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Liban - Décryptage

L’exécution du cheikh Nimr redistribue les cartes dans la région

L'exécution par les autorités saoudiennes du cheikh Nimr el-Nimr a marqué l'actualité de ce début de nouvelle année. Le timing choisi par les responsables saoudiens est d'autant plus curieux que des informations avaient circulé sur le commencement d'un dialogue irano-saoudien dans les couloirs de Vienne (il y a eu un aparté de douze minutes entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays) puis au sultanat d'Oman.

 

Une source diplomatique proche des pays des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) affirme que le ministre saoudien avait même invité son homologue iranien à Riyad, mais ce dernier a décliné l'invitation, expliquant qu'une visite en Arabie saoudite serait malvenue pour l'instant, après la tragédie de La Mecque. Cependant, Mohammad Javad Zarif s'est déclaré prêt à ouvrir un dialogue avec Adel al-Joubeir dans un pays tiers.

 

(Lire aussi : Pas de guerre frontale entre l’Iran et l’Arabie saoudite, mais une déstabilisation accrue)


Les pronostics diplomatiques penchaient donc vers le début d'un processus de compromis dans les trois principaux dossiers brûlants, la Syrie, le Yémen et l'Irak. De fait, comme s'il s'agissait d'une partition bien orchestrée, un cessez-le feu et un dialogue ont été annoncés au Yémen, alors que le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté une résolution à l'unanimité de ses membres pour définir le carnet de route du processus de sortie de crise en Syrie. En même temps, l'armée irakienne et les forces populaires ont lancé une importante offensive réussie pour reprendre la ville de Ramadi et les analystes annonçaient un processus de règlement des crises au cours de l'année 2016. De plus, Riyad avait rouvert son ambassade à Bagdad et cela avait été perçu comme un début de solution dans ce pays.


Brusquement, l'exécution du cheikh Nimr el-Nimr a balayé ce vent d'optimisme. Si le tollé escompté de la part de la communauté internationale pour condamner l'exécution d'un opposant qui n'a jamais porté les armes, qui n'a jamais appelé au renversement du régime et qui condamnait même la dictature en Syrie, se contentant de réclamer des droits élémentaires pour les Saoudiens de confession chiite, n'a pas été aussi bruyant qu'il aurait dû l'être, les Britanniques ont été quand même les plus sévères dans leur critique de la monarchie saoudienne. La source diplomatique précitée précise que le Premier ministre britannique David Cameron était personnellement intervenu auprès des dirigeants saoudiens pour les pousser à ne pas exécuter cet opposant, leur suggérant de le garder en prison à perpétuité et considérant que son exécution serait forcément interprétée comme un acte de provocation.

 

(Lire aussi : Crise Iran-Arabie saoudite : Washington en porte-à-faux)


Malgré cela, les dirigeants saoudiens ont choisi d'exécuter le cheikh Nimr comme un vulgaire terroriste, en utilisant l'épée, en même temps que le responsable religieux d'el-Qaëda en Arabie, Farès el-Chouayl. Selon la source diplomatique proche des Brics, il s'agit donc d'un message sanglant adressé par les autorités saoudiennes à l'intérieur saoudien et à la région. Sur le plan interne, les dirigeants saoudiens ont voulu envoyer un message clair à leurs sujets en cette période de crise économique et sociale. Le déficit budgétaire du royaume atteint en effet cette année 87 milliards de dollars et l'année s'annonce rude pour les Saoudiens. Il fallait donc faire preuve de fermeté pour tuer dans l'œuf toute velléité de protestation sociale, qu'elle soit justifiée ou non. Sachant que la région est du royaume est celle qui est la plus riche en pétrole tout en abritant la population la plus pauvre, d'autant que celle-ci est en majorité chiite, c'est donc là que les dirigeants ont décidé de frapper, s'attaquant au cheikh Nimr pour montrer qu'ils ne craignent personne et qu'ils restent les seuls maîtres à bord dans le royaume.

 

(Repère : L'histoire troublée des relations entre Riyad et Téhéran)


Sur le plan externe, les dirigeants saoudiens ont voulu envoyer un message de fermeté à l'égard de l'Iran, accusé de vouloir étendre son hégémonie sur le monde arabo-musulman. Les dirigeants saoudiens n'ont toujours pas avalé la conclusion de l'accord sur le nucléaire iranien et la reconnaissance, par les États-Unis, du rôle de ce pays dans la région. Ils ont donc voulu frapper un grand coup avant le début de l'application effective de l'accord sur le nucléaire qui entre en principe en vigueur à la fin du mois de janvier 2016. En même temps, les Saoudiens se sentent en perte de vitesse au Yémen, où au bout de dix mois d'une offensive sans merci, ils n'ont pas encore réussi à enregistrer une percée claire, et en Syrie, où la résolution du Conseil de sécurité ne tient pas compte de leur exigence du départ prioritaire et immédiat de Bachar el-Assad, alors que leur principal allié local, Zahrane Allouche, vient d'être assassiné. Ils ont donc voulu redistribuer les cartes et pousser l'Iran à une réaction violente, dans le but, d'une part, de cacher leurs échecs et, d'autre part, de provoquer une solidarité sunnite et arabe en se présentant comme les victimes des ingérences iraniennes.
Déjà, ils ont tenté de rallier leurs amis potentiels dans le monde arabo-musulman, comme le Pakistan et l'Égypte, sans parler des pays du Golfe. Si le Pakistan se fait un peu tirer l'oreille, l'Égypte a accepté d'accueillir une réunion extraordinaire de la Ligue arabe dimanche au Caire.


Pour la source diplomatique précitée, l'Arabie saoudite souhaiterait provoquer une guerre d'usure entre sunnites et chiites qui resserrerait les rangs sunnites autour d'elle et affaiblirait l'Iran, tout en bouleversant les cartes dans la région. Mais l'Iran refuse pour l'instant de se laisser entraîner dans cette confrontation directe et reste dans la retenue, préférant miser sur les appels au calme de l'Onu, sur une éventuelle médiation russe et sur les tentatives d'apaisement des Américains...

 

 

 

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Quelques clés pour comprendre l'affaire Nimr Baqer el-Nimr

L'exécution par les autorités saoudiennes du cheikh Nimr el-Nimr a marqué l'actualité de ce début de nouvelle année. Le timing choisi par les responsables saoudiens est d'autant plus curieux que des informations avaient circulé sur le commencement d'un dialogue irano-saoudien dans les couloirs de Vienne (il y a eu un aparté de douze minutes entre les ministres des Affaires étrangères...

commentaires (10)

Les affaires internes a l'Arabie et a l'Iran ne nous intéressent pas. Nimr est Saoudien, il a sa cause en Arabie, que lui et ses ouailles la défende comme bon leur semble et selon les lois Saoudiennes. Autre que d’émettre une opinion contre la dictature ou autre pratique similaire, c'est quelque chose et brûler l'ambassade d'un pays souverain pour une affaire qui ne nous regarde pas c'est autre chose. Cela démontre simplement que la Fakihisme est aussi impérialiste, fanatique et dangereux que le Wahhabisme. Comme dit le dicton bien de chez nous "Fekhar yi Kasser ba3do!" Si l'Iran ne voulait vraiment ne pas se laisser entraîner dans cette spirale, au lieu de créer des milices et foutre le bordel un peu partout au nom de l'Islam Chiite, elle aurait du s'occuper a nourrir son peuple et lui assurer le minimum vitale pour survivre. Idem pour l'Arabie, si elle voit son avenir s'assombrir, elle aurait du faire le nécessaire pour mettre au pas le Wahabbisme et arrêter d'accepter leur financement. A présent tous sont débordés par les événements et ne savent plus que faire pour éviter la cata. Eh bien tous payeront le mal fait au Liban et lui seul renaîtra de ses cendres et prospérera et cela surement pas sous le joug Fakihien ni Wahabite, mais bien Libanais et Libanais Awwalan wa Akhirran! A bon entendeur Salut!

Pierre Hadjigeorgiou

11 h 21, le 07 janvier 2016

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • Les affaires internes a l'Arabie et a l'Iran ne nous intéressent pas. Nimr est Saoudien, il a sa cause en Arabie, que lui et ses ouailles la défende comme bon leur semble et selon les lois Saoudiennes. Autre que d’émettre une opinion contre la dictature ou autre pratique similaire, c'est quelque chose et brûler l'ambassade d'un pays souverain pour une affaire qui ne nous regarde pas c'est autre chose. Cela démontre simplement que la Fakihisme est aussi impérialiste, fanatique et dangereux que le Wahhabisme. Comme dit le dicton bien de chez nous "Fekhar yi Kasser ba3do!" Si l'Iran ne voulait vraiment ne pas se laisser entraîner dans cette spirale, au lieu de créer des milices et foutre le bordel un peu partout au nom de l'Islam Chiite, elle aurait du s'occuper a nourrir son peuple et lui assurer le minimum vitale pour survivre. Idem pour l'Arabie, si elle voit son avenir s'assombrir, elle aurait du faire le nécessaire pour mettre au pas le Wahabbisme et arrêter d'accepter leur financement. A présent tous sont débordés par les événements et ne savent plus que faire pour éviter la cata. Eh bien tous payeront le mal fait au Liban et lui seul renaîtra de ses cendres et prospérera et cela surement pas sous le joug Fakihien ni Wahabite, mais bien Libanais et Libanais Awwalan wa Akhirran! A bon entendeur Salut!

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 21, le 07 janvier 2016

  • Oui, le régime saoudite a exécuté le cheikh Nemr el-Nemr par fanatisme stupide et grande sottise. Son "message de fermeté à l'Iran" aurait été infiniment meilleur et plus efficace par le pardon à ce cheikh.

    Halim Abou Chacra

    12 h 55, le 06 janvier 2016

  • Le timing choisi par les saoudiens pour exécuter ce cheikh Nimr est d'autant plus prévisible que des informations avaient circulé sur la stérilité d'un dialogue irano-saoudien dans les couloirs de Vienne (il n’y a eu qu’un aparté de douze minutes entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays !) puis au sultanat d'Oman. Une source affirme que le ministre iranien avait même invité son homologue saoudien à Téhéran, mais ce dernier a décliné l'invitation, expliquant qu'une visite en Iran serait malvenue pour l'instant, avec la tragédie syrienne. Les pronostics étaient donc très pessimistes pour ce qui est ne fut-ce que le début d'un processus de compromis dans les trois dossiers brûlants, la Syrie, le Yémen et l'Irak. De fait, comme s'il s'agissait d'une partition bien orchestrée, un cessez-le feu et un dialogue bidons ont été annoncés au Yémen, et même le Conseil de sécurité a adopté une résolution pour définir le carnet de route de sortie de crise en Syrie mais qui ne lie personne ! En même temps, les milices chiites en Irak n’arrivent pas à reprendre le dessus sur l’EI, et les analystes annoncent même qu’un règlement de ces crises n’est point pour 2016. De plus, Riyad avait rouvert son ambassade à Bagdad et cela avait été perçu comme de "pure" forme ! Tout naturellement, l'exécution de ce cheikh Nimr a mis les points sur les i ! Et le tollé escompté de la part de la communauté internationale pour condamner cette exécution était plus qu’insignifiant.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 03, le 06 janvier 2016

  • Sur le plan interne, les dirigeants saoudiens ont voulu envoyer un message clair à leurs sujets en cette période d’ingérence Per(s)cée. Il fallait donc faire preuve de fermeté pour tuer dans l'œuf toute velléité de cinquième colonne, sachant que la région Est du royaume est celle qui est la plus riche en pétrole tout en abritant une majorité chiite. C'est donc là que les dirigeants ont décidé de frapper, pour montrer qu'ils ne craignent personne et qu'ils restent les seuls maîtres à bord dans le royaume. Sur le plan externe, les dirigeants saoudiens ont voulu envoyer un message de fermeté à l'égard de l'Iran, qui tente désespérément d’étendre son hégémonie sur le monde arabo-musulman. Les dirigeants saoudiens n'ont pas avalé l’appui prodigué au héZébbb au Liban et au (c)hébél aSSadique. En même temps, les Iraniens se sentent en perte de vitesse au Yémen et en Syrie. Les Saoudiens ont donc voulu redistribuer les cartes et pousser l'Iran au bout de son rouleau, dans le but de provoquer une solidarité sunnite et arabe. Pour une "source!?", la Per(s)cée souhaiterait provoquer une guerre entre sunnites et chiites qui resserrerait les rangs chiitiques autour d'elle et affaiblirait l'Arabie Heureuse. Mais l’Arabie pleine de Sagesse refuse, patiemment pour l’instant, de se laisser entraîner dans cette confrontation et reste dans la retenue, préférant miser sur les appels au calme de l'Onu, sur une médiation russe et sur les Américains. Grande Sagesse Saoudienne....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 02, le 06 janvier 2016

  • POUR LES FANATIQUES IGNORANTS , UN ARTICLE DE L'OLJ , QUI NE DEVRAIT PAS LEUR PLAIRE . Eclairage "La famille Assad en Syrie est injuste. Le chiisme ne les reconnaît pas", martelait le dignitaire chiite saoudien. M.K. | OLJ/Agences La mise à mort par Riyad, le 2 janvier, du dignitaire chiite saoudien Nimr Baqer el-Nimr a exacerbé les tensions entre l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite. L'exécution de ce religieux, virulent critique de la famille Al-Saoud, a été en grande partie abordée sous le prisme confessionnel, présentant le dignitaire comme inféodé à l'Iran, influent défenseur de la minorité chiite et opposé au camp sunnite au Moyen-Orient. Pourtant, Nimr al-Nimr était également un farouche opposant au régime syrien du président Bachar el-Assad, de confession alaouite (branche du chiisme) et proche allié de Téhéran. Dans une vidéo publiée sur YouTube en juillet 2012 et intitulée "De l'obligation de soutenir l'opprimé, qu'il soit sunnite ou chiite", le cheikh Nimr affirmait en allusion à Assad : "L'oppression est refusée. Tu es chiite, n'opprime pas le sunnite (...) Si tu opprimes le sunnite, Dieu ne t'aimera pas". Et de poursuivre sur un ton remonté : "Gare à l'opprimé s'il devient oppresseur". "La famille Assad en Syrie est injuste. Le chiisme ne les reconnaît pas", ajoute-t-il. "Nous ne défendons pas les oppresseurs, quels qu'ils soient". VOILA L'HOMME QU'ON VEUT FAIRE PASSER POUR UN TERRORISTE CHIITE .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 51, le 06 janvier 2016

  • "Les dirigeants saoudiens ont choisi d'exécuter le cheikh Nimr comme un vulgaire terroriste, en utilisant l'épée, en même temps que le responsable religieux d'el-Qaëda en Arabie, Farès el-Chouayl." ! Ainsi, selon la "journaliste", le responsable religieux sunnite d'el-Qaëda en Arabie n'est qu'un "vulgaire terroriste", alors que ce cheikh Nimr chiite ne l'est point ! Point à la ligne. Yâ wâââïyléééh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 05, le 06 janvier 2016

  • L,ARTICLE SUR L,EXECUTION DE CHEIKH NIMR A ETE ERCRIT... IL RESTE CELUI DE L,HEROISME DE CHEBAA...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 05, le 06 janvier 2016

  • Enfin! Une interpretation claire,nette et precise de l'assassinat de Cheikh Nimr! Bravo Scarlett et merci pour toutes ces informations!

    Michele Aoun

    09 h 51, le 06 janvier 2016

  • L,ANALYSE... TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD... AVAIT COMMENCEE UN PEU RAISONNABLEMENT MAIS LE FIL DES IDEES S,EST ERODE EN ROUTE... LE DERNIER PARAGRAPHE EST LE COMBLE... MAIS L,IRAN REFUSE POUR L,INSTANT DE SE LAISSER ENTRAINER DANS CETTE CONFRONTATION DIRECTE ET RESTE DANS LA RETENUE... DITES-VOUS... QUELLE RETENUE ? CELLE D,AVOIR SACCAGE LES EMBASSADES ARABES ? CELLE D,AVOIR PROFERE DES MENACES PAR LA BOUCHE DE KHAMENEI ? OU CELLE DE TOUTES SES INTERVENTIONS DIRECTES ET INDIRECTES EN FOMENTANT DES GUERRES RELIGIEUSES VIA SES ACCESSOIRES DANS TOUS LES PAYS ARABES ? QUAND L,ANALYSE DEROGE AUX REGLES DE L,ETHIQUE ET BAFOUE LA VERITE CE N,EST PLUS UNE ANALYSE... C,EST UNE FABLE DE MAUVAIS GOUT !!! BONNE JOURNEE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 44, le 06 janvier 2016

  • Avant tout BONNE ANNÉE 2016 Scarlett, qui sans vous ne pourrait être bonne . Votre analyse rejoint tout ce qui se dit sur les plateaux de télé en occident, que cet assassinat exécution est en fait un aveu de faiblesse et de perte de vitesse des enfants de saoud. En cherchant à pousser l'Iran NPR à la faute c'est une fois de plus celui qui a dégainé le 1er qui a perdu la face imberbe de jubeir. Vous avez peut être omis de rappeler que l'Iran à testé un missile de haute perfection technologique sans que des sanctions soient à l'ordre du jour aux us. D'autant plus que ce missile est de fabrication locale, alors que les enfants de saoud en sont encore à attendre que leurs parrains veuillent bien les fournir en armes. 2 mondes qui ne jouent déjà plus dans la même catégorie.

    FRIK-A-FRAK

    08 h 15, le 06 janvier 2016

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