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Kidnappeurs fantômes

Qui n’a eu le cœur serré au spectacle des époux Awada clamant, lundi, leur immense bonheur de s’être séparés d’une petite fortune pour retrouver sain et sauf, en échange, leur fils unique Mohammad, treize ans, kidnappé une semaine auparavant ? Les Awada ont doublement de la chance, diront cependant les cyniques. Car à force de négociations et de démarches, ils ont bénéficié d’une consistante ristourne généreusement concédée par les ravisseurs. De là en effet où ceux-ci exigeaient un million de dollars de rançon, ils ont fini par transiger – ah, les braves gens ! – pour le quart de cette somme.

 

Dépassés, enfoncés, les vulgaires cambrioleurs de bijouteries, voleurs de voitures et autres arracheurs de sacs qui infestaient déjà le pays. En l’espace de quelques mois, près d’une vingtaine de cas d’enlèvement et de rançonnement se sont produits au Liban : un score qui, toutes proportions gardées, ferait figure assez honorable face au Mexique ou à la Colombie. Le scandale n’est pas seulement dans la vertigineuse fréquence de tels actes. Le scandale, le vrai, c’est que les kidnappeurs, pour leur quasi-totalité, courent toujours, bien que leurs identités, lieux de résidence et jusqu’à leurs numéros de téléphone portable soient parfaitement connus des services de sécurité.


Pour atterrant qu’il soit, ce piteux constat d’impuissance n’est guère chose nouvelle. Il y a longtemps déjà que l’État libanais se tient coi face à une force milicienne parallèle et même rivale, jouissant d’un territoire réservé et même d’un réseau de télécommunications privé. Au gré des concessions, avanie après avanie, l’État a fini par en devenir l’otage, et avec lui les citoyens. Il a toléré que des zones entières du pays soient interdites à ses soldats comme à ses simples et inoffensifs collecteurs de quittances d’électricité. Il a accepté que les douanes se transforment en véritables passoires pour les trafiquants se prévalant de résistance à l’ennemi israélien.


Les armes ne peuvent qu’enfanter des armes, et cette prolifération des arsenaux a pris une ampleur sans précédent avec les sanglants évènements de Syrie. Or, vu le laxisme ambiant, ces armes ne pouvaient demeurer l’apanage des milices et contre-milices, lesquelles revendiquent des motivations politiques, idéologiques ou même, et de plus en plus, religieuses. Le banditisme, lui aussi, trouve un sol fertile dans la démission étatique. Il réclame sa place au noir soleil du chaos. De crime tout court, il se mue en crime organisé, il se crée ses propres brigades, il se ménage des sanctuaires tout à fait visibles et néanmoins inviolables.


Reste à se demander par suite de quels bons offices, de quelles interventions occultes des kidnappeurs d’enfants consentent à pratiquer des prix d’amis sans risquer pour autant d’être davantage inquiétés. Il y a quelques semaines, c’était la rançon tout entière qui était miraculeusement récupérée, en même temps que la personne enlevée. Mais dans un cas comme dans l’autre, d’arrestations point. Vous vous y retrouvez, vous ?


Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Qui n’a eu le cœur serré au spectacle des époux Awada clamant, lundi, leur immense bonheur de s’être séparés d’une petite fortune pour retrouver sain et sauf, en échange, leur fils unique Mohammad, treize ans, kidnappé une semaine auparavant ? Les Awada ont doublement de la chance, diront cependant les cyniques. Car à force de négociations et de démarches, ils ont bénéficié...