Liban-Sud. Et un civil a été blessé par des éclats lors d'un raid aérien israélien mené en soirée au sud du port de Tyr, selon un bilan provisoire de la police.
La marine israélienne a également bombardé, en début d'après-midi, une route secondaire reliant le Sud au reste du Liban. La route reliant Hajjé à Maamariyé, dans un vallon au sud de Saïda, a été rendue impraticable par les tirs.
Pour en revenir aux huit soldats israéliens morts lors des affrontements, quatre ont été tués dans l'explosion d'un char lors des recherches menées par l'armée israélienne pour retrouver les deux militaires enlevés, a indiqué à l'AFP un porte-parole de l'armée israélienne.
« Quatre soldats sont morts dans l'explosion. Nous avons du mal à nous approcher du véhicule car il y a encore des échanges de tirs », a déclaré le porte-parole en expliquant que le char avait sauté durant les recherches pour retrouver les deux soldats capturés par le Hezbollah. Un cinquième soldat qui participait à l'opération lancée pour récupérer les corps des quatre autres a lui aussi été tué, a ajouté le porte-parole.
Plus tôt, l'armée israélienne avait fait état de la mort de trois soldats dans une attaque lancée par le Hezbollah à la frontière israélo-libanaise. Les deux soldats israéliens ont été capturés par le Hezbollah au cours de cette attaque, a indiqué un porte-parole de « Tsahal ».
Le Hezbollah n'a parlé que de la mort de quatre soldats israéliens, son chef, Hassan Nasrallah, précisant qu'ils ont été tués lors d'une attaque contre leur char. Il a également fait état de la mort d'un combattant du Hezbollah dans des affrontements.
L'armée israélienne a par ailleurs dit avoir tué un militant du Hezbollah qui tentait de s'infiltrer dans un poste militaire à la frontière libano-israélienne.
L'homme a été abattu alors qu'il s'approchait de la clôture de sécurité entourant le poste militaire, a précisé un porte-parole des troupes de l'État hébreu.
Selon des communiqués du Hezbollah, les militants du parti ont détruit trois chars israéliens et occasionné divers dégâts dans des positions israéliennes, surtout après des bombardements ciblés à l'artillerie lourde visant les postes militaires de Mairoun et Bramit, de l'autre côté de la frontière.
Enfin, des obus ont été tirés sur la position israélienne de Abbad, dans le secteur occidental de la frontière.
Articles parus dans L'Orient-Le Jour le 13 juillet 2006

14 Juillet 2006
- Peretz veut « briser » le Hezbollah après les tirs sur Haïfa
- Ryad met en cause le parti de Hassan Nasrallah
- Bush soutient l'État hébreu et s'inquiète pour le Liban
- Le gouvernement rassure la communauté internationale
- Une cinquantaine de tués et une centaine de blessés dans la Békaa et au Sud
- Israël impose au Liban un blocus maritime et aérien
Israël multiplie ses frappes aériennes au Liban, lui imposant un blocus aérien de facto en plus d'un blocus maritime, tandis que le Hezbollah, qui détient deux de ses soldats, continue de faire pleuvoir ses roquettes en Galilée, notamment Nahariya, Safed et Haïfa.
Les aéroports de Beyrouth, de Qleiate et de Rayak ont été la cible de l'aviation israélienne, et plusieurs villages du Liban-Sud ont été touchés lors de cette flambée de violence, sans précédent sur ce front depuis 1996, quand l'armée israélienne occupait le Sud. Les attaques israéliennes ont causé la mort d'une cinquantaine de civils, le bilan des victimes variant selon les agences. Des informations avaient rapporté le décès de 46 personnes, alors que ce chiffre s'élevait à 52, selon d'autres sources. Plus d'une centaine de personnes ont été blessées.
Hier en début de soirée, deux katiouchas tirées à partir du Liban se sont abattues sur Haïfa. Le Hezbollah, qui a tout de suite démenti être à l'origine des tirs sur la troisième ville israélienne, avait menacé en journée de bombarder Haïfa et ses environs si Beyrouth ou sa banlieue sud étaient prises pour cible par des tirs israéliens.
Dans la demi-heure qui a suivi la chute des katiouchas sur Haïfa, vers 21 heures, l'aéroport international Rafic Hariri a été, pour la seconde fois hier, la cible de bombardements israéliens.
Les réservoirs de carburant de l'aéroport ont été touchés. Des flammes étaient visibles de loin au-dessus de l'aéroport, dégageant des nuages de fumée qui enveloppaient la banlieue sud.
Toujours en soirée, l'aviation israélienne a largué des milliers de tracts sur la banlieue sud, où au moins quatre fortes explosions ont été entendues.
Les tracts invitaient les habitants à se tenir à l'écart des locaux du Hezbollah. « Pour votre propre sécurité et parce que notre désir est de ne faire de mal à aucun civil non impliqué, vous devez éviter de vous trouver dans des zones où le Hezbollah est présent et opère », indique le texte, rédigé en arabe et signé « L'État d'Israël ».
Ces tracts ont poussé des centaines de familles à abandonner leur domicile et à dormir dans leurs voitures dans les zones qui leur sont géographiquement proches à l'est de Beyrouth, notamment à Hadeth et dans le secteur de Galerie Semaan.
Toujours en soirée, le Hezbollah a publié un communiqué soulignant qu'il a riposté aux raids contre les aéroports de Qleiate et de Rayak en bombardant une base militaire israélienne et une colonie dans la Galilée.
Dix-sept ponts bombardés
Pour en revenir à la matinée d'hier, l'aviation israélienne a bombardé l'aéroport international Rafic Hariri, pour la première fois depuis 1968, et imposé au pays un blocus maritime et terrestre. Des ponts, des bases du Hezbollah et de l'armée libanaise ont été la cible de bombardements.
L'armée israélienne a prévenu que son opération au Liban, ainsi que le blocus aérien et naval seraient de longue durée.
« Il ne faut pas voir cela comme une question de jours. Cela va durer longtemps », a déclaré à la presse le général Amir Eshel, chef d'état-major adjoint de l'armée de l'air israélienne.
Des navires de guerre israéliens sont en outre entrés dans les eaux territoriales libanaises, notamment au large de Maameltein et de Ras- Beyrouth. Trois pétroliers ont déjà été déroutés et les autorités portuaires de Beyrouth ont demandé aux navires présents dans le port de mouiller au large pour des raisons de sécurité.
Des chasseurs-bombardiers israéliens ont tiré deux missiles sur le tarmac de l'aéroport de Rayak, causant des dégâts mais pas de victimes. La base de Rayak, située à moins de 5 kilomètres de la frontière syrienne, est utilisée par les hélicoptères de l'armée. Presque simultanément dans l'après-midi d'hier, des appareils israéliens bombardaient l'aéroport de Qleiate.
Justifiant le raid de l'aéroport international Rafic Hariri, un porte-parole du ministère israélien de la Défense a affirmé que « l'aviation a attaqué l'aéroport de Beyrouth car il servait au transfert d'armes et de matériel militaire au profit du Hezbollah ». Selon lui, ce raid a été décidé après le refus du gouvernement libanais « de mettre fin à ce trafic ».
Par ailleurs, trois installations d'al-Manar ont aussi été la cible d'hélicoptères israéliens. Dans la banlieue sud, un missile a touché un immeuble abritant des locaux de la chaîne, blessant trois employés. Le ministre de l'Information, Ghazi Aridi, est entré en contact avec le directeur général d'al-Manar, Abdallah Kassir, pour condamner le raid. Dans la Békaa, un relais d'al-Manar a été détruit.
Au total, 17 ponts reliant les différentes régions du Liban-Sud entre elles ou au reste du pays ont été bombardés depuis le déclenchement, mercredi, de l'offensive israélienne.
Les experts logistiques de l'armée s'efforçaient hier de rétablir un semblant de circulation sur les principaux ouvrages situés sur la voie rapide reliant Beyrouth au Liban-Sud au-dessus des rivières de Damour, Awali et Zahrani. Mais l'aviation israélienne a ciblé à nouveau les ponts du Liban-Sud.
Le pont de Khardali, reliant les régions de Nabatiyé et Hasbaya, a été entièrement détruit en début d'après-midi par un raid mené par des chasseurs-bombardiers israéliens. Un peu plus tard, la chasse israélienne a détruit un petit pont reliant Saïda à Iqlim el-Kharroub.
Les appareils israéliens se sont ensuite acharnés sur le pont de Darb as-Sim, reliant Saïda au reste du Liban-Sud, visé à cinq reprises par les bombardements de l'aviation israélienne.
Un militaire libanais tué
Les raids menés contre des habitations au Liban-Sud ont fait 52 morts, dont des enfants.
Un militaire a été tué et un autre blessé, ainsi qu'une civile libanaise, lors du raid nocturne (dans la nuit de mercredi à jeudi) sur le pont reliant les localités de Jadra et Wadi Zeiné, à Iqlim at-Touffah. Le conscrit Ayman Chebbo, né en 1983, a été enterré hier dans son village natal de Barja, au Chouf.
À Naqoura, une jeune fille de 16 ans, et ses deux frères de 3 et 7 ans sont morts carbonisés dans un bombardement de la marine israélienne.
Un religieux chiite, son épouse et leurs huit enfants ont été tués dans leur maison à Doueir, alors que sept membres d'une famille ont péri chez eux à Baflay, dans le Sud.
À Budaï, près de Baalbeck, où les raids ont visé un lieu de prière, un militant du Hezbollah a été tué.
À Yater, un concierge syrien et son épouse ont été tués par un raid. Par ailleurs, dès la matinée hier, l'armée israélienne a conseillé au Liban de faire évacuer les civils de la banlieue sud, « qui est un bastion du Hezbollah, où vit Nasrallah, et où se trouvent le quartier général et les stocks d'armes de l'organisation », a déclaré un porte-parole de l'armée israélienne.
Ces menaces ont poussé des milliers de personnes à l'exode. Plusieurs centaines d'habitants de la banlieue sud ont fui leurs domiciles pour se réfugier dans la Békaa. La route reliant Beyrouth à Damas figurerait parmi les prochains objectifs de l'aviation. Une dizaine de milliers de touristes arabes, de travailleurs syriens et de Libanais ont pris la route Beyrouth-Damas, principal accès encore ouvert après le blocus, même s'ils savaient qu'Israël pourrait bombarder cette route. Pour sa part, le Hezbollah a riposté par une centaine de tirs de roquettes Katioucha sur le nord d'Israël, où l'on comptait en soirée trois tués et une quarantaine de blessés. Le Hezbollah a aussi indiqué avoir tiré des missiles de longue portée de type « Raad-1 » sur une base aérienne israélienne, qui a été « touchée de plein fouet ». Il a aussi bombardé l'aéroport de Kiriat Chmona et celui de Rochbina, dans le nord d'Israël. Il a également souligné que « l'ennemi sioniste propage depuis plusieurs heures des menaces contre la banlieue sud et ses habitants dans le cadre d'une guerre psychologique dont l'objectif est d'imposer ses conditions humiliantes à la Résistance ». « Cette guerre psychologique ne peut atteindre la volonté du peuple résistant dans aucune région du Liban », a ajouté le texte du Hezbollah, qui met en garde Israël contre la « poursuite des tirs contre les civils et les infrastructures », menaçant d'intensifier ses ripostes.
Articles parus dans L'Orient-Le Jour le 14 juillet 2006

30 Juillet 2006
Deux fois crucifiée par Nagib Aoun
L'horreur ! L'apocalypse en une seule image : Cana la martyre, Cana symbole de toutes les atrocités subies, de toutes les souffrances endurées. Cana, un nom biblique, un nom épelé en lettres de sang, Cana deux fois crucifiée, deux fois suppliciée.
Vingt jours ; vingt jours déjà que l'Homme est assassiné au Liban, humilié, poignardé au coeur ; vingt jours que le Liban est transformé en un champ de ruines, réduit en lambeaux ; vingt jours que les gens meurent sur les routes, agonisent sous les décombres, vivent l'indignité de l'exode, de l'exil.
Le massacre doit s'arrêter. Aujourd'hui même, dans les heures qui viennent. Les armes doivent se taire, les barbares se terrer loin des lieux de leurs tueries.
Hier, à Cana, c'est l'humanité même qui a été assassinée, ce sont les valeurs universelles qui ont été bafouées, pulvérisées.
Le monde ne peut plus garder le silence, les agresseurs, les meurtriers doivent être mis hors d'état de nuire, sanctionnés, voués aux gémonies, à l'opprobre mondial.
Alors de grâce, que cessent les explications oiseuses, le verbiage indécent, les fanfaronnades d'un autre âge. Que se taisent les analystes, les politologues en mal de reconnaissance, que se fassent tout petits les politiciens qui exploitent la tragédie pour se faire valoir.
Dimanche 30 juillet : une date noire dans l'histoire du monde, une date couleur de sang dans l'histoire du Liban.
Aucune explication, aucune justification ne tiennent plus ! Hier, à Rome, les grands de ce monde avaient failli à leur devoir, échoué dans une tâche impérative, élémentaire : appeler à un cessez-le-feu immédiat, secourir une nation en danger de mort. Aujourd'hui, au Palais de Verre à New York, l'Organisation des Nations unies doit prouver que sa charte, son texte fondateur, n'est pas devenue une simple feuille de papier oubliée dans le bureau d'une salle abandonnée.
Condoleezza Rice a bien fait de ne pas revenir au Liban. Cette visite aurait été inutile, aurait été perçue comme une provocation. Son travail, c'est auprès d'Israël qu'il doit être achevé : stopper l'agression, établir les bases d'un accord prévoyant nécessairement un échange de prisonniers et l'évacuation de Chebaa.
Mais Fouad Siniora a d'ores et déjà clairement énoncé l'urgence : un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et une enquête internationale sur le massacre.
En ces temps troubles, en ces temps de barbarie, alors même que l'État hébreu annonce cyniquement que la tuerie de Cana ne le dissuadera pas de poursuivre sa sale guerre contre le Liban, le ralliement unanime à la position adoptée par le gouvernement est indispensable. Nabih Berry, en homme d'État responsable, a donné le ton, plaçant toutes les potentialités au service du pouvoir exécutif.
Mais attention : ne permettons pas, sous le coup de l'émotion, de la colère, que des dérapages surviennent, que des actes répréhensibles, comme l'attaque contre le siège de l'Escwa, se produisent. Ce serait desservir la cause pour laquelle nous luttons, rendre service à l'ennemi qui nous agresse.
Redisons-le une fois de plus, une fois pour toutes : hors de la légalité, il n'y a point d'espoir, point de salut ; hors de la légalité, c'est la voie ouverte aux aventures, au chaos généralisé, aux guerres intestines ; hors de la légalité, le monde, révulsé par le massacre de Cana, ne viendra pas à notre secours.
Bilan provisoire du bombardement : 60 morts au moins dont 15 enfants handicapés
À Cana, des femmes ont enlacé leurs enfants pour les protéger de la mort
Dix ans après l'opération « Les Raisins de la colère », la fatalité s'abat à nouveau sur le village biblique de Cana. Hier, la localité a encore subi la foudre de l'État hébreu qui semble s'acharner sur les habitants de ce petit village, leur infligeant une malédiction inéluctable.
Une journée effroyable pour les résidents de cette bourgade, qui ont été réveillés par la mort lors d'une attaque matinale déclenchée par l'aviation israélienne. Bilan provisoire : plus de 60 civils libanais, dont une majorité de femmes et une trentaine d'enfants, ont péri dans le pilonnage par les forces israéliennes du village. Quinze enfants, parmi la trentaine, étaient handicapés physiques ou mentaux.
Cana a été totalement dévasté par les frappes israéliennes, qui ont commencé avant l'aube, le pilonnage par air, mer et terre ayant duré deux heures, selon la police. Les cibles se trouvaient dans trois zones, à l'entrée, au centre et sur un flanc du village.
Des dizaines de bâtiments se sont effondrés, et ont été éventrés ou détruits, selon un journaliste de l'AFP.
Il s'agit de la frappe la plus meurtrière depuis le début de l'offensive israélienne au Liban. Cana avait déjà été frappé par une tragédie similaire il y a plus de dix ans, le 18 avril 1996, lorsque 105 civils avaient été tués dans un bombardement israélien lors de l'opération « Raisins de la colère », qui visait déjà le Hezbollah.
Les premiers journalistes dépêchés sur les lieux ont eu droit à un spectacle d'autant plus ahurissant, qu'ils n'avaient pas eu le temps de gommer les images du massacre de 1996.
Des femmes avaient enlacé leurs enfants pour les protéger de la mort. Mais ce rempart ultime et dérisoire n'a pas suffi dans l'abri de Cana.
Les mères, dans leurs pantalons fleuris, gisaient sur le sol, les yeux épouvantés, serrant jusqu'à les étouffer leurs enfants pour les protéger, a constaté Béatrice Khadige, de l'AFP.
De l'immeuble à flanc de colline qui venait d'être achevé, il ne restait qu'un troisième étage qui tient dans un équilibre précaire.
Le propriétaire, un planteur de tabac, Abbas Hachem, avait construit une cave sous l'immeuble. Là, s'étaient réfugiés des voisins et une dizaine de handicapés, mentaux et physiques. Au total, 63 personnes, dont 34 enfants, a affirmé à l'AFP Farès Attiyah, chargé de l'approvisionnement de l'abri.
« J'ai vu des femmes, en position foetale, collées contre le mur, pensant que la cloison les protègerait, mais c'est le contraire qui s'est produit. Leur choix leur a été fatal, les cloisons se sont effondrées sur elles », raconte, entre deux sanglots, Naïm Rakka, responsable de l'équipe de la Défense civile dépêchée sur les lieux.
« Le pilonnage était tellement intense que personne ne pouvait bouger. Les secours n'ont commencé que ce matin (hier) », ajoute cet homme, l'un des cinq survivants de l'abri.
« J'ai sorti mon fils et mon mari, cheikh Mohammad Chalhoub, un paraplégique de 35 ans, je l'ai déposé dans un immeuble car je ne pouvais plus le porter. Mais quand je suis venue pour sortir ma fille restée dans l'abri, il était trop tard, l'immeuble s'était effondré », raconte, éplorée, Rabab.
La version israélienne
L'armée israélienne a rejeté l'entière responsabilité de la tragédie sur le Hezbollah, en affirmant que la milice du parti chiite « (utilisait) le village de Cana comme base de tirs de roquettes ».
« C'est lui qui est responsable si le secteur est devenu une zone de combats », a déclaré à l'AFP un porte-parole de Tsahal.
« À Cana, nous avons attaqué des sites d'où sont tirées des roquettes vers Nahariya et vers l'ouest de la Galilée », a ajouté le porte-parole militaire.
Il a indiqué que l'armée a averti les habitants « depuis plusieurs jours » qu'ils devaient quitter la zone. « La plupart l'ont fait », a-t-il ajouté.
« Israël n'a bien entendu aucune intention de frapper des civils innocents, mais la responsabilité en incombe entièrement au Hezbollah », a-t-il dit.
Pour sa part, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a exprimé ses « regrets pour la mort de civils innocents ».
Des responsables militaires israéliens ont émis des doutes sur l'origine de l'explosion dans le bâtiment, soulignant que sept heures séparaient le raid israélien contre cette maison et l'explosion meurtrière.
« Nous avons attaqué et endommagé ce bâtiment entre minuit et une heure du matin (dans la nuit de samedi à dimanche), or l'annonce sur les victimes civiles a eu lieu sept heures après », a déclaré lors d'une conférence de presse le général Amir Eshel, de l'armée de l'air.
« Nous avons mené une autre attaque à cette heure (entre sept heures et huit heures), mais à plus de quatre cents mètres de l'immeuble où les civils ont été tués », a affirmé le responsable militaire israélien.
« Nous ne savons pas ce qu'il y avait dans le bâtiment. Il n'est pas certain que nous le sachions un jour. Il est possible que le Hezbollah y ait stocké des armes », a ajouté le général.
Selon la chaîne de télévision 10, des responsables de l'armée affirment que l'explosion meurtrière a été provoquée par des armes et munitions stockées par le Hezbollah dans l'immeuble visé.
Les sauveteurs de la Défense civile craquent aussi
Naïm Rakka, 50 ans, chef de l'équipe de la Défense civile dépêchée à Cana, s'enfonce dans la cavité pour ressortir à trois reprises en serrant chaque fois contre son coeur un enfant sans vie. Puis, brusquement, ses nerfs lâchent et il ne peut plus retenir ses larmes, rapporte Béatrice Khadige de l'AFP.
« Cessez de me poser des questions, cessez de me demander les chiffres. Vous ne voyez pas par vous-mêmes l'horreur autour de vous ? » lance aux journalistes cet homme carré, aux cheveux gris et au regard direct, avant de se reprendre et de se remettre à la tâche.
Si cela fait plus de 20 ans qu'il est employé de la Défense civile et que l'horreur n'a plus vraiment de secret pour lui, ce qu'il a vu hier à Cana l'a profondément remué.
Les 25 membres de la Défense civile et les 55 volontaires de la Croix-Rouge libanaise de la région de Tyr au Liban-Sud, qui sont intrépides au feu, ont eu au total, depuis le déclenchement, le 12 juillet, de l'offensive israélienne contre le Liban, 15 blessés, en sus de deux ambulances et une pelleteuse détruites.
« Ma pire expérience a été de retirer les corps calcinés d'une camionnette à Marwahine. J'ai vu des enfants brûlés, j'ai dû retirer des bras ou des jambes. C'était insupportable. J'en fais encore des cauchemars », confie Ismaïl Chahine, 22 ans, qui, sans travail, s'est porté volontaire il y a deux ans.
Dix-huit personnes, dont onze enfants, ont été brûlées vives le 15 juillet, dans le bombardement de la camionnette à bord de laquelle elles fuyaient leur village frontalier, sur ordre de l'armée israélienne.
Tous les sauveteurs reconnaissent que le plus dur est de porter secours aux enfants.
« Mon coeur est noir de tristesse comme la chemise que je porte, et je n'ai plus de larmes car je sais que chaque fois que je trouve un enfant mort, je trouverai pire la prochaine fois », confie Abou Ali, 42 ans. Les membres de la Défense civile sont vêtus d'un pantalon et d'une chemise noirs avec des bandes jaunes.
Cet homme, qui, en 23 ans de service, a vu tous les drames de la vie, confie que le plus dur est de porter secours à des enfants blessés.
« Je vois des souffrances horribles, mais le pire ce sont les enfants, car ils ne comprennent pas ce qui se passe », assure-t-il.
« Chaque fois que j'essaie de retirer un enfant des décombres, mon coeur se brise quand il crie en se débattant : "Je veux rester avec ma mère", et, souvent, elle a déjà rendu l'âme. C'est bouleversant », ajoute-t-il.
Alors que les dépouilles, enveloppées dans des couvertures, sont alignées dans un terrain vague à Cana et que les avions israéliens continuent à bombarder les collines environnantes, Khaled Yazbeck, 42 ans, actif au sein de la Défense civile depuis 1986, considère que cette « guerre est la pire, car la plus meurtrière ».
En 19 jours, il y a eu au moins 750 tués et plus de 2 000 blessés, la grande majorité des civils, soit 40 victimes par jour, selon les estimations officielles.
« Je n'ai secouru pour le moment que des civils et pas de combattants. La souffrance des survivants est terrible et me retourne plus encore que la vision des cadavres », dit-il.
Articles parus dans L'Orient-Le Jour le 31 juillet 2006

12 Août 2006
Voici une traduction non officielle du texte de la résolution 1701 sur le conflit entre Israël et le Hezbollah, adoptée hier soir à l'unanimité par les 15 membres du Conseil de sécurité, qui appelle à une cessation des hostilités et au déploiement au Liban-Sud d'une force de 15 000 hommes sous mandat de l'ONU. Les considérations préliminaires ont été omises par souci de concision. Le Conseil de sécurité... Considérant que la situation au Liban constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales :
1. lance un appel en faveur d'une cessation totale des hostilités fondée, en particulier, sur la cessation immédiate par le Hezbollah de toutes les attaques et la cessation immédiate par Israël de toutes les offensives militaires ;
2. dès la cessation totale des hostilités, demande au gouvernement libanais et à la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban), comme elle y est autorisée par le paragraphe 11, de déployer leurs forces ensemble dans tout le Sud, et demande au gouvernement israélien, alors que ce déploiement commence, de retirer en parallèle toutes ses forces du Liban-Sud ;
3. souligne qu'il importe que le gouvernement libanais étende son autorité à l'ensemble du territoire libanais, conformément aux dispositions des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006), et aux dispositions pertinentes des accords de Taëf, afin d'y exercer intégralement sa souveraineté, de sorte qu'aucune arme ne s'y trouve sans le consentement du gouvernement libanais et qu'aucune autorité ne s'y exerce autre que celle du gouvernement libanais ;
4. réaffirme son ferme appui en faveur du strict respect de la ligne bleue ;
5. réaffirme également son ferme attachement, comme il l'a rappelé dans toutes ses résolutions précédentes sur la question, à l'intégrité territoriale, à la souveraineté et à l'indépendance politique du Liban à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues, comme prévu dans l'accord général d'armistice israélo-libanais du 23 mars 1949 ;
6. demande à la communauté internationale de prendre des mesures immédiates pour prêter son concours financier et humanitaire au peuple libanais, notamment en facilitant le retour en toute sécurité des personnes déplacées et en rouvrant les aéroports et les ports sous l'autorité du gouvernement libanais, conformément aux paragraphes 14 et 15, et lui demande également de fournir dans l'avenir une aide à la reconstruction et au développement du Liban ;
7. affirme que toutes les parties sont tenues de veiller à ce que ne soit menée aucune action, contraire au paragraphe 1, qui pourrait être préjudiciable à la recherche d'une solution à long terme, à l'accès de l'aide humanitaire aux populations civiles, notamment au passage en toute sécurité des convois humanitaires, au retour volontaire et dans la sécurité des personnes déplacées, et demande à toutes les parties de s'acquitter de cette responsabilité et de coopérer avec le Conseil de sécurité ;
8. lance un appel à Israël et au Liban pour qu'ils appuient un cessez-le-feu permanent et une solution à long terme fondés sur les principes et éléments suivants :
– strict respect par les deux parties de la ligne bleue ;
– adoption d'un dispositif de sécurité qui empêche la reprise des hostilités, notamment l'établissement, entre la ligne bleue et le (fleuve) Litani, d'une zone d'exclusion de tout personnel armé, de biens et d'armes autres que ceux déployés dans la zone par le gouvernement libanais et les forces de la Finul, autorisés en vertu du paragraphe 11;
– application intégrale des dispositions pertinentes des accords de Taëf et des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006) qui exigent le désarmement de tous les groupes armés au Liban, afin que, conformément à la décision du gouvernement libanais du 27 juillet 2006, seul l'État libanais soit autorisé à détenir des armes et à exercer son autorité au Liban ;
– exclusion de toute force étrangère au Liban sans le consentement du gouvernement libanais – exclusion de toute vente ou fourniture d'armes et de matériels connexes au Liban, sauf celles autorisées par le gouvernement libanais ;
– communication à l'ONU des cartes des mines terrestres posées au Liban encore en la possession d'Israël ;
9. invite le secrétaire général (Kofi Annan) à appuyer les efforts visant à obtenir dès que possible des accords de principe de la part du gouvernement libanais et du gouvernement israélien concernant les principes et éléments en vue d'une solution à long terme, tels qu'énoncés au paragraphe 8, et exprime son intention de rester activement engagé ;
10. prie le secrétaire général de mettre au point, en liaison avec les acteurs internationaux-clefs et les parties intéressées, des propositions pour mettre en oeuvre les dispositions pertinentes des accords de Taëf et des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006), notamment de celles relatives au désarmement, et pour délimiter les frontières internationales du Liban, en particulier dans les zones où la frontière est contestée ou incertaine, y compris en s'occupant de la question des fermes de Chebaa, et de les lui présenter dans les 30 jours ;
11. décide, en vue de compléter et de renforcer les effectifs, le matériel, le mandat et le champ d'opérations de la Finul, d'autoriser un accroissement des effectifs de celle-ci pour les porter à un maximum de 15 000 hommes, et décide que la Force devra, en sus de l'exécution de son mandat au titre des résolutions 425 et 426 (1978) : a. contrôler la cessation des hostilités ; b. accompagner et appuyer les forces armées libanaises à mesure de leur déploiement dans tout le Sud, y compris le long de la ligne bleue, pendant qu'Israël retire ses forces armées du Liban comme il est prévu au paragraphe 2 ; c. coordonner ses activités relatives à l'exécution du paragraphe 11 b) avec les gouvernements libanais et israélien ; d. fournir son assistance pour aider à assurer un accès humanitaire aux populations civiles et le retour volontaire des personnes déplacées dans des conditions de sécurité ; e. aider les forces armées libanaises à prendre des mesures en vue de l'établissement de la zone mentionnée au paragraphe 8; f. aider, sur sa demande, le gouvernement libanais à donner effet au paragraphe 14 ;
12. agissant à l'appui d'une demande du gouvernement libanais tendant à ce qu'une force internationale soit déployée pour l'aider à exercer son autorité sur l'ensemble du territoire, autorise la Finul à prendre toutes les mesures nécessaires dans les secteurs où ses forces sont déployées et, quand elle le juge possible dans les limites de ses capacités, de veiller à ce que son théâtre d'opérations ne soit pas utilisé pour des activités hostiles de quelque nature que ce soit, de résister aux tentatives visant à l'empêcher par la force de s'acquitter de ses obligations dans le cadre du mandat que lui a confié le Conseil de sécurité, et de protéger le personnel, les locaux, les installations et le matériel des Nations unies, d'assurer la sécurité et la liberté de mouvement du personnel des Nations unies et des travailleurs humanitaires, et, sans préjudice de la responsabilité du gouvernement libanais, de protéger les civils exposés à une menace imminente de violences physiques ;
13. prie le secrétaire général de mettre d'urgence en place des mesures de nature à garantir que la Finul est à même de s'acquitter des fonctions envisagées dans la présente résolution, exhorte les États membres à envisager d'apporter des contributions appropriées à la Finul et de répondre de manière positive aux demandes d'assistance de la Force, et exprime sa vive gratitude à ceux d'entre eux qui ont contribué à la Finul par le passé ;
14. demande au gouvernement libanais de sécuriser ses frontières et les autres points d'entrée de manière à empêcher l'entrée au Liban sans son consentement d'armes ou de matériel connexe et prie la Finul, comme elle y est autorisée au paragraphe 11, de prêter assistance au gouvernement libanais sur sa demande ;
15. décide en outre que tous les États devront prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher, de la part de leurs ressortissants ou à partir de leurs territoires ou au moyen de navires de leur pavillon ou d'aéronefs de leur nationalité :
a) la vente ou la fourniture à toute entité ou tout individu situés au Liban d'armes et de matériel connexe de tous types, y compris les armes et leurs munitions, les véhicules et le matériel militaires, le matériel paramilitaire et leurs pièces de rechange, que ce matériel provienne ou non de leur territoire ; b) la fourniture à toute entité ou tout individu situés au Liban de toute formation ou moyen techniques liés à la fourniture, à la fabrication, à l'entretien ou à l'utilisation des matériels énumérés au paragraphe a) ci-dessus, étant entendu que ces interdictions ne s'appliqueront pas aux armes, au matériel connexe, aux activités de formation ou à l'assistance autorisés par le gouvernement libanais ou par la Finul, comme elle y est autorisée au paragraphe 11;
16. décide de proroger le mandat de la Finul jusqu'au 31 août 2007, et exprime son intention d'envisager dans une résolution ultérieure un nouveau renforcement de son mandat et d'autres mesures visant à contribuer à la mise en oeuvre d'un cessez-le-feu permanent et d'une solution à long terme ;
17. prie le secrétaire général de lui rendre compte dans une semaine au plus tard, puis à intervalles réguliers, de l'application de la présente résolution ;
18. souligne qu'il importe et qu'il est nécessaire d'instaurer une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur la base de toutes ses résolutions pertinentes, y compris ses résolutions 242 (1967) du 22 novembre 1967, 338 (1973) du 22 octobre 1973 et 1515 (2003) du 19 novembre 2003 ;
19. Décide de rester activement saisi de la question.
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21 Novembre 2006
Pierre Gemayel tombe sous les balles des terroristes
Le long martyre de l'Indépendance
Tribunal international : le Conseil de sécurité donne le feu vert ; Un nouveau 14 Mars, demain, pour les funérailles du ministre de l'Industrie ; De Washington à Moscou, de Paris à Téhéran, de l'ONU à l'UE, la même condamnation Les terroristes ont changé de méthode, des balles dans la tête à bout portant au lieu des voitures piégées, mais leur but, sordide au possible, reste le même : empêcher l'aboutissement de la plus formidable des marches de l'histoire libanaise, celle du 14 mars 2005. Assassiné à Jdeidé, en plein soleil, à la veille du 22 novembre, quelques heures avant que le Conseil de sécurité ne donne son feu vert au tribunal international, le ministre loyaliste de l'Industrie, Pierre Gemayel, est tombé pour le Liban. À 34 ans. À Beyrouth, l'Alliance du 14 Mars a individuellement et collectivement condamné, dans les termes les plus vifs, le crime ; Saad Hariri a immédiatement accusé la Syrie. Elle a aussi affiché une rassurante détermination, celle de ne pas laisser ce meurtre impuni, tout en invitant, à l'instar d'un Amine Gemayel transcendé par la douleur, les Libanais en général et les chrétiens en particulier à s'opposer au plan le plus pervers des criminels : créer la discorde interne. Elle les a aussi invités à participer en masse aux funérailles du jeune ministre, prévues demain jeudi au coeur de Beyrouth et qui s'annoncent comme un nouveau 14 Mars. À l'étranger, c'était naturellement la même condamnation, la même fermeté, de Washington à Moscou, de Paris à Téhéran, de l'ONU à l'UE en passant par Ryad, Koweït ou Amman. Et, surtout, une occasion pour les grandes capitales d'afficher un indéfectible soutien au gouvernement Siniora.
Le ministre de l'Industrie conduisait depuis quelques heures la Kia qu'il avait louée à une agence
Pierre Gemayel assassiné hier, à Jdeidé, d'une dizaine de balles à la tête
Une dizaine de balles à la tête. Le ministre de l'Industrie et député du Metn, Pierre Gemayel, a été assassiné hier, en plein jour, à Jdeidé. L'assassinat a eu lieu non loin de l'église Saint-Antoine, à une centaine de mètres d'une permanence du parti Kataëb. Pierre Gemayel conduisait lui-même une voiture de location : il savait que sa vie était en danger et il a cru à tort qu'il pouvait leurrer ceux qui tiennent, depuis le 14 février 2005, à plonger le Liban dans le chaos. Pierre Gemayel est, après Rafic Hariri, Bassel Fleyhane, Samir Kassir, Georges Haoui et Gebran Tuéni, la sixième personnalité libanaise, s'opposant à la Syrie, à être assassinée depuis le début de 2005, sans compter les tentatives ratées d'assassinats et les explosions dans les quartiers résidentiels. Le ministre de l'Industrie était accompagné de deux gardes du corps. L'un, Samir Chartouni, assis à côté de lui, et atteint également à la tête, a péri à l'hôpital Saint-Joseph, à Dora. Le deuxième, membre de la Sûreté de l'État, assis sur le siège arrière, n'a pas été touché. Il était près de 15h 30 quand l'attentat a eu lieu. Pierre Gemayel venait de sortir de l'église Sainte-Rita, où il avait présenté des condoléances à des supporters du parti Kataëb. Selon plusieurs témoins, une jeep a barré la route à la petite Kia, des hommes en sont sortis. L'un d'eux s'est dirigé vers la Kia, s'est mis devant la fenêtre de la portière avant-gauche (celle du conducteur), et a tiré à bout portant à l'aide d'un pistolet muni d'un silencieux sur le ministre de l'Industrie. Puis des rafales ont été tirées en l'air pour faciliter l'évasion. Un témoin, un ouvrier syrien, a été blessé. La voiture de Gemayel a roulé quelques mètres à vide avant de cogner un autre véhicule. Hier, une heure après l'attentat, les cloches des églises de Jdeidé sonnaient le glas. Non loin des lieux de l'assassinat, un homme dans un salon de coiffure est toujours en état de choc. Il porte quelques taches brunâtres sur
les vêtements. « Regardez, c'est le sang de cheikh Pierre. J'ai cru qu'il y avait eu un accident de voiture. J'avais la porte du salon fermée, je n'ai rien entendu. Puis, j'ai vu les gens courir. J'ai couru avec eux. Je suis arrivé devant la voiture. J'ai vu cheikh Pierre, le col de sa chemise, sa cravate, une partie de sa nuque et puis... Rien que du sang et de la chair. Lui et son garde du corps étaient recroquevillés l'un contre l'autre », raconte Georges Ghanem. Il jette un coup d'oeil à son écran de télévision qui passe en boucle des images de l'assassinat. Il ajoute : « Les militants Kataëb sont accourus de la permanence. Il a fallu peut-être dix minutes pour extirper cheikh Pierre de la voiture. Il a été transporté à l'hôpital à bord d'une jeep portant l'inscription, "Si tu aimes le Liban, aimes son industrie". » Ce slogan avait été créé, il y a quelques mois, par l'équipe du ministre de l'Industrie pour encourager les produits fabriqués au Liban. La Kia livrée à Gemayel la veille Peu après l'attentat, il était difficile de circuler en voiture à Jdeidé et à Dora, l'armée ayant notamment bloqué l'accès aux véhicules au niveau des rues menant à l'hôpital Saint-Joseph de Dora et les militants ayant pris l'établissement hospitalier d'assaut. Dans le secteur de l'hôpital, des deux côtés de la chaussée, des voitures de supporters Kataëb sont stationnées. Certaines portent sur leur rétroviseur un petit drapeau du parti. Sur l'une d'elles, on distingue sur la vitre arrière une vignette à l'effigie d'un homme assassiné, lui aussi à la fleur de l'âge, qui avait lui aussi deux enfants au moment d'un attentat perpétré à Achrafieh, le 14 septembre 1982. Et, comme son oncle, le président élu Béchir Gemayel, le ministre assassiné avait hier un peu plus de trente ans. À l'hôpital, non loin de la porte des urgences, un homme fait les cent pas, se dirige vers la morgue, revient, s'adosse contre un mur les yeux embués de larmes.... Zeinoun Zeinoun accompagnait Pierre Gemayel dans tous ses déplacements. Pas hier, le ministre de l'Industrie avait empêché son garde du corps le plus rapproché – son ombre – de se déplacer avec lui. Paul Naccouzi, un autre compagnon de Pierre Gemayel, raconte : « Hier à minuit 45 minutes (dans la nuit de lundi à mardi) on lui a livré la voiture. Moi-même je l'ai louée à l'agence. Et puis, cheikh Pierre est allé de son domicile à Rabieh au ministère à Badaro, s'est rendu ensuite à Bickfaya, où il a déposé une couronne de fleurs à l'occasion de la fête de l'Indépendance, sur le monument dédié à son grand-père Pierre Gemayel. Après, il a été présenter ses condoléances à Jdeidé... C'est à Bickfaya que les monstres ont repéré la voiture et qu'ils ont pu ainsi le tuer. » Paul explique que depuis la mort de Gebran Tuéni (assassiné le 12 décembre 2005), Pierre Gemayel n'utilisait plus sa voiture, louant des voitures presque toutes les 48 heures ou se déplaçant dans les véhicules de militants Kataëb proches de lui. Paul parle aussi du chalet d'hiver à Ouyoun el-Simane en cours de construction où Pierre Gemayel rêvait de passer ce Noël avec son épouse, Patricia, et ses deux enfants, Amine et Alexandre. « À chaque fois qu'il me voyait, il me parlait de ce chalet, demandait où on en était avec la construction...», dit Paul, martelant : « C'est à Bickfaya qu'ils ont repéré la voiture. » De nombreux partisans affirmaient hier que le PSNS (Parti syrien national social) était derrière l'exécution de l'assassinat. Des militants de ce même mouvement avaient également exécuté l'attentat contre Béchir Gemayel, il y a 24 ans. Aoun, Lahoud et le Hezbollah Hier, à l'hôpital Saint-Joseph, où le corps du ministre de l'Industrie avait été transféré, la famille éprouvée recevait les proches et les officiels dans un petit salon, alors que dans le hall de l'établissement, les militants laissaient éclater leur colère. Ils insultent le chef du CPL, le général Michel Aoun, conspuent le président de la République, Émile Lahoud, s'en prennent au Hezbollah, disent que « c'est facile aux militants du mouvement chiite habitant Rouweissat el-Jdeidé de se déplacer dans la zone de l'attentat ». Et ils accusent aussi la Syrie. Il y a ceux qui chantent des hymnes militants, inventés à la base au début de la guerre de 1975 à l'intention du fondateur du parti Kataëb, Pierre Gemayel. Il y a ceux qui dansent avec les portraits du ministre de l'Industrie, ceux qui applaudissent, ceux qui scandent : « Pierre est vivant en nous. » Ces mêmes scènes se répètent, depuis le 14 février 2005, après chaque attentat, et pour le slogan, il suffit de changer le prénom. Il y a ceux qui promettent
qu'ils ne se calmeront pas, que Pierre Gemayel n'est pas Samir Kassir ou Gebran Tuéni, qu'il a tout un parti derrière lui et que sa mort sera vengée. À l'arrivée de Walid Joumblatt, la foule scande un slogan que le chef du PSP avait répété, notamment le 14 février 2006, à l'intention du général Lahoud et du président syrien Bachar el-Assad (« Beyrouth, nous voulons nous venger de Lahoud et de Bachar »). Ils interpellent M. Gemayel, debout sur le parvis de l'hôpital avec M. Joumblatt : « Président, nous voulons nous venger du Hezbollah et du général. » L'ancien président de la République intervient lançant des appels au calme, rappelant le nom des personnes assassinées de sa famille depuis le début de la guerre de 1975 : Amine Assouad, Manuel Gemayel, Maya Béchir Gemayel, Béchir Gemayel, et maintenant son propre fils, Pierre. Trois heures après l'attentat dans le hall de l'hôpital : beaucoup de militants sont partis au siège du parti Kataëb, à Saïfi. D'autres, la plupart des proches du ministre assassiné, sont assis à même le sol, le visage pâle, le regard perdu dans le vide, l'air complètement absent. Une autre aile du hall de l'hôpital : Amine Gemayel lance encore une fois un appel au calme et à la tolérance. Il a le visage cramoisi. Il serre ses mâchoires par intermittence et ferme les yeux après chaque phrase qu'il prononce. À côté de lui, le Amid du Bloc national, Carlos Eddé. La nuit du 27 au 28 février 2005, quand députés, chefs de partis et militants avaient décidé de rester au centre-ville pour empêcher l'instauration d'un couvre-feu, M. Eddé avait dormi à même le sol non loin de la sépulture de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, assassiné deux semaines plus tôt. Pierre Gemayel était aussi présent cette nuit-là au centre-ville. Vers trois heures du matin, usant de son immunité parlementaire, il avait quitté le secteur bouclé par l'armée pour revenir une demi-heure plus tard avec des « manakish » en guise de petit-déjeuner, à ses hommes et aux militants présents sous les tentes du parti Kataëb. À l'aube du 28 février, Pierre Gemayel s'était adressé à la foule parlant d'une nouvelle indépendance. Il avait souligné : « Si nous étions nés il y a soixante ans, nous aurions été des héros. » Et il y a ceux qui ont décidé de le tuer à la veille de la 63e célébration de l'indépendance du Liban. Le 28 février 2005, le gouvernement Karamé avait présenté sa démission sous la pression de la foule. Peut-être fallait-il ce jour-là que Samir Kassir, Georges Haoui, Gebran Tuéni, Pierre Gemayel et toutes les personnalités accourues hier la mine décomposée à l'hôpital Saint-Joseph prennent, avec les militants, le chemin menant à Baabda. Mais parfois, il est trop tard...
Articles parus dans L'Orient-Le Jour le 22 novembre 2006

17 décembre 2006
Les « campeurs » de l'opposition s'installent pour l'hiver
Dans le centre de Beyrouth, face au palais gouvernemental, les « campeurs » de l'opposition se disent prêts à rester jusqu'à la chute du gouvernement et équipent leur village de toile pour l'hiver, rapporte Rita Daou de l'AFP. Cela fait 18 jours que les partisans de l'opposition, menée par le Hezbollah, se sont installés sur la place Riad el-Solh. À quelques centaines de mètres, à l'arrière de la place des Martyrs, ce sont les partisans du Courant patriotique libre (CPL) qui se sont installés. « Nous allons dresser un sapin sur la place pour la veillée de Noël. Il y aura même des distributions de cadeaux », affirme Sayed Héloué, la quarantaine. Le campement est en chantier et des ouvriers s'affairent autour des quelque 1 200 petites tentes. Certaines bordent la grande mosquée Mohammad al-Amine, à l'ombre de laquelle se trouve la sépulture de l'ancien Premier ministre assassiné, Rafic Hariri. Jamal Bahmad, 34 ans, s'active sur un marteau-piqueur. « Nous installons de grandes tentes pour l'hiver avec un système de chauffage », explique-t-il. Hussein Mokahhal, 18 ans, élève de terminale, est l'un des quelque 5 000 permanents à vivre sur la place. Dans la journée, il va au lycée et rejoint le soir ses camarades. « Si ceux qui sont au pouvoir comptent sur une érosion du mouvement, ils se trompent. Nous sommes déterminés à tenir jusqu'au départ de Siniora. Le peuple libanais a bien tenu 33 jours sous les bombes israéliennes », lance-t-il. Un groupe de footballeurs a pris possession d'une parcelle de terrain pour taper le ballon. « Nous sommes pauvres et nous n'avons pas les moyens de fréquenter les endroits huppés du centre-ville », clament-ils. Des campeurs se sont installés au milieu d'un chantier à l'arrêt, près de la place des Martyrs, où une pancarte annonce : « Projet Landmark, hôtel 5 étoiles ». Là, un grand complexe d'hôtels, de résidences et de magasins, financé par des investisseurs des pays arabes du Golfe, est prévu. À proximité de chaque regroupement de tentes, des toilettes publiques ont été installées et les équipes du département de santé du Hezbollah ramassent les détritus dans les allées. Dans la journée, l'atmosphère est celle d'un pique-nique géant avec brasero et narguilé pour lutter contre la chute du thermomètre et l'ennui qui tranche parfois avec les discours enflammés des leaders du mouvement. Séparés par des barbelés en contrebas du lieu du sit-in, quelques commerçants irréductibles tiennent restaurants et terrasses de cafés ouverts. « Il faut absolument que les forces de l'ordre assurent des accès aux lieux publics du centre-ville. Nous comptions sur les fêtes de fin d'année pour compenser les pertes de l'été dues au conflit entre le Hezbollah et Israël. Mais voyez vous-même ! Quel touriste va s'aventurer à deux pas d'un sit-in d'intégristes ? » déplore un restaurateur devant ses tables vides.
Article paru dans L'Orient-Le Jour le 18 décembre 2006

1990• 3-4 Février 1990 : L'armée prend le contrôle de Dbayeh.• 6 Février 1990 : Formation d'un comité de médiation Armée-FL.• 7 Février 1990 : Aoun somme Geagea de se prononcer à l'égard de l'accord de Taëf et annonce la chute de la caserne de Amchit.• 9 Février 1990 : Les nouvelles lignes de démarcation à l'Est se dessinent, tandis que la guerre des medias fait rage.•...