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Liban - interview

Huth : Le processus de prise de décision au Liban ne devrait pas être l’otage des développements en Syrie

Le nouvel ambassadeur d'Allemagne à Beyrouth, Martin Huth, croit dur comme fer que les Libanais peuvent être les artisans de leur propre sort. Dans un entretien avec « L'Orient-Le Jour », il s'est penché sur la situation au Liban et en Syrie, sur la politique allemande d'accueil de réfugiés ainsi que sur la conférence des donateurs de Londres, en faveur des pays limitrophes de la Syrie.

Martin Huth, l’ambassadeur d’Allemagne à Beyrouth, connaît bien le Liban et le Moyen-Orient. Il parle notamment arabe et farsi.

Martin Huth, ambassadeur d'Allemagne à Beyrouth, connaît bien le Liban et le Moyen-Orient. Né en Allemagne, ayant grandi en Iran et en Égypte, il parle notamment arabe et farsi. Il a également séjourné au Yémen, en Iran et au Liban dans le cadre de missions diplomatiques, ainsi qu'à Genève et New York. Et c'est probablement l'attachement qu'il a vis-à-vis du Liban qui le pousse à appeler les citoyens libanais à saisir le destin à bras-le-corps, à s'impliquer plus dans la vie politique et sociale de leur pays et à demander des comptes à leurs dirigeants, alors qu'il invite les leaders libanais à être vigilants.
« L'Allemagne estime que la situation est dangereuse et intolérable au Liban. L'impasse de la présidence et du gouvernent est triste, si on prend en considération l'histoire, les réalisations et la dignité du peuple libanais. Alors que nous soutenons l'accord de Doha et la politique de distanciation que le Liban a adoptée vis-à-vis de la crise syrienne, il est clair qu'il existe un groupe important au Liban qui ne se sent pas concerné par le respect de ces décisions », dit-il, accusant le Hezbollah sans le nommer. « De plus, le processus de prise de décision au Liban ne devrait pas être l'otage des développements de la situation en Syrie », ajoute-t-il.

À la question de savoir pourquoi la crise en Syrie n'a pas encore débordé, d'une façon généralisée, au Liban, il estime que « jusqu'à présent, la cohésion politique de la société libanaise a été assez forte pour faire face à la crise ». « Le double attentat de Bourj el-Barajneh n'a pas réussi à semer la discorde entre les Libanais, souligne l'ambassadeur. Les forces de sécurité ont également été assez vigilantes, mais le risque demeure présent et il est important que les leaders politiques en soient conscients. Nous félicitons le Liban, son peuple et ses services de sécurité pour ce qui a été fait, mais rien ne garantit que le pays soit protégé contre de grands ou de petits débordements. Nous appelons donc le Liban à rester extrêmement vigilant. »

En réponse à une question sur les dangers qui pèsent actuellement sur le pays, M. Huth note que « la vacance à la tête de l'État et la paralysie du gouvernement constituent les risques politiques les plus importants ». « Ce blocage, ajoute-t-il, affaiblit le pays sur tous les fronts, notamment en ce qui concerne sa capacité à réagir à la crise syrienne, à gérer le problème des déchets et à relancer son économie. Une grande partie de la population libanaise vit déjà dans la pauvreté. Et la pauvreté peut être un facteur qui multiplie les risques de radicalisation et d'instabilité. »

(Lire aussi : « L'Allemagne incapable de gérer seule la crise »)

 

« Les Libanais : maîtres et artisans de leur destinée »
À la question de savoir ce que devraient faire les Libanais pour préserver la paix et renforcer la stabilité et la sécurité dans leur pays, et comment l'Allemagne peut aider dans ce cadre, M. Huth affirme que « les Libanais sont les maîtres et les artisans de leur destinée ». « Ils ne devraient pas être tentés de penser que tout dépend de l'influence de forces étrangères, et cela même si des acteurs régionaux comme l'Arabie saoudite et l'Iran peuvent faire partie de la solution, poursuit l'ambassadeur. Nous voudrions voir des solutions "made in Lebanon". Les citoyens libanais devraient être plus impliqués dans la participation politique et sociale du pays, et ils devraient demander plus de compte et de transparence à leurs leaders politiques. Compte tenu des talents et des engagements des Libanais vis-à-vis de leur pays, je ne pense pas que l'Allemagne ou n'importe quel pays doit être pris comme modèle pour une future société libanaise. »

Invité à donner son avis sur la réconciliation Aoun-Geagea, l'ambassadeur d'Allemagne estime que « cette réconciliation a sans doute renforcé la cohésion du camp chrétien, et de ce fait elle est importante ». « En même temps, je partage l'opinion de nombreux observateurs qui estiment que l'image émanant de cette réconciliation n'est pas très claire concernant sa signification et ses conséquences, déclare M. Huth. Autant que j'admire la fermeté du général Aoun, je pense que la flexibilité et le réalisme constituent également d'importantes qualités, et la situation demande certainement un compromis entre toutes les parties. Si la majorité des Libanais est en faveur d'un candidat présidentiel, l'Allemagne sera la première à le féliciter. Les Libanais savent par excellence comment faire des affaires. Et une bonne affaire est celle qui optimisera les intérêts du plus grand nombre de partenaires. »

(Lire aussi : Aide et coopération allemandes au Liban)

 

La Syrie, un pays au potentiel fort important
Interrogé sur l'issue de la guerre en Syrie et sur le processus de paix, M. Huth souligne qu'il « est clair que nous avons besoin d'une solution politique en Syrie, qui sera accompagnée d'un cessez-le-feu et d'une guerre continue et efficace contre le groupe État islamique ». « Nous œuvrons avec nos partenaires pour déclencher un processus politique qui mènera – avec une période transitoire – à une solution durable, déclare M. Huth. Après la réunion de l'opposition syrienne à Riyad, je pense que les chances sont plus que jamais propices pour le déclenchement d'un processus de paix. Il faudra voir aussi les résultats de la conférence de Genève. »
Se penchant sur l'avenir de la Syrie, M. Huth souligne : « La Syrie demeure un pays qui a un potentiel très important. Nous soutenons toujours l'intégrité territoriale de la Syrie et le bien-être de ses habitants. Je suis convaincu qu'une fois la crise terminée et le processus politique mis sur les rails, la Syrie reprendra sa place prépondérante parmi les pays du Moyen-Orient et développera à nouveau des relations avec les pays de l'Union européenne. »

Abordant le problème du retour des réfugiés syriens dans leur pays, M. Huth indique que « de nombreux réfugiés syriens qui se trouvent actuellement en Allemagne voudront rentrer chez eux pour participer à la reconstruction de leur pays ». Et d'ajouter : « En ce qui concerne le Liban, nous comprenons le poids qui pèse sur le pays et qui est dû à l'important nombre de réfugiés qu'il accueille. Éventuellement, quand la situation le permettra, un retour des réfugiés syriens dans leur pays est la meilleure solution pour tous, surtout qu'ils participeront à la reconstruction de la Syrie. Ce serait bien si jusqu'à leur retour, les réfugiés syriens au Liban travaillent pour améliorer leur savoir-faire, envoyer leurs enfants à l'école et se sentir en sécurité », estime-t-il.
C'est pour améliorer la situation des réfugiés syriens et des communautés hôtes que se tiendra la conférence de Londres pour soutenir les pays voisins de la Syrie qui accueillent un important nombre de réfugiés.
« L'Allemagne, conjointement avec le Royaume-Uni, la Norvège, le Koweït et les Nations unies, organise cette conférence, souligne M. Huth. La présence de nos chefs de gouvernement dans la capitale britannique et l'engagement pour augmenter les aides prouvent que nous soutenons le Liban et que nous reconnaissons les difficultés de la situation. Le plan d'action libanais de réponse à la crise (mis en place par le gouvernement libanais et les Nations unies) constitue une bonne base pour la discussion. La conférence de Londres édifiera les bases d'une assistance à long terme plus soutenue, notamment dans le cadre des opportunités économiques et de l'éducation, aussi bien pour les Libanais que pour les Syriens », souligne-t-il en conclusion.

 

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