La classe politique fait semblant de croire qu'il y a une possibilité de déblocage au cours des deux prochains mois. D'une part, le contexte régional est en train de changer avec la modification de la position turque à l'égard de la Syrie. Cette modification, qui va dans le sens de l'acceptation du fait accompli que constitue la présence de plus en plus incontournable du président syrien Bachar el-Assad, isole l'Arabie saoudite qui est désormais la seule à continuer d'exiger le départ immédiat d'Assad, « de gré ou de force ». D'autre part, les pressions internes sur le chef du courant du Futur Saad Hariri augmentent et pourraient le pousser à accepter l'élection du général Michel Aoun à la présidence. À ce sujet, la visite d'une délégation de l'ordre de la presse, présidée par Aouni el-Kaaki, proche de Saad Hariri, à Rabieh a été considérée comme un indice significatif, d'autant que Kaaki a déclaré à la fin de l'entretien qu'il espère que la prochaine rencontre se tiendra à Baabda. Ces propos peuvent être interprétés comme l'expression d'une pure courtoisie, mais ils peuvent aussi être considérés comme un message indirect adressé par Saad Hariri à Michel Aoun, sachant que c'est l'ordre de la presse qui a sollicité le rendez-vous.
Mais, au-delà de ces supputations, il reste que l'entretien entre le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault et la délégation du Hezbollah, formée du député Ali Fayad et du responsable des relations internationales au sein du parti Ammar Moussawi, a largement évoqué le dossier présidentiel libanais. Le ministre français aurait donc commencé par évoquer ses entretiens avec ses homologues iranien et saoudien, et il aurait assuré qu'il comptait les revoir après sa visite au Liban. Mais en dépit de ces contacts internationaux, qui donnent le sentiment que la véritable clé de l'impasse politique libanaise est entre les mains des puissances régionales, le ministre français aurait plaidé en faveur d'une « libanisation » de l'échéance présidentielle. La délégation du Hezbollah attendait cette perche pour exposer son point de vue sur la question.
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Les représentants de ce parti auraient donc expliqué au ministre français des Affaires étrangères comment le Hezbollah considère que l'élection du général Aoun à la présidence de la République est un choix stratégique en faveur des chrétiens au Liban et dans la région, menacés, ainsi que les autres minorités, dans leur présence sur cette terre. Aoun bénéficie d'une large popularité au sein de la communauté chrétienne, mais aussi au niveau politique, depuis que le chef des Forces libanaises a adopté sa candidature pour la présidence de la République. Il est aussi le chef du plus important bloc chrétien au Parlement, et, de ce fait, il est incontournable sur la scène libanaise. Par conséquent, pour le Hezbollah, la meilleure façon d'assurer « une libanisation de l'échéance présidentielle » serait d'élire un leader chrétien libanais dont l'assise populaire est incontestable et qui de plus n'est affilié à aucune puissance étrangère, régionale ou internationale, même s'il a un large éventail de relations internationales.
Les représentants du Hezbollah auraient donc suggéré au ministre français des Affaires étrangères de convaincre ses interlocuteurs libanais, en particulier le chef du courant du Futur Saad Hariri, de voter pour le général Aoun, s'il souhaite contribuer efficacement au déblocage du dossier présidentiel. Fayad et Moussawi ont aussi développé devant leur interlocuteur français la thèse selon laquelle l'élection du général Aoun à la présidence est la meilleure garantie pour le maintien de l'accord de Taëf, car, comme il bénéficie de la confiance du Hezbollah et de son chef, ce dernier ne songerait plus à réclamer des garanties préalables sur la composition du gouvernement qui devrait être formé après l'élection présidentielle, ni sur le contenu de la déclaration ministérielle de ce gouvernement.
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De plus, l'élection de Aoun est en quelque sorte l'alternative au fameux « package deal » prôné par Hassan Nasrallah que certaines parties politiques se plaisent à comparer à une nouvelle Assemblée constituante qui remettrait en cause les rapports de force instaurés par l'accord de Taëf. Le Hezbollah a répété à plusieurs reprises qu'il n'a pas l'intention de réclamer des modifications de l'accord de Taëf. Il a assuré qu'il souhaite simplement une entente globale qui porterait sur l'identité du président, sur celle du Premier ministre et la formation du gouvernement ainsi que sur la loi électorale. Mais certaines voix au sein du 14 Mars, et du courant du Futur en particulier, continuent de l'accuser de vouloir un nouveau pacte national qui donnerait plus de pouvoirs à la communauté chiite au détriment des sunnites. Le Hezbollah estime donc qu'en choisissant d'appuyer la candidature du général Aoun à la présidence de la République, il balaie toutes ces accusations, d'autant que Aoun lui-même a adressé des lettres officielles aux trois parrains arabes de l'accord de Taëf, les rois du Maroc et de l'Arabie ainsi que le président algérien, leur demandant d'intervenir pour l'application exacte de cet accord conclu avec leur bénédiction.
La clarification de la position du Hezbollah ainsi que les assurances de ne pas vouloir toucher à l'accord de Taëf et l'équilibre actuel des forces au Liban seront-elles suffisantes pour assurer une élection présidentielle dans les prochains mois ? Les doutes restent permis d'autant que les plaidoiries des deux principaux camps, chacun en faveur de son candidat, montrent pour l'instant une volonté de défendre leurs positions bien plus que celle de passer réellement à l'acte.
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commentaires (4)
ACCEPTEZ TOUS AOUN COMME PRESIDENT... METTEZ-LES AU PIED DU MUR... GAGE QU,ILS TROUVERONT DES EXCUSES POUR RECLAMER UN VICE PRESIDENT HEZBOULLAHI !!!!!!!
LA LIBRE EXPRESSION
18 h 25, le 16 juillet 2016