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Liban - Témoignages

En deuil et submergée par les réfugiés, Qaa implore l’État de se pencher sur son sort

Bassel Matar, un adolescent chrétien de 17 ans, a été grièvement blessé et brûlé en se précipitant pour porter secours à ses voisins, de confession sunnite. Une belle preuve de coexistence. Son père raconte.

La veille de l’attentat, les bulldozers de la municipalité ont détruit des habitations illégales de réfugiés syriens. Photo tirée de la page Facebook de Toni Matar, habitant de Qaa

C'est endeuillée par un quadruple attentat terroriste qui a fauché hier cinq vies (outre les quatre kamikazes) et fait 15 blessés, que Qaa s'apprête à commémorer le massacre perpétré par l'armée syrienne le 28 juin 1978. Une messe suivie d'une marche aux flambeaux devait voir la participation de l'archevêque de Baalbeck, Mgr Élias Rahal, dimanche prochain. Le village se préparait à prier pour tous les martyrs de Qaa, y compris les victimes de l'attaque perpétrée au début de la guerre civile, le 1er juillet 1975, par les milices musulmanes de la région.

Le corps lacéré par les clous
C'est dire combien cette localité chrétienne du caza de Baalbeck (majoritairement grecque-catholique) a souffert de son environnement durant la guerre libanaise. Quarante et un ans plus tard, elle en souffre toujours, dans un contexte marqué par le conflit syrien et la crise des réfugiés. Il faut dire qu'elle abrite sur ses terres agricoles baptisées Macharih el-Qaa, situées à proximité de la frontière syrienne et du poste-frontière de Jousseh, non moins de 30 000 réfugiés syriens... pour une population de 5 000 habitants, tout au plus.
Hier à l'aube, cinq citoyens de Qaa, Boulos el-Ahmar, Maher Wehbé, Fayçal Aad, Georges Farès et Joseph Layyous ont péri, déchiquetés par les explosifs actionnés consécutivement par les kamikazes, à une dizaine de minutes d'intervalle, aux alentours de 4 heures du matin. Les blessés, une quinzaine d'habitants, dont des secouristes et des membres des forces de l'ordre, ont eu le corps lacéré par les éclats des explosions. Ils présentent des brûlures plus ou moins graves. Certains sont entre la vie et la mort.


(Lire aussi : Cauchemar à Qaa : huit kamikazes en moins de 24 heures et en deux vagues)

 

Parmi les blessés graves, Bassel Matar, un jeune de 17 ans, qui a été transporté à l'hôpital Tell Chiha après avoir reçu les premiers soins. « Sa situation est tragique. Il a le corps brûlé et criblé d'éclats, notamment les yeux et les jambes », révèle à L'Orient-Le Jour son père, Toni Matar, ponctuant sa phrase d'un « grâce à Dieu », son fils étant toujours vivant. Depuis l'ambulance qui transporte son fils à l'hôpital de Zahlé, M. Matar raconte comment Bassel est accouru sur les lieux du drame après avoir entendu la première explosion. « Nous le suivions de près, sa mère et moi. Notre maison est à proximité du lieu de l'explosion », explique-t-il. L'adolescent a été blessé en portant secours à ses voisins, Talal et Chadi Mokalled, de confession sunnite. « Mais d'autres n'ont pas survécu », déplore-t-il, énumérant les personnes fauchées par les explosions, alors qu'elles tentaient de secourir leurs proches. « Ici, nous sommes tous parents ou voisins. »

(Voir aussi : Attentats suicide meurtriers à Qaa : les images)

 

La réponse au démantèlement des habitations des réfugiés ?
Qaa est en deuil. Elle pleure un parent, un ami, un voisin. Elle est en colère aussi. Ce qu'elle redoutait depuis le début du conflit syrien et les événements de Ersal en août 2014 est arrivé, malgré la vigilance de ses habitants qui s'étaient pourtant organisés et surveillaient de près les réfugiés syriens installés dans des camps informels. Les terroristes ? « Je suis certain qu'ils viennent de la région de Macharih el-Qaa, martèle Toni Matar. Je suis aussi certain que ces attentats-suicide sont des représailles aux mesures prises hier par le nouveau président de la municipalité, Bachir Matar ». Et d'expliquer que la veille, les bulldozers de la municipalité de Qaa ont détruit des maisons en pierre construites illégalement par les réfugiés syriens. « C'est la première fois que de telles mesures sont prises », note-t-il, précisant que jusque-là, la municipalité se contentait de « distribuer des contraventions ».

 

(Lire aussi : Qaa : l’équilibre de la terreur rompu ?)

 

À ces affirmations, le président de la municipalité répond à L'OLJ par un « je ne pense pas... nous attendons les résultats de l'enquête ». Il soutient en revanche que les terroristes sont bien issus de la région de Macharih el-Qaa, autrement dit des camps de réfugiés syriens. « Ils ne peuvent venir que de là-bas, assure-t-il. Sinon, pourquoi en voudraient-ils à Qaa ? » Bachir Matar se demande toutefois « si c'est bien Qaa qui était visé ou si les terroristes étaient juste de passage ». « Qu'ils soient takfiristes, daechistes ou autres, ils ne vont pas nous faire peur », gronde-t-il. Alors pour protéger le village, le président de la municipalité promet de prendre à l'égard des réfugiés syriens « de nouvelles mesures administratives et sécuritaires qui protégeront le village pour les 50 prochaines années ». Avec la coopération des forces de l'ordre, bien entendu. « Nous ne permettrons pas que les réfugiés syriens échappent à tout contrôle », met-il en garde, menaçant de « mobilisation » et même de « déportation », si les réfugiés ne respectent pas les lois du village et continuent d'empiéter sur les biens publics. Lançant enfin un cri d'alarme aux autorités, il conclut : « Que l'État se penche sur notre sort ! Nous ne pouvons seuls faire face aux réfugiés. Mais personne ne nous regarde. »


(Lire aussi : "Si les chrétiens de Qaa s'en vont, le Liban-message cessera d'exister")

 

Plus diplomate, le curé du village, le père Élian Nasrallah invite à la sauvegarde de la diversité à Qaa et dans la région. Il assure à L'OLJ que les habitants de la localité demeurent « attachés à leur terre » et à l'exemple de « coexistence » que représente leur village. « La famille Mokalled, de confession sunnite, est bien de chez nous. C'est indiscutable », note-t-il à ce propos. Il insiste surtout sur « la nécessité de protéger Qaa et de prendre les mesures adéquates pour prévenir le terrorisme ». La troupe postée dans la région est pourtant « armée jusqu'aux dents ». « Nous allons en discuter avec les responsables », affirme-t-il. Mais il ne peut s'empêcher de faire part de son inquiétude. « Cela fait 4 ans que nous sommes la cible de terroristes qui n'ont peur de rien, pas même de la mort. »

Ces mesures sécuritaires tant attendues verront-elles le jour ? Question d'une extrême urgence, alors qu'en soirée, Qaa était de nouveau la cible de quatre kamikazes faisant une dizaine de blessés.

 

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commentaires (4)

"...des maisons en pierre construites illégalement par les réfugiés syriens..." Rien que ça !!! Ces pierres, ils les ont achetées à qui ??? Messieurs les RESPONSABLES de ce pays, les sunnites, chiites, druzes, chrétiens, vous qui ne vous déplacez jamais sans le tintamarre des sirènes de vos voitures, entourés de tous vos gardes du corps, et dont les domiciles sont également protégés de tous les côtés...avez-vous plus de valeur humaine que le jeune Bassel Matar...17 ans ? Ca ne sert plus à grand-chose de vous rendre sur les lieux des attentats après...pour vous donner bonne conscience et vous montrer... AGISSEZ AVANT !!! Irène Saïd

Irene Said

11 h 37, le 28 juin 2016

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Commentaires (4)

  • "...des maisons en pierre construites illégalement par les réfugiés syriens..." Rien que ça !!! Ces pierres, ils les ont achetées à qui ??? Messieurs les RESPONSABLES de ce pays, les sunnites, chiites, druzes, chrétiens, vous qui ne vous déplacez jamais sans le tintamarre des sirènes de vos voitures, entourés de tous vos gardes du corps, et dont les domiciles sont également protégés de tous les côtés...avez-vous plus de valeur humaine que le jeune Bassel Matar...17 ans ? Ca ne sert plus à grand-chose de vous rendre sur les lieux des attentats après...pour vous donner bonne conscience et vous montrer... AGISSEZ AVANT !!! Irène Saïd

    Irene Said

    11 h 37, le 28 juin 2016

  • Il est vrai que le hezb était visé.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 15, le 28 juin 2016

  • QU,ONT-ILS LAISSE DEBOUT DE L,ETAT LES RESPONSABLES DIRECTS DE CES REACTIONS AUX ACTIONS ???

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 08, le 28 juin 2016

  • Il ne faut plus pleurer ses morts ainsi , seule la déportation pourra soulager Qaa.

    Sabbagha Antoine

    08 h 40, le 28 juin 2016

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