Marquant l'ouverture, hier, de la seconde session ordinaire du Parlement, fixée par la Constitution au premier mardi suivant le 15 octobre, une brève séance parlementaire s'est tenue pour l'élection d'un nouveau bureau de la Chambre, et celle des présidents, décideurs et membres des seize commissions parlementaires.
Limitée à trente minutes exactement (de 11h05 à 11h35), la réunion n'a fait que confirmer les compositions existantes du bureau de la Chambre (deux secrétaires et trois rapporteurs) et celles des commissions. Seule une permutation ponctuelle a été faite, entre les Forces libanaises et le Futur : dans le respect de l'équilibre politico-confessionnel qui dicte la configuration des commissions, le député Antoine Zahra a été élu à la place du député Robert Fadel au sein de la commission du Budget et des Finances, et ce dernier a pris la place du député Fady Karam en tant que membre de la commission de l'Économie et du Commerce.
Ne laissant pas de place aux débats politiques propres aux ouvertures de la session ordinaire – la vie parlementaire s'étant éteinte avec le prolongement de la vacance présidentielle –, la réunion a néanmoins fourni l'occasion au président de la Chambre, Nabih Berry, de réitérer son appel – cette fois sur le ton de l'exhortation – pour la relance du législatif. S'exprimant avant de lever la séance, le président Berry a lancé un cri d'alarme, aggravé par l'avertissement récent de la Banque mondiale de rayer le Liban de la liste des pays bénéficiaires de ses aides.
« Je souhaite, au point presque de vous supplier – cela vaut mieux que de voir le pays supplier les donateurs –, de nous aider mutuellement pour la tenue au moins d'une réunion parlementaire », a déclaré le président de la Chambre à l'adresse des députés. « Vous avez entendu et lu l'avertissement, ou plutôt la menace de la Banque mondiale de rayer le Liban de la liste des aides internationales. Je vous prie de me soutenir et d'accepter que je convoque une réunion (afin de remédier à ce problème), et je ne permettrai pas que le Liban en vienne à ce qu'il soit rayé de cette liste. Je ne prétends pas tenir plus que vous à ce pays, mais vous devez me comprendre », a-t-il conclu.
Le Liban avait réussi à obtenir de la Banque mondiale une délai supplémentaire pour la ratification d'un nouveau prêt de 474 millions de dollars, la somme la plus importante allouée jusque-là au Liban par la Banque mondiale. Le nouveau délai expire le 31 octobre.
Il est très probable qu'une réunion parlementaire ait lieu avant cette date, assurent des sources parlementaires concordantes.
Le cri d'alarme du président de la Chambre n'a pas laissé indifférents les blocs parlementaires, y compris les blocs chrétiens. Au sortir de la réunion, ces derniers ont arrondi les angles en évoquant la relance du législatif, qu'ils avaient soumise à des conditions strictes par souci de ne pas banaliser la vacance présidentielle.
Lors d'une conférence de presse dans l'hémicycle, le numéro deux des Forces libanaises, le député Georges Adwan, a défendu une nouvelle fois une conception stricte de la législation de nécessité (limitée à la loi sur le recouvrement de la nationalité et à la loi électorale), avant de laisser glisser la possibilité d'y inclure les questions urgentes de prêts.
« Si nous nous trouvons dans l'obligation de faire passer, avec ces deux lois, des questions pressantes comme les prêts, ce sera, pour nous, un prélude à la solution, c'est-à-dire à l'élaboration d'une nouvelle loi électorale, qui inclut la proportionnelle », a ajouté M. Adwan. Il s'exprimait à l'issue d'un aparté avec le chef du bloc du Futur, Fouad Siniora.
Invoquant, à l'instar du député FL, l'impératif de plancher sur la loi électorale, « une clause restée ouverte au débat depuis la dernière réunion parlementaire », Hekmat Dib, membre du bloc du Changement et de la Réforme, a reconnu que « la question des prêts revêt une importance certaine, comme tout ce qui a trait à la recomposition du pouvoir et à l'intérêt national ». « Nous sommes prêts à participer à toute réunion parlementaire à cette fin », a-t-il dit.
Assouplissement des Kataëb
Les Kataëb, les plus catégoriques dans le refus de la législation de nécessité, tendraient eux aussi à reconnaître l'urgence d'une relance minimale du législatif. Alors que les députés du parti qui se sont rendus hier au siège du Parlement se sont abstenus de tout commentaire sur la question, le ministre Ramzi Jreige a expliqué à L'Orient-Le Jour que « le parti n'a pas encore pris de décision officielle, mais pourrait prendre en compte la nécessité de répondre aux questions urgentes, comme la ratification des prêts ».
Cet assouplissement de la position des Kataëb serait favorisé par l'ouverture de la session ordinaire du Parlement et par le fait que les réunions ne nécessitent pas de quorum renforcé.
Le Hezbollah et le Futur ont tous les deux soutenu la relance du législatif sur la base de la législation de nécessité. Pour Fouad Siniora, « la législation de nécessité recouvre plusieurs points que les circonstances imposent d'examiner. Mais la présidentielle reste la clé de voûte des solutions en dépit de l'impossibilité de la débloquer actuellement ».
La nécessité de relancer l'exécutif a été évoquée en filigrane de la réunion d'hier. Georges Adwan a appelé le Premier ministre à « exercer ses prérogatives sans attendre en réunissant le cabinet, et que les parties qui s'y opposent assument la responsabilité de leur absence ». Le Premier ministre, qui s'est rendu au Parlement dans la matinée, s'est réuni avec le président de la Chambre pour discuter des moyens de relancer simultanément l'exécutif et le législatif.
Pour l'instant, le dossier des déchets reste l'entrave directe au redémarrage du cabinet. Selon les informations de l'agence al-Markaziya, des députés du Hezbollah et d'Amal représentant la Békaa se sont réunis au siège du Parlement, loin des feux de la rampe, afin d'examiner le dossier d'un site potentiel de décharge dans la Békaa-Nord. Une source parlementaire du Parti socialiste progressiste a confié à L'OLJ qu'il faut encore « attendre quelques jours pour une solution », c'est-à-dire pour qu'aboutissent les concertations actuelles pour une relance simultanée de l'exécutif et du législatif.
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18 h 33, le 21 octobre 2015