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Hollande, l’Africain malgré lui

Le dessin paru hier dans Le Parisien représente François Hollande répétant à l’envi : « Moi, chef des armées, moi, chef des armées, moi, chef des armées » devant deux observateurs dont l’un remarque : « Faut avouer qu’il surprend parfois. » Il serait trop facile de se gausser de l’homme qui, à en croire ses critiques, ne s’est jamais décidé à prendre une décision, oubliant qu’il y en eut une, tout de même, de décision : celle de se lancer dans la bataille pour la présidentielle contre Nicolas Sarkozy. Voici donc le président français engagé dans « sa » guerre, ou plutôt dans « une opération visant à libérer un pays ami », selon la terminologie officielle.


À court terme, il s’agit de tirer le Mali (1 240 000 kilomètres carrés, 14,5 millions d’habitants) des griffes d’Ansar Dine, d’el-Qaëda au Maghreb islamique (AQMI) et du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest). D’ « extirper, a dit d’un ton viril le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, le terrorisme de ce pays ». À moyen terme, l’objectif est d’éviter un sort similaire aux pays voisins, soit les zones occidentales du Continent noir, le Yémen, la Somalie et l’ensemble de l’Afrique du Nord. On le voit, c’est là un vaste programme, et il est permis de se demander si, malgré tous les soutiens, toutes les promesses, la France ne sera pas amenée à s’acquitter seule de la tâche. Et aux vieux briscards des guerres jadis qualifiées de coloniales, les « quelques semaines » demandées par les militaires pour mener à terme cette mission rappellent fâcheusement l’annonce du « dernier quart d’heure » tant de fois répétée au plus fort de la guerre d’Algérie par Robert Lacoste.


Si, depuis vendredi dernier, les raids aériens ont été impressionnants d’efficacité, les opérations terrestres, celles notamment qui visaient à libérer les huit otages détenus au Sahel, sont loin d’avoir eu l’effet escompté. Au contraire même : une contre-offensive lancée hier lundi a permis aux combattants islamistes de s’emparer, dans un secteur que l’on disait contrôlé par les troupes gouvernementales, de la localité de Diabaly, à quelque 400 kilomètres de la capitale. Désormais, il est ouvertement question, dans les rangs des rebelles, d’une « guerre sainte ». Sur les ondes de Radio Europe 1, un certain Oumar Ould Hamaha a jugé que « les portes de l’enfer allaient s’ouvrir pour les Français, tombés dans un piège qu’ils n’ont pas vu venir ».
En des termes différents, Dominique de Villepin ne dit pas autre chose. « L’opération est vouée à l’échec parce que ses objectifs sont trop nombreux », écrit l’ancien ministre des Affaires étrangères, qui fut le héraut du combat contre l’opération « Shock and Awe » de George W. Bush. Les experts militaires sont quasi unanimes à craindre un enlisement, toujours possible en pareil cas. Les États-Unis en savent quelque chose qui avaient entamé leur intervention au Vietnam, dès septembre 1950, sous la présidence Truman, avec quelques membres du Military Assistance Advisory Group. Avec Kennedy, en 1961, on passait à 400 hommes des Army Special Forces, à 16 000 hommes en 1964 puis à un pic de 553 000 GI en 1969. Nul, on veut l’espérer, ne songe aujourd’hui à une telle escalade. Par contre, il est bien vrai que les guerres, on sait quand cela commence, mais on ignore quand cela finit. Il peut paraître étrange à certains que la France se lance dans une opération militaire d’envergure à l’heure où l’Oncle Sam s’apprête à boucler son barda et à faire ses adieux à l’Afghanistan. Étrange aussi qu’empêtré dans d’insurmontables problèmes de trésorerie, le gouvernement Ayrault se résigne à claquer des centaines de millions d’euros pour financer une expédition dans laquelle Paris risque de se retrouver seul, malgré les promesses venues de Londres ou de Washington. On n’aura pas manqué de relever à ce propos les réserves de l’Allemagne, dont le ministre des Affaires étrangères vient d’appeler à une solution politique pour mettre fin à la violence.


La muraille de l’unité sacrée, traditionnellement de mise, à tout le moins dans les premiers temps, ne tardera pas à se fissurer pour peu que l’engagement s’éternise, avec son cortège de victimes militaires, sans parler du sort des otages détenus depuis trois ans par les rebelles. On verra alors l’opposition relancer ses critiques contre l’Élysée, accusé de chercher à faire oublier les problèmes d’ordre interne – et ils sont légion.


À l’aube du neuvième mois d’un quinquennat placé, croyait-on, sous le signe de la valse-hésitation, François Hollande vient d’effacer l’image de pusillanimité qui lui collait à la peau, héritage des onze années à la tête du Parti socialiste. Avec l’opération « Serval », il vient de surprendre son monde et de prouver qu’il n’hésite pas, le cas échéant, à mouiller sa chemise.


À quel prix et pour quels résultats ?

 

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