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À La Une - Conférence

La couverture médiatique de la justice internationale : une arme à double tranchant

Des intervenants de calibre, une tribune conviviale, une dynamique d’échange atypique et un débat qui, pour une fois, est sorti des sentiers battus pour aborder en toute honnêteté intellectuelle un sujet on ne peut plus tabou, qui divise et suscite des passions de toutes sortes.


C’est ainsi que l’on peut résumer le séminaire sur la couverture médiatique du Tribunal spécial pour le Liban, organisé hier par le centre Skeyes (Samir Kassir Eyes) pour la presse et avec la presse, dont plusieurs de ses membres libanais ont toutefois brillé par leur absence, à quelques exceptions près.


Il faut dire qu’il y avait matière à discussion lors de cette rencontre, dont une grande partie de débats a été provoquée par la réaction à la publication par le quotidien al-Akhbar d’une liste de témoins devant comparaître devant le TSL lors du procès. Un article qui n’a pas manqué de susciter un échange houleux au sein de l’audience ainsi que de la part de certains experts internationaux figurant sur le panel.


Certes, l’idée de départ était de lancer le débat sur les relations qu’entretiennent les organismes juridiques internationaux avec les médias et vice versa, comme le précise Skeyes, et les moyens de les améliorer dans un objectif constructif et efficace pour les deux parties. Le choix du sujet et du timing est justifié en grande partie par l’approche du début du procès du TSL, prévu, en principe, au mois de mars. Il s’impose également à l’heure où les révolutions arabes annoncent la chute de grands dictateurs de la région, dont plusieurs pourraient être traduits devant des cours internationales pour les crimes dont ils sont accusés, précise Gisèle Khoury, présidente de la Fondation Samir Kassir, qui rappelle à l’occasion la relation intrinsèque entre justice et liberté d’expression.


C’est toutefois le député Marwan Hamadé qui engage le débat, en critiquant violemment le quotidien al-Akhbar pour avoir révélé des données relatives à l’identité de 17 témoins devant comparaître devant le TSL. Pointant du doigt le risque que constituent de telles informations pour la vie des personnes citées, le député a dénoncé à travers ces « fuites » une tentative ostentatoire « d’intimidation » du TSL.


Un avis que partagera le porte-parole du TSL, Marten Youssef, qui lance à son tour un cri du cœur, affirmant que cette « brèche majeure des principes éthiques » du métier du journaliste « l’a exaspéré sur un plan professionnel mais aussi personnel ».
« C’est ce que j’appellerai du journalisme irresponsable », s’offusque le porte-parole, rappelant que le sens de la responsabilité au niveau de la presse devrait prendre le dessus sur la liberté d’expression.
« Pourquoi mettre en péril la vie des gens de cette manière, pour marquer un simple point de vue ? La vie humaine est-elle aussi insignifiante », s’écrie encore le porte-parole.


Se gardant de se prononcer sur les mesures que le TSL entend prendre pour traiter ce problème, M. Youssef a rappelé que l’information publiée pourrait être « vraie ou fausse », soulignant que toutes les fuites ne méritent pas toujours ce qualificatif.
« Mais quel que soit le cas de figure, le mal envers ces personnes désormais exposées est déjà fait », a-t-il dit.
Le débat s’est ensuite poursuivi sur les règles de procédures en vigueur sanctionnant « l’outrage au tribunal », qui a son équivalent en termes de « menaces contre les témoins » ( passible de 5 ans de prison), précise le porte-parole de la Cour pénale internationale avant que sa collègue, Nerma Jelacic, du TPIY, ne rappelle qu’il y a eu plus d’ « une vingtaine de fuites durant l’exercice du mandat de ce tribunal ».


Un long débat s’ensuivra sur les mesures que compte ou doit prendre le TSL dans ce cas précis, afin de prévenir de futures fuites ou autres abus.


C’est à cette occasion d’ailleurs que plusieurs participants – des journalistes de France-Culture, de la BBC, d’al-Arabiya, ainsi que le porte-parole de la Cour pénale internationale et du TPIY – répéteront à l’envi que la justice internationale est « loin d’être parfaite », qu’elle a encore ses failles et faiblesses, mais qu’elle reste tout de même une percée majeure en matière de justice et un antidote certain contre l’impunité dans le monde.


Les participants le diront différemment, et à tour de rôle : le champ de la justice internationale reste, à ce stade, embryonnaire et est appelé à se développer pour mieux s’affirmer. Il n’en reste pas moins que les résultats recueillis à ce jour auprès des cours pénales internationales, qu’elles soient mixtes, ad hoc ou hybrides, sont historiques à plus d’un point de vue, et ce, en dépit des failles rencontrées en cours de route.


Partageant leurs expériences respectives en matière de couverture des procès internationaux, les journalistes présents ont évoqué à tour de rôle les obstacles rencontrés en cours de route, notamment, celui de faire véhiculer le message à une audience profondément divisée sur la question de la justice internationale (le Liban et l’ex-Yougoslavie sont des cas d’école) ou la difficulté de traiter et de simplifier une matière qui peut être parfois complexe et hautement technique.

Des intervenants de calibre, une tribune conviviale, une dynamique d’échange atypique et un débat qui, pour une fois, est sorti des sentiers battus pour aborder en toute honnêteté intellectuelle un sujet on ne peut plus tabou, qui divise et suscite des passions de toutes sortes.
C’est ainsi que l’on peut résumer le séminaire sur la couverture médiatique du Tribunal spécial pour le...
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