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Liban - Reportage

Au Grand Sérail, les émouvantes retrouvailles des ex-otages et de leurs familles

Les soldats ont pu embrasser leurs proches pour la première fois depuis près d'un an et demi. Dans leurs discours, les responsables ont insisté sur la libération des otages toujours aux mains de l'EI.

De longues embrassades entre les ex-otages et leurs proches au Grand Sérail. Photo Ibrahim Tawil

Durant les toutes dernières heures, voire minutes, avant l'arrivée des seize policiers et militaires libérés quelques heures plus tôt par le Front al-Nosra du jurd de Ersal, l'angoisse des parents est contagieuse, gagnant même les médias. Les ex-otages passeront-ils par la place Riad el-Solh ? Seront-ils reçus directement au Grand Sérail ? C'est finalement cette dernière option qui est confirmée.
Les parents des otages, qui campent depuis des mois place Riad el-Solh pour presser les autorités d'œuvrer au retour de leurs proches, n'en peuvent plus de patienter : sans attendre le feu vert officiel, ils commencent à affluer au Grand Sérail. Apparemment pris de court, les gardes du siège de la présidence du Conseil laissent entrer les femmes puis les hommes. Certains font le signe de la victoire, beaucoup ont prévu des fleurs et du riz, d'autres portent le drapeau libanais. Les sourires sont sur toutes les lèvres : le cauchemar est terminé.
De l'extérieur, les nouvelles affluent et sont transmises de bouche à oreille : « Ils sont déjà à Chtaura », « Ils se sont arrêtés au siège de la huitième brigade pour prendre une douche et se changer », « Ils seront bientôt là »...

 

(Lire aussi : Un indéniable exploit... et quelques questions)


Vers 15h30, les personnalités commencent à affluer au Grand Sérail : des ministres comme Ali Hassan Khalil et Waël Bou Faour, le général Abbas Ibrahim, directeur de la Sûreté générale (principal artisan de cette opération d'échange), le général Jean Kahwagi, commandant en chef de l'armée...
Puis, c'est le moment tant attendu : vers 15h40, un convoi de 4 x 4 noires poussiéreuses entre dans la cour intérieure du Grand Sérail. Les parents, qui se trouvent déjà dans une grande salle, ont dû avoir vent de l'arrivée du convoi puisqu'une clameur s'élève aussitôt. Les ex-otages sont déjà apparus à la télévision le matin : ils portaient une longue barbe et étaient en habits civils. À leur arrivée au Grand Sérail, ils sont transformés : ils sont rasés de près, leurs cheveux sont coupés court et, message fort s'il en est, ils sont en uniforme militaire, celui des Forces de sécurité intérieure pour treize d'entre eux, et celui de l'armée pour les trois autres.


Pour les accueillir, un parterre de personnalités : le Premier ministre Tammam Salam, le vice-Premier ministre et ministre de la Défense Samir Mokbel, l'ambassadeur du Qatar (un pays qui a joué un rôle dans cette libération, comme le confirmeront les discours par la suite) Ali ben Hamad al-Marri, les ministres Khalil, Bou Faour, Achraf Rifi, Nouhad Machnouk, les généraux Ibrahim et Kahwagi, ainsi que le général Mohammad Kheir (Haut Comité de secours). Les embrassades avec les otages libérés sont particulièrement chaleureuses, le soulagement se lit sur les visages.

 

(Reportage : « Quand Georges sera rentré, je le prendrai dans mes bras »...)

 

« Nous sommes vivants, c'est le principal »
Ce qui attend les ex-otages dans la salle latérale est un réel accueil de héros. Dès qu'ils passent la grande porte en bois sous une pluie de fleurs et de riz, les cris de joie, les youyous, les sifflements retentissent. Les militaires libérés sont portés sur les épaules, ils étreignent plusieurs personnes à la fois, un père, une mère, des frères et sœurs, des enfants... Il y a tant de temps à rattraper. Les visages, tous les visages, sont baignés de larmes. L'émotion est si forte que deux personnes manquent de s'évanouir.
Les cas humains sont poignants : Georges Khazzaka, des FSI, porte dans ses bras un garçon qui n'a guère plus d'un an et demi, la durée de son enlèvement. Il le regarde avec des yeux rougis, comme s'il peine à croire à la réalité de l'instant. L'homme arrive tout juste à glisser que c'est la première fois qu'il voit son fils en chair et en os, mais, d'une voix étranglée, il ajoute qu'il ne peut pas prononcer un mot de plus.
Près du soldat Rayane Salam, son jeune neveu, Jad, est tout fier dans son costume d'armée, tenant un drapeau libanais. « J'ai été interviewé par trois télés aujourd'hui », affirme-t-il. « Je suis très content », répond l'enfant, pudiquement, quand on l'interroge sur les retrouvailles avec son oncle. Rayane, lui, est impatient de retrouver sa vie d'avant. Sur l'épreuve de l'enlèvement et le retour à la liberté, il dit simplement : « Grâce à Dieu, nous sommes vivants, c'est le principal. Nous remercions tous ceux qui ont contribué à notre libération. »

 

De la tristesse au milieu de la joie
Les officiels présents à cette occasion ont, une fois n'est pas coutume, été accueillis par un tonnerre d'applaudissements. Le général Ibrahim, en particulier, est l'objet de toutes les attentions. Il prend la parole en premier, se félicitant de la libération des seize militaires. Il estime que « cette épreuve de seize mois est une preuve qu'ils sont fidèles à leur serment et qu'ils ont tenu bon entre les mains de leurs ravisseurs ». Le directeur de la Sûreté assure que les conditions des négociations étaient très dures et ont duré plus longtemps que prévu « en raison de notre attachement à la dignité nationale, aux constantes de l'État de droit et à notre refus de porter atteinte à notre souveraineté », dit-il, ajoutant qu'il ne veut pas donner de détails. Il remercie, dans la foulée, l'ancien Premier ministre Saad Hariri et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.

 

(Vidéo : Place Riad Solh, les familles des otages apprennent leur libération : les images)


Tout comme Tammam Salam, qui s'exprimera après lui, le général Ibrahim n'omet pas de réaffirmer la volonté de l'État de poursuivre les efforts en vue de faire libérer les neuf autres otages (qu'il nomme un à un), demeurés aux mains du groupe État islamique. Le Premier ministre qualifie pour sa part l'enlèvement des policiers et militaires d'« acte terroriste contre la nation ». Il rappelle les différentes étapes des négociations, en évoquant les soldats tués, comme Mohammad Hamiyé dont la restitution du corps faisait partie de l'échange hier matin. Il remercie enfin « toutes les nations et tous les leaders politiques qui ont contribué au succès de l'échange, notamment l'État du Qatar et son prince cheikh Tamim ben Hamad al-Thani ».
Dans la grande salle, c'est un joyeux chaos qui règne. Tout est mis à contribution, comme les tables en marbre qu'on escalade pour mieux voir les officiels parler. Les parents des ex-otages, une fois passée la première émotion des retrouvailles, vont féliciter les autres, ces compagnons d'infortune qui ont partagé leurs pires moments, durant de nombreux mois.


Rares sont ceux qui semblent remarquer, sur un canapé de côté, la famille Youssef, dont le fils Mohammad reste détenu par l'EI. Le frère de l'otage, lui aussi militaire, est effondré et ne peut retenir ses larmes, sa mère le soutient et pleure en silence. Son père, Hussein Youssef, porte-parole des familles des otages, une figure que les Libanais ont appris à bien connaître, reste digne, comme à son habitude. Plus tôt, il avait déclaré à L'Orient-Le Jour : « Les otages libérés aujourd'hui sont aussi mes enfants. » « Je ne perds pas espoir, mais je n'y croirai que quand je verrai mon fils de mes yeux », avait-il ajouté.

 

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commentaires (4)

Le directeur général de la sureté générale Abbas Ibrahim a déclaré que l’Etat libanais n’a relaxé aucun prisonnier condamné, dont les mains ont été entachées du sang de Libanais, dans le cadre de la transaction d’échange avec le front terroriste al-Nosra. Dans une interview exclusive accordée à la chaine de télévision alManar, Ibrahim a rappelé que plusieurs obstacles ont entravé par le passé la conclusion de l’accord en question, révélant que ce groupe terroriste affilié à al-Qaïda a également tenté de saboter le dernier accord, en essayant de se rétracter. « Le plafond de cette transaction a été fixé dès le début : aucun condamné dont les mains ont été entachées du sang des Libanais ne sera inclus parmi les personnes libérables. Les autres clauses de l’accord sont évidentes et banales », a expliqué le général Ibrahim, assurant que tous ceux qui ont été libérés ont refusé de rejoindre les rangs du front al-Nosra. Dans son interview, Ibrahim a révélé que l’action et les contacts menés par le secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah ont accéléré et facilité l’opération de l’échange.

FRIK-A-FRAK

11 h 41, le 02 décembre 2015

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Commentaires (4)

  • Le directeur général de la sureté générale Abbas Ibrahim a déclaré que l’Etat libanais n’a relaxé aucun prisonnier condamné, dont les mains ont été entachées du sang de Libanais, dans le cadre de la transaction d’échange avec le front terroriste al-Nosra. Dans une interview exclusive accordée à la chaine de télévision alManar, Ibrahim a rappelé que plusieurs obstacles ont entravé par le passé la conclusion de l’accord en question, révélant que ce groupe terroriste affilié à al-Qaïda a également tenté de saboter le dernier accord, en essayant de se rétracter. « Le plafond de cette transaction a été fixé dès le début : aucun condamné dont les mains ont été entachées du sang des Libanais ne sera inclus parmi les personnes libérables. Les autres clauses de l’accord sont évidentes et banales », a expliqué le général Ibrahim, assurant que tous ceux qui ont été libérés ont refusé de rejoindre les rangs du front al-Nosra. Dans son interview, Ibrahim a révélé que l’action et les contacts menés par le secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah ont accéléré et facilité l’opération de l’échange.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 41, le 02 décembre 2015

  • Ils sont MAGNIFIQUES, nos soldats!!!! Que Dieu les protège et nous protège de ce bourbier dans lequel nous sommes tous pris!

    NAUFAL SORAYA

    09 h 04, le 02 décembre 2015

  • J'ajouterai cependant une observation impoortante : Le front al-Nosra a perdu toute son humanité et fait preuve de terrorisme abject lorsqu'il a exécuté les soldats Mohammad Hamiyeh et ali al-Bazzal. Heureusement il n'a pas répété ce crime abominable.

    Halim Abou Chacra

    08 h 54, le 02 décembre 2015

  • Un accueil très digne. Bravo pour le gouvernement et son chef ! Encore une fois, Bravo pour le directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim ! Et un Bravo spécial pour ces 16 militaires ! De vrais héros. Une nette apparence de bonnne santé. Heureusement. Comment ont-ils pu tenir avec la plus grande dignité durant 16 mois ? Il faut aussi avoir le courage de reconnaître qu'ils ont dû étre bien traités. Leurs ravisseurs n'ont pas perdu leur humanité. A la bonne heure !

    Halim Abou Chacra

    06 h 45, le 02 décembre 2015

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