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Nos Lecteurs ont la Parole

Loi électorale hybride

Jihad MOURACADEH
Le débat sur la loi électorale a mis en évidence les constantes des parties concernées. Toutes exigent une amélioration de la représentativité des chrétiens. Cela se manifeste chez les uns par l’exigence que la plupart des députes chrétiens soient élus par leurs coreligionnaires. Ce principe devrait aussi s’appliquer aux autres communautés. L’autre constante est le principe de la grande circonscription telle que prévue dans les accords de Taëf ainsi que l’attachement à la proportionnelle. Par ailleurs, les différents projets proposés se heurtent à des veto de part et d’autre pour des considérations électorales. Je propose une analyse succincte de ces projets.
La proportionnelle d’abord. Elle n’a de sens que dans la mesure où l’on a plus de trois députés d’une même confession dans une circonscription électorale. Ainsi s’il n’y a qu’un seul siège chiite à pourvoir dans une circonscription donnée, la proportionnelle devient un scrutin majoritaire pour le siège en question. C’est le cas de 39 sièges sur 128. S’il y a deux sièges chiites à pourvoir dans une circonscription, la proportionnelle pourvoit automatiquement un siège à chacune des deux listes opposées. Cet automatisme vide l’élection de son sens à moins qu’une des listes n’obtienne près de 80 % des voix dans la circonscription, ce qui est presque impossible. C’est le cas de 30 autres sièges. Par conséquent, la proportionnelle n’est valide que pour 59 sièges uniquement, soit moins que la moitié du Parlement, alors que 69 autres sont soit partagés automatiquement 50/50 ou élus au scrutin majoritaire. Les remarques visant à mettre en évidence l’importance du vote populaire n’ont d’autre but que de redonner à l’électorat musulman, 60 % des inscrits, le poids politique qu’il avait concédé aux chrétiens à Taëf en octroyant un nombre égal de députés à chaque communauté, quel que soit le nombre des électeurs. Le plus étonnant dans tout cela, c’est l’engouement de M. Michel Aoun pour le vote populaire alors qu’il se pose en champion des intérêts politiques chrétiens.
Le projet des petites circonscriptions proposé par les chrétiens du 14 Mars améliore sensiblement la représentativité de l’élu aux dépens du mélange communautaire prévu à Taëf, qui visait à créer une identité politique libanaise unique faisant fi de l’appartenance communautaire.
Le projet du rassemblement orthodoxe a le mérite d’assurer une représentativité correcte de chaque communauté. Cependant, il renforce le communautarisme, le Liban devenant ainsi un partenariat de communautés ce qui est contraire non seulement aux accords de Taëf, mais aussi à l’évolution des mentalités politiques depuis l’indépendance. Cela sans oublier que faire du Liban une circonscription unique signifie ignorer les spécificités politiques régionales. En effet, l’électorat orthodoxe du Koura est différent de celui de Beyrouth ou de la Békaa. À moins d’utiliser ce projet comme une sorte de primaire au sein d’une même communauté, mais en gardant le mohafazat comme circonscription électorale, comme le propose M. Michel Pharaon.
Il me semble cependant qu’il existe un moyen de résoudre la quadrature du cercle. C’est ce qu’avait tenté le comité Fouad Boutros en mettant dans la proportionnelle une dose de scrutin majoritaire. Je propose donc une solution hybride inspirée du projet Fouad Boutros mais obéissant à des critères spécifiques applicables partout, avec l’option des primaires pour chaque communauté si cela s’avère nécessaire
Tout d’abord, dans toute circonscription où il existe un ou deux sièges d’une minorité, le découpage prévoira une circonscription unique au scrutin majoritaire spécifique à cette communauté. Le siège chiite à Jbeil par exemple, ou le siège grec-catholique à Tyr, ou alors les deux sièges chiites à Baabda. L’homogénéité de la circonscription résultant de ce découpage assurera une meilleure représentativité de l’élu tout en permettant l’adoption de la proportionnelle dans le reste de la circonscription où les électeurs sont relativement homogènes, chrétiens ou musulmans.
Dans les régions ainsi homogénéisées, on pourrait facilement envisager des découpages électoraux appropriés. Kesrouan et Jbeil : 7 élus maronites à la proportionnelle et le chiite au scrutin majoritaire dans sa propre circonscription. Metn et Baabda : pareil pour 9 députés, avec des exceptions au scrutin majoritaire pour les deux sièges chiites de la banlieue, le siège druze ainsi que le siège arménien de Bourj Hammoud. Le reste à la proportionnelle. Ou alors, une proportionnelle dans une circonscription regroupant Batroun, Koura, Zghorta et Bécharré, 12 députés chrétiens (8 maronites et 4 orthodoxes) en rajoutant les sièges maronites et orthodoxes de Tripoli à cette circonscription élargie.
Déplacer les sièges de minorités non conséquentes dans leur environnement électoral vers une circonscription connexe plus appropriée serait nécessaire, à condition toutefois de permettre aux électeurs des sièges ainsi déplacés de voter là où le siège a été déplacé.
Restent les circonscriptions très mélangées comme Beyrouth ou Zahlé par exemple. Dans ce cas, on aurait recours à la petite circonscription homogène qui éviterait le mélange des genres, tel que prévu dans le projet des chrétiens du 14 Mars.
À part qu’il réconcilie les intérêts électoraux du 8 et du 14 Mars, grande circonscription à la proportionnelle pour les uns et petite circonscription pour les autres là où cela est nécessaire, le mérite de ce projet est qu’il respecte le principe de diversité représentative tout en tenant compte des exceptions démographiques.

Jihad MOURACADEH
Le débat sur la loi électorale a mis en évidence les constantes des parties concernées. Toutes exigent une amélioration de la représentativité des chrétiens. Cela se manifeste chez les uns par l’exigence que la plupart des députes chrétiens soient élus par leurs coreligionnaires. Ce principe devrait aussi s’appliquer aux autres communautés. L’autre constante est le principe de...

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