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Liban - Ersal

A Ersal, le président du conseil municipal sortant est devenu un lourd fardeau pour de nombreux habitants

Mesures de sécurité draconiennes et interdiction de circuler pour les réfugiés syriens.

« Pourquoi l'appelle-t-on Abou Aajineh ? » (Pâte à pain). « Tout simplement parce qu'il est tombé dans la machine à pétrir la pâte de pain lorsqu'il était petit – sauf que cette fois-ci c'est dans un grand pétrin que l'on s'attend à ce qu'il tombe. »

Ces propos sont ceux d'un des cousins de Ali Hujeiri, alias Abou Aajineh, le président sortant de l'actuel conseil municipal à Ersal. Dans cette ville sunnite limitrophe de la Syrie, dont le jurd est occupé par des éléments de l'État islamique et du Front al-Nosra, le personnage de Ali Hujeiri résume à lui seul toute la problématique de la bataille municipale.

(Lire aussi : Les municipales, comment ça marche ? Un guide pratique pour tout comprendre)

Présidant une des trois listes qui se font la concurrence dans ce bled qui ploie sous l'impact de près de 100 000 réfugiés syriens sur une population qui ne dépasse pas les 40 000 habitants, le président sortant a vu sa popularité drastiquement baisser depuis les derniers clashs et moult incidents tragiques qui ont opposé l'armée aux éléments jihadistes au cours de ces deux dernières années. Les rumeurs de corruption, notamment l'exploitation de terrains publics transformés en carrière, qui circulent à son propos n'ont pas aidé non plus. Soutenus par le courant du Futur, du moins, par son siège principal de Beyrouth, Abou Aajineh et ses colistiers affrontent une quarantaine de candidats répartis sur deux listes, regroupant des coalitions de familles principalement. Elles ont pour dénominateur commun leur adversité à celui qui « a mené la ville au bord du gouffre, politiquement et économiquement », témoigne un habitant du village.

Déployées en force, les unités de l'armée ont même pris position – fait rare – à l'intérieur du village où elles ont interdit la circulation en direction des deux centres de vote, situés aux portes de la ville. Quatre-vingt-dix vans ont été affrétés pour conduire les électeurs vers les urnes, histoire d'éviter les mauvaises surprises sécuritaires dans cette ville qui en a connu plus d'une.

Interdits de circulation depuis samedi midi, les réfugiés syriens se sont religieusement conformés aux ordres, préférant se terrer sous les tentes dès samedi matin.
« C'est la première fois depuis très longtemps que les habitants de Ersal redécouvrent une ville relativement calme, sans embouteillage », commente une sexagénaire. « Afin de marquer l'événement et jouir, quelques heures durant, de l'espace reconquis, un groupe de jeunes a organisé ce matin un match de foot en pleine rue dans le centre-ville », enchaîne sa fille, qui ne cache pas sa « gêne » à l'égard de « l'invasion » des déplacés qui ont fini par transformer les caractéristiques de la ville.
Pour nombre d'électeurs, le principal enjeu n'est pas tant le développement à Ersal, qui en a pourtant tant besoin, mais de « se débarrasser de celui qui a fait faillite aussi bien au plan du développement que de la politique ».

(Voir aussi : Municipales 2016 : le scrutin à Beyrouth et dans la Békaa, en images)

Politique politicienne

Selon eux, le président sortant du conseil municipal, « qui passe sa journée accroché au téléphone pour faire de la politique politicienne, a porté grand tort à la ville et ses habitants ».
Plus de 400 familles vivent de deux principales ressources : l'agriculture et l'extraction des pierres, deux activités localisées à la frontière de la ville, où l'armée est désormais positionnée pour contrer les incursions des jihadistes. En somme, l'adversité que ressentent de plus en plus nombre de « Ersaliotes » à l'égard de Abou Aajineh est devenue telle qu'elle « a même suscité un bras de fer jamais vu entre les partisans du courant du Futur, originaire du village, et le quartier général du parti, à Beyrouth ».

« Si vous persistez à le soutenir, ce n'est pas seulement son nom que nous allons rayer, mais toute la liste », devait lancer un des partisans du courant du Futur, à Ersal, à ses parrains beyrouthins.
« Je suis un résistant au sein de ma ville et je me bats en son nom. Je ne suis pas portier chez qui que soit », avait lancé un partisan du courant, qui a tenu à garder l'anonymat.

(Lire aussi : Christina Lassen à « L'OLJ » : L'UE est déçue du nombre restreint de candidates aux municipales)

D'ailleurs, c'est avec beaucoup de peine et au bout de longues négociations que la liste présidée par Ali Hujeiri a été mise en place. Bien que convaincus de l'ampleur du mécontentement et de la lassitude que ce dernier a provoqués, ses pourfendeurs craignent « le pouvoir de l'argent qui risque d'être déversé en cours de route » dans cette ville qui compte de plus en plus de pauvres.

Contredisant ceux qui estiment qu'une éventuelle victoire de Abou Aajineh « sert également le Hezbollah qui a besoin de ce bouc émissaire pour continuer de pointer du doigt l'extrémisme sunnite dont on affuble la ville », un pharmacien assure que c'est la logique inverse qu'il faut retenir : « Aussi bien le Hezbollah que les habitants de Ersal veulent tourner la page et rétablir les bonnes relations de voisinage principalement entre sunnites et chiites. »

Le taux de participation, qui a atteint les 53 % avant la fermeture des bureaux de vote, devait clairement refléter l'importance de cette volonté de changement exprimée, ou tout au moins l'intensité de cette bataille éminemment politique.


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